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Au mois d’octobre 2021 avait lieu le colloque annuel du Réseau de recherche sur la francophonie canadienne (RRF) organisé par le Campus Saint-Jean de l’Université de l’Alberta. Ce rendez-vous incontournable a réuni des expertes et des experts, des chercheuses et des chercheurs ainsi que des actrices et des acteurs de terrain, toutes et tous animés par une même préoccupation : assurer la vitalité des communautés francophones à travers le Canada. Le thème central de ce colloque, intitulé « Bâtir des ponts entre les francophonies canadiennes », était une invitation à la réflexion sur des solutions durables pour soutenir et renforcer la solidarité entre les différentes communautés francophones. Cette rencontre visait également à mieux appréhender la réalité vécue sur le terrain, réalité qui s’est désagrégée au cours des dernières années pour plusieurs de ces communautés.
Les codirecteurs de ce numéro, Guillaume Durou, Valérie Lapointe-Gagnon et Richard LeBlanc, exposent en introduction le contexte de déclin des acquis réalisés par les communautés francophones au Canada ces dernières années, en mettant en évidence l’influence néfaste et persistante du néolibéralisme linguistique par les gouvernements provinciaux successifs. Leurs propos font d’ailleurs écho aux discussions tenues lors de la table ronde du colloque, et je suis ravie d’annoncer que les lectrices et les lecteurs de la revue ont ici accès à la transcription des moments clés de la discussion. Ce numéro offre ainsi une réflexion approfondie et présente un aperçu des perspectives variées exprimées par les intervenantes et les intervenants. Il constitue une plateforme stimulante, propre à susciter la discussion et la réflexion sur les défis que doivent relever les communautés francophones minoritaires et les occasions de s’épanouir qui s’offrent à elles.
Dans la continuité de ces discussions, ce numéro thématique de la revue rassemble trois articles qui mettent en évidence l’importance de l’identité francophone dans les communautés minoritaires et soulignent la nécessité de reconnaître les besoins spécifiques de ces communautés. En outre, chacun de ces articles vise à « bâtir des ponts » entre les diverses francophonies canadiennes, révélant ainsi que cette entreprise essentielle revêt des formes variées. Ces échanges peuvent prendre une dimension intergénérationnelle, comme le montre le cas des jeunes Fransaskoises et Fransaskois qui lancent des projets visant à préserver la transmission de leur langue et de leur culture. Ils peuvent également revêtir une dimension identitaire, comme celle qui est observée dans la communauté métisse, où la fierté métisse s’exprime à travers les liens familiaux et communautaires hérités du passé, ainsi que par la capacité à surmonter des obstacles, tels que le racisme, grâce à des liens familiaux solides, à la fois élargis (« kinship ») et immédiats. Enfin, il convient de mentionner les échanges qui se manifestent dans les pratiques linguistiques, en particulier ceux liés aux gestes performatifs lors de l’expression orale. Bien qu’il soit souvent admis que les francophones accompagnent davantage leurs paroles de gestes que les anglophones, il est surprenant de constater que les francophones bilingues utilisent autant de gestes que leurs homologues francophones unilingues, malgré l’ubiquité de l’anglais.
En plus des articles composant ce dossier thématique, le numéro 56 comprend deux articles hors thème. Le premier, rédigé par Ariane Brun del Re, offre une perspective indéniablement nouvelle sur l’oeuvre d’Éric Charlebois et représente, de manière plus globale, une avancée importante et originale dans le domaine de la poésie franco-ontarienne contemporaine. Cette étude approfondie propose une nouvelle perspective sur l’oeuvre peu étudiée d’Éric Charlebois en utilisant un cadre théorique inspiré des travaux de Bertrand Gervais sur les régimes de lecture. L’auteure analyse avec rigueur deux recueils de poésie de Charlebois, mettant en évidence les contrastes entre eux et révélant ainsi la complexité de son langage. Cette étude contribue de manière précieuse à la compréhension de cette oeuvre, qui présente des défis de lecture initiaux, mais qui se révèle finalement intelligible grâce à l’application de cette grille d’analyse. L’approche conceptuelle et la clarté de l’étude méritent d’être soulignées, car elles permettent de mieux appréhender une oeuvre caractérisée par son langage singulier.
Le deuxième article, rédigé par Nicole Nolette et Frédéric Giguère, met en lumière une recherche approfondie et pertinente sur l’utilisation du numérique dans la médiation culturelle des compagnies de théâtre francophones au Canada, en comparaison avec celles du Québec. L’étude présente les résultats d’une enquête quantitative et qualitative réalisée à l’été 2020, en utilisant des outils développés par le Laboratoire de recherche sur les publics de la culture de l’Université du Québec à Trois-Rivières. Cette recherche offre une perspective éclairante sur l’ampleur du virage numérique auquel ont procédé les compagnies de théâtre francophones et met en évidence les particularités de la médiation culturelle numérique dans les contextes minoritaires, en se focalisant sur des aspects clés, tels que le surtitrage et l’éducation artistique.
Le présent numéro est clôturé par la présence de trois comptes rendus de lecture, dont l’inclusion est attribuable aux efforts constants de notre collègue Julien Desrochers. Son engagement à solliciter des contributions de qualité témoigne de son dévouement envers la revue. Par ailleurs, il convient de souligner les multiples démarches entreprises par Cynthia Létourneau pour promouvoir activement la revue, notamment par la création et la diffusion d’une nouvelle infolettre ainsi que d’autres contenus sur les réseaux sociaux. Leur travail consciencieux a grandement contribué à accroître la visibilité et l’accessibilité de notre revue.
Je tiens à féliciter toutes les auteures et tous les auteurs de ce numéro et à les remercier pour leur professionnalisme. J’ai pris énormément de plaisir à travailler avec eux sur ces articles, qui sont tous aussi passionnants les uns que les autres. Enfin, mes plus sincères remerciements vont à la codirectrice et aux codirecteurs de ce numéro, Guillaume Durou, Valérie Lapointe-Gagnon et Richard LeBlanc, ainsi qu’au Réseau de la recherche sur la francophonie canadienne (RRF), pour leur collaboration exemplaire au cours des derniers mois.