Résumés
Mots-clés :
- spectacles,
- dix-neuvième siècle,
- publics,
- auteurs,
- spectateurs,
- rencontres
Keywords:
- shows,
- nineteenth century,
- audiences,
- authors,
- spectators,
- encounters
Corps de l’article
Présentation
Parmi les questions analysées par l’ouvrage de Pierre Frantz, L’Esthétique du tableau dans le théâtre du xviiie siècle, figure la complexe mise en pratique de la théorie du « quatrième mur[1] » dans laquelle Diderot conseille notamment aux comédiens ceci : « Soit […] que vous composiez, soit que vous jouiez, ne pensez non plus au spectateur que s’il n’existait pas. Imaginez sur le bord du théâtre un grand mur qui vous sépare du parterre. Jouez comme si la toile ne se levait pas[2]. » Diderot actualise les analyses menées au siècle précédent par l’abbé D’Aubignac, axées sur la notion de « vraisemblance » :
[Q]uand [le poète] considère en sa tragédie l’histoire véritable ou qu’il suppose être véritable, […] il n’a point d’autre guide que la vraisemblance, et rejette tout ce qui n’en porte point les caractères. Il fait tout comme s’il n’y avait point de spectateurs, c’est-à-dire tous les personnages doivent agir et parler comme s’ils étaient véritablement roi, et non pas comme étant Bellerose ou Mondory[3], comme s’ils étaient dans le palais d’Horace à Rome, et non pas dans l’Hôtel de Bourgogne à Paris, et comme si personne ne les voyait et ne les entendait que ceux qui sont sur le théâtre agissants et comme dans le lieu représenté. Et par cette règle ils disent souvent qu’ils sont seuls, que personne ne les voit, ni ne les entend, et qu’ils ne doivent point craindre d’être interrompus en leur entretien, troublés en leur solitude, découverts en leurs actions et empêchés en leurs desseins ; encore que tout cela se fasse et se dise en la présence de deux mille personnes, parce qu’on suit en cela la nature de l’action comme véritable, où les spectateurs de la représentation n’étaient pas. Ce qui doit être tellement observé que tout ce qui paraît affecté en faveur des spectateurs est vicieux[4].
Toutefois, « le point de vue [des poétiques classiques] est plus celui du texte que celui de l’image ou de la représentation […]. Il s’agit même d’éviter à tout prix de mêler à la réflexion poétique des considérations qui tiennent à la représentation[5] » ; la pensée diderotienne du « quatrième mur »
propose une rupture avec le jeu dramatique artificiel des Comédiens-Français qui, loin de dénier la présence du public, paraissaient toujours s’adresser à lui. Mais la portée de cette remarque est plus large ; elle semble viser d’abord les apartés, et aussi ce type de jeu, essentiel chez les comédiens italiens et chez les acteurs des théâtres forains, fondé sur une connivence complice avec le public, clins d’oeil, lazzis, discours et jeux explicitement tournés vers la salle, allusions et détournements du texte par les comédiens, complices alors du public contre les auteurs[6].
Au XIXe siècle en France, le mode « participatif » adopté par le public se trouve renforcé par la création de genres, de formes et de pratiques spectaculaires plus ou moins ouverts aux échanges avec la salle ; par l’apparition d’usages propres à l’institution théâtrale, tels les débuts de comédiens, décisifs pour la suite de leur carrière (voir l’article de Virginie Yvernault dans le présent dossier) ; par l’actualisation de certaines écritures scéniques (voir l’article de Barbara T. Cooper et celui de Marianne Bouchardon) ; ou encore par un contexte poussant des spectateurs et des acteurs à la contestation face à une gestion des spectacles de moins en moins tolérée au fil des évolutions sociopolitiques du siècle : une censure plus ou moins active selon les régimes est instaurée par d’autocratiques décrets napoléoniens en juin 1806[7] et disparaît graduellement durant l’année 1906.
Comme autant d’ébranlements imprimés à plusieurs avatars du pouvoir politique, certaines des rencontres entre scènes et salles françaises durant cet exact centenaire apportent par là-même quelque nuance à l’opinion brechtienne d’un théâtre français du XIXe siècle irrémédiablement « bourgeois[8] », inaccessible à la « distanciation[9] » et à toute politisation[10], élaboré pour un public passivement indulgent et acritique. Comme le public, certains interprètes sont réputés pour leur manière de chahuter la convention (voir l’exemple du comédien Bocage, sur qui porte l’article d’Olivier Bara dans le présent dossier).
La notion de public(s) et le concept de réception[11] ont été théorisés au XIXe siècle notamment par Victor Hugo, avec la fameuse théorie des trois publics qu’il développe dans la Préface de Ruy Blas[12]. Un siècle plus tard, la synthèse de Maurice Descotes, Le Public de théâtre et son histoire[13], étudie plusieurs genres théâtraux français et leurs publics, qu’il ressaisit dans le contexte social, culturel et politique de leur constitution entre les XVIe et XIXe siècles. Dans son sillage, depuis l’aube du XXIe siècle en France, nombreux sont les champs de recherches en arts de la scène, en histoire culturelle et en littérature consacrés au(x) public(s) ainsi qu’aux interprètes d’un spectacle, à leurs définitions, leurs incarnations, leurs modalités de présence dans la France et l’Europe du XIXe siècle, mais également en-deçà et au-delà ; ces deux instances essentielles d’un spectacle y sont toutefois, nous semble-t-il, envisagées isolément. Divers travaux se sont ainsi concentrés sur le spectateur : dans L’Assise du théâtre. Pour une étude du spectateur[14], Marie-Madeleine Mervant-Roux entreprend de mesurer la part du spectateur dans le déroulement d’une représentation, projet qu’elle approfondit dans Figurations duspectateur. Une réflexion par l’image sur le théâtre et sa théorie[15] où elle confère au spectateur « la figure du veilleur-songeur ». Le Spectateur de théâtre à l’âge classique (xviie-xviiiesiècles)[16] s’intéresse au regard porté par les dramaturges et philosophes de l’âge classique sur le spectateur contemporain, son existence et sa présence dans la salle de spectacle. Songeons encore, bien sûr, au Spectateur émancipé de Jacques Rancière[17], qui interroge la supposée passivité du statut de spectateur. Des approches spécifiques se sont ensuite intéressées à « la sortie au théâtre[18] », aux « scènes musicales et leurs publics[19] », aux « récits de spectateurs[20] », aux « spectatrices[21] », ou encore à « la voix du public[22] ». De l’autre côté de la rampe, des manifestations et publications ont été quant à elles consacrées à l’acteur, sa présence scénique, sa fonction symbolique, son statut social ou civique, mais aussi à l’art de l’interprétation : l’on pensera aux recherches menées sur cet art par Julia Gros de Gasquet, ainsi qu’à des ouvrages tels que celui de Sabine Chaouche, L’Art du comédien. Déclamation et jeu scénique à l’âge classique[23] ou encore, récemment, celui de Laurence Marie, Inventer l’acteur. Émotions et spectacle dans l’Europe des Lumières[24]. Portant son attention sur les ruptures introduites au XIXe siècle dans l’Histoire et dans l’histoire des arts du spectacle en France et en Europe, Les Héroïsmes de l’acteur analyse « les mutations du jeu héroïque comme les phénomènes d’héroïsation de la figure de l’acteur[25] ».
Se situant dans les bornes chronologiques précisées supra et s’intéressant à plusieurs formes de spectacle[26], les articles composant le dossier « Études » du présent numéro d’Études Littéraires déclinent la dimension proprement spectaculaire des échanges entre interprètes et spectateurs, nourrie par la confrontation de présences immédiates. Les deux articles réunis dans la section « Genres transgressifs du “quatrième mur” » s’intéressent à la complicité mise en oeuvre entre auteurs et publics par le travail sur l’écriture et le genre scéniques.
Les études ici rassemblées proposent une déambulation chronologique dans la France des spectacles du XIXe siècle, depuis divers « usages en vigueur » à la Comédie-Française qui, dans les commencements du Premier Empire, « tissent [...] un rapport singulier et souvent privilégié entre les Comédiens-Français et leurs publics » (Virginie Yvernault), jusqu’aux divertissements du café-concert, né à la toute fin du siècle et qui « autorise – voire encourage – les interactions entre public et artistes » grâce à une « formule relationnelle inédite » (Nathalie Coutelet).
L’on découvrira de possibles appariements parmi les contributions. Chacune montre dans quelle mesure, de quelle manière et par quels moyens l’une ou l’autre composante des arts du spectacle participe au vacillement des feux de la rampe. Il en va ainsi de certaines écritures scéniques : portant sur le mélodrame Mathilde et sur sa parodie, l’article de Barbara T. Cooper explique comment les parodistes préparent leurs « transgressions ludiques par rapport à l’oeuvre source » et son « pathos » illusionniste pour laisser la place au rire persifleur et au « jugement critique » de la salle. Des « commentaires métadramatiques », des « allusions extradiégétiques », « une série de déformations, dévaluations et dédoublements » affectent ainsi « langage, style de jeu, costumes, décors, musiques et danses ». L’article de Marianne Bouchardon est consacré aux « comédies de moeurs d’Alexandre Dumas fils et d’Émile Augier » : mobilisant « commentaires métathéâtraux » et « apartés », ces dramaturges, « par le biais d’une citation ou d’une référence intégrée aux répliques de leurs personnages, renvoient à la culture théâtrale qu’ils partagent avec le public ». Apparaît aussi le personnage du « raisonneur » qui « remplit une fonction médiatrice entre la scène et la salle » : il « exprime les non-dits, [...] explique les situations, [...] expose la morale » de la pièce.
Les rapports entre acteurs et public sont l’objet d’une forme de mise en spectacle dans le spectacle lui-même : Virginie Yvernault signale le « cadre ritualisé » des saluts, les « réactions mécaniques et artificielles » des « claqueurs », rappelle que « le salut, le rappel ou la claque peuvent [...] devenir pour un acteur l’occasion de se faire remarquer au détriment de ses camarades », tout comme les « représentations à bénéfice » « très appréciées du public et des acteurs qui y voient l’occasion de se faire valoir ». C’est à la fin du siècle que cette théâtralité redoublée s’estompe au profit d’une « normalisation » et d’une « passion dramatique » commune. Amélie Calderone fait (re)découvrir les créations théâtrales « ostentatoires » du dramaturge Auguste Vaquerie. Le « spectacle total » d’Antigone échouant à « marquer [ses] contemporains », il créée pour Tragaldabas « une esthétique vouée à scandaliser les spectateurs au point de les faire interagir durant la représentation » et « organise sa soirée pour que le spectacle se déroule moins sur la scène que dans la salle ». Le succès lui échappant encore, Vaquerie « us[e] des journaux pour médiatiser son insuccès : au bruit de la salle se substitue celui de la presse ».
Certaines techniques de jeu aident les comédiens à entrer en relation avec leur public : Ignacio Ramos-Gay revient sur le succès des pièces « zoomorphes » avec l’exemple de Jocko ou le Singe du Brésil. Les « prouesses acrobatiques » de Charles-François Mazurier, qui incarne le personnage-titre, lui permettent de « grimper jusqu’aux fauteuils d’orchestre », de « parcour[ir] tout le périmètre de la salle » et d’« envahir l’espace du spectateur ». Il correspond à la « représentation imaginaire et préconçue » du singe par le public : un « animal doté de traits humains » qui suscite la « sympathie » du public jusqu’à le faire « pleurer ». Olivier Bara, pour sa part, présente le « citoyen comédien » Bocage : par « l’allusion politique », « principal moyen de contourner la censure et de déjouer la surveillance des théâtres », Bocage « instaure un dialogue subreptice avec la salle ». Devenu directeur de l’Odéon, il lutte contre le gouvernement de Louis-Napoléon Bonaparte pour maintenir le procédé et préserver « le partage d’une même conscience civique entre artistes et spectateurs ». Fusionnant son « engagement républicain » et son art, Bocage ne franchit pas le « quatrième mur » mais le « traverse ».
Les divertissements apparus dans la seconde moitié du XIXe siècle portent à un degré supplémentaire la coprésence des interprètes et des spectateurs. Agnès Curel montre que « [l]a vue, l’ouïe, l’odorat, le toucher sont sans cesse sollicités » dans les spectacles forains, qui pénètrent ainsi l’intime des spectateurs. Voués à « s’exhiber », les artistes eux-mêmes « font montre de leurs qualités physiques extraordinaires », risquant parfois leur vie pour offrir le « grand frisson ». Le régime d’« adresse directe », fait d’« invectives », de « vocatifs », d’« interpellations », pousse encore le public à « participer » au spectacle : s’établit alors une véritable « proximité immédiate ». Nathalie Coutelet analyse les « dispositifs originaux » inventés par le café-concert : « continuités spatiales », « circulations » de tous au cours du spectacle facilitent les « interactions » et stimulent l’« improvisation » de part et d’autre. La « relation complice ou conflictuelle » ainsi nouée aboutit à « la porosité des rôles » lorsque les uns et les autres cherchent à « imposer » leur « compétence ». Cette « forme artistique élaborée de façon unique avec l’assemblée » trouve là sa « modernité ».
Des formes et des genres spectaculaires variés sont ici abordés : rituels théâtraux, drame « à grand spectacle », drame romantique, premières expérimentations postromantiques, parodie, fête foraine, comédie de moeurs, chanson. Par là même, sont évoqués différents « murs » : architectures coutumières (Virginie Yvernault, Olivier Bara, Amélie Calderone, Barbara T. Cooper, Marianne Bouchardon), scènes improvisées ou mobiles (Agnès Curel), espaces singuliers réinventant le rapport entre les interprètes et leurs publics (Nathalie Coutelet), mais aussi plasticité d’une salle canonique (Ignacio Ramos-Gay). Cette hétérogénéité trouve son unité dans la manière dont les moments de suspension de l’illusion suggèrent, sur un mode sociocritique[27] appliqué aux arts du spectacle[28], l’histoire, la science, la culture, la politique ou la « socialité » d’une époque.
Ainsi, les rapprochements entre la scène et le public de la Comédie-Française sont parfois moins motivés par le souci de l’art que par des « raisons pratiques, utilitaires ou commerciales », telle la « cohésion de la troupe », nécessaire pour affronter « la concurrence » des autres théâtres puis l’« industrie moderne des spectacles ». Par temps de conflit, tous sont réunis « plus étroitement encore » autour de « représentations extraordinaires » à des fins « patriotiques » (Virginie Yvernault). Socialement relégués à la marge, les spectacles forains du second XIXe siècle se déroulent dans la rue, où ils sont « étroitement surveillés » ; ils doivent en outre « s’intégrer » au « changement de l’organisation socio-économique de la société [...] : à l’extérieur, le public n’est pas captif ; c’est un tout autre rapport à l’attention du spectateur qui est engagé. L’ennui et le désintérêt, même fugaces, sont à proscrire, au risque de perdre l’obole espérée en fin de numéro » (Agnès Curel). Les pièces zoomorphes telle Jocko ou le Singe du Brésil relaient les « connaissances zoologiques » contemporaines, comme « les thèses fixistes ou évolutionnistes ». Le public y retrouve par ailleurs sa propre représentation du singe, entre « humanité » et « animalité », ou encore les « connotations d’ordre sexuel qu’explique l’intérêt scientifique et populaire de l’époque » attisées par la mise en présence des spectatrices et du « singe » (Ignacio Ramos-Gay). Travaillant en vain les effets de « rupture d’illusion » dans ses pièces pour « déclencher un renouveau dramatique », Auguste Vaquerie sait pouvoir réussir le « franchissement d’une autre rampe, toute médiatique » en un siècle où se déchaîne « la concurrence entre théâtre et presse comme espaces publics ». L’auteur trouve la « postérité » espérée grâce à « la prééminence inédite de l’événement médiatique sur l’événement théâtral » (Amélie Calderone). Le théâtre du XIXe siècle en France est aussi « le seul espace collectif où peut s’esquisser une vie civique » : par l’entremise d’un « citoyen comédien » tel que Bocage, se forge « une pratique politique des relations entre scène et salle au cours de la représentation théâtrale ». Par son « jeu mimétique », « [a]ucun mur ne sépare plus l’acteur, censé s’effacer derrière ses rôles pour animer des fictions scéniques, et l’homme engagé dans la vie civique de son temps » (Olivier Bara). C’est encore dans une perspective sociopolitique que s’inscrit « le rire persifleur » de la parodie à l’encontre du « pathos » cultivé par l’oeuvre source mélodramatique. « Le public [...] est invité à partager le jugement dépréciateur des parodistes sur la littérature dramatique de leur époque », à exercer à son tour son « esprit critique » pour se déprendre de « l’adhésion » aux excès d’émotion caractéristiques du genre sérieux (Barbara T. Cooper). Aucune distance critique ne fonde la concorde qui unit Augier ou Dumas fils et leurs publics bourgeois autour de leurs comédies : une même « culture théâtrale » engendre « un rapport spéculaire, propice aux phénomènes de reconnaissance et de projection ». Partant, se décèlent un « système de valeurs partagé », une « approbation » et une « consolidation » mutuelles dans un désir commun de perpétuation de « l’ordre du monde » (Marianne Bouchardon). « Abordable financièrement et humainement », le café-concert du XIXe siècle se voit, en revanche, reprocher « la situation professionnelle indigne réservée aux artistes, contraints de quémander une rétribution auprès des consommateurs » ; il est accusé encore d’être un « lieu de débauche », voire de « prostitution ». Mais s’il nourrit quelque défiance, ce mode de relation « spontané », « libre », « simple » permet surtout de rapprocher deux univers jusqu’alors séparés (Nathalie Coutelet).
L’art dramatique selon Diderot se fonde sur des « techniques qui permettent à l’acteur de produire la plus grande émotion par la plus grande impression de vérité, tout en maniant son art avec la plus grande distance[29] ». Au siècle suivant, celui d’une société française en voie d’unification, interprètes, auteurs et spectateurs célèbrent peut-être comme jamais les vertus de la rencontre, fût-elle antagoniste. Ce numéro d’Études Littéraires propose d’observer « les deux lieux [d’un spectacle] à la fois, non pas posés l’un à côté de l’autre, mais dirigés l’un vers l’autre, dans une tension désirante[30] ».
Parties annexes
Note biographique
Marjolaine Forest est docteur ès Lettres et Arts et chercheuse associée à l’Institut d’Histoire des Représentations et des Idées dans les Modernités (UMR 5317). Ses travaux concernent le théâtre et l’opéra romantiques, l’histoire des mentalités et des sensibilités dans la littérature du XIXe siècle ainsi que les représentations sociocritiques de l’intime.
Notes
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[1]
Comme le rappelle l’article d’Olivier Bara dans le présent dossier, « l’expression “quatrième mur” [...] n’est guère utilisée avant la fin du XIXe siècle, même si l’idée d’une séparation symbolique entre scène et salle est formulée par Diderot dès le milieu du XVIIIe siècle ».
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[2]
Denis Diderot, Le Père de famille : comédie en cinq actes et en prose, avec un Discours sur la poésie dramatique, Amsterdam, 1758, p. 86. Disponible sur Gallica.
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[3]
Pierre le Messier, dit Bellerose, et Guillaume Desgilberts, dit Mondory, sont des comédiens appartenant à la troupe de l’Hôtel de Bourgogne.
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[4]
François Hédelin et abbé d’Aubignac, « Chapitre VI. Des spectateurs et comment le poète les doit considérer », La Pratique du théâtre : oeuvre très nécessaire à tous ceux qui veulent s’appliquer à la composition des poèmes dramatiques, Livre premier, Paris, Antoine de Sommaville libraire-éditeur, 1657, p. 43-44. Disponible sur Gallica.
-
[5]
Pierre Frantz, L’Esthétique du tableau dans le théâtre du xviiiesiècle, Paris, Presses universitaires de France (Perspectives littéraires), 2015 [1998], p. 102.
-
[6]
Ibid., p. 100-101.
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[7]
« Le système napoléonien ne saurait tolérer une “dramatocratie” trop puissante. [...] Bonaparte n’a véritablement de la considération que pour les théâtres officiels, en particulier la Comédie-Française. [...Il] a compris que les théâtres officiels (avant tout la Comédie-Française et l’Opéra) pouvaient lui offrir un cadre opportun pour mettre en scène son pouvoir, voire pour sonder l’opinion. [...] Le même souci de prestige conduit le Consulat à chercher à redresser l’Opéra [...]. À la Comédie-Française et à l’Opéra s’ajoute [...] un troisième théâtre officiel appelé “Théâtre de l’Impératrice”. Il s’agit en fait de la troupe de l’Odéon [...]. Il existe encore un quatrième théâtre officiel. Celui-ci est le fruit de la réunion de l’Opéra-Comique de la rue Favart et du Théâtre Feydeau [...] sous le nom de Théâtre National de l’Opéra-Comique [...]. Autant le Consulat est généreux avec les scènes officielles, autant il est sévère avec les “petits théâtres”. [...] Bonaparte n’a que mépris pour ces théâtres qu’il considère comme de vulgaires spéculations commerciales. Dès le printemps 1800, il songe à en restreindre le nombre. [...] Le 25 février 1806, une réunion avec les préfets du palais conduit Napoléon à envisager une nouvelle organisation : il est prévu qu’aucun théâtre ne puisse s’établir sans son autorisation et sans le versement d’un cautionnement et d’une rétribution à l’Opéra ; en outre, tous les théâtres existants – “les quatre grands exceptés” – doivent justifier de leur capacité à couvrir leurs dépenses, sous peine de devoir fermer. Ce projet aboutit au décret du 8 juin 1806. [...T]out entrepreneur qui veut ouvrir une salle doit désormais justifier de ses moyens et un directeur qui a fait faillite ne peut ouvrir une autre salle » (Jean-Claude Yon, Une Histoire du théâtre à Paris de la Révolution à la Grande Guerre, Paris, Aubier-Flammarion [Collection historique], 2012, p. 43-48).
-
[8]
« Au XIXe siècle, le drame bourgeois, sous sa forme élégante (drame romantique) ou populaire (mélodrame et vaudeville), devient le modèle d’une dramaturgie où triomphent l’esprit d’entreprise et les nouveaux mythes bourgeois. Mais avec l’arrivée d’une nouvelle classe s’opposant directement aux intérêts de la bourgeoisie, le théâtre bourgeois prend un tout autre sens et devient, chez le jeune Brecht par exemple, le synonyme de dramaturgie “de grande consommation”, fondée sur la fascination et la reproduction de l’idéologie dominante » (Patrice Pavis, art. « Théâtre bourgeois », Dictionnaire du théâtre, Paris, Armand Colin [Dunod], 2006 [1996], p. 362).
-
[9]
« Distanciation : Procédé de mise à distance de la réalité représentée : celle-ci apparaît alors sous une perspective nouvelle qui en révèle le côté caché ou devenu trop familier. […] Chez Brecht, la distanciation n’est pas seulement un acte esthétique, mais politique : l’effet d’étrangeté ne s’attache pas à une perception nouvelle ou à un effet comique, mais à une désaliénation idéologique » (art. « Distanciation », ibid., p. 99).
-
[10]
« Le théâtre dramatique (que Brecht opposera à la forme épique) est celui de la dramaturgie classique, du réalisme et du naturalisme, de la pièce bien faite : il est devenu la forme canonique du théâtre occidental depuis la célèbre définition de la tragédie par la Poétique d’Aristote » (art. « Dramatique et épique », ibid., p. 102). De Brecht, voir Petitorganon sur le théâtre, Paris, L’Arche (Scène ouverte), 1997.
-
[11]
« Réception : L’attitude et l’activité du spectateur confronté au spectacle ; la façon dont il utilise les matériaux fournis par la scène pour en faire une expérience esthétique » (art. « Réception », ibid., p. 290).
-
[12]
« Trois espèces de spectateurs composent ce qu’on est convenu d’appeler le public : premièrement, les femmes ; deuxièmement, les penseurs ; troisièmement, la foule proprement dite. Ce que la foule demande presque exclusivement à l’oeuvre dramatique, c’est de l’action ; ce que les femmes y veulent, avant tout, c’est de la passion ; ce qu’y cherchent plus spécialement les penseurs, ce sont des caractères. Si l’on étudie attentivement ces trois classes de spectateurs, voici ce qu’on remarque : la foule est tellement amoureuse de l’action qu’au besoin elle fait bon marché des caractères et des passions. Les femmes, que l’action intéresse d’ailleurs, sont si absorbées par les développements de la passion, qu’elles se préoccupent peu du dessin des caractères ; quant aux penseurs, ils ont un tel goût de voir des caractères, c’est-à-dire des hommes, vivre sur la scène, que, tout en accueillant volontiers la passion comme incident naturel dans l’oeuvre dramatique, ils en viennent presque à y être importunés par l’action. Cela tient à ce que la foule demande surtout au théâtre des sensations, la femme, des émotions, le penseur, des méditations ; tous veulent un plaisir, mais ceux-ci, le plaisir des yeux ; celles-là, le plaisir du coeur ; les derniers, le plaisir de l’esprit » (Victor Hugo, Préface de Ruy Blas, édition de Patrick Berthier, Gallimard [Folio / Théâtre], 2008 [1997], p. 27-28).
-
[13]
Maurice Descotes, Le Public de théâtre et son histoire, Paris, Presses universitaires de France, 1964.
-
[14]
Marie-Madeleine Mervant-Roux, L’Assise du théâtre. Pour une étude du spectateur, Paris, CNRS Éditions (Arts du spectacle), 1998.
-
[15]
Marie-Madeleine Mervant-Roux, Figurations duspectateur. Une réflexion par l’image sur le théâtre et sur sa théorie, Paris, L’Harmattan (Univers théâtral), 2006.
-
[16]
Bénédicte Louvat-Molozay et Franck Salaün (dir.), Le Spectateur de théâtre à l’âge classique (xviie-xviiiesiècles), Paris, L’Entretemps (Champ théâtral), 2008.
-
[17]
Jacques Rancière, Le Spectateur émancipé, Paris, La Fabrique, 2008.
-
[18]
Pascale Goetschel et Jean-Claude Yon (dir.), Au théâtre ! La Sortie au spectacle, xixe- xxie siècles, Actes des journées d’études « La Sortie au spectacle, xixe-xxe siècles », organisées à l’Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, les 26 mai et 22 novembre 2010, Paris, Publications de la Sorbonne (Histoire Contemporaine), 2014.
-
[19]
Caroline Giron-Panel, Solveig Serre et Jean-Claude Yon (dir.), Les Scènes musicales et leurs publics en France (xviiie-xxiesiècles), Actes du colloque international organisé à l’Opéra-Comique du 4 au 6 décembre 2014, Paris, Classiques Garnier (Musicologie), 2020.
-
[20]
Fabien Cavaillé et Claire Lechevalier (dir.), Récits de spectateurs. Raconter le spectacle, modéliserl’expérience (xviie-xxe siècles), Actes du colloque organisé au Foyer du Théâtre de Caen et à la Maison de la Recherche en Sciences Humaines de Caen du 18 au 20 mars 2015, « Récits de spectateur, modèles d’expérience ? (xviiie-xxie siècles) », Rennes, Presses universitaires de Rennes (Le Spectaculaire), 2018.
-
[21]
« Spectatrices ! Les femmes au spectacle de l’Antiquité à nos jours », Colloque international organisé par Véronique Lochert et al. du 26 au 28 septembre 2019 à la Maison de la Recherche de l’Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3.
-
[22]
Julia Gros de Gasquet et Sarah Nancy (dir.), La Voix du public, manifestations sonores des spectateurs et spectatrices (théâtre, opéra, ballet, parades...), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2019.
-
[23]
Sabine Chaouche, L’Art du comédien. Déclamation et jeu scénique en France à l’âge classique, (1629-1680), Paris, Champion (Lumière classique), 2013 [2001].
-
[24]
Laurence Marie, Inventer l’acteur. Émotions et spectacle dans l’Europe des Lumières, Paris, Presses de l’université Paris-Sorbonne (Theatrum Mundi), 2019.
-
[25]
Olivier Bara, Mireille Losco-Lena et Anne Pellois (dir.), Les Héroïsmes de l’acteur au xixe siècle, Actes du colloque international « L’acteur au XIXe siècle : une figure héroïque ? » organisé à Lyon du 22 au 24 mars 2012 à l’Institut des Sciences de l’Homme de Lyon, à l’ENS de Lyon et au Théâtre des Célestins, Lyon, Presses universitaires de Lyon (Théâtre et société), 2014.
-
[26]
« Au XIXe siècle, le mot “théâtre” a une acception plus large que de nos jours et il englobe tous les genres, depuis les plus “nobles” (tragédie, comédie, opéra, opéra-comique, etc.) jusqu’aux plus méprisés (vaudeville, mélodrame, opérette, féérie, etc.). Mais si vaste soit son champ, le théâtre doit être distingué des formes de spectacles plus marginales ou du moins jugées comme telles (cirque, café-concert, marionnettes, etc.) qui existent à côté de lui » (Jean-Claude Yon, Une Histoire du théâtre à Paris de la Révolution à la Grande Guerre, op. cit., p. 8-9).
-
[27]
« La visée [de la sociocritique est de] montrer que toute création artistique est aussi pratique sociale, et partant, production idéologique, en cela précisément qu’elle est processus esthétique, et non d’abord parce qu’elle véhicule tel énoncé préformé [...]. C’est dans la spécificité esthétique même [...] que la sociocritique s’efforce de lire cette présence des oeuvres au monde qu’elle appelle leur socialité. [...L]a sociocritique interroge l’implicite, les présupposés, le non-dit ou l’impensé, les silences » (Claude Duchet [dir.], « Positions et perspectives », Sociocritique, Paris, Nathan [Nathan-Université], 1979 ; repris dans « Premier choix de textes de Claude Duchet », dans Claude Duchet et Patrick Maurus, Un Cheminement vagabond. Nouveauxentretiens sur la sociocritique, Paris, Honoré Champion [Poétiques et esthétiques XXe-XXIe siècles], 2011, p. 106-107).
-
[28]
Une sociocritique du théâtre consiste à « saisir l’éventuel point de tension entre la socialité extérieure d’un théâtre donné (la forme du rite) et une signification sociale “interne” portée par l’écriture et le jeu, inscrite dans la théâtralité même de l’oeuvre considérée – dans les rites de la forme » (Olivier Bara, « Présentation », Études Littéraires, vol. 43, no 3 [2012], p. 16).
-
[29]
Florence Naugrette, Le Théâtre romantique. Histoire, écriture, mise en scène, Paris, Éditions du Seuil (Points-Essais), 2001, p. 45.
-
[30]
Florence Naugrette, Le Plaisir du spectateur de théâtre, Rosny-Sous-Bois, Bréal (Le Plaisir partagé), 2002, p. 49.
Références
- Bara, Olivier, Mireille Losco-Lena et Anne Pellois (dir.), Les Héroïsmes de l’acteur au xixe siècle, Lyon, Presses universitaires de Lyon (Théâtre et société), 2014.
- Bara, Olivier, « Présentation », Études Littéraires, vol. 43, no 3 (2012), p. 7-20.
- Cavaillé, Fabien et Claire Lechevalier (dir.), Récits de spectateurs. Raconter le spectacle, modéliserl’expérience (xviie-xxe siècles), Rennes, Presses universitaires de Rennes (Le Spectaculaire), 2018.
- Chaouche, Sabine, L’Art du comédien. Déclamation et jeu scénique en France à l’âge classique(1629-1680), Paris, Champion (Lumière classique), 2013 [2001].
- Descotes, Maurice, Le Public de théâtre et son histoire, Paris, Presses universitaires de France, 1964.
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