Résumés
Résumé
Ce texte cherche à présenter ce qu’on a dit et ce qu’on peut dire en regard de l’indicible, en particulier en ce qui a trait à l’écriture, au langage, à la communication d’une idée. La réflexion s’appuie ici sur une oeuvre cinématographique (double) de Marguerite Duras, Aurélia Steiner, dans laquelle semble tracé le passage d’une horreur « infigurable ».
Abstract
This article means to present what has been said and what can be said of the unspeakable, particularly that which concerns writing, language, the communication of an idea. The thought process here leans on a (double) film by Marguerite Duras, Aurélia Steiner, in which it seems the path of an indescribable horror is laid out.
Corps de l’article
L’idée d’indicible surgit fréquemment lorsque la question d’un génocide est soulevée, tant par les survivants que les littéraires ou autres penseurs de ce genre d’événement. Si la définition du concept peut paraître claire (est indicible ce « [q]u’on ne peut caractériser par le langage[1] », ce qui ne peut être dit), cela n’empêche pas que l’indicible fasse l’objet d’interrogations philosophiques, linguistiques et esthétiques (ou poétiques). En effet, de cet indicible, on a finalement dit beaucoup. Nous voudrions pour notre part nous pencher d’abord sur les rapports qu’implique ledit concept avec le langage et l’écriture (en l’occurrence littéraires et cinématographiques), puis examiner les répercussions d’une pensée de l’indicible dans le travail d’écriture de deux films de Marguerite Duras, Aurélia Steiner[2], tous deux ayant pour objet le génocide juif. Pour ce faire, nous tenterons en premier lieu de réaliser un tour rapide du concept d’indicible (et de ses termes conjoints : « irreprésentable », « infigurable ») afin d’en tracer l’épistémologie. Cette clarification du concept nous permettra ensuite de réfléchir à l’idée, découlant de celle d’indicible, d’échec de la langue et du langage, et de repérer les stratégies énonciatives choisies par Marguerite Duras (dans sa littérature, dans son cinéma) pour écrire, pour dire malgré que ce fait soit, comme elle le qualifie, impossible. Finalement, nous entreprendrons de faire l’analyse des films retenus en espérant démontrer que ceux-ci permettent non seulement de penser l’indicible, mais également de rendre compte d’un travail d’écriture inédit.
À titre de préambule, on peut s’interroger sur la relation de l’écrivaine et cinéaste à la Shoah, puisqu’on sait qu’elle n’était pas Juive, n’a pas vécu l’expérience concentrationnaire et n’a pas non plus été déportée. En conséquence, on ne pourrait pas parler des films dont il sera ici question, ou plus généralement des textes[3] (littéraires ou filmiques), comme des récits de témoignage, de survivance ou d’exil, au sens que donnent à ceux-ci certains auteurs. Il se trouve que ces types de récits sont fortement liés à l’expérience réelle d’un événement. Or, l’expérience vécue par Marguerite Duras serait en ce sens celle d’un témoin indirect dans la mesure où, d’une part, elle a fait partie de la Résistance française et, d’autre part, son conjoint Robert Antelme a, lui, vécu la déportation et l’expérience des camps et en est revenu vivant[4]. Par ailleurs, on pourrait invoquer la biographie de l’écrivaine afin de mieux comprendre l’attachement que celle-ci ressentait à la souffrance et à l’exil :
Il fallait, peut-être, l’aventure étrange du déracinement, une enfance sur le continent asiatique, la tension d’une existence ardue aux côtés de la mère institutrice courageuse et dure, la rencontre précoce avec la maladie mentale du frère et avec la misère de tous, pour qu’une sensibilité personnelle à la douleur épouse avec autant d’avidité le drame de notre temps […][5].
Ce drame, dont parle ici Julia Kristeva, est celui de la mélancolie et de la dépression. On pourrait certes les qualifier d’indicibles douleurs et si, effectivement, l’écriture de Marguerite Duras s’affaire à encercler celles-ci, elle n’en cherche pas moins, dans les oeuvres cinématographiques Aurélia Steiner, à affronter l’impossibilité de dire une autre douleur, plus spectaculaire, plus sauvage : celle du génocide.
L’indicible et les stratégies d’écriture
Françoise Rétif nous rappelle que le mot indicible a pris d’abord son sens dans le religieux : « Dans la tradition hébraïque, le nom de Dieu, le tétragramme YHWH, est imprononçable. Le nom est à la fois révélé et indicible : ce qui est donné par les consonnes est soustrait par le vide entre elles.[6] » De même, en raison de « l’interdit biblique de la représentation[7] », Dieu est aussi « l’irreprésentable ». Quant à elle, Marie-Chantal Killeen évoque l’idée paradoxale d’un « concept inconcevable qui renvoie à ce qui précède toute pensée[8] ». Il va de soi qu’on peut difficilement parler d’indicible sans évoquer l’inconscient ou la recherche psychanalytique auxquels cette dernière citation nous ramène, plus précisément le concept de la Chose. Celui-ci est décrit par Julia Kristeva comme « l’indéterminé, l’inséparé [du sujet], l’insaisissable[9] », ou encore, par Steven Morin, comme « cet absolu issu de la jouissance mythique de l’Un, innommable parce que situé avant le langage […], en deçà de la médiation de la nomination[10] », une « in[a]d[é]quation [qui] instaure alors une béance, un trou, un vide, en quelque sorte un lieu intraduisible[11] ». Ces commentaires font bien entendu référence à Sigmund Freud d’abord, et ensuite à Jacques Lacan qui « dira que le réel, le trauma, la jouissance font trou, trou dans le tissu signifiant[12] ». Ainsi, dans l’indicible de l’expérience génocidaire, en tant qu’expérience d’une horreur magnifiée, on pourrait retrouver à la fois le gigantisme et le caractère absolu de la conceptualisation du divin (dans la mesure où l’holocauste a fait des millions de victimes et en ce sens que la force menaçante avait une ampleur incommensurable[13]), de même que la dimension intime et non moins abyssale de cette béance, de ce trou traumatique de / dans l’inconscient. Quoi qu’il en soit de l’ontologie de l’indicible, cet impossible à dire ou à représenter n’en cherche pas moins à être communiqué. En témoignent de nombreux récits de survivance qui ont tenté d’approcher à la fois l’horreur colossale du génocide et celle plus personnelle et subjective du ressenti individuel. Parmi ces textes, nous retiendrons celui de Robert Antelme, dans lequel l’auteur se questionne justement sur l’habileté du langage à rendre compte de l’horreur. Le passage suivant est particulièrement éloquent à ce sujet et c’est sans doute pourquoi il a si souvent été cité :
[D]ès les premiers jours […], il nous paraissait impossible de combler la distance que nous découvrions entre le langage dont nous disposions et cette expérience que, pour la plupart, nous étions encore en train de poursuivre dans notre corps. […] À peine commencions-nous à raconter, que nous suffoquions. À nous-mêmes, ce que nous avions à dire commençait alors à nous paraître inimaginable[14].
Certainement, Marguerite Duras a été marquée, en tant qu’écrivaine, par cette idée que le langage ne peut pas, ultimement, tout raconter[15], qu’il est constitué aussi par un manque.
Affirmer cela, que le langage ne peut désigner le tout de l’expérience, comme on le ferait d’une évidence (et c’en est sans doute une), nous amène à constater rétrospectivement le développement (qui s’avère être en même temps un effondrement) de la pensée moderne. Si l’on a longtemps vanté les mérites de la rationalité au détriment du ressenti, la donne semble avoir quelque peu changé. La langue et le langage, en tant que modes d’organisation de la pensée, n’ont peut-être plus la toute-puissance qu’ils ont jadis connue. Marie-Chantal Killeen attribue principalement ce passage du modernisme au postmodernisme à trois figures marquantes du dernier siècle :
Maîtres du soupçon, Marx, Nietzsche et Freud ébranlent chacun à leur tour un des édifices fondateurs — l’histoire, la morale, le sujet — de la pensée moderne. Ce triumvirat de penseurs pourtant bien distincts torpille dangereusement la foi dans la véracité de la représentation, l’universalisme des valeurs, la transparence du langage et la souveraineté du sujet[16].
Il se trouve que l’un des événements ayant le plus participé à cet écroulement du Savoir et de la Vérité, hérités des Lumières, fut la Seconde Guerre mondiale. Depuis lors, le travail du doute n’a fait que s’accélérer et cette béance qu’on nomme indicible a vite rencontré les préoccupations esthétiques des créateurs. En admettant l’existence d’un « infigurable », des écrivains — et Marguerite Duras en est — se sont occupés d’entourer cette béance obscure afin de se rapprocher de son sens. La création littéraire, entre autres, a pu ainsi servir (malgré l’apparente faillite du langage) de dispositif permettant de représenter « la lutte du sujet avec l’effondrement symbolique[17] ». Un peu comme le tétragramme YHWH, écrit en référence à Dieu mais imprononçable, le langage poétique (opposé au langage ordinaire ou scientifique) paraît pouvoir faire référence à l’indicible, lui ménager un espace dans ses lézardes, ses ambiguïtés, ses plages d’ombre. L’écriture de Marguerite Duras s’est ainsi trouvée confrontée à cette impossibilité de dire, sans que la nécessité de dire en soit effacée[18]. Du coup, elle cherchait à dire l’indicible, ou comme elle le propose, l’indisible[19]. Mais comment ? Peut-être, c’est son postulat, en rendant compte d’une part de cette impossibilité, puis en cherchant dans les failles mêmes du langage. L’indescriptible pourrait paradoxalement être décrit par une interruption du discours, ou un brisement de la langue, du discours, et au cinéma, des images, du matériau filmique et de la représentation. Dans son écriture littéraire, ce travail de déconstruction se fait, entre autres (dans le texte d’Aurélia Steiner, au moins), par un « relâchement de la fonction anaphorique[20] » des pronoms, ce qui amène « une suspension provisoire du sens[21] », des « interruptions infimes de la linéarité de la lecture[22] », l’ouverture de « gouffres […] dans le texte[23] » : la valeur référentielle des pronoms (je, il, elle, nous, vous) demeure imprécise, volontairement confuse. Marie-Laure Bardèche remarque de plus que cet usage particulier des pronoms provoque un « glissement non motivé de la désignation à la représentation[24] » et une « discontinuité de la progression textuelle[25] » et narrative qui se constate dans la nécessité qu’a le lecteur de constamment refaire ou vérifier l’identification des personnages du récit par une relecture. En outre, l’écriture durassienne se fait généralement par à-coups, selon une logique « de juxtapositions, de ruptures, de répétitions et de contradictions[26] » qui l’éloigne du roman traditionnel et qui « oblig[e] à une lecture non-linéaire [… et] non-totalisante[27] ». Anne Juranville nous donne à son tour quelques caractéristiques de l’écriture durassienne :
Emploi anormal de la préposition « sans », surabondance d’oxymores, usage singulièrement lyrique et expressif de mots ordinaires antinomiquement [sic] rapprochés ou inhabituellement structurés sur le plan syntaxique[28].
Effectivement, le rudoiement de la syntaxe correcte sert régulièrement à l’auteure de stratégie énonciative. Des phrases parfois courtes, incomplètes (c’est-à-dire sans sujet, verbe ou complément), ponctuent le texte et laissent planer, laissent s’inscrire une masse silencieuse de non-dit, ou appuient une figure, une image qui devient par là plus pressante, plus prégnante : « On a tué beaucoup ici. Tué, oui. Presque chaque jour. Pendant mille ans. Mille et mille ans. Oui. Une fois. Mille fois. Cent mille. Le fleuve ensanglanté.[29] » Du reste, on peut constater que la disposition même du texte sur la surface de la page (dans Aurélia Steiner, Césarée et Les mains négatives plus singulièrement) participe de cette idée de la rupture, du brisement, de l’espacement[30] : la petitesse des paragraphes (parfois constitués d’une seule phrase, d’un seul mot) marque la lecture d’une surface blanche, vide ou mieux, pleine de silence. Par ces quelques exemples de l’esthétique littéraire de l’écrivaine, il est possible de déduire que ses oeuvres « problématisent la conception classique du langage comme moyen de représentation, en mettant en avant la matérialité du langage[31] ». On pourrait la qualifier d’écriture « blanche[32] », d’esthétique « de la maladresse[33] » ou d’écriture « du désastre[34] », toujours en insistant sur l’affirmation et le travail, dans cette écriture, d’une dislocation du langage et de son référent[35] (ou plutôt de sa capacité référentielle) dans la mesure où celle-ci permet d’ouvrir la lecture sur le monde obscur de ce qui pourrait bien être l’indicible. C’était là pour l’écrivaine une nécessité, en raison des événements traumatiques et chaotiques de l’extermination de millions d’êtres humains, que de reprendre l’écriture autrement. Au sortir de cette catastrophe, dit-elle, « [j]e me suis trouvée devant un désordre phénoménal de la pensée et du sentiment auquel je n’ai pas osé toucher et au regard de quoi la littérature m’a fait honte[36] ». Également, de cette honte paraît être venu le besoin, plus que la simple idée, d’entreprendre un travail de démolition de l’image dans sa toute-puissance de représentation, de figuration : celle du cinéma.
Du cinéma
Si le matériau filmique permet un rapport au réel si complexe (parce qu’apparemment sans médiation — le réel paraît se donner à l’écran), c’est, rapidement, en raison de la forte capacité iconique de l’image photographique et de la présence de mouvement (celui dans l’image et celui de l’image, ou l’enchaînement mouvant des images). Or, cet effet de réalité produit par le filmique ne procède jamais sans que « le film, eu égard à son matériau langagier, [ne] gère le réel[37] ». Et cette organisation du réel (par la mise en scène, le filmage[38], le cadrage, le montage, etc.) fait en sorte que « ce qui est d’abord réel dans le message visuel ce n’est pas ce qu’il représente, mais l’image elle-même[39] ». Dans la mesure où, au cinéma, Marguerite Duras refuse systématiquement la représentation, la mise en scène des événements de l’histoire qu’elle tient à raconter, cette préoccupation de la valeur référentielle de l’image est certes justifiée. Chez la cinéaste, et en l’occurrence dans Aurélia Steiner, le film est traversé par la tension contradictoire entre la présentation d’une image et l’impossibilité d’une image[40] (ici, celle de l’expérience génocidaire). Alors que la voix (qu’on dira off[41]) raconte, l’image montre tout autre chose (on pourrait inverser cette affirmation en disant que c’est la voix qui raconte autre chose). Cette dissociation diégétique et narrative marque très brutalement le procès énonciatif du film (c’est-à-dire son fonctionnement). Nous rappellerons que Christian Metz affirmait que l’énonciation ne se marquait pas tant, dans le film, par des traces déictiques (comme c’est le cas dans la langue), « mais [plutôt] par des constructions réflexives[42] », au sens où « [l]’énonciation est l’acte sémiologique par lequel certaines parties d’un texte nous parlent de ce texte comme d’un acte[43] », comme d’une production. Or, dès ses premiers films, Marguerite Duras pousse le matériau filmique à ses limites[44] par différentes méthodes dont l’usage d’éclairages artificiels négligés, l’exacerbation de la théâtralité, le tournage en lumière naturelle faible du matin ou du soir, la fuite de la narrativité, l’effacement et la désertion de l’image (jusqu’au noir total de plus de la moitié de L’homme atlantique), puis la dislocation des bandes-son et image. Ce dernier élément demeure particulièrement étonnant pour le spectateur puisque, habituellement, les deux bandes suivent un même trajet diégétique. Leur décrochage l’une de l’autre témoigne du fait que, même si
le cinéma permet d’articuler, au niveau perceptif du spectateur, une chaîne visuelle et une chaîne sonore [, leur articulation n’empêche pas que leurs] élaborations respectives peuvent avoir été complètement disjointes[45].
Il semble que la béance inscrite dans l’image eu égard à cette séparation reconduit dans la lecture une certaine idée d’indicible.
Aurélia Steiner, ce sont deux courts métrages réalisés en 1979[46]. Ils traitent de la question juive (ou tentent de le faire[47]), et de celle du génocide, sans jamais en montrer d’images. Une voix, celle de l’auteure, récite le texte à la place d’Aurélia Steiner, une femme juive, survivante. Dans Aurélia Melbourne, la caméra, située sur un bateau en mouvement, se déplace sur la Seine, lentement. Dans Aurélia Vancouver, l’image montre des objets immobiles (billots de bois, roches, arbres), des lieux déserts (plage, mer, gare), et la voix surplombe toujours la bande-image, participe de cette errance à partir d’un autre site, effacé. Pour tenter de dire l’événement, l’auteure passe par la fiction mais peut-être davantage par la poésie, par une poétique qui neutralise presque la narrativité en cherchant à composer plutôt des images d’une certaine abstraction, par la conjonction d’images filmiques et de voix, de vides et de silences. On retrouve le vide à l’image dans cette quasi-absence de toute figure humaine et dans toute cette eau, la Seine ou la mer à propos desquelles la cinéaste dit :
C’est un vide au milieu de l’image, le fleuve. Quelquefois, une phrase l’enjambe. Il y a des ponts. Il y a peut-être des passages du langage, qu’on peut tenter. Mais après, on revient au vide, on retourne dans le vide[48].
Aurélia Steiner, c’est en somme une figure à travers laquelle Duras fait exister la totalité du peuple juif, en exil toujours. Précisément, elle dit ceci :
La première génération, les grand-pères [sic], les grands-parents d’Aurélia Steiner, sont morts dans les camps. Ils avaient des enfants qui, eux-mêmes, avaient des enfants. C’est dans cette deuxième génération qu’il y a eu des enfants juifs qui ont été protégés parce que les parents, dès 1933-34, les ont envoyés dans des villes comme Vancouver, comme Melbourne. Des villes loin de l’Europe, où leur vie a été protégée. Et ces deux personnes (en une), ces deux Aurélia, cette même Aurélia, serait née là. […] Elle a toujours dix-huit ans, où qu’elle soit. Et elle porte toujours le même nom. Et elle peuple la terre entière[49].
En effet, comme le révèle la fin de chaque film, une Aurélia est de Melbourne, l’autre, de Vancouver[50], mais si, pour l’auteure, Aurélia serait née là, dans ces lieux, ces villes qui sont « des lieux de survie. Où la mémoire peut s’exercer à plein temps[51] », qu’elle n’aurait donc pas vécu l’expérience concentrationnaire (comme tous ces Juifs exilés, rescapés de l’horreur avant ou pendant la guerre), elle n’est pas moins née de ce choc funeste, de cette barbarie. « Elle n’est pas née là, mais elle est née là aussi. […] là où son père a été pendu. […] elle est contemporaine de cette mort.[52] » Dans Aurélia Vancouver, l’auteure raconte une scène, inspirée par La nuit d’Élie Wiesel[53], celle de la naissance d’Aurélia Steiner. Elle naît dans le sang de sa mère, dans le camp, alors que son père est pendu pour avoir volé de la soupe pour cette enfant. En quelque sorte, Aurélia naît de cette mort, de celle de ses parents — en tout cas, sa vie est, dès sa naissance, liée à la mort de ses parents. Elle naît, en tant que Juive expatriée, de cette mort massive de millions de Juifs. Cette hécatombe la constitue aussi, comme tout le reste, mais en tant que Juive exilée, particulièrement. De l’holocauste, cette figure se répand sur la planète[54], l’occupe de partout (de Melbourne, de Vancouver, d’ailleurs encore) et appelle les morts sans sépulture, « son amour disparu[55] », d’une voix fantomatique qui, ainsi que nous l’avons mentionné déjà, gravite au-dessus des images, comme à la recherche d’une réponse, d’un écho. Dans ces lieux vides (où l’absence fait présence), la voix appelle :
Où êtes-vous ?Comment vous atteindre ? […] Écoutez. Sous les voûtes du fleuve, ce déferlement. Écoutez encore. Cette apparente fragmentation dont je vous ai parlé, a disparu. […] Mais qui êtes-vous ? Mais qui ? Comment cela se ferait-il ? […] Je n’ai connaissance seulement que de cet amour que j’ai pour vous. Entier. Terrible[56].
La narratrice interpelle constamment un être, des êtres innommés, sans visages, mais dont la souffrance est sentie, passe par les images dans la langue, par celles, iconiques et souvent figuratives (symboliques, métonymiques ou métaphoriques), du film. Ainsi, dans Aurélia Vancouver, par exemple, nous pensons aux images rappelant les morts : ces billots de bois marqués (comme l’étaient les victimes), entassés comme des cadavres, dans un lieu déserté, un port ; ces rochers sur la plage, ces arbres alignés, ce statisme, l’absence ou l’extrême lenteur des mouvements (de la caméra), etc. La figure de l’eau est aussi très présente dans les deux films et visiblement significative : la Seine, ubiquiste, dans AuréliaMelbourne et, dans Aurélia Vancouver, la mer, le mouvement de ressac, celui des vagues. Comme le rappelle Marguerite Duras,
[l]es camps de concentration allemands […] étaient des lieux continentaux. Tous étaient à l’intérieur des terres, très loin. Étouffants, très froids en hiver, brûlants en été. Très loin à l’intérieur de l’Europe. Très loin de la mer. C’est là qu’elle [Aurélia] se transporte pour écrire son histoire. Son histoire à elle et celle des juifs de tous les temps[57].
Par là, on peut relever quelques symboliques attachées à cet élément de l’eau : i) l’eau comme atténuation de cet étouffement, comme fluidité, tranquillité, apaisement apporté aux âmes, aux morts ; ii) l’eau symbolisant le dispersement des Juifs en dehors de l’Europe ; iii) l’eau comme symbole maternel, de naissance. Il est d’ailleurs bien connu que l’eau symbolise souvent le féminin, le maternel. Sigmund Freud écrivait que « [l]a naissance se trouve régulièrement exprimée dans le rêve par l’intervention de l’eau […][58] ». Simone de Beauvoir recensait, quant à elle, ce symbole dans la littérature et en concluait que « la Mer est un des symboles maternels qu’on retrouve le plus universellement[59] ». Nous nous permettons de citer assez longuement le texte de Marguerite Duras puisqu’il exprime de lui-même cette idée du surgissement d’une luisance charnelle des profondeurs marines :
Devant moi est née une couleur, elle est très intense, verte, elle occupe une partie de la mer, elle retient d’elle beaucoup dans cette couleur-là, une mer, mais plus petite, une mer dans le tout de la mer. La lumière venait donc du fond de la mer, d’un trop-plein de couleur dans sa profondeur, et ce contre-jour noir, un moment avant, venait de son jaillissement de toutes parts au sortir des eaux. La mer devient transparente, d’une luisance, d’une brillance d’organes nocturnes, on dirait non d’émeraude, vous voyez, non de phosphore, mais de chair[60].
Aurélia est née dans le camp, son identité en est surgie pour toujours. Mais l’appel qu’elle lance ici, dans ces textes, vise d’abord à atteindre, rejoindre et unifier cette voix brisée par la violence et, en outre, à partager la douleur à l’échelle humaine : « La seule réponse à faire à ce crime est d’en faire un crime de tous. De le partager. De même que l’idée d’égalité, de fraternité. Pour le supporter, pour en tolérer l’idée, partager le crime.[61] » Et c’est par un travail d’écriture (littéraire et filmique) particulier que cet appel de l’indicible et d’une masse de vie et de souffrance menacée par l’oubli se construit.
L’écriture filmique est ici particulièrement visible, dans sa déconstruction, dans l’affrontement du langage cinématographique et des impensables de la convention. Peut-être que cet acharnement à défaire le jeu filmique tenant à l’effet de réalité et à l’immanence de la narration permet à la cinéaste de présenter, quelque part dans l’image (ou entre l’image et la voix, dans cet espace qui demeure toujours imprésent[62]), ce qu’on tient pour « irreprésentable ». Si l’écriture se montre tout en niant le jeu filmique de la représentation d’une action, l’impossible représentation des événements génocidaires (son impossibilité) est, elle, bel et bien écrite. Plus qu’une tentative de représentation des événements, ce qu’ils ne sont pas, les films de Marguerite Duras seraient davantage une mise en évidence de la capacité du film d’agir comme surface qui permet l’inscription d’une « pensée en écriture[63] », finalement d’une poétique qui cherche à montrer sans démontrer, à présenter sans représenter, à faire participer le spectateur au travail du souvenir.
Parties annexes
Note biographique
Gabriel Laverdière
Gabriel Laverdière est auxiliaire de recherche et d’enseignement à l’Université Laval au Département des littératures.
Notes
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[1]
Paul Robert, Le Nouveau Petit Robert, 2006, p. 1346.
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[2]
Les deux films portent le même titre, c’est pourquoi on réfère habituellement — Marguerite Duras le fait également — à Aurélia Melbourne pour l’un et à AuréliaVancouver pour l’autre.
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[3]
Forcément, nous entendons utiliser ce terme dans toute son ampleur sémantique (et non pas seulement dans l’acception littéraire) et nous renvoyons par là à l’usage qu’en font plusieurs auteur(e)s dont Roland Barthes, Marie-Claire Ropars-Wuilleumier, Julia Kristeva et Lucie Roy. Simplement, nous recherchons, dans ce concept, sa racine : du latin textus et texere (tisser, tramer, entrelacer), lié au grec tekhnê, le texte désigne « le fait de construire, de fabriquer, tailler […] ou encore [désigne] des productions de l’esprit ». « Tisser », dans Paul Robert, Le Nouveau Petit Robert, op. cit., p. 2620.
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[4]
Marguerite Duras rend compte de l’attente et du retour de Robert Antelme dans son livre La douleur (1985).
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[5]
Julia Kristeva, Soleil noir. Dépression et mélancolie, 1987, p. 231.
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[6]
Françoise Rétif, « Préface », dans L’indicible dans l’espace franco-germanique au XXe siècle, 2004, p. 7.
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[7]
Ibid., p. 8.
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[8]
Marie-Chantal Killeen, Essai sur l’indicible. Jabès, Duras, Blanchot, 2004, p. 11.
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[9]
Julia Kristeva, Soleil noir, op. cit., p. 22.
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[10]
Steve Morin, « L’impossible retrouvaille de la chose dans Hiroshima mon amour de Marguerite Duras », 1998, p. 163.
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[11]
Id.
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[12]
Fernand Cambon, « De l’indicible en psychanalyse », dans Françoise Rétif (dir.), L’indicible dans l’espace franco-germanique, op. cit., p. 39.
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[13]
Incommensurable au regard de la complexité du projet nazi et de l’immensité (humaine, géographique, politique, philosophique, etc.) de sa réalisation.
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[14]
Robert Antelme, L’espèce humaine, 1994, p. 9.
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[15]
Jacques Lacan a écrit : « Je dis toujours la vérité : pas toute, parce que toute la dire, on n’y arrive pas. La dire toute, c’est impossible, matériellement : les mots y manquent. C’est même par cet impossible que la vérité tient au réel » (Télévision, 1974, p. 9).
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[16]
Marie-Chantal Killeen, Essai sur l’indicible, op. cit., p. 15-16. Bien sûr, on pourrait allonger la liste de ces penseurs du doute en n’oubliant pas l’immense travail de déconstruction entrepris par les féministes dans tous les domaines du savoir.
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[17]
Julia Kristeva, Soleil noir, op. cit., p. 35. Le « symbolique » dont il est ici question est celui défini par Jacques Lacan, c’est-à-dire celui qui « désigne l’ordre de phénomènes auxquels la psychanalyse a affaire en tant qu’ils sont structurés comme un langage » (Jean Laplanche et Jean-Bertrand Pontalis, Vocabulaire de la psychanalyse, 1976, p. 474).
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[18]
Déjà dans Hiroshima mon amour, l’horreur absolue du ravage de l’explosion nucléaire ne peut qu’être contournée. Les traces réelles, enregistrées, comptabilisées, exposées par le discours et les organisations officiels (musées, actualités, photographies, statistiques) ne peuvent rendre compte de l’événement. La femme insiste : « J’ai vu les actualités. […] Des chiens ont été photographiés. / Pour toujours. / Je les ai vus. / J’ai vu les actualités. / Je les ai vues. » Et toujours l’amant japonais la contredit : « Tu n’as rien vu. Rien » (Marguerite Duras, Hiroshima mon amour, 1971, p. 27).
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[19]
Marguerite Duras, Oeuvres cinématographiques. Édition vidéographique critique, 1984, p. 59.
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[20]
Une analyse détaillée de ce travail stylistique a été effectuée par Marie-Laure Bardèche dans l’article « “C’est la faute des pronoms” : poétique du personnage romanesque dans Aurélia Steiner », 2002, p. 119-120.
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[21]
Ibid., p. 119.
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[22]
Id.
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[23]
Ibid., p. 120.
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[24]
Un exemple de cet effet, le « je parle de soi comme d’une troisième personne absente » (id.). Il se met en scène, se représente en quelque sorte.
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[25]
Ibid., p. 121.
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[26]
Marie-Chantal Killeen, Essai sur l’indicible, op. cit., p. 29.
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[27]
Id.
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[28]
Anne Juranville, La femme et la mélancolie, 1993, p. 69.
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[29]
Marguerite Duras, Le navire Night et autres textes, 2001, p. 115. Le texte ici reproduit correspond à celui lu par l’auteure dans le film Aurélia Melbourne. Le texte publié (dont apparaît ici la référence) est légèrement différent.
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[30]
Dans son étude fort complexe L’image écrite ou la déraison graphique, Anne-Marie Christin « envisage l’image dans sa totalité en y distinguant deux composantes — des figures et un support […] ». En prenant pour exemple le Coup de dés de Mallarmé, elle affirme que « [c]e que le lecteur questionne, ce ne sont pas en effet seulement les mots privilégiés, mais l’emplacement, l’ampleur ou l’étroitesse des vides, le dynamisme ou la chute des vecteurs de phrase, semblable à l’auditeur complétant les propos qu’il écoute par des indices sonores — hésitations de la voix, pauses, redites — mais aussi par d’autres, purement visuels — altérations du visage, du regard, des gestes — qu’il relève dans l’attitude de celui qui s’adresse à lui et qui participent […] de son discours » (L’image écrite ou la déraison graphique, 2001, p. 6 et 117).
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[31]
Marie-Chantal Killeen, Essai sur l’indicible, op. cit., p. 12.
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[32]
Pour Maud Fourton, l’écriture blanche est celle « portée par les pertes sous-entendues à la fois entre et dans les mots ; [elle est] une écriture cependant aux antipodes de la neutralité […] puisqu’elle manifeste son impossibilité de tout dire, certes, mais en consignant sa propre perte » (« Une esthétique du contresens : propositions pour une écriture blanche dans L’amour de Marguerite Duras », 2002, p. 339).
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[33]
Julia Kristeva, Soleil noir, op. cit., p. 233.
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[34]
Cette belle formulation est de Maurice Blanchot qui dit ceci : « Ce qui la mime [la mort …], figure infigurable, c’est, de par l’écriture même, la déliaison, la rupture, la fragmentation, mais sans clôture […]. Écrire […] c’est annoncer, accueillant sans le reconnaître l’absent — ou, par les mots en leur absence, être en rapport avec ce dont on ne peut se souvenir, témoin du non-éprouvé, répondant non seulement au vide dans le sujet, mais au sujet comme vide, sa disparition dans l’imminence d’une mort qui a déjà eu lieu hors de tout lieu » (L’écriture du désastre, 1980, p. 182 et 186).
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[35]
À ce sujet, Leslie Hill écrit ceci : “If Duras endows writing or the written text (“l’écrit”) with transcendent qualities […]. It is […] because […] writing, for Duras, bears witness […] to the presence at the heart of language and textuality of something, an object or an experience, which cannot be described except as an interruption, as a cessation of discourse, as a moment of transgression or transcendence” (“Marguerite Duras and the Limits of Fiction”, 1989, p. 3).
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[36]
Marguerite Duras, La douleur, op. cit., p. 10.
-
[37]
Dominique Chateau, « Film et réalité : pour rajeunir un vieux problème », 1983, p. 52. Nous soulignons.
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[38]
Par exemple, avec l’usage de lentilles de tailles variables, ayant chacune un effet particulier sur le rendu de l’image (sur la profondeur de champ, sur l’apparente profondeur de l’espace, etc.).
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[39]
Dominique Chateau, « Film et réalité, art. cit. », p. 58. Par ailleurs, Umberto Eco a soulevé la question très pertinente de la valeur référentielle de l’image. Après tout, rappelle-t-il, qu’y a-t-il de semblable entre une chose et l’image de cette chose ? Très peu, en effet (ni la taille, ni la texture, ni le volume, etc.). Il en conclut que « les signes iconiques reproduisent certaines conditions de la perception de l’objet mais après les avoir sélectionnées selon des codes de reconnaissance et les avoir notées selon des conventions graphiques […]. De la sélection de ces aspects dépend la possibilité de reconnaissance du signe iconique » (La structure absente. Introduction à la recherche sémiotique, 1984, p. 178-179).
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[40]
“[…] a text traversed by a contradictory tension between the desire for an image and the knowledge that the image is impossible” (Leslie Hill, “Marguerite Duras and the Limits of Fiction, art. cit.”, p. 14).
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[41]
C’est-à-dire dont la source sonore n’apparaît pas à l’écran.
-
[42]
Christian Metz, L’énonciation impersonnelle, ou le site du film, 1991, p. 19.
-
[43]
Ibid., p. 20.
-
[44]
Elle dit elle-même : « Je suis dans un rapport de meurtre avec le cinéma. J’ai commencé à en faire pour atteindre l’acquis créateur de la destruction du texte. Maintenant c’est l’image que je veux atteindre, réduire » (Marguerite Duras, Les yeux verts, 1987, p. 93).
-
[45]
Marie-Claire Ropars-Wuilleumier, « La mort des miroirs : India Song. Son nom de Venise dansCalcuttadésert », 1979, p. 5.
-
[46]
Ce sont aussi trois textes publiés et une adaptation théâtrale par Michèle Fabien (parue dans la revue Didascalies, no 3 (avril 1982), p. 93-104.).
-
[47]
Marguerite Duras affirme se dévoiler beaucoup « dans ce désespoir de ne pas pouvoir “préhender” la chose juive » (Oeuvres cinématographiques, op. cit., p. 56).
-
[48]
Ibid., p. 57.
-
[49]
Ibid., p. 55.
-
[50]
Ces phrases terminent les deux films : « Je m’appelle Aurélia Steiner. J’habite Melbourne [Vancouver] où mes parents sont professeurs. J’ai dix-huit ans. J’écris » (Marguerite Duras, Le navire Night, op. cit., p. 121 et 147).
-
[51]
Marguerite Duras, Oeuvres cinématographiques, op. cit., p. 58.
-
[52]
Ibid., p. 56.
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[53]
L’auteure parle elle-même de cette influence. Voir id.
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[54]
« […] elle se dilue sur la planète. Elle se dilue, elle est partout. Comme tous les juifs », id.
-
[55]
Ibid., p. 57.
-
[56]
Comme dit à la note 29, cet extrait (d’Aurélia Melbourne) est écrit un peu différemment dans le texte publié. Marguerite Duras, Le navire Night, op. cit., p. 105 ; 112-114.
-
[57]
Marguerite Duras, Oeuvres cinématographiques, op. cit., p. 56.
-
[58]
Sigmund Freud, Introduction à la psychanalyse, 1989, p. 145.
-
[59]
Simone de Beauvoir, Le deuxième sexe I, 1968, p. 237-238.
-
[60]
Marguerite Duras, Oeuvres cinématographiques, op. cit., p. 126-127.
-
[61]
Marguerite Duras, Les yeux verts, op. cit., p. 61.
-
[62]
Lucie Roy évoque cette idée d’une écriture par imprésence : « même détournée de son usuel pouvoir constatif, l’image peut faire poindre l’horizon d’un autre temps, comme tel, “in-figurable”, parce que, justement, pris dans la chute du passé et de l’Histoire ; ce temps est infigurable, car on ne saurait avoir cette prétention de réeffectuer le passé lui-même. L’image peut toutefois configurer, par intentionnalité, l’infigurable, même celui du temps passé par, justement, l’absence d’une perception ou d’une figuration soi-disant “directe” des événements par l’image. Ce temps-ci, c’est-à-dire le temps passé infigurable, s’écrit dans le film Shoah [et dans ces films de Marguerite Duras] par “imprésence” — et non par négation — de l’écrire » (Petite phénoménologie de l’écriture filmique, 1999, p. 43).
-
[63]
Ibid., p. 14.
Références
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- — — —, La douleur, Paris, P. O. L, 1985.
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- — — —, Les yeux verts, Paris, Cahiers du Cinéma, 1987 [1980].
- — — —, Oeuvres cinématographiques. Édition vidéographique critique, Paris, Ministère des Relations extérieures — Bureau d’animation culturelle, 1984.
- Eco, Umberto, La structure absente. Introduction à la recherche sémiotique, Paris, Mercure de France, 1984 [1972] (trad. d’U. Esposito-Torrigiani).
- Fabien, Michèle, « Hors cadre », Didascalies, no 3 (avril 1982), p. 93-104.
- Fourton, Maud, « Une esthétique du contresens : propositions pour une écriture blanche dans L’amour de Marguerite Duras », dans Aline Murat-Brunel et Karl Cogard (dir.), Limites du langage : indicible ou silence, Paris, L’Harmattan, 2002, p. 339-347.
- Freud, Sigmund, Introduction à la psychanalyse, Paris, Gallimard (Folio Essais), 1989 [1922].
- Hill, Leslie, “Marguerite Duras and the Limits of Fiction”, dans Paragraph, vol. XII, no 1 (mars 1989), p. 1-22.
- Juranville, Anne, La femme et la mélancolie, Paris, Presses universitaires de France (Écriture), 1993.
- Killeen, Marie-Chantal, Essai sur l’indicible. Jabès, Duras, Blanchot, Saint-Denis, Presses universitaires de Vincennes (L’imaginaire du texte), 2004.
- Kristeva, Julia, Soleil noir. Dépression et mélancolie, Paris, Gallimard, 1987.
- Lacan, Jacques, Télévision, Paris, Éditions du Seuil (Le champ freudien), 1974.
- Laplanche, Jean et Jean-Bertrand Pontalis, Vocabulaire de la psychanalyse, Paris, Presses universitaires de France, 1976 [1967] (sous la direction de D. Lagache).
- Metz, Christian, L’énonciation impersonnelle, ou le site du film, Paris, Klincksieck, 1991.
- Morin, Steve, « L’impossible retrouvaille de la chose dans Hiroshima mon amour de Marguerite Duras », dans Christiane Kègle (dir.), Littérature et effets d’inconscient, Québec, Éditions Nota bene (Séminaires), 1998, p. 159-205.
- Rétif, Françoise (dir.), L’indicible dans l’espace franco-germanique au XXe siècle, Paris, L’Harmattan (Les mondes germaniques), 2004.
- Robert, Paul, Le Nouveau Petit Robert, Paris, Dictionnaires Le Robert, 2006.
- Ropars-Wuilleumier, Marie-Claire, « La mort des miroirs : India Song. Son nom de Venise dansCalcuttadésert », L’avant-scène cinéma, no 225 (avril 1979), p. 4-65.
- Roy, Lucie, Petite phénoménologie de l’écriture filmique, Québec — Paris, Éditions Nota bene — Klincksieck (Du cinéma), 1999.