Faire littérature hors du livre : déplacement des pratiques et formes expérientielles nouvelles Creating Literature Beyond the Book : Shifting Practices and New Experiential Forms

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Couverture de Arts littéraires et reterritorialisations textuelles, Volume 53, numéro 3, 2024, p. 7-188, Études littéraires

Lire un livre : l’expression est commune mais se révèle – quand on prend le temps d’y penser – le plus souvent fautive, ou biaisée, pour les personnes sensibles à la question de la littérature. C’est bien une oeuvre que l’on parcourt, c’est bien de littérature dont il est question, mais il se fait que l’on ne s’intéresse pas tant, stricto sensu, à un artefact matériel, commercial qui plus est, servant de véhicule contingent pour que la littérature rejoigne ses publics. Lire un livre est en ce sens une métonymie dérangeante, car elle réifie la littérature inutilement – les oeuvres n’existent-elles pas déjà par elles-mêmes ? Que les livres soient gérés par les libraires et les bibliothécaires, et les moutons seront bien gardés. La posture est caricaturale, mais symptomatique d’une conception souvent idéaliste ou éthérée de la littérature, dont les dimensions esthétique et philosophique n’auraient que peu à voir avec l’incarnation matérielle des oeuvres. Une telle dichotomie a été renforcée, au courant du xxe siècle, par un refus assez large d’assumer la marchandisation croissante du livre littéraire, entre l’industrie éditoriale galopante et la course à la reconnaissance par les prix littéraires. Sa standardisation, et plus spécifiquement la banalisation du codex (que certains attribuent au livre de poche, notamment), l’absence d’une véritable recherche graphique pour chaque manuscrit et le souhait de se réapproprier cette matérialité du livre ont néanmoins produit des réactions vives, non concertées mais convergentes. En effet, depuis un quart de siècle, l’évolution des pratiques éditoriales a connu un virage assez symboliquement chargé – qui n’est pas totalement inédit, puisqu’il s’appuie sur diverses manifestations d’intérêt, de la part de sous-ensembles variés d’actrices et d’acteurs pour les possibles de la forme livresque : les poètes sont sensibles à l’espace (et aux blancs) de la page ; les artistes contre-culturels ont rivalisé d’inventivité pour secouer le modèle normatif du livre ; les spécialistes de génétique textuelle ont scruté les marges de manuscrits ; les collaborations art / littérature ont donné naissance à diverses propositions de livres d’artiste ; et certains éditeurs et éditrices apparaissent friands d’explorations typographiques, de mises en page déroutantes ou de jeux plus ou moins sérieux et poussés réalisés avec le matériel textuel (ou paratextuel). Cet intérêt a également été perceptible dans les dernières décennies au sein des discours critiques : dans les travaux fondateurs de Roger Chartier sur l’histoire du livre, par les réflexions séminales d’Emmanuël Souchier et Yves Jeanneret (sur l’énonciation éditoriale, en premier lieu), autant que par l’examen des esthétiques du livre (voir par exemple les ouvrages dirigés par Alain Milon et Marc Perelman) – toutes manifestations témoignant de cette sensibilité persistante au support et au médium du livre édité. Les signaux singuliers plus étroitement associés au dernier quart de siècle s’appuient et renforcent ces incursions éparses sensibles à l’incarnation matérielle des oeuvres, alors qu’étrangement il était de bon ton de prédire, au même moment, la mort du livre en raison de la montée des plateformes (et des livres) numériques. Participant d’un material turn ravivant la prise en main de la production des objets-livres, l’intérêt avéré pour les supports de la littérature en période contemporaine ouvre amplement le champ des possibilités médiatiques et, ce faisant, des modalités d’expression pensées en dehors de la seule forme du codex. Le large champ de l’histoire du livre ramène constamment à l’avant-plan la dimension matérielle du livre, qui intervient avec force dans la trajectoire des contenus culturels diffusés. Cette perspective tant historique que critique martèle avec justesse le caractère non trivial du support dans la circulation du savoir et des productions culturelles : « The history of …

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