Les communications rassemblées dans ce dossier ont été prononcées dans le cadre du séminaire « Les chemins actuels de la recherche dix-septiémiste » organisé par Patrick Dandrey à l’Université de Paris-Sorbonne. Le thème traité en 1999-2000 était : « Littérature et espace au XVIIe siècle ». L’ensemble des conférences prononcées à cette occasion figurent toutes, à une exception près, dans le présent volume. L’organisateur remercie les contributeurs bénévoles et la direction d’Études littéraires d’avoir accueilli et recueilli l’ensemble. Pourquoi réfléchir sur les relations entre espace et littérature au XVIIe siècle ? Au regard de l’histoire des idées et des sciences considérée dans la longue durée, le XVIIe fait transition entre la dynamique de découvertes de la Renaissance et l’effervescence critique des Lumières. C’est aux XVe et XVIe siècles que l’horizon des terres et des cieux s’élargit, que la géographie et la cosmologie connaissent leur révolution la plus fondamentale depuis l’Antiquité : Copernic et Magellan sont des figures emblématiques de l’ère humaniste ; Mercator est leur contemporain. C’est au XVIIIe siècle que la civilisation occidentale ébranlée par cette mutation radicale en répercute la secousse sur l’esprit critique qui révolutionne l’organisation des savoirs et de la société : l’Encyclopédie et la démocratie, symboles d’une redistribution fondamentale du cadastre culturel et social, sont filles des Lumières. Dans l’intervalle, il se vérifie que, pris sous cet angle comme sous bien d’autres, le XVIIe siècle n’existe pas. L’âge que par commodité l’on dit « baroque » et qui couvre sa première partie prolonge la Renaissance : membre de ces Lincei qu’anime un enthousiasme tout rinascimentale de la découverte, Galilée est par bien des aspects un Humaniste attardé, plus proche de Copernic que de Pascal. Quant à la deuxième partie du siècle, l’exception française que nous connaissons sous le nom de Classicisme ne doit pas cacher qu’ailleurs et même dans le royaume, à partir du moment où le règne de Louis XIV eut franchi son zénith et amorcé sa déclinaison, la « crise de conscience européenne » constitue l’aurore des Lumières. Bayle et Meslier annoncent Diderot plus qu’ils ne sont contemporains de Bossuet et Fénelon ; et Newton incarne déjà l’esprit des Lumières futures dans la libre Angleterre de la fin du XVIIe siècle. Quant aux enjeux de la foi et de la religion, que pèse le « siècle des saints » entre la scission tellurique survenue durant l’automne de la Renaissance au sein de la catholicité, lui coûtant son unité étymologique, et les terrae incognitae du déisme et de l’athéisme sur lesquelles les Lumières mèneront bientôt l’Europe ? Le siècle des saints fait dans l’intermédiaire figure de réaction éphémère à la marche inexorable de l’Histoire hors des cadres définis par le long Moyen Âge. Mais justement, cette période intermédiaire, au centre de laquelle se faufile l’arrête volcanique correspondant à la confrontation des deux plateaux continentaux de la Renaissance et des Lumières, aura du moins pu constituer le laboratoire d’analyse où les trouvailles de la première période ont été méditées et fécondées jusqu’à enfanter la seconde. Car, après tout, le Dialogo de Galilée date de 1632 et non de 1532 ; et les Principia de 1687 et non de 1787 — le seul problème étant que Galilée condamné doit se taire et la terre cesser de tourner quelques décennies encore ; et que, soumis aux violentes attaques de Huyghens et Leibniz, les Principia doivent attendre Voltaire pour être reconnus et atteindre leur efficace intellectuelle en France. Bilan mitigé, donc : en dépit de la tentative isolée de Descartes, le modèle scolastique, de toutes parts fissuré, n’est …
Parties annexes
Références
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