Recensions

Lucie Hotte et Johanne Melançon (dir.), Robert Dickson : écrire en temps de paix relative, Sudbury, Éditions Prise de parole, 2019, 256 p., coll. « Agora »[Notice]

  • François Paré

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  • François Paré
    Université de Waterloo

Si l’apport remarquable de Robert Dickson (1944-2007) aux institutions culturelles franco-ontariennes a fait l’objet d’un certain nombre d’études au cours des années, son oeuvre poétique, marquée par la simplicité, est restée par ailleurs très peu commentée. Le présent recueil d’articles et de témoignages vise à combler cette lacune tout en recontextualisant une écriture poétique qui paraît moins préoccupée par les enjeux identitaires du moment que par des questions plus existentielles, tels l’amitié, l’enfance et le partage. Auteur de six volumes de poésie, de traductions littéraires et de quelques essais universitaires, l’écrivain et militant franco-ontarien a laissé une oeuvre éparse et difficile à situer dans le foisonnement littéraire qui a marqué le Nouvel-Ontario au cours des années 1970 et 1980. Dans leur brève introduction, Lucie Hotte et Johanne Melançon disent vouloir retracer le « parcours singulier » (p. 7) de cet écrivain, depuis son départ du village d’Erin dans le Sud-Ouest ontarien jusqu’à ses dernières années à l’Université Laurentienne où il était professeur de littérature et de traduction. Ayant pour objectif la mise en valeur d’une oeuvre « restée dans l’ombre » (p. 8), le présent recueil collectif comprend six études universitaires et trois témoignages d’amitié de Claudine Moïse, de Jean-Marc Larivière et de Jean Marc Dalpé, glanés dans des publications antérieures. Dans une entrée en matière où elle fait appel à la notion très utile de capital symbolique, Lucie Hotte s’intéresse en premier lieu aux éléments biographiques qui fondent l’engagement soutenu de Robert Dickson envers sa langue et sa culture d’adoption. De langue maternelle anglaise, Dickson adopte effectivement le français comme langue d’identité et d’écriture pendant ses études universitaires au Québec. Suivent quelques pages fort intéressantes sur la réception, par ailleurs assez timide, des écrits de Dickson. Chacun des recueils publiés attire peu l’attention des critiques et des médias en dépit de l’attribution du Prix du gouverneur général du Canada en 2002 pour Humains paysages en temps de paix relative. Hotte se demande si cette réception modeste est attribuable aux thèmes intimistes qui, privilégiés par le poète, auraient été en porte-à-faux avec une production littéraire où prédominaient les questions d’identité. Cette explication, certes plausible, ne peut toutefois suffire au moment de faire le bilan de l’oeuvre, comme Hotte le suggère d’ailleurs en filigrane. En effet, il est indéniable que l’écriture de Dickson, empreinte d’humilité, a été vue et comprise par ses contemporains comme une activité accessoire et épisodique qui ne parvenait guère à transcender, par la faible densité de ses thématiques, la notoriété qu’il avait acquise en tant qu’animateur culturel et éditeur. L’important capital symbolique issu de sa société d’adoption a donc fini par obturer toute chance de consécration littéraire. Outre cette première analyse, le recueil comporte quatre études plutôt convergentes portant sur les dimensions éthiques et écopoétiques des textes de Dickson, de même qu’un article remarquable de Catherine Leclerc sur l’hétérolinguisme et les « résonances franco-ontariennes » dans la version de Frog Moon, roman de Lola Lemire Tostevin, que Dickson traduit en français sous le titre de Kaki en 1997. Ces études font toutes état de l’écrivain qui, « ouvrier des mots » (Melançon), façonne dans sa langue d’adoption une poésie simple et limpide, un lyrisme de l’ordinaire « au service de la sollicitude » (Delic). En effet, comme en un écho à l’engagement communautaire, l’écriture poétique de Dickson répond, selon Louis Bélanger, à un désir de bonté et de camaraderie : « [L]es six recueils de Robert Dickson baignent dans une ambiance de solidarité marquée par la convivialité, le partage et les bonheurs familiers » (p. 91-92). À cette recherche d’une communion fraternelle avec les autres …

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