Volume 14, numéro 1-2, 2020–2021 La formation des cadres religieux musulmans en Europe Sous la direction de Sylvie Toscer-Angot, Philippe Gaudin et Renaud Rochette Penser la solidarité : un défi à relever dans l’urgence Sous la direction de Tristan Boursier et Mathilde Duclos
Sommaire (16 articles)
La formation des cadres religieux musulmans en Europe
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Introduction. La formation des cadres religieux musulmans en Europe
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Les « hommes de religion » sunnites et l’autorité politique. Une subordination à géométrie variable dans le monde arabe contemporain
Dominique Avon
p. 1–22
RésuméFR :
La parole prescriptive au nom de l’islam est incarnée par un corps d’oulémas. Leurs fonctions historiques, centrées sur l’enseignement et la justice, ont été remises en question à partir du xixe siècle. Au sein des États modernes, nés d’un processus de décolonisation ou non, ces hommes de religion ont été placés dans une situation de dépendance accrue à l’égard des autorités politiques, légitimées religieusement. Néanmoins, le statut de subordination n’a pas été synonyme de soumission, notamment dans les domaines de l’éducation, de la culture et de normes juridiques où l’influence des oulémas s’est renforcée depuis les années 1960. La multiplication des structures d’encadrement étatiques témoigne d’un rapport de forces en perpétuelle évolution avec les autorités religieuses instituées et de la volonté d’étouffer celles qui ont contesté les pouvoirs établis. La crise en cours ne concerne pas seulement les États à référence islamique, elle a des échos partout où ceux-ci estiment devoir prendre en charge des communautés de musulmans.
EN :
The prescriptive speech in the name of Islam is established by a group composed by the ulamas. From the 19th century, their historical work, mainly based on teaching and delivering justice, has been challenged. Within the modern States, whether they were colonized or not, those men of religion became more and more dependant from political authorities to which they gave a religious legitimacy. However, their situation of subordination didn’t mean a submission, especially in the fields of education, culture or juridical norms where their influence grew up since the sixties. The proliferation of state oversight bodies is a proof of a power balance with the official religious authorities and of a willingness to stifle the ulamas who contend the established power. The current crisis is not only an issue for States with Islamic reference, it as consequences wherever they intent to control communities of Muslims.
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Perspective historique de la formation des cadres religieux musulmans en France coloniale
Pierre Vermeren
p. 24–45
RésuméFR :
Une formation des cadres islamiques a été conçue par la France coloniale en Algérie au milieu du XIXe siècle. Cette politique islamique s’étend aux colonies musulmanes d’Afrique. Après avoir appliqué en Algérie les lois révolutionnaires envers les religions, l’Algérie s’est retrouvée face à un vide. C’est pourquoi la IIe République a inventé, formé dans des médersas, et rémunéré une sorte de clergé musulman semi-fonctionnarisé qui a dirigé les mosquées d’Algérie pendant plus d’un siècle. La « politique indigène » française a permis de contrôler l’islam et les musulmans d’Algérie, puis du Sahel. Elle est capitale et comporte d’autres volets, comme la tutelle sur les confréries islamiques. Cette politique a échappé à la laïcité, même après 1905. Les musulmans réformistes de l’Islah, que la France a laissé prospérer après 1931, ont réclamé en vain l’application de la laïcité à l’islam algérien. Mais les États-nations indépendants ont repris ces politiques à leur compte.
EN :
A training of Islamic cadres was invented by the colonial France in Algeria in the middle of the 19th century. This Islamic policy extends to the Muslim colonies of Africa. After applying the revolutionary laws against religions in Algeria, Algeria found itself faced with a void. This is why the Second Republic invented, trained in medersas, and remunerated a kind of semi-official Muslim clergy who ruled the mosques of Algeria for more than a century. The French “indigenous policy” made it possible to control Islam and the Muslims of Algeria, then of the Sahel. It is capital and includes other aspects, such as the supervision of the Islamic brotherhoods. This policy escaped secularism even after 1905. The reformist Muslims of Islah, whom France allowed to flourish after 1931, unsuccessfully demanded the application of secularism to Algerian Islam. But independent nation states have taken over these policies.
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La question de la formation des cadres musulmans comme politique publique en France. Le cas des diplômes universitaires (DU) de formation civile et civique
Philippe Gaudin
p. 46–63
RésuméFR :
En 2007 est créé le premier Diplôme Universitaire (DU) de « formation civile et civique », ouvert à tous, mais conçu particulièrement à destination des cadres religieux musulmans. Ces cadres peuvent être appelés à exercer des fonctions d’aumôniers dans les armées, les prisons et les hôpitaux. C’est en 2017 qu’il est rendu obligatoire pour les futurs aumôniers voulant être rémunérés. Dans quelle situation se trouvait cette politique publique d’éducation en 2017, quelles étaient ses difficultés ? Le volume horaire minimal est de 125 heures et l’enseignement porte sur trois grands domaines : institutions de la République et laïcité, grands principes du droit des cultes, sciences humaines et sociales des religions. En 2017, 34 % des effectifs totaux sont des cadres religieux musulmans et 20% d’entre eux sont détachés depuis l’Algérie. Intégration et prévention de la radicalisation sont les objectifs affichés par le ministère de l’Intérieur. Les difficultés rencontrées sont d’ordre technique pour trouver des horaires adaptés, d’ordre pédagogique en raison des disparités de niveau des étudiants et d’ordre politique vis-à-vis des autres cultes qui ne se sentent pas concernés. Après un temps de réticence des universités publiques, le développement de ces DU est toutefois un succès sans lequel des personnes de convictions et de conditions différentes n’auraient pas eu l’occasion de se rencontrer.
EN :
In 2007, the first University Diploma (DU) in "civil and civic training" was created, open to all, but designed specifically for Muslim religious leaders. These leaders may be called upon to perform the duties of chaplains in the armed forces, prisons and hospitals. In 2017, it was made compulsory for future chaplains who wanted to be paid. What was the situation of this public education policy in 2017, what were its difficulties? The minimum hourly volume is 125 hours and the teaching covers three main areas: institutions of the Republic and secularism, major principles of religious law, and the human and social sciences of religions. In 2017, 34% of the total number of students were Muslim religious leaders and 20% of them were seconded from Algeria. Integration and prevention of radicalisation are the stated objectives of the Ministry of the Interior. The difficulties encountered are technical in terms of finding suitable timetables, pedagogical in terms of the disparity in the level of students and political in terms of other religions which do not feel concerned. After a period of reluctance on the part of public universities, the development of these DUs is nevertheless a success, without which people of different convictions and conditions would not have had the opportunity to meet.
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Former des spécialistes en sciences humaines et sociales de l’islam ou des imams ? Les projets et réalisations de l’université de Strasbourg
Francis Messner
p. 64–84
RésuméFR :
L’Université de Strasbourg est pour des raisons historiques un des pôles de compétence le plus original et le plus important de France en sciences humaines et sociales des religions et en théologie universitaire. Son engagement pour le développement de ces disciplines par l’enseignement et une recherche de qualité sur une longue période a facilité en son sein la création d’un département inter facultaire d’islamologie membre fondateur du Groupement d’intérêt public/GIP à caractère national intitulé Institut français d’islamologie.
EN :
The University of Strasbourg is, for historical reasons, one of the most original and important center of competence in France in the humanities and social sciences of religions and in university theology. Its commitment to the development of these disciplines through teaching and quality research over a long period has facilitated the creation of an inter-faculty department of Islamology, a founding member of the national public interest group/GIP entitled Institut français d’islamologie.
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Orientations et leçons d’un quart de siècle de tentatives de formation universitaire des ministres du culte musulman en France
Cédric Baylocq S.
p. 85–117
RésuméFR :
Le principe de laïcité interdisant à l’État de se mêler directement du contenu de la formation des ministres du culte, divers acteurs, universitaires ou hauts fonctionnaires principalement, réfléchissent depuis désormais près d’un quart de siècle aux possibilités d’une offre de formation profane à destination des imams ou aumôniers, en complément de leur formation religieuse, souvent reçue à l’étranger ou dans des instituts privés musulmans installés plus récemment sur le territoire français. Le présent article se concentre sur les cinq principales propositions de formation à caractère universitaire des imams et aumôniers musulmans qui ont été proposé ces vingt dernières années. Il en explique la genèse et en restitue le contenu dans une perspective critique, d’où ressort de grande difficulté à faire naître une formation nationale, mais tout de même une progression dans les efforts d’offre de formation et les contenus ces dernières années, qui compose avec circonspection entre sciences islamiques traditionnelles, théologie musulmane et islamologie universitaire, sous le regard attentif des pouvoir publics.
EN :
Since French laïcité forbids the State to interfere directly with the content of religious training programs, various actors, mainly academics or senior civil servants, have been reflecting for nearly a quarter of a century on the possibilities of offering secular training capacities to imams or chaplains, in addition to their religious training, often received abroad or in private Muslim institutes established more recently on French territory. This article focuses on the five main proposals for university-based training for imams and Muslim chaplains released over the last twenty years. It explains their genesis and restores their contents in a critical perspective, from which emerges a great difficulty in giving birth to a national training program. Nevertheless a progression could be noticed these last years, which carefully composes with traditional Islamic sciences, Muslim theology and Academic Islamic studies, under the attentive look of public authorities.
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A Belgian Imam Training: Mission Impossible?
Leni Franken
p. 118–137
RésuméEN :
Over the past decades, the number of (practicing) Muslims increased visibly in Belgium, but present Church-State regulations are not adequately adapted to accommodate the diversity of Muslim communities. This has also repercussions for the training of imams. In this contribution, I will briefly sketch the state of the art of this training in Belgium. In order to do so, I will start with an elaboration of Church-State relations in Belgium, where Islam has been one of the seven recognized religions since 1974. Subsequently, attention will be given to the local recognition of mosques and to recent changes on this matter. Furthermore, I will focus on the recent attempt to establish a ‘Belgian’ imam-training and on the reasons for its failure. Finally, some recommendations for improvement will be made.
FR :
Depuis plusieurs décennies, le nombre de musulmans (pratiquants) a considérablement augmenté en Belgique, mais la législation sur les cultes ne permet pas de prendre en compte la diversité des communautés musulmanes. Cela a aussi des effets sur la formation des imams. Dans cet article, je tracerai à grand traits l’état de cette formation en Belgique. Pour cela, je commencerai par des remarques sur les rapports entre Églises et État en Belgique, où l’islam est une des sept religions reconnues depuis 1974. Ensuite, je m’intéresserai à la reconnaissance des mosquées au niveau local et aux évolutions récentes en la matière. Après cela, je me concentrerai sur les tentatives récentes pour créer une formation « belge » des imams, et les raisons de leur échec. Enfin, je ferai quelques recommandations pour améliorer la situation.
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La formation des cadres musulmans en Suisse : d’un casse-tête à l’autre ?
Andrea Rota
p. 138–159
RésuméFR :
Cette contribution explore la tension entre stagnation et innovation dans le domaine de la formation de cadres religieux et associatifs musulmans en Suisse depuis le tournant du nouveau millénaire. Dans un premier temps, elle offre une présentation synthétique de la place de l’islam dans le paysage religieux helvétique et discute quelques jalons des débats récents sur la formation des cadres musulmans. Ensuite, elle se penche sur les interactions complexes que cette thématique suscite entre différents systèmes sociaux : les médias, la politique, la formation, le droit, l’économie et la religion. Dans ce sens, l’article invite à considérer la formation des cadres musulmans comme une réalité qui s’approche d’un fait social total.
EN :
This article explores the tension between stagnation and innovation in the development of training programs for imams and Muslim association leaders in Switzerland since the turn of the new millennium. It first proposes a sociodemographic overview of the place of Islam in the Swiss religious landscape and discusses some milestones of the recent debates on imam training programs. Thereafter, it examines the complex interactions that this topic prompts among actors in different social systems: the media, politics, education, law, economy, and religion. The article proposes to consider the training of imams and Muslim association leaders as a social reality akin to a “total social fact.”
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Quelle formation pour quels imams ? La formation des cadres religieux musulmans en Espagne
Jordi Moreras
p. 160–182
RésuméFR :
Évoquer la question de la formation des imams en Espagne, c’est revenir sur un problème qui n’a pas encore été résolu. Devenus des sujets d’interrogation, voire de suspicion, la figure des imams a évolué au cours des dernières décennies, passant du portrait d’une personne « mal intégrée » dans la société espagnole à celui d’un agent actif dans les processus de radicalisation des populations musulmanes. Les initiatives de formation des imams proposées par les universités espagnoles se sont principalement attachées à offrir une formation basée sur le système juridique espagnol en matière de liberté religieuse, sur certains aspects de l’histoire du pays et sur des cours de sociologie religieuse en Espagne. Presque aucun sujet sur la doctrine islamique n’est introduit. Des propositions plus récentes recentrent la formation sur des aspects plus spécifiques de l’assistance religieuse, comme les professeurs de religion islamique, ouvrant la voie à une accréditation professionnelle et soulevant quelques défis pour l’avenir.
EN :
To discuss the training of imams in Spain is to return to a problem that has not yet been resolved. Imams have become subjects of questioning and even suspicion, and they have evolved over the last few decades from being 'poorly integrated' into Spanish society to becoming an active agent in the radicalisation of Muslim populations. The training initiatives for imams offered by Spanish universities have mainly focused on providing training based on the Spanish legal system on religious freedom, on some aspects of the country's history and on sessions on religious sociology in Spain. Almost no topics on Islamic doctrine are introduced. More recent proposals refocus training on more specific aspects of religious assistance, such as teachers of Islamic religion, paving the way for professional accreditation. This text reviews these proposals in general and raises some challenges for the future.
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La formation des professeurs de religion islamique et des imams en Allemagne : enjeux, défis et perspectives
Sylvie Toscer-Angot
p. 183–201
RésuméFR :
Des années 1970 à la fin des années 1990, la plupart des Länder ont délégué l’enseignement religieux islamique dans les écoles publiques à l’État turc par le biais de la Direction des affaires religieuses de l’Etat turc (Diyanet). Depuis le tournant du XXIe siècle, la question de la formation des professeurs de religion islamique et des imams est au coeur des débats politiques en Allemagne. Si, malgré les obstacles à surmonter, la formation universitaire des enseignants, souhaitée par l’ensemble des acteurs politiques allemands, est désormais assurée dans sept universités, il semble que la formation des imams soit moins évidente à mettre en place. La fonction d’imam fait en effet l’objet de profondes mutations en contexte migratoire et les attentes des autorités étatiques vis-à-vis des imams évoluent également au fil du temps. L’objet de cette contribution est de mettre en évidence les enjeux et les défis de ces formations, ainsi que les difficultés rencontrées.
EN :
From the 1970s to the end of the 1990s, most federal states (Länder) delegated Islamic religious education in German public schools to the Turkish state through the Turkish Directorate for Religious Affairs (Diyanet). Since the turn of the 21st century, the training of Teachers for Islamic Education and imams has been on the political agenda in Germany. Teachers' academic training for Islamic Education was supported by all political actors in Germany and is now provided in seven universities despite many hurdles to overcome. However, it seems that the training of imams is a more complicated issue. The function of imam has been subject to significant changes in the context of migration and the expectations of state authorities towards imams evolve over time. This paper aims at highlighting challenges and difficulties these trainings are facing.
Penser la solidarité : un défi à relever dans l’urgence
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Introduction. Penser la solidarité : un défi à relever dans l’urgence
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Solidarity as Acknowledged Dependence
Philip Schwarz
p. 202–222
RésuméEN :
In the light of a virtue-ethical turn in the ethics of public health, I discuss the call for solidarity in the pandemic. I develop a reading of Alasdair MacIntyre’s concept of Acknowledged Dependence to provide a basis for a virtue-ethical account of solidarity. Virtues enable correct responses to characteristic experiences of a human life. Solidarity and compassion correspond to the experience of mutual dependence in a way that is conducive to the common good. Compliance with precautions against the pandemic can be understood as exercises of uncalculating giving in the context of a community in which everyone owes this uncalculating giving to everyone else and, in this sense, acts of solidarity.
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La solidarité agonistique comme « mesure » de résonance : penser l’engagement démocratique avec Hannah Arendt et Hartmut Rosa
Milan Bernard et Pascale Devette
p. 223–250
RésuméFR :
Cet article souhaite proposer de compléter et dynamiser la solidarité, par une démarche de politisation de la notion, dont la conception traditionnelle et dominante d’origine « juridico-sociale » semble avoir atteint la limite de son « efficacité ». Prenant comme point de départ les propositions d’Hartmut Rosa sur la résonance, nous approcherons la solidarité, au travers des concepts d’action et de récit chez Hannah Arendt, dans la recherche d’une mesure difficile, instable et précaire entre des exigences différentes et parfois conflictuelles. Cette conception de la solidarité se fonde sur une idée radicalement plurielle de la communauté politique et de l’engagement démocratique. Sans prétention à l’homogénéité, cette vision politique de la solidarité se décline comme possibilité d’entrer en contact et d’agir de concert avec des personnes différentes de soi, donc à faire l’expérience concrète de l’altérité dans un objectif partagé en commun.
EN :
This article proposes to politicize the notion of solidarity, which, under its traditional and dominant “socio-legal” conception has seemed to reach the limit of its “effectiveness”, or even entered a state of crisis. Starting from Hartmut Rosa’s ideas on resonance and through Hannah Arendt’s concepts of action and story, we will analyse solidarity, in the search for a difficult, unstable, and precarious measure between different and sometimes conflicting demands. This conception of solidarity is based on a radically plural idea of political community and democratic commitment. Without pretending to be homogeneous, this political vision of solidarity is understood as the possibility to enter in contact and to act collectively with people that are different, therefore experiencing the otherness with a common and shared objective.
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La solidarité totale. Avenir cosmopolitique de la solidarité et solidarisme écologique
Quentin Messerschmidt-Mariet
p. 251–268
RésuméFR :
La réduction de la solidarité à des domaines dédiés, comme les politiques sociales ou la charité, empêche de bien saisir la richesse de la théorie solidariste établie par Léon Bourgeois à la fin du XIXe siècle. Pourtant, le solidarisme portait déjà en germe une vision écologique, une « solidarité cosmique », qui ne peut qu’aider à mieux répondre à la crise environnementale actuelle. En mobilisant une vision de la doctrine cosmopolitique, cet article cherche à montrer en quoi les outils du solidarisme, comme la loi de l’interdépendance réciproque, la dette sociale et le quasi-contrat, peuvent s’actualiser pour fonder un solidarisme écologique et une solidarité totale.
EN :
The reduction of solidarity to dedicated areas, such as social policies or charity, makes it impossible to grasp the richness of the solidarist theory established by Léon Bourgeois at the end of the nineteenth century. However, solidarism already had an incipient ecological vision, a "cosmic solidarity", which can only help to better respond to the current environmental crisis. By mobilizing a vision of cosmopolitical doctrine, this article seeks to show how the tools of solidarism, such as the law of reciprocal interdependence, social debt and quasi-contract, can be actualized to found an ecological solidarism and a total solidarity.
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No solidarity without liberty. Why is it so tricky to comprehend solidarity as a political ideal?
Tristan Boursier
p. 269–298
RésuméEN :
It seems complicated for contemporary literature in political science to use the concept of solidarity with a normative intention at the state level. If the concept experienced a boom in Europe at the end of the 19th century, it is supplanted today by other terms such as justice or the welfare state. In this article, I explore the following hypothesis: it is difficult to use the concept of solidarity because it conflicts with individual liberty, which is the cause of a specifically liberal caution concerning this concept. Contemporary liberal thinkers would prefer to ignore solidarity as a value because it has several characteristics that cause tension. I will mainly dwell on the binding dimension of solidarity and its relation to the centrality of individual liberty in liberalism.
FR :
Il semble compliqué pour la littérature contemporaine en science politique d'utiliser le concept de solidarité avec une intention normative au niveau de l'État. Si le concept a connu un essor en Europe à la fin du 19ème siècle, il est aujourd'hui supplanté par d'autres termes tels que la justice ou l'État providence. Dans cet article, j'explore l'hypothèse suivante : il est difficile d'utiliser le concept de solidarité parce qu'il entre en conflit avec la liberté individuelle, ce qui est à l'origine d'une prudence spécifiquement libérale à l'égard de ce concept. Les penseurs libéraux contemporains préféreraient ignorer la solidarité en tant que valeur parce qu'elle présente plusieurs caractéristiques qui provoquent des tensions. Je m'attarderai principalement sur la dimension contraignante de la solidarité et sur sa relation avec la centralité de la liberté individuelle dans le libéralisme.
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Le revenu universel jugé à l’aune de la solidarité radicale de Paulo Freire et bell hooks
Mathilde Duclos
p. 299–321
RésuméFR :
Cet article retrace les caractéristiques de la solidarité radicale exposées dans les deux ouvrages majeurs des pédagogues critiques Paulo Freire et bell hooks, Pédagogie des opprimés et De la marge au centre : théorie féministe. Ces auteurs livrent une version très politique de la solidarité : inscrite dans un contexte de lutte sociale, elle correspond aux liens qui se tissent entre les personnes engagées pour l’« humanisation ». Précisant ainsi un horizon d’émancipation précieux que l’on pourrait estimer aujourd’hui perdu de vue, Freire et hooks notent que ceux qui s’y reconnaîtraient ont à charge de créer les conditions d’un dialogue sincère entre les personnes – opprimées et alliées – unies dans ce combat. En dessinant les contours de cette solidarité radicale, je dispose d’un horizon normatif critique à l’aune duquel juger mon objet de recherche, le revenu universel. J’en conclus que radicaliser cette forme de solidarité nécessiterait notamment de la repolitiser en assumant clairement sa fonction émancipatrice aux niveaux individuels et collectifs.
EN :
This article traces the characteristics of radical solidarity as outlined in the two major works of critical pedagogues Paulo Freire and bell hooks, "Pedagogy of the Oppressed" and " Feminist Theory: From Margin to Center." These authors present a highly political version of solidarity: situated within a context of social struggle, it corresponds to the bonds forged among individuals committed to "humanization." Clarifying a precious horizon of emancipation that may be considered lost in today's context, Freire and hooks note that those who identify with it are tasked with creating conditions for genuine dialogue among individuals—both the oppressed and their allies—united in this struggle. By delineating the contours of this radical solidarity, I establish a critical normative framework against which to assess my research subject, universal basic income. I conclude that radicalizing this form of solidarity would require, among other things, re-politicizing it by clearly acknowledging its emancipatory function at both individual and collective levels.