Résumés
Résumé
Paris est, avec peut-être New York comme seul rival, un des « personnages » les plus illustres de l’histoire du cinéma. Des « vues Lumière » jusqu’aux pérégrinations des héros de la Nouvelle Vague, de la psychogéographie de Debord aux cartographies affectives de Rohmer, en passant par les Paris vu par (1965, 1985) et autres Paris je t’aime (2006), peu de villes ont été autant filmées, et peu de villes ont eu autant d’influence sur l’imaginaire cinématographique. Il est notamment fascinant de constater la migration de cet imaginaire au sein des cinématographies asiatiques contemporaines. Cet article se penche sur le film Night and Day (2008) de Hong Sang-soo, tourné principalement dans le XIVe arrondissement à Paris, seul film de ce cinéaste sud-coréen à avoir été réalisé à l’extérieur de son pays. Le cinéma de Hong Sang-soo tourne autour d’un périmètre très limité et obsessif de lieux (cafés, bars, appartements), de quartiers et de situations (beuveries, triangles amoureux, vacances). Night and Day, avec le XIVe arrondissement comme toile de fond, en offre une énième variation, délocalisée, certes, mais totalement marquée par la présence du familier. Plutôt que d’être une expérience de la ville fondée sur le choc des cultures ou la rencontre avec l’autre, Night and Day propose un regard tout à fait décomplexé sur Paris, attentif aux « choses vues » les plus triviales, et marqué par un attachement aux lieux ordinaires, au commun, au quotidien, aux parcours du héros (qui n’y rencontre, à peu de choses près, que des Coréens). Par ailleurs, comme pour Tsai Ming-liang (Et là-bas, quelle heure est-il ? [2001], Visage [2009]) ou Hou Hsiao-hsien (Le Voyage du ballon rouge, 2007), l’appropriation de Paris est indissociable d’une culture cinéphilique (en l’occurrence, dans le cas de Hong Sang-soo, du cinéma de Rohmer). Il s’agira donc d’essayer de décrire les modes d’appropriation de l’espace de la ville dans ce film, et l’imaginaire culturel par lequel ils transitent.
Abstract
With the possible exception of New York City, Paris is one of cinema’s most beloved “characters”. From the Lumière brothers to New Wave heroes, from Debord’s psychogeography to Rohmer’s emotional cartography, from the 1965 Six in Paris and the 1985 Japanese takes on the city to the 2006 Paris je t’aime, no other city has graced film and influenced filmmakers so often as Paris. Of general interest is the evolution of that city in contemporary Asian filmography and, in particular, the 2008 Night and Day by Hong Sang-soo, the only movie he shot outside his native South Korea. In keeping with his obsession with paring down locales (coffee shops, bars, apartments), neighbourhoods and events (drunken binges, love triangles, holidays), Night and Day is restricted to a familiar take on the city’s 14th arrondissement. Focussed not so much on culture clash or encounters as on the city itself, Night and Day zooms in on the most trivial sights, the most ordinary settings, the drudgery of daily life and the paths trodden by the main character (who ends up meeting mostly South Koreans). Much like in Tsai Ming-liang’s 2001 What Time Is It Over There? or 2009 Visage, or Hou Hsiao-hsien’s 2007 Flight of the Red Balloon, the appropriation of Paris owes much to movie-making culture. Rohmer’s influence on Hong Sang-soo is a case in point and this essay will look at how and through which cultural references the latter appropriates Paris in his movie.
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Parties annexes
Note biographique
André Habib est professeur agrégé au Département d’histoire de l’art et d’études cinématographiques de l’Université de Montréal. Il a soutenu une thèse de doctorat au Département de littérature comparée à l’Université de Montréal en 2008 portant sur le cinéma et l’imaginaire de la ruine. Il est l’auteur de L’Attrait de la ruine (Crisnée, Yellow Now, 2011). Il a dirigé, avec Viva Paci, l’ouvrage collectif Chris Marker et l’imprimerie du regard (L’Harmattan [Esthétiques], 2008), avec Michel Marie, L’Avenir de la mémoire : patrimoine, restauration, réemploi cinématographique (Lille, Presses universitaires du Septentrion, 2013), et avec Sylvano Santini, Erik Bordeleau et Hermine Ortega, Épopée : textes, entretiens, documents (Montréal, Spirale/Nota Bene, 2013). Il est, depuis 2002, coordonnateur de la section cinéma de la revue électronique Hors champ. Ses recherches récentes ont porté sur l’esthétique des ruines, l’archive, le cinéma expérimental et la cinéphilie.
Références
- Les Lieux et les Choses — Places and Things of the French New Wave [http://fnw-nv.weebly.com].
- Albert, Christine, L’Idiotie du réel : de Clément Rosset à Hong Sangsoo, mémoire de maîtrise, Université de Montréal, 2013.
- Fuchs, Barbara Fuchs, « Night and Day : rencontre avec Hong Sangsoo » [en ligne], Allociné, 25 juillet 2008 [http://www.allocine.fr/article/fichearticle_gen_carticle=18426116.html].
- Habib, André, « La rue est entrée dans la chambre ! : mai 68, la rue et l’intimité dans The Dreamers de Bertolucci et Les Amants réguliers de Philippe Garrel », dans Viva Paci, Michael Cowan et Allana Thain (dir.), « Prises de rue », CiNéMAS, vol. 21, n° 1 (automne 2010), p. 59-77.
- Kast, Pierre, « A Farewell to the Movies », Cahiers du cinéma, no 200-201 (avril-mai 1968), p. 12-18.
- Lack, Roland-François « Paris » [en ligne], The Cine-Tourist [http://www.thecinetourist.net/paris.html].
- Schreuders, Piet (dir.), « Het Parijs van Le Ballon rouge », Furore, n° 21 (2012).
- Zinck, Hélène, « La communauté coréenne de Paris : petite introduction », Hommes et migrations, n° 1233 (septembre-octobre 2001), p. 44-57.