Résumés
Résumé
À partir d’un cas spécifique, celui de Sylla, pièce d’Étienne Jouy créée en 1821, cet article se propose d’analyser les modalités ou régimes de symbolisation de l’histoire qui permettent à la tragédie de la Restauration de contourner la censure et de transposer au théâtre de l'actualité sociocritique. Sylla constitue un exemple parfait non seulement de « textualisation » du présent collectif, mais aussi de sa « théâtralisation » à travers le recours à l’histoire : tous les moyens d’expression verbaux et non verbaux dont dispose l’art théâtral sont utilisés pour favoriser l’identification entre le personnage de l’histoire antique et Napoléon, dans le but de réhabiliter, de sublimer et de mythifier la figure de l’empereur des Français. Cet article a donc l’objectif de montrer à la fois comment la réalité sociopolitique s’inscrit dans un ouvrage dramatique tel que Sylla et comment à son tour le spectacle théâtral agit sur la société et sur l’imaginaire du public, contribuant à l’élaboration du mythe napoléonien. Le repérage de trois différents régimes tragiques de symbolisation de l’histoire – allusif, emblématique et mythographique – utilisés pour rapprocher l’antiquité de la contemporanéité, vise à inscrire notre analyse dans une démarche sociocritique potentiellement applicable à d’autres pièces théâtrales et à leurs contextes et cotextes spécifiques.
Abstract
Based on the specifics of Étienne Jouy’s Sylla, a play premiered in 1821, this essay looks into the modalities or systems behind the symbolisation of History that allow Restoration-era tragedies to bypass censorship and stage socio-political events of the day. Sylla embodies not only the perfect “textualisation” of such events but also their “staging” through historical references: all verbal and other means of expression available to the theater are called on to associate Napoleon with his antique alter ego, with the goal of restoring, sublimating and building a myth upon the persona of the French emperor. Therefore, this essay seeks to illustrate how socio-political reality winds its way into a drama such as Sylla and how, in turn, the drama impacts on society and the public’s imagination to help fuel the growth of the Napoleonic myth. Having identified the three systems – allusions, emblems and myths – behind the symbolisation of History and the overlapping of Antiquity with modernity, our analysis draws from a socio-critical approach that could well be used with other plays and their specific contextual and textual references.
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Parties annexes
Note biographique
Maurizio Melai est agrégé de Lettres modernes et docteur des Universités de Pise et de Paris IV-Sorbonne. Il est l’auteur d’une thèse (à paraître aux Presses universitaires Paris-Sorbonne) sur Les derniers feux de la tragédie classique, où il s’intéresse à la tragédie française sous la Restauration et la Monarchie de Juillet. Il est actuellement en postdoctorat au CELLF 17e-18e, unité mixte de recherche du CNRS et de l’Université Paris IV-Sorbonne, où il travaille sur la représentation du peuple dans le théâtre postrévolutionnaire et sur les rapports entre tragédie et mélodrame. Parmi ses articles consacrés à la tragédie tardive et à ses rapports avec le drame romantique, on citera « Couronnement factice et vérité morale : une scène emblématique de l’imaginaire tragique de la Restauration » (dans Orages, vol. 9 (mars 2010)), « Respect et violation des unités classiques dans la tragédie française du XIXe siècle » (dans Revue italienne d’études françaises, n° 1 (2011)), « La querelle politique des Enfants d’Édouard dans la presse de 1833 » (dans Presse et scène au XIXe siècle, medias19.org), « La Fille du Cid, roman de formation d’un héros antitragique » (dans Sylvain Ledda et Florence Naugrette (dir.), Casimir Delavigne en son temps, Paris, Eurédit, 2012), et « Stendhal et la tragédie de la Restauration » (dans L’année stendhalienne, n° 11 (2012)).
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