Nous vous présentons deux textes qui abordent quelques idées pédagogiques. Lisez-les et tentez de deviner en quelle année ces textes furent écrits. « Des mots-clefs étaient associés aux grands principes de la réforme scolaire. [...] Avant XXXX, les règles d’orthographe et de grammaire étaient dictées ou écrites au tableau et apprises par coeur conformément aux méthodes d’apprentissage intensif. Après la réforme, ce type d’apprentissage (drill) fut abandonné et on encouragea les enfants à découvrir par eux-mêmes ces règles. Les travaux de rédaction étaient d’abord exécutés librement, sans qu’on accordât une importance particulière à l’orthographe ou la grammaire. Ce n’est qu’après l’acquisition d’une certaine facilité dans l’expression écrite qu’on introduisait la grammaire et l’orthographe correctes dans le texte écrit par l’élève.» « L’étudiant est différent d’un autre par rapport : à ses intérêts, à ses préoccupations, à son rythme, à son style cognitif, à ses talents. […] Il sera donc important pour l’éducateur de favoriser des situations d’apprentissage assez larges pour permettre de respecter ces différences. […] Les étudiants doivent avoir la possibilité de choisir entre plusieurs activités pour répondre à leurs intérêts et à leurs préoccupations. […] Ces activités doivent favoriser l’intégration des différents champs disciplinaires et permettre à l’étudiant de jouer un rôle actif. » En quelle année ces textes furent-ils écrits? En 1990? En 2010? S’agit-il de « Nouvelles pédagogies du 21e siècle »? Le premier spécimen réfère à la pédagogie de Wittgenstein en 1920 (Bartley, 1978), il y a un siècle, et le deuxième spécimen a été écrit par Paquette (1979), il y a quarante ans. Le premier extrait s’inscrit dans le courant des « Nouvelles pédagogies », tandis que le deuxième extrait représente certaines des orientations de la Pédagogie ouverte, telles que formulées par Claude Paquette. Il faut savoir que la Pédagogie ouverte est un des sous-courants issus des Nouvelles pédagogies bourgeonnant il y a un siècle. De toute évidence, sous le vocable d’innovations pédagogiques, il est possible de retrouver des idées pédagogiques faussement « nouvelles ». Comme le souligne à juste titre Tricot (2017) : « On a parfois tendance à nous présenter comme “innovantes” des pédagogies qui relèvent du pur recyclage » (p. 162). Dans le cas de la Pédagogie ouverte, encore populaire au Québec, faut-il rappeler les résultats du projet Follow Through? Cette étude quasi-expérimentale, la plus imposante réalisée auprès d’élèves provenant de milieux défavorisés, indique clairement que les élèves en Pédagogie ouverte sont affectés négativement, comparativement aux élèves des groupes contrôles, sur un ensemble de mesures incluant le rendement scolaire, le développement des habiletés de résolution de problème et l’estime de soi (Watkins, 1997). À cela s’ajoutent quatre méta-analyses ayant comparé les effets de la Pédagogie ouverte à l’enseignement régulier qui indiquent que cette pédagogie n’offre aucun avantage sur le rendement des élèves (Hattie, 2015). À la lecture de ce qui précède, vous vous demandez peut-être pourquoi de vieilles idées invalidées par la recherche reviennent à la surface ou pourquoi l’histoire de la pédagogie bégaie. Le manque de rigueur du monde scolaire peut expliquer le bégaiement malsain de la pédagogie. L’analyse de l’implantation des innovations pédagogiques donne une vue assez imprenable sur le peu de rigueur du monde scolaire. Dans ce monde, lorsqu’une innovation est choisie, est-ce que cette innovation a toujours été précédée d’une analyse critique des recherches expérimentales sur cette innovation avant de l’implanter? Presque jamais, que cela soit au niveau du personnel enseignant, de l’école, de la commission/conseil scolaire ou du ministère de l’Éducation. On semble préférer les croyances et les discours théorico-idéologiques de l’heure. Maintenant, une fois la décision prise d’appliquer l’innovation choisie, …
Parties annexes
Bibliographie
- Bartley III, W. W. (1978). Wittgenstein, une vie. Paris : Presses universitaires de France.
- Boyer, C. (1991). Bégaiement de la pédagogie au Québec. Vie pédagogique, (70), 42-45.
- Christodoulou, D. (2014). Seven myths about education. Londres : Routledge. http://dx.doi.org/10.4324/9781315797397
- De Bruyckere, P., Kirschner, P. A. et Hulshof, C. D. (2020). More urban myths about learning and education. New York, NY : Routledge.
- Hattie, J. (2015). The applicability of Visible Learning to higher education. Scholarship of Teaching and Learning in Psychology, 1(1), 79-91. http://dx.doi.org/10.1037/stl0000021
- Kirschner, P. A. et De Bruyckere, P. (2017). The myths of the digital native and the multitasker. Teaching and Teacher Education, 67, 135-142. http://dx.doi.org/10.1016/j.tate.2017.06.001
- Ministère de l’Éducation du Québec. (2000). Écoles ciblées. Rapport sur le suivi. Mai 1999-Juin 2000. Québec, QC : Gouvernement du Québec.
- Paquette, C. (1979). Quelques fondements d’une pédagogie ouverte. Québec français, (36), 20-21. Repéré à https://id.erudit.org/iderudit/51334ac
- Tricot, A. (2017). Mythes et réalités. L’innovation pédagogique. Paris : Éditions Retz.
- Watkins, C. L. (1997). Project Follow Through: a case study of contingencies influencing instructional practices of educational establishment. Cambridge, MA : Cambridge Center for Behavioral Studies.