Depuis plusieurs années maintenant, dans la foulée des travaux pionniers d’Henri-Jean Martin et de Roger Chartier, les chercheurs en histoire du livre, de l’édition et de la lecture nous ont permis, entre autres, de mieux connaître les différentes facettes de l’objet livre lui-même et des multiples réseaux dans lesquels il s’inscrit, de sa production à sa conservation en passant par sa valeur marchande. L’existence et le dynamisme d’une équipe comme le Groupe de recherches et d’études sur le livre au Québec (GRÉLQ) illustrent bien comment ces enjeux touchent également de près les travaux scientifiques qui sont menés par des chercheurs sur le Québec. Or, pour les spécialistes du Moyen Âge, de la Renaissance, du XVIIe siècle et du XVIIIe siècle travaillant en sol québécois, une autre question se pose : quels ouvrages datant de cette période sont aujourd’hui conservés dans nos bibliothèques institutionnelles ? Autrement dit, quels ouvrages anciens constituent notre patrimoine lettré et à quels endroits se trouvent-ils ? La question s’avère cruciale dans la mesure où ces livres constituent un patrimoine fondateur, riche de dizaines de milliers d’ouvrages datant des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, mais dont on se représente souvent assez mal l’importance en raison de leur dissémination sur l’ensemble du territoire, dans diverses institutions issues des collèges classiques, des corporations ecclésiastiques ou des communautés religieuses. En effet, avant même de pouvoir reconstituer des bibliothèques anciennes et étudier les pratiques de sociabilité liées à ces collections et les trajectoires empruntées par les livres qui s’y retrouvaient avant leur dispersion, notre connaissance encore lacunaire de ces fonds exigeait d’en procurer une vision plus globale, à même de préciser la représentation que le Québec se fait de son histoire intellectuelle, qui est elle-même si intimement associée aux échanges et aux réseaux se constituant autour d’oeuvres venues principalement de France et d’Angleterre. Un premier colloque, placé sous l’égide de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ), s’est tenu en 2004 dans le cadre de l’ACFAS. Intitulé « Inventaires des imprimés anciens (XVe-XVIIe siècles) au Québec : travaux pour une histoire du livre, des collections et de la lecture », cette rencontre a vite confirmé l’intérêt d’un tel champ d’investigation. C’est dans les suites de ce colloque que le Groupe de recherche multidisciplinaire de Montréal sur les livres anciens (XVe-XVIIIe siècles), dirigé par Brenda Dunn-Lardeau à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), a été créé ; en plus d’avoir conçu un catalogue raisonné des imprimés des XVe et XVIe siècles conservés à l’UQAM, ce groupe de chercheurs a notamment organisé, en 2012 et 2013, une importante exposition autour du livre renaissant à la Grande Bibliothèque à Montréal. C’est également dans cet esprit qu’au cours des dix dernières années, la Chaire de recherche du Canada en histoire littéraire de l’Université du Québec à Rimouski et la Chaire de recherche du Canada en rhétorique de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) ont animé, en collaboration avec BAnQ et la bibliothèque de l’UQTR, un vaste projet d’inventaire des imprimés anciens conservés dans les bibliothèques québécoises. En fédérant sous l’acronyme IMAQ les efforts de plusieurs chercheurs, ce projet est très tôt apparu d’intérêt public et a déjà permis de produire et de diffuser quelque quatre mille notices. C’est dans ce contexte que nous proposons, dans ce numéro thématique d’Études littéraires, d’examiner la place et le rôle que tiennent les collections anciennes des institutions d’enseignement québécoises en regard de la recherche actuelle. Il s’agit donc à la fois de faire le point sur l’état des lieux et d’ouvrir quelques pistes …
Parties annexes
Références
- Martin, Henri-Jean et Roger Chartier, Histoire de l’édition française, Paris, Promodis, 1983-1986, 4 vol.