Résumés
Résumé
Avec Le Pain des rêves, Louis Guilloux obtient le Prix du roman populiste en 1942. Cette distinction vient tard pour lui, dont les oeuvres précédentes avaient été pour certaines reconnues comme représentatives d’une littérature venant d’un homme aux origines populaires, depuis La Maison du peuple. Avec Compagnons, il avait espéré obtenir le prix et être ainsi reconnu. Les relations de Guilloux avec le mouvement populiste sont faites à la fois d’attente (reconnaissance officielle et gratifications), mais les promoteurs du mouvement ont des appréciations diverses le concernant, et rejettent son oeuvre majeure — pour nous, maintenant — Le Sang noir. Par ailleurs, le mouvement pour la littérature prolétarienne, affirmé par Poulaille dans le même moment, l’enrôle. Quant à Guilloux, sa position se complique du fait qu’il ne souhaite pas entrer dans un mouvement quelconque : il polémique sourdement sur ce point avec Guéhenno, il débat avec Paulhan au sujet d’une littérature qui forme une image des gens ordinaires, sinon du peuple. Si donc Le Pain des rêves est consacré « roman populiste », et ce, pendant la guerre, s’il a en effet des traits qui permettent de le rapprocher d’une telle littérature, c’est en toute équivoque à l’égard d’une tendance que Guilloux n’appréciait guère et dont il se moque en privé. Le Pain des rêves, reçu comme un pur récit d’une enfance pauvre, faisait en réalité partie d’un projet d’histoire de deux générations dans la vie politique mouvementée du début du XXe siècle.
Abstract
Louis Guilloux’s Le Pain des rêves earned him the 1942 Populist Novel Award. This was a late honour for an author whose previous writings, starting with La Maison du people, had sometimes been identified as illustrative of the penmanship of someone of working-class origins. Guilloux had hoped to receive the award for Compagnons and his links to the populist movement reflected his desire for official recognition and rewards. The movement’s proponents, however, had differing opinions about him and shunned what we now consider to be his major work, Le Sang noir. In parallel, Guilloux was brought into the fold of Poulaille’s proletarian literary movement. Guilloux’s position became trickier given his reluctance to belong to any one movement in particular, which he somewhat argued over with Guéhenno. He also debated with Paulhan the merits of a literature that depicts ordinary people and the masses. While Le Pain des rêves was consecrated as a populist novel during the war, and while it does exhibit attributes that could justify such an association, the award was equivocal given Guilloux’s dislike of a tendency he mocked in private. Officially the genuine tale of a destitute childhood, Le Pain des rêves was actually to be part of the story of two generations in the hectic political life at the beginning of the 20th century.
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Parties annexes
Note biographique
Professeur émérite de l’Université Rennes 2, Michèle Touret a mené : des études sur Blaise Cendrars, notamment Le Désir de roman, Cendrars 1920-1930 (Paris, Honoré Champion, 1995), de nombreux articles et ouvrages collectifs, et participation à l’édition en Pléiade (vol. 1 en 2013) ; des travaux sur l’histoire littéraire du XXe siècle (Le Temps des lettres, Quelles périodisations pour le XXe siècle ? (dir.), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2001 ; Histoire de la littérature française du XXe siècle, vol. 1, 1998, vol. 2, 2008, Rennes, Presses universitaires de Rennes) ; des travaux sur Louis Guilloux (articles et dir. de L’Atelier de Louis Guilloux, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2011) ; des travaux et des articles sur Samuel Beckett, Claude Simon, Annie Ernaux.
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