Présentation[Notice]

  • Marie-Andrée Beaudet et
  • Mylène Bédard

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  • Marie-Andrée Beaudet
    Université Laval / CRILCQ

  • Mylène Bédard
    Université Laval / CRILCQ

Qui se souvient de Jeanne Lapointe ? Qui connaît aujourd’hui l’importance du rôle qu’elle a joué dans la modernisation du Québec et des perspectives critiques dans l’enseignement et la recherche universitaires ? Le présent dossier a justement pour objectif de mettre en valeur sa riche contribution au domaine des études littéraires. À fréquenter ses archives, déposées au service des archives de l’Université Laval ainsi qu’à Bibliothèque et Archives Canada, à découvrir ses textes, à lire le passionnant et rigoureux mémoire de Claudia Raby, à prendre connaissance des éloquents témoignages réunis par Chantal Théry dans Jeanne Lapointe. Artisane de la Révolution tranquille ainsi que des quelques articles qui lui ont été consacrés ces dernières années, dont on trouvera les références en bibliographie, nous sommes rapidement venues à la conclusion que l’oeuvre de Jeanne Lapointe demeurait encore trop peu connue et par conséquent peu lue, et qu’il restait beaucoup à faire pour que cette grande intellectuelle puisse occuper la place qu’elle mérite dans la mémoire institutionnelle et collective du Québec. Dans un texte soulignant l’originalité de la pensée de Jeanne Lapointe, Gilles Marcotte écrivait : « On peut regretter, eu égard à sa très vaste culture littéraire, à ses intérêts théoriques, notamment en psychanalyse, à la qualité d’une écriture abondante en formules frappantes (aux deux sens du mot ?) qu’elle n’ait pas plus écrit. » À consulter la bibliographie réalisée par Claudia Raby pour le présent dossier, on hésitera à partager l’avis de Marcotte. Jeanne Lapointe a beaucoup écrit, mais il demeure vrai que si son héritage reste encore à redécouvrir, c’est sans doute qu’en plus d’appartenir à une époque où le Québec comptait très peu d’intellectuelles, très peu de femmes influentes, elle n’a laissé ni monographie ni recueil d’essais contrairement aux autres critiques de sa génération (les Le Moyne, Élie, Marcotte, pour n’en nommer que quelques-uns). Son oeuvre écrite demeure donc pour le moment une oeuvre éparse, disséminée dans les revues et journaux ainsi que dans l’abondante correspondance et dans les textes de communication déposés dans ses fonds d’archives. Bien qu’il pose problème aux chercheur(e)s, le caractère non-circonscrit et parfois collectif – pensons au Rapport Parent dont Guy Rocher dira qu’elle en a été la principale rédactrice – de la contribution de Lapointe au savoir s’avère cependant assez représentatif de la carrière intellectuelle de la professeure de littérature de l’Université Laval. Plusieurs contributions s’attachent à tisser des liens entre la figure intellectuelle et l’action de Jeanne Lapointe et les caractéristiques particulières de son oeuvre critique pour en révéler la grande cohérence. En effet, la pensée de Jeanne Lapointe participe toujours d’une « éthique du dialogue » aussi bien dans le contenu de ses textes que dans le mode de publication périodique où sa voix prolonge, questionne ou confronte celle des autres. Lapointe se montre d’ailleurs très ouverte au débat comme en témoignent ceux qu’elle engage avec Félix-Antoine Savard, Pierre Gélinas et Jean-Thierry Maertens. C’est pourquoi le présent dossier s’inscrit en complémentarité avec les travaux précédents sur Lapointe consacrés à l’étude de ses textes critiques et à la définition des principaux jalons de sa pensée. À la lecture du dossier, Jeanne Lapointe apparaît très tôt comme une sorte d’éminence grise, participant activement aux grands projets qui visent à moderniser le savoir relatif aux études littéraires, mais aussi à l’éducation et aux études féministes au Québec, sans chercher jamais à occuper le devant de la scène. Impénétrable, indépendante, discrète et même secrète, Lapointe semble toujours préférer situer son action dans les coulisses des grandes oeuvres, notamment celles d’Anne Hébert et de Marie-Claire Blais, ou alors dans d’importantes commissions d’enquête – les commissions Parent …

Parties annexes