Résumés
Résumé
Mallarmé se démarque des écrivains qui traitent le thème d’Hérodiade en faisant de Jean-le-Baptiste la figure centrale d’une oeuvre inachevée, où le « Cantique de saint Jean » devient le Symbole de son esthétique. Les fragments d’Hérodiade, fruits d’une longue gestation, sont le théâtre où s’affrontent drame religieux et drame poétique dans une quête spirituelle qui voit triompher le génie poétique. Ce dernier éclôt avec l’effacement du poète. Subsiste une religion sans Dieu, qui participe à l’avènement d’une poésie conçue comme reconstitution.
Abstract
Mallarmé distinguishes himself from other writers who treat the theme of Herodiad by making John the Baptist the central figure of an unfinished work, in which the “Cantique de saint Jean” becomes the symbol of his aesthetic. The fragments of Herodiade, which result from a long preparation, are the stage upon which religious and poetic dramas enter into conflict in a spiritual quest, in which the poetical genius triumphs, at the same time as the poet disappears. What remains is a godless religion that brings about the advent of a poetry conceived as a reconstitution.
Corps de l’article
La figure biblique de Jean-le-Baptiste, précurseur, prophète, « voix de celui qui crie dans le désert », a inspiré une multitude d’écrivains et de poètes, qui se sont toujours attachés au couple que le saint forme avec Salomé, parfois appelée Hérodiade. Le thème va connaître un succès croissant durant la seconde moitié du XIXe siècle, quand le personnage du saint semble se vider de sa substance au profit de celle que Barbey d’Aurevilly nomme cette « bourrelle d’Hérodiade ». Mallarmé, lui, contrairement à ce que pourrait laisser augurer le titre de son oeuvre, Hérodiade, fait de saint Jean la clef de voûte de son poème. Si la parole n’y est donnée au Baptiste que dans le « Cantique de saint Jean », la figure sous-tend cependant la totalité de l’oeuvre, qui opère un détournement des éléments bibliques convoqués. Aborder ce poème, c’est s’attaquer à un sujet extrêmement complexe qui a fait l’objet d’études magistrales comme celles de Gardner Davies[1], Sylviane Huot[2], Jean-Pierre Richard[3] et, plus récemment, de Bertrand Marchal[4], Laurent Mattiussi[5], Mireille Rupli et Sylvie Thorel[6]. Ces lectures, éclairantes et souvent complémentaires, témoignent de la richesse d’un texte fragmentaire dont on n’a pas encore épuisé le sens. Nous nous proposons quant à nous d’en retracer la genèse avant de réfléchir à la fonction qu’occupe, dans l’oeuvre mais aussi dans la psyché mallarméennes, la figure axiale du Précurseur, laquelle participe d’une symbolique biblique omniprésente dans une fiction poétique allégorique qui a pour objet de reconstituer le mariage de la Beauté, Hérodiade, et du Génie, Jean-le-Baptiste.
Hérodiade, ce nom fait rêver Mallarmé depuis son adolescence. Une fascination qui conduit le jeune écrivain à l’insérer dans « Les Fleurs », poème où il affiche sa filiation à Baudelaire. En 1865, il confie à Eugène Lefébure : « Le peu d’inspiration que j’ai eu, je le dois à ce nom, et je crois que si mon héroïne s’était appelée Salomé, j’eusse inventé ce mot sombre, et rouge comme une grenade ouverte, Hérodiade[7]. » Commentaire qui prouve que le personnage éponyme n’était pas initialement, pour Mallarmé lui-même, caractérisé par sa pureté et les sèmes y afférant. Lorsque le poète entreprend son oeuvre, où il opère volontairement la fusion entre Hérodiade et sa fille, le thème biblique commence seulement à s’imposer dans l’art et la littérature ; il n’est pas encore devenu ce mythe symboliste que Michel Décaudin définira comme celui de la « femme-fleur du Mal[8] » qui habite la littérature fin-de-siècle. L’entreprise de relecture du sujet biblique n’est cependant pas indépendante d’influences auxquelles, de par sa nature et ses expériences, Mallarmé a été sensible. Parmi ses sources d’inspiration s’impose Atta Troll (1841), de Heinrich Heine, où le personnage féminin est déjà assimilé à la beauté qui fascine le poète ; Hérodiade-Salomé y est figurée comme un spectre qui baise le chef du saint avec lequel elle joue comme avec une balle[9]. Helen Zagona[10] a montré de quelle manière les deux écrivains avaient fait du personnage féminin, a contrario de leurs soeurs en peinture et en littérature, l’allégorie d’une poésie nouvelle.
Mallarmé a 22 ans en 1864 quand il évoque la composition d’une oeuvre portant ce titre, dont il veut qu’elle soit une tragédie. Il s’en ouvre à son ami Henri Cazalis :
J’ai enfin commencé mon Hérodiade. Avec terreur, car j’invente une langue qui doit nécessairement jaillir d’une poétique très nouvelle, que je pourrais définir en ces deux mots : Peindre, non la chose, mais l’effet qu’elle produit[11].
Mallarmé, qui a désiré apprendre l’anglais pour pouvoir lire Edgar Poe dans le texte, veut mettre en oeuvre la poétique qu’il a découverte dans la Genèse d’un Poème, où on lit que « la première de toutes les considérations, c’est celle d’un effet à produire[12] ». Pour Bertrand Marchal, le poète constate avec Poe que « les plus pures exaltations sont à la merci d’une mécanique verbale entièrement maîtrisée[13] ».
En composant Hérodiade, Mallarmé s’inscrit dans la continuité de la poétique de son maître, comme le confirme la nature du sentiment dont il se sent habité alors et dont Cazalis, une fois encore, reçoit la confidence :
Moi, stérile et crépusculaire, j’ai pris un sujet effrayant, dont les sensations quand elles sont vives, sont amenées jusqu’à l’atrocité, et si elles flottent, ont l’attitude étrange du mystère[14].
Le propos indique déjà la nature de la réécriture à laquelle le poète se livrera à partir d’un thème dont sa psyché perçoit la puissance ; Mallarmé veut renouer au plus profond du sujet en présentant d’emblée comme secondaire la fidélité au récit biblique. L’expérience poétique, dont Hérodiade devient l’incarnation, prime dès lors sur toute autre visée. Dans un processus d’identification où les caractéristiques individuelles du modèle n’ont cependant plus de valeur que symbolique, Mallarmé s’abîme dans la figure de Jean-le-Baptiste pour tenter une aventure poétique sans précédent. Une démarche identifiable a posteriori, sur laquelle nous éclairent la correspondance de l’auteur et la publication des différents états des Noces d’Hérodiade par Gardner Davies[15] en 1959, ouvrage qui rassemble les manuscrits d’une oeuvre inachevée dont l’écriture s’étend sur 35 ans.
Dans une note des années 1890, Mallarmé précisera :
J’ai laissé le nom d’Hérodiade pour bien la différencier de la Salomé je dirai moderne ou exhumée avec son fait-divers archaïque — la danse, etc., l’isoler comme l’ont fait des tableaux solitaires dans le fait même, terrible, mystérieux — et faire miroiter ce qui probablement hanta, en apparue avec son attribut — le chef du saint — dût la demoiselle constituer un monstre aux amants vulgaires de la vie[16].
Commentaire qui souligne que cette oeuvre emblématique de l’évolution spirituelle et poétique de Mallarmé témoigne aussi, de la part du poète, d’un souci de se démarquer des réécritures de son temps.
Au début de la composition de ce qu’il conçoit d’abord comme un drame, Mallarmé déplore ne pas pouvoir s’y consacrer exclusivement. Il faut préciser qu’Hérodiade a désormais, en la petite personne de Geneviève, une rivale qui empêche l’écrivain de s’abstraire de la vie quotidienne. « Ce poème, écrit ce père de 22 ans en évoquant le bébé qui vient de naître, malheureusement, me prive des autres, et eussé-je la force de me mettre à écrire, je crois qu’elle chasserait avec ses cris les neuf Muses[17]. » Mallarmé précisera ailleurs qu’il est « trop jeune pour sentir toute la paternité » et qu’il aime « l’enfant, ou le chérubin détaché des fonds bleus de Murillo, plus que [s]a fille, dans Geneviève[18] ».
Dès cette époque, il devient le poète de la beauté pure qui rejette la peinture de l’amour, lequel n’est
qu’un des mille sentiments qui assiègent notre âme, et ne doit pas tenir plus de place que la peur, le remords, l’ennui, la haine, la tristesse », et fustige que « cinq ou six farceurs » se soient « institués les prêtres de ce gros garçon, rouge et joufflu comme un fils de boucher, qu’ils appellent Eros, se regardant avec l’extase du martyre chaque fois qu’ils accomplissaient ses rites faciles, et montant sur les femmes qu’ils avaient séduites comme sur des bûchers[19] !
Hérodiade sera, quant à elle, exempte de toute trivialité ; Mallarmé en poursuit la composition dans ce qu’il nomme un enfantement douloureux et intermittent. Il aimerait travailler davantage, mais ses fonctions d’enseignant au collège de Tournon lui pèsent ; à cela s’ajoute la fatigue que lui cause celle qu’il nomme « le baby ». Ainsi passe-t-il « des heures à observer dans les glaces l’envahissement de la bêtise qui éteint déjà [s]es yeux aux cils pendants et laisse tomber [s]es lèvres[20] ». Atteint d’une migraine qui l’empêche de se vouer à son oeuvre, il confesse un soir avoir le dégoût de lui-même :
Je recule devant les glaces, écrit-il, en voyant ma face dégradée et éteinte, et pleure quand je me sens vide et ne puis jeter un mot sur mon papier implacablement blanc. Être un vieillard fini à vingt-trois ans, alors que tous ceux qu’on aime vivent dans la lumière et les fleurs, à l’âge des chefs-d’oeuvre ! Et n’avoir pas même la ressource d’une mort qui aurait pu faire croire, à vous tous, que j’étais quelque chose et que, si rien ne reste de moi, le Destin seul qui m’eût emporté doit être accusé[21] !
Ces propos préludent à un drame existentiel que l’oeuvre d’Hérodiade donnera à lire à travers une transposition symbolique.
Si l’on considère le texte épistolaire comme un laboratoire de l’oeuvre en cours, on peut penser qu’il existe un lien entre l’intérêt que porte Mallarmé à un récit axé sur la décapitation de saint Jean et cette évocation, à la suite du passage cité, où l’épistolier confie à Henri Cazalis : « J’ai si peu de vie que mes lèvres pendent et que ma tête, qui ne peut plus se dresser, penche sur mon épaule ou tombe sur ma poitrine[22]. » Lui qui aspire au soir pour pouvoir écrire se trouve, lorsque « vient l’heure sainte de Jacob, la lutte avec l’Idéal », incapable « d’aligner deux mots[23] ». La solitude ne vaut rien à « un pauvre poète, qui n’est que poète — c’est-à-dire un instrument qui résonne sous les doigts de diverses sensations — […] dans un milieu où rien ne l’émeut, […] ses cordes se distendent, et viennent la poussière et l’oubli[24] ».
Ces notations épistolaires, d’une période précédant la grave crise que connaîtra Mallarmé en 1866, entrent en résonance avec le « Cantique de saint Jean », troisième fragment publié d’Hérodiade, où le précurseur repensé poétiquement énonce :
Et ma tête surgie
Solitaire vigie
Dans les vols triomphaux
De cette faux
Les mois passent et Mallarmé ressent de plus en plus cruellement l’ennui l’envahir ; il a le sentiment que son cerveau se désagrège. Aussi, au mois de mai 1865, Hérodiade ne lui apparaît-elle plus que comme « un creux souvenir[26] ». S’il y fait allusion en juin de la même année, c’est pour signaler qu’il a suspendu l’écriture d’une oeuvre qui lui a donné le sentiment d’être improductif. Durant cette période, qui précède sa révolte contre la foi, il se montre particulièrement séduit par Un prêtre marié , « un des plus beaux romans que je sache », écrit-il à Eugène Lefébure, « par ce catholique de génie, Barbey d’Aurevilly[27] ».
Mallarmé, qui a alors commencé L’après-midi d’un faune, et envisage de reprendre Hérodiade en hiver, évoque pour Théodore Aubanel la difficulté qui est la sienne à « suivre sa pensée avec lucidité par cette chaleur du midi […] toujours victorieuse de la bête », à laquelle s’ajoute la « complication désolante des classes qui coupent [sa] journée, et [lui] brisent la tête ». Car, poursuit le poète, « je suis peu respecté et même, parfois, accablé de papier mâché et de huées[28] ». Hérodiade s’effacera et réapparaîtra en octobre 1865 à la faveur de victoires réitérées sur ce quotidien qui accable Mallarmé et le voit souffrir de terribles névralgies.
En novembre 1865, Mallarmé a quelque peu modifié ses projets en transformant sa tragédie en poème. Il s’en ouvre à Cazalis en ajoutant qu’il gagne ainsi « toute l’attitude, les vêtements, le décor et l’ameublement, sans parler du mystère[29] ». Le 5 décembre, il confie au même ami s’être jeté « en maniaque désespéré sur une insaisissable ouverture de [s]on poème qui chante en [lui][30] » mais qu’il ne réussit pas à concrétiser. Il s’agit de l’ « Ouverture » dite ancienne d’Hérodiade. L’enfantement douloureux du poème de Mallarmé invite à citer l’affirmation de Paul Laurent Assoun selon laquelle, pour tout créateur, « le travail de production poétique est inséparable du travail spécifique de l’inconscient auquel il donne en quelque sorte corps » ; le verbe poétique, poursuit le psychanalyste, « exprime éminemment une parole permanente qui tente sans cesse de dire la chose qui tient au coeur du sujet[31] ». Appliquée à Mallarmé, l’affirmation autorise à faire d’Hérodiade — où le poète dit s’être investi tout entier — une oeuvre capitale où les personnages, tout en desservant une esthétique nouvelle, renvoient à la psyché de l’auteur.
Mallarmé, qui rêve à l’avance « tous les mots » de ce poème, réinvestit les vocables du langage courant en les faisant résonner en lui. Hérodiade est ainsi indissociable d’une théorie poétique qu’il définit pour Villiers de l’Isle-Adam : il s’agit de « donner les impressions les plus étranges, certes, mais sans que le lecteur oublie pour elles une minute la jouissance que lui procurera la beauté du poème[32] ». En un mot, poursuit-il, « le sujet de mon oeuvre est la Beauté, et le sujet apparent n’est qu’un prétexte pour aller vers Elle[33] ». En décembre 1865, la « Scène[34] » semble être terminée, Mallarmé commence l’Ouverture ancienne dans les premiers mois de 1866. Il écrit alors à Catulle Mendès : « Je la rêve si parfaite que je ne sais seulement si elle existera jamais[35]. » En avril, alors qu’il séjourne à Cannes chez son ami Lefébure, le poète, qui s’acharne sur Hérodiade, est en proie à une violente crise intellectuelle dont les prolongements s’étendront sur les deux années suivantes. Il évoque la nature de ce bouleversement pour Henri Cazalis :
En creusant le vers à ce point, j’ai rencontré deux abîmes qui me désespèrent. L’un est le néant, auquel je suis arrivé sans connaître le Bouddhisme […] l’autre vide est celui de ma poitrine. Je ne vais vraiment pas bien, et ne puis respirer longuement ni avec la volupté du bien-être[36].
Le bouleversement spirituel que connaît Mallarmé est en relation directe avec la composition d’Hérodiade. Pour évoquer cette expérience, Bertrand Marchal utilise l’expression de « contre-révélation mallarméenne du néant », « qui consacre l’effondrement de tout ce qui restait chez le poète d’illusions métaphysiques, en même temps que l’absolue certitude de celui qui se reconnaît désormais le prophète d’une vérité matérialiste[37] ».
Le critique fait intervenir dans la crise que Mallarmé connaît à Cannes « une forme d’expérience sensible immédiate de la nature » ; le poète et son ami Lefébure éprouvent à l’évidence, devant la divinité du paysage méditerranéen, que leurs rêves « ne sont que des mirages d’une impassible et pérenne nature[38] ». Cette révélation « consacre la fin des illusions métaphysiques qu’Hérodiade, jusque-là, ne pouvait qu’indéfiniment refouler ou nier désespérément sans s’en déprendre tout à fait[39] » ; elle marque « la mort du rêve baudelairien du poète de Tournon[40] ». L’expérience fait suite, en outre, à une nouvelle que Mallarmé a apprise peu avant de se rendre à Cannes, celle de l’attaque qui a frappé Baudelaire de paralysie à Namur. Pour Marchal, c’est « la conjonction d’un travail poétique et d’une révélation naturaliste[41] » qui volatilisent les dernières illusions métaphysiques de Mallarmé. Hérodiade est le point de rencontre de deux types d’inspiration, la première qui se rattache à une appréhension spiritualiste, baudelairienne, de l’idéal, la seconde qui annonce une Beauté objective ne renvoyant qu’à l’homme.
Le 20 décembre 1866, Mallarmé s’en ouvre à Armand Renaud :
J’ai infiniment travaillé cet été, à moi d’abord, en créant, par la plus belle synthèse, un monde dont je suis le Dieu, — et à un Oeuvre qui en résultera, pur et magnifique, je l’espère. Hérodiade, que je n’abandonne pas, mais à l’exécution duquel j’accorde plus de temps, sera une des colonnes torses, splendides et salomoniques, de ce Temple[42].
Mallarmé pense alors avoir trouvé son divin qui, selon Bertrand Marchal, désigne « cette source inépuisable du Rêve qui nie le Néant[43] ». Le poète s’engage alors dans une quête réflexive qui exclut définitivement l’illusion de l’infini. Le 14 mai 1867, il confie à Cazalis avoir passé « une année effrayante » où « [sa] Pensée s’est pensée[44] ». « Je suis maintenant impersonnel, et non plus Stéphane que tu as connu, — mais une aptitude qu’a l’Univers Spirituel à se voir et à se développer, à travers ce qui fut moi[45]. » La démarche réflexive amènera Mallarmé à la compréhension du parcours spirituel de l’humanité, une expérience dont doit rendre compte le Livre, dont Hérodiade est un fragment. Jugeant alors avoir achevé « l’Oeuvre, le Grand-Oeuvre, comme disaient les alchimistes, nos ancêtres », Mallarmé envisage sereinement d’entrer « dans la Disparition suprême[46] ». En 1886 le poète évoque cependant son souhait de compléter Hérodiade et, l’année de sa mort, en 1898, il entreprend d’achever cette oeuvre où réside la clé de son évolution artistique et spirituelle. Une dernière mouture aurait dû s’intituler Les noces d’Hérodiade, mystère.
La prise en compte de la genèse de la composition d’Hérodiade aide à la compréhension d’une oeuvre énigmatique dont la figure centrale n’est pas le personnage éponyme mais Jean-le-Baptiste, dont le Cantique s’élève de manière contemporaine à sa décapitation. Ce chant qui émane d’une instance unissant pour quelques derniers instants les deux parties d’un corps coupé est l’un des trois fragments revus et publiés par Mallarmé — les autres s’intitulent « Ouverture » et « Scène ». Nous le reproduisons ici.
CANTIQUE DE SAINT JEAN
Le soleil que sa halte
Surnaturelle exalte
Aussitôt redescend
Incandescent
Je sens comme aux vertèbres
S’éployer des ténèbres
Toutes dans un frisson
À l’unisson
Et ma tête surgie
Solitaire vigie
Dans les vols triomphaux
De cette faux
Comme une rupture franche
Plutôt refoule ou tranche
Les anciens désaccords
Avec le corps
Qu’elle de jeûnes ivre
S’opiniâtre à suivre
En quelque bond hagard
Son pur regard
Là-haut où la froidure
Éternelle n’endure
Que vous le surpassiez
Tous Ô glaciers
Le chant du saint est au coeur du dispositif d’Hérodiade, où, comme dans toutes les réécritures du mythe biblique, l’héroïne n’existe que dans les relations qu’elle entretient avec Jean. L’époque de sa composition n’est pas connue, mais elle semble bien antérieure aux dernières retouches que Mallarmé a faites de son poème. Dans les manuscrits édités par Davies Gardner, il apparaît que cette partie devait figurer au milieu du Prélude, et faire ainsi fonction d’anticipation prophétique, comme le choeur des sorcières de Macbeth. Dans les fragments publiés, il clôt le poème, dont il est la troisième partie, et met en relation des éléments épars dans l’oeuvre, à la signification de laquelle il contribue.
Pour Charles Mauron,
[l]’idée essentielle du poème fut évidemment suggérée à Mallarmé par le fait que la saint Jean correspond assez exactement au solstice d’été. Cette idée, poursuit-il, consiste en une simple métaphore qui met en parallèle d’une part la trajectoire du soleil, d’abord ascendante puis descendante, après une halte imperceptible et d’autre part la trajectoire tracée par la tête de saint Jean au moment de la décollation.
Le critique considère que cette oeuvre ne peut être complètement comprise « que si l’on se rend compte que le poète est en communion avec des profondeurs de l’inconscient[48] ». Une affirmation qui invite à lire Hérodiade avec le regard de la psychanalyse, démarche critique à laquelle Jean Bellemin-Noël a conféré sa légitimité.
Jean-Pierre Richard, qui prend aussi en compte le manuscrit des Noces d’Hérodiade, a montré quant à lui que la décollation du prophète provoque et justifie la mort de la princesse ; cette affirmation trouve sa justification dans le fait que « tout le mythe mallarméen d’Hérodiade peut sans doute se ramener à une tragédie du regard[49] ». Cette proposition, qui s’appuie sur le « viol oculaire » dont l’héroïne aurait été victime, reçoit l’aval de nombreux commentateurs. L’interprétation s’appuie sur une déclaration que Mallarmé lui-même aurait faite à Robert de Montesquiou en commentant ces dernières paroles d’Hérodiade dans « Scène » :
J’attends une chose inconnue
Ou peut-être, ignorant le mystère et vos cris,
Jetez-vous les sanglots suprêmes et meurtris
D’une enfance sentant parmi les rêveries
Se séparer enfin ses froides pierreries[50].
Le poète aurait indiqué que ces vers suggèrent
la future violation du mystère de son être [Hérodiade] par le regard de Jean qui va l’apercevoir et payer de sa mort ce seul sacrilège. Car la farouche vierge ne se sentira à nouveau intacte et restituée tout entière à son intégralité qu’au moment où elle tiendra entre ses mains la tête tranchée en laquelle osait se perpétuer le souvenir de la vierge entrevue[51].
De nombreux éléments attestent la véracité de ce témoignage, que quelques vers de Noces suffisent à illustrer. L’héroïne, qui a intimé à sa nourrice :
apporte-moi
ses traits sur un
plat d’or,
s’adresse au chef du saint en ces termes :
Davies Gardner, lui, n’accrédite pas cette thèse du viol oculaire. Il considère que la sensation de violence d’Hérodiade est liée à une rencontre purement spirituelle avec le précurseur dont elle ignore les traits au moment où elle en demande la tête ; une interprétation que nous trouvons moins convaincante que la première, et ce, pas seulement en raison du témoignage de Mallarmé. Le poète qui, comme nous l’avons vu dans les extraits cités de sa correspondance, attache une importance extrême au regard inversé que lui renvoie le miroir, se montre fasciné par ce que les yeux peuvent saisir de l’être. Le « Tombeau d’Anatole » qu’il compose à la mort de son petit garçon participe de cette caractéristique ; idéalisant, pour assurer sa survie, le jeune malade pendant son agonie, il s’attachera à ce que ses yeux ont emporté de lui, qu’il ne sait pas, dans la mort, laquelle ne débouche sur aucun autre mystère qu’elle-même. La tragédie vécue alors ravive celle de l’enfance de Mallarmé, lorsque le poète a vu disparaître les deux êtres qu’il aimait le plus au monde, sa mère et sa soeur Maria. On sait combien la privation, à cinq ans, du regard maternel, a marqué d’une empreinte profonde l’expérience poétique mallarméenne. Un traumatisme qui peut être mis en relation avec l’exigence extrême de Mallarmé envers un art vécu comme un ascétisme. S’y ajoute une forme de sacrifice, comme en témoigne Valéry qui affirme au sujet de Mallarmé : « Trente et quelques années, il fut le témoin ou martyr de l’idée du parfait[53]. » Témoin ou martyr de l’idée du parfait, les propos peuvent s’appliquer à Jean-Baptiste, dont Mallarmé exploite la figure, les attributs et la décollation d’une manière allégorique.
Le poète, que son ami Lefébure salue le 23 juin d’un « mon cher Jean Baptiste », semble s’identifier au personnage biblique. Coïncidence, Mallarmé, distingué des autres hommes pour être le précurseur d’une esthétique nouvelle, n’est-il pas comme le Prophète le fils d’une femme prénommée Élisabeth ? Le poète se montre très attaché au prénom de sa mère. Témoin cette lettre du 20 novembre 1864 où, après avoir annoncé la naissance de sa fille à sa grand-mère, il confie : « Une chose m’a été très douce, c’est qu’elle a choisi pour naître le jour de la fête de ma pauvre mère, la sainte Élisabeth[54]. » Il n’est pas exclu de penser que Mallarmé ait, du nom de la mère, fait dériver d’autres analogies. À l’infertilité première de la mère du Baptiste répond celle d’Élisabeth Mallarmé, rendue à la stérilité par la mort. Disparue, elle peut figurer dans ce paysage du Cantique :
Là-haut où la froidure
Éternelle n’endure
Que vous le surpassiez
Tous Ô glaciers
Mallarmé, qui a découvert le néant, la rejoint peut-être sur « les plus purs glaciers de l’Esthétique[55] » où il évolue pendant l’été 1866. À la fois présente et absente dans le désir incommensurable qu’a fait naître sa mort, la figure maternelle est incarnée fugitivement dans la « Scène » par la nourrice d’Hérodiade. Une nourrice qui, si elle tente de détourner l’héroïne de l’idéal, a su lui dispenser un bonheur inouï, qui amène la jeune fille à dire : « Si tu me vois les yeux perdus au paradis / C’est quand je me souviens de ton lait bu jadis[56]. » Le propos, s’il est à interpréter sur un plan métaphorique comme le souvenir du temps des illusions métaphysiques, suggère aussi le désarroi de celui qui a vu sa joie d’enfant confisquée par la disparition prématurée de sa mère. De la sorte, le Jean-Baptiste mallarméen dit toutes les blessures et les incertitudes de l’homme, que guérira la décollation en tranchant : « Les anciens désaccords / Avec le corps ».
Ce chant est à lire comme tributaire d’un vécu personnel traumatisant et de la crise religieuse — en deux étapes[57] — qu’a connue Mallarmé. Des éléments qui expliquent l’omniprésence d’un intertexte religieux subverti et mis au service d’une genèse qui se développe sur le plan de la création littéraire. Le choix du thème d’Hérodiade, dont on pourrait penser qu’il n’est qu’un prétexte à une expérience poétique, entretient — Léon Cellier[58], Charles Mauron[59] et Jean-Pierre Richard l’ont montré avec des méthodes différentes — une relation très forte avec le mythe personnel de Mallarmé, hanté par la figure de la Morte. Souscrivant à l’affirmation de Jean Bellemin-Noël selon laquelle « les écrivains sont des hommes qui, en écrivant, parlent à leur insu de choses qu’à la lettre ils ne savent pas[60] », nous risquons l’hypothèse selon laquelle les Noces consommeraient un inceste spirituel du poète avec sa mère — Hérodiade, « l’ombre d’une princesse[61] » —, tous deux incarnant respectivement le Génie et la Beauté.
Né d’un attachement obsessionnel à une dialectique de l’absence et de la présence, le projet mallarméen, qui consiste selon Sylvie Thorel à travailler « à l’instauration par la parole poétique d’un sens qui délivre le monde[62] », se concrétise à partir d’une réaffectation des signes religieux. Bertrand Marchal[63] a montré comment Mallarmé substituait à la religion, qui correspondait à une phase de l’évolution de l’humanité, une poésie qui catalyse les aspirations de l’homme au divin. Pour n’évoquer qu’un seul exemple, le critique relève que les manuscrits des Noces d’Hérodiade comportent la formule « sorte de déchirure sacrée du voile » qui, si elle possède à la fois une dimension sexuelle et théâtrale, est aussi une allusion biblique[64], puisque la déchirure du voile signifie la mort du Christ. Laurent Mattiussi postule, quant à lui, dans Figuration du divin, figuration de soi, une poétique mallarméenne régie par « le schème du néant irradiant ». Mallarmé, écrit le critique, « transpose le rituel liturgique et son instrument le plus resplendissant en une poétique de l’ostensoir comme schème de néantisation et de rayonnement, producteur de fiction[65] ».
Dans cette lignée interprétative, on peut considérer avec raison que le poète écrit délibérément, avec le « Cantique de saint Jean », un texte dont la vocation est de substituer aux croyances antérieures la foi en un absolu d’essence poétique. Une entreprise qui implique l’intégration et la re-sémantisation des éléments fondateurs du christianisme dont Mallarmé a éprouvé l’inanité. Dans cette optique, le poète privilégie le personnage de saint Jean-Baptiste, qui, avec le temps, a largement pris le pas sur celui d’Hérodiade. Les motivations liées à l’histoire personnelle de Mallarmé se conjuguent de la sorte avec l’intertexte biblique qui n’est pas qu’un accessoire. Le poème entier peut être relu à partir de ce constat.
Le terme cantique désigne un chant religieux, lequel peut être à la gloire de Dieu ou consister en une action de grâces. Il appelle la référence au Cantique des cantiques, que les mystiques chrétiens interprètent comme la célébration des relations du Christ avec son Église. Cette lecture invite à établir un parallèle entre le texte biblique et le projet des Noces d’Hérodiade, lesquelles figurent l’hymen de la Beauté et du Génie. La comparaison des principales scansions du poème mallarméen et du Cantique des cantiques fait apparaître de nombreux échos, souvent inversés, du texte biblique dans le second. Citons quelques exemples. La Bien-aimée du Cantique affirme, dans le « Premier poème » : « Je suis noire et pourtant belle[66] » ; à l’inverse, Hérodiade évoque « le blond torrent de [s]es cheveux immaculés[67] », sera qualifiée par sa Nourrice de « belle affreusement et telle[68] ». Plus loin, la Bien-aimée donne rendez-vous à son fiancé « à l’heure de midi[69] », bien que l’union des deux fiancés ait lieu la nuit ; or, à la même heure, Hérodiade connaîtra une défloration symbolique avec la décollation de Jean. Dans le « Troisième poème » du Cantique des cantiques, la Bien-aimée cherche « celui que son coeur aime[70] », quand, dans une étape correspondante du poème mallarméen, Hérodiade, incapable de concevoir l’amour comme un échange, est décrite par sa nourrice en train d’errer et de s’abîmer en elle-même. Évoquons encore un dernier exemple : tandis que les fiancés du Cantique s’unissent charnellement dans la maison maternelle, la froide Hérodiade se décrit « retirée dans [s]a couche[71] », semblable à un « reptile inviolé ».
Outre la référence au Cantique des cantiques, le « Cantique de saint Jean » résonne avec le Cantique de Zacharie (Jean, 1, 67). Zacharie, le père de Jean-Baptiste, prophétise :
Or toi aussi, petit enfant,
tu seras appelé prophète du Très-Haut ;
car tu marcheras devant le Seigneur[72],
pour lui préparer les voies,
pour donner à son peuple la connaissance du salut / par la rémission des péchés […]
pour illuminer ceux qui demeurent
dans les ténèbres et l’ombre de ma mort.[73]
On retrouve dans le « Cantique de saint Jean » la notion d’illumination, évoquée par le soleil et sa course, et le terme « salut », qui peut faire l’objet d’interprétations diverses. Pour Laurent Mattiussi,
la tête coupée, […] participe de ce « principe » auroral et virginal qu’est le soleil, dont elle revit le double geste de montée puis de descente, avant de quitter définitivement la scène du monde, à l’intention duquel elle penche un salut[74].
Cette lecture n’exclut pas, selon nous, une exploitation ironique de la notion de salut telle que l’évoque Zacharie dans son cantique. À ce titre, le « salut » de la fin du « Cantique » de Jean peut suggérer à la fois une inclination de la tête et l’action qu’accomplit le prêtre lorsqu’il salue le saint sacrement d’une génuflexion, la félicité notionnelle se substituant ici à la félicité éternelle. Invite à cette interprétation un état du Prélude où le « Cantique » commence par
Le « salut » suggère aussi une renaissance après une mort temporaire au monde des illusions. La date de composition du « Cantique » étant inconnue, il est impossible de discerner quelle part put y avoir la mort d’Anatole, le fils du poète décédé prématurément. Néanmoins, la composition d’Hérodiade s’étendant sur plus de 30 ans, on peut penser que Mallarmé y a intégré ses expériences successives ; aussi, saint Jean, auquel le poète s’était identifié en entreprenant son oeuvre, peut-il figurer également l’enfant qui a précédé son père dans la mort, et ce, en étroite corrélation avec le Cantique de Zacharie. Ces échos, ajoutés à la référence au jeûne du précurseur, « elle de jeûnes ivre » — Les noces d’Hérodiade évoquent aussi le « mangeur de sauterelles » et « Lucifer », l’un des surnoms de saint Jean, en référence à l’étymologie de « porteur de lumière » — , prouvent que Mallarmé, pour composer son oeuvre, ne s’est pas servi de simples allusions mais qu’il a volontairement cité le texte biblique pour lui donner une orientation nouvelle.
Enfin, dans les cinquième et sixième strophes du « Cantique de saint Jean », il est donné au décapité de pouvoir par son « pur regard » s’élever jusqu’à « la froidure éternelle » avant que son chef ne retombe à terre ; ce « Principe » constitue son baptême. La sixième strophe,
Là-haut où la froidure
Éternelle n’endure
Que vous le surpassiez
Tous Ô glaciers
signe le caractère prométhéen de l’entreprise, pointe l’orgueil de celui qui a voulu rivaliser avec Dieu. La décapitation de Jean, qui chante alors que sa tête a été coupée, fait émerger une parole pour ainsi dire surnaturelle.
La figure de Jean-Baptiste dont Mallarmé exploite sciemment tous les éléments bibliques instaure un rapport ironique entre les croyances anciennes, dont le poète a découvert la vanité, et le message du nouveau Précurseur. À l’instar du Baptiste, l’auteur d’Hérodiade ne se présente pas comme celui qui est attendu mais comme la Voix qui introduit au mystère. Si celui auquel le poète initie doit être lu en regard avec l’avènement auquel prépare Jean-le-Baptiste, il est cependant d’une autre nature, esthétique exclusivement. Mallarmé vide la figure du saint de sa signification religieuse pour la réinvestir, avec tous ses attributs, sur un plan purement poétique. Une démarche que permet d’expliquer l’affirmation de Paul Valéry selon laquelle Mallarmé a été le premier à « représenter le mystère de toute chose par le mystère du langage[76] », lui qui était en proie à « une lutte intérieure sublime[77] ». La poésie est en effet pour l’auteur d’Hérodiade
l’expression, par le langage humain ramené à son rythme essentiel, du sens mystérieux des aspects de l’existence : elle doue ainsi d’authenticité notre séjour et constitue la seule tâche spirituelle[78].
Une conception qui va de pair avec l’anonymat, comme Mallarmé l’écrit à Verlaine en évoquant « le Texte, y parlant de lui-même et sans voix d’auteur[79] ». De manière analogue au Précurseur, celui qui considère son époque « comme un interrègne pour le poète[80] » travaille « avec mystère en vue de plus tard ou de jamais[81] ».
Il semble donc cohérent de voir dans la figure de saint Jean telle que la traite Mallarmé la représentation du poète qui doit, à l’instar de Flaubert prônant la disparition de l’auteur dans son oeuvre, s’effacer pour que jaillisse une poésie authentique. Une hypothèse que confirment ces célèbres propos de « Crise de vers » :
L’oeuvre pure implique la disparition élocutoire du poète, qui cède l’initiative aux mots, par le heurt de leur inégalité mobilisés ; ils s’allument de reflets réciproques comme une virtuelle traînée de feux sur des pierreries, remplaçant la respiration perceptible en l’ancien souffle lyrique ou la direction personnelle enthousiaste de la phrase[82].
L’entreprise, qui passe par une « ordonnance du livre de vers », où « Tout devient suspens », signe le « génie, anonyme et parfait comme une existence d’art[83] ». Ainsi, dans le « Cantique de saint Jean », le Baptiste, représentation métaphorique du poète-prophète, chante alors que sa tête a été séparée de son corps ; de manière analogue, le Verbe, poétique, croît à partir du sacrifice que fait l’auteur de sa propre humanité.
Ancrée sur un intertexte religieux qui fait l’objet d’une éviction ou d’un détournement systématique, Hérodiade est portée par la figure de Jean-le-Baptiste. Investie d’un sens nouveau, celle-ci s’intègre à un processus qui substitue à la quête du divin une poésie conçue comme reconstitution. Sans citer la formule mise dans la bouche du Précurseur, « Pour qu’il croisse, il faut que je diminue », Mallarmé-Jean-Baptiste s’avère être le héraut annonciateur d’un mystère qui ne renvoie qu’à l’oeuvre, dont la beauté se construit par une énonciation qui entraîne l’effacement du poète. Dans cette perspective, le « Cantique de saint Jean » se fait le Symbole de l’esthétique mallarméenne, et la disparition du poète, une condition nécessaire à l’avènement de son art. Le poète doit mourir à lui-même afin de féconder la parole dont il s’absente et qui rayonnera au-delà de lui.
Parties annexes
Note biographique
Catherine Boschian
Catherine Lhote, épouse Boschian-Campaner, est professeure de lettres à l’Université Paul Verlaine de Metz. Docteure ès lettres et habilitée à diriger des recherches, elle est spécialiste de la littérature de la seconde moitié du XIXe siècle et de la première moitié du XXe siècle. Ses travaux portent sur les oeuvres de Barbey d’Aurevilly, Mallarmé, Verlaine, Francis Vielé-Griffin et Henri Ghéon, sur le symbolisme et le vers libre. Elle se consacre parallèlement à l’écriture de biographies et à l’édition de correspondances et de journaux intimes. Auteure de nombreux articles et communications, elle a publié, entre autres, Barbey d’Aurevilly (Paris, Séguier, 1989), Georges Périn (Paris, Messène, 1996) et la Correspondance Ghéon–Vielé-Griffin (Paris, Honoré Champion, 2004).
Notes
-
[1]
Gardner Davies, Mallarmé et le drame solaire, 1959, et Mallarmé et le rêve d’Hérodiade, 1978.
-
[2]
Sylviane Huot, Le mythe d’Hérodiade chez Mallarmé, genèse et évolution, 1977.
-
[3]
Jean-Pierre Richard, L’univers imaginaire de Mallarmé, 1961.
-
[4]
Bertrand Marchal, Salomé, entre vers et prose. Baudelaire, Mallarmé, Flaubert, Huysmans, 2005.
-
[5]
Si Laurent Mattiussi n’a pas consacré une étude spécifique à Hérodiade, sa thèse Figuration du divin, figuration de soi : mythe et liturgie chez Mallarmé, George et Yeats (1996), en permet une lecture éclairée.
-
[6]
Mireille Ruppli-Coursange et Sylvie Thorel-Cailleteau, Mallarmé : la grammaire et le grimoire, 2005.
-
[7]
Stéphane Mallarmé, « Lettre du 18 février 1865 à Eugène Lefébure », dans Correspondance complète 1862-1871. Lettres sur la poésie 1872-1898 avec des lettres inédites, 1995, p. 226.
-
[8]
Michel Décaudin, « Un mythe fin de siècle, Salomé », 1967, p. 111.
-
[9]
Un élément que reprendra Oscar Wilde pour sa Salomé.
-
[10]
Helen Grace Zagona, The Legend of Salome and the Principle of Art for Art’s Sake, 1960. Voir le chapitre 2.
-
[11]
Stéphane Mallarmé, « Lettre du 30 octobre 1864 à Henri Cazalis », dans Correspondance complète, op. cit., p. 206.
-
[12]
Edgar Allan Poe, Histoires grotesques et sérieuses, 1979, p. 268.
-
[13]
Bertrand Marchal, La religion de Mallarmé, 1988, p. 47.
-
[14]
Stéphane Mallarmé, « Lettre de 1865 à Henri Cazalis », dans Correspondance complète, op. cit., p. 220.
-
[15]
Stéphane Mallarmé, Les noces d’Hérodiade, mystère, 1959. Cette édition a profondément modifié l’interprétation de l’oeuvre.
-
[16]
Ibid., p. 51.
-
[17]
Stéphane Mallarmé, « Lettre du 30 décembre 1864 à Joseph Roumanille », dans Correspondance complète, op. cit., p. 216.
-
[18]
Stéphane Mallarmé, « Lettre de 1865 à Théodore Aubanel », dans ibid., p. 238.
-
[19]
Stéphane Mallarmé, « Lettre du 18 février 1865 à Eugène Lefébure », dans ibid., p. 227-228.
-
[20]
Stéphane Mallarmé, « Lettre du 9 ou 16 mars 1865 à Henri Cazalis », dans ibid., p. 233.
-
[21]
Stéphane Mallarmé, « Lettre à Henri Cazalis », dans ibid., p. 235.
-
[22]
Ibid., p. 236.
-
[23]
Id.
-
[24]
Id.
-
[25]
Stéphane Mallarmé, « Cantique de saint Jean », dans Oeuvres complètes, 1945, p. 49. Les références au texte publié seront toujours empruntées à cette édition.
-
[26]
Stéphane Mallarmé, « Lettre du 12 ou 19 mai 1865 à Henri Cazalis », dans Correspondance complète, op. cit., p. 240.
-
[27]
Stéphane Mallarmé, « Lettre du 30 juin 1865 à Eugène Lefébure », dans ibid., p. 246.
-
[28]
Mallarmé, « Lettre de juillet 1865 à Henri Cazalis », dans ibid., p. 248.
-
[29]
Stéphane Mallarmé, Oeuvres complètes, op. cit., p. 1442.
-
[30]
Stéphane Mallarmé, « Lettre du 5 décembre 1865 à Henri Cazalis », dans ibid., p. 259.
-
[31]
Paul-Laurent Assoun, Le pervers et la femme, 1989, p. 89-90.
-
[32]
Le soulignement est de Mallarmé.
-
[33]
Stéphane Mallarmé, « Lettre du 31 décembre 1865 à Villiers de l’Isle-Adam », dans Correspondance complète, op. cit., p. 279.
-
[34]
Stéphane Mallarmé, « Scène », dans Oeuvres complètes, op. cit., p. 44-48.
-
[35]
Stéphane Mallarmé, « Lettre du 24 avril 1866 à Catulle Mendès », dans Correspondance complète, op. cit., p. 295.
-
[36]
Stéphane Mallarmé, « À Henri Cazalis », dans ibid., p. 297.
-
[37]
Bertrand Marchal, La religion de Mallarmé, op. cit., p. 53-54.
-
[38]
Ibid., p. 62.
-
[39]
Id.
-
[40]
Id.
-
[41]
Ibid., p. 64.
-
[42]
Stéphane Mallarmé, « Lettre du 20 décembre 1866 à Armand Renaud », dans Correspondance complète, op. cit., p. 335.
-
[43]
Bertrand Marchal, La religion de Mallarmé, op. cit., p. 66.
-
[44]
Stéphane Mallarmé, « Lettre du 14 mai 1867 », dans Correspondance complète, op. cit., p. 342.
-
[45]
Ibid., p. 343.
-
[46]
Ibid., p. 345.
-
[47]
Stéphane Mallarmé, « Cantique de saint Jean », dans Oeuvres complètes, op. cit., p. 49.
-
[48]
Charles Mauron, Commentaires, dans Stéphane Mallarmé, Oeuvres complètes, op. cit., p. 1446-1447.
-
[49]
Jean-Pierre Richard, L’univers imaginaire de Mallarmé, op. cit., p. 96.
-
[50]
Stéphane Mallarmé, « Scène, loc. cit. », p. 48.
-
[51]
Robert de Montesquiou-Fezensac, Diptyque de Flandre, Triptyque de France, 1921, p. 235.
-
[52]
Stéphane Mallarmé, Les noces d’Hérodiade, op. cit., p. 100-101.
-
[53]
Paul Valéry, « Je disais quelquefois à Stéphane Mallarmé », dans Oeuvres, 1965, p. 652.
-
[54]
Stéphane Mallarmé, « À Mme Desmolins », dans Correspondance complète, op. cit., p. 208.
-
[55]
Stéphane Mallarmé, « Lettre à Henri Cazalis du 13 juillet 1866 », dans ibid., p. 310.
-
[56]
Stéphane Mallarmé, « Scène, loc. cit. », p. 47.
-
[57]
La première en 1862-1863 et la seconde de 1866 à 1870.
-
[58]
Léon Cellier, Mallarmé et la morte qui parle, 1959.
-
[59]
Charles Mauron, Mallarmé l’obscur, 1986.
-
[60]
Jean Bellemin-Noël, Psychanalyse et littérature, 1995, p. 7.
-
[61]
Stéphane Mallarmé, Poésies, dans Oeuvres complètes, op. cit., p. 44.
-
[62]
Mireille Ruppli-Coursange et Sylvie Thorel-Cailleteau, Mallarmé : la grammaire et le grimoire, op. cit., p. 139.
-
[63]
Bertrand Marchal, La religion de Mallarmé, op. cit.
-
[64]
Ibid., p. 96.
-
[65]
Laurent Mattiussi, Figuration du divin, figuration de soi, op. cit., p. 369.
-
[66]
Le cantique des cantiques, dans La Bible, 1988, p. 1033.
-
[67]
Stéphane Mallarmé, Les noces d’Hérodiade, mystère, op. cit., p. 63.
-
[68]
Ibid., p. 66.
-
[69]
Le cantique des cantiques, op. cit., p. 1033.
-
[70]
Ibid., p. 1035.
-
[71]
Stéphane Mallarmé, Les noces d’Hérodiade, mystère, op. cit., p. 69.
-
[72]
Le soulignement est celui du texte biblique.
-
[73]
Évangile selon Jean, dans La Bible, op. cit., p. 1558.
-
[74]
Laurent Mattiussi, Figuration du divin, figuration de soi, op. cit., p. 371.
-
[75]
Stéphane Mallarmé, Les noces d’Hérodiade, op. cit., p. 167.
-
[76]
Paul Valéry, « Je disais quelquefois à Stéphane Mallarmé, loc. cit. », p. 650.
-
[77]
Ibid., p. 659.
-
[78]
Stéphane Mallarmé, « Lettre du 27 juin 1884 », dans Correspondance complète, op. cit., p. 572.
-
[79]
Stéphane Mallarmé, « À Paul Verlaine » [16 novembre 1885], dans Correspondance complète, op. cit., p. 587.
-
[80]
Id.
-
[81]
Id.
-
[82]
Stéphane Mallarmé, « Crise de vers », dans Oeuvres complètes, op. cit., p. 366.
-
[83]
Ibid., p. 367.
Références
- La Bible, Paris, Société Biblique française, 1988.
- Assoun, Paul-Laurent, Le pervers et la femme, Paris, Anthropos (Psychanalyse), 1989.
- Bellemin-Noël, Jean, Psychanalyse et littérature, Paris, Presses universitaires de France (Que sais-je ?), 1995.
- Cellier, Léon, Mallarmé et la morte qui parle, Paris, Presses universitaires de France (Publications de la faculté des lettres et des sciences humaines), 1959.
- Davies, Gardner, Mallarmé et le drame solaire, Paris, José Corti, 1959.
- — — —, Mallarmé et le rêve d’Hérodiade, Paris, José Corti, 1978.
- Décaudin, Michel, « Un mythe fin de siècle, Salomé », Comparative Literature Studies, vol. IV, n° 1-2 (1967), p. 109-117.
- Huot, Sylviane, Le mythe d’Hérodiade chez Mallarmé, genèse et évolution, Paris, A. G. Nizet, 1977.
- Mallarmé, Stéphane, Correspondance complète 1862-1871. Lettres sur la poésie 1872-1898 avec des lettres inédites, Paris, Gallimard (Folio classique), 1995 (éd. de B. Marchal, préface d’Y. Bonnefoy).
- — — —, Les noces d’Hérodiade, mystère, Paris, Gallimard, 1959 (introduction de G. Davies).
- — — —, Oeuvres complètes, Paris, Gallimard (Bibliothèque de la Pléiade), 1945 (éd. de H. Mondor).
- Marchal, Bertrand, La religion de Mallarmé, José Corti, 1988.
- — — —, Salomé, entre vers et prose. Baudelaire, Mallarmé, Flaubert, Huysmans, Paris, José Corti, 2005.
- Mattiussi, Laurent, Figuration du divin, figuration de soi : mythe et liturgie chez Mallarmé, George et Yeats, thèse de doctorat, Tours, Université de Tours, 1996.
- Mauron, Charles, Mallarmé l’obscur, Paris-Genève, Honoré Champion-Slatkine, 1986 [José Corti, 1941].
- Montesquiou-Fezensac, Robert de, Diptyque de Flandre, Triptyque de France, Paris, R. Chiberre, 1921.
- Poe, Edgar Allan, Histoires grotesques et sérieuses, Paris, Gallimard (Folio), 1979 (trad. de C. Baudelaire).
- Richard, Jean-Pierre, L’univers imaginaire de Mallarmé, Paris, Éditions du Seuil (Pierres vives), 1961.
- Ruppli-Coursange, Mireille et Sylvie Thorel-Cailleteau, Mallarmé : la grammaire et le grimoire, Genève, Droz (Histoire des idées et critique littéraire), 2005.
- Valéry, Paul, Oeuvres, Paris, Gallimard (Bibliothèque de la Pléiade), 1965 (éd. de J. Hytier).
- Zagona, Helen Grace, The Legend of Salome and the Principle of Art for At’s Sake, Genève, Droz, 1960.