Volume 27, numéro 3, hiver 1995 Poétiques de la chanson Sous la direction de Roger Chamberland
Sommaire (13 articles)
Études
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Présentation
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La Chanson comme discours
André Gaulin
p. 9–16
RésuméFR :
La chanson que Paul Zumthor appelle « poésie orale sonorisée » est un héritage de la poésie lyrique à forme fixe. D'ailleurs, chez Gilles Vigneault, le plus médiéval des chansonniers du Québec, on trouve encore la villanelle, la ballade avec envoi. À ce titre, la chanson, comme genre, emprunte beaucoup aux figures de la rhétorique, énumération, répétition, chiasme, opposition, anaphore, etc. Elle garde surtout de la forme fixe une sorte de concision qui la rend lapidaire. Appartenant à la poésie lyrique, la chanson joue sur le rythme, sur la musicalité et, sur la tropation tout particulièrement. Elle réconcilie texte musical et texte littéraire, les marie, les oppose, assure leur efficacité réciproque par leur rencontre mesurée, ponctuée, valorisée. En ce sens, et l'évolution de la chanson d'un siècle à l'autre est allée vers cela, la chanson appartient au(x) discours et possède un pouvoir rhétorique tel qu'elle est devenue un haut lieu de la poésie chantée en même temps qu'une tribune idéologique plurielle. Le présent article a voulu illustrer cela à partir d'une chanson de Jacques Brel.
EN :
Song (what Paul Zumthor calls « oral poetry set to music») is an offspring of the medieval fixed form lyric. No wonder, indeed, that we still find the villanelle and the ballade with envoy among the works of Gilles Vigneault,the most medieval of Quebec's singers. This being so, it is not surprising that the song as genre should borrow a good deal from the figures of rhetoric: enumeration, repetition, chiasmus, opposition, anaphora, and so forth; above all, that it should retain the lapidary succinctness of its origin. As a form, of lyrical poetry, the song exploits rhythm, musicality and above all figuration. It reconciles the musical with the literary text, uniting them and bringing them into fertile opposition to ensure their reciprocal efficacy and power. In this sense, as the evolution of the song across the centuries demonstrates, it is discourse and possesses a rhetorical power sufficient to fit it for its role both as sung poetry and as a vehicle for ideological argument.The present article examines these aspects of the song with special reference to a composition by Jacques Brel.
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Approche sémiologique des quelques chansons de Georges Brassens
Louis-Jean Calvet
p. 17–27
RésuméFR :
Les discours sur la chanson ne prennent le plus souvent en compte que ses textes, constituant ainsi une limitation abusive de l'objet étudié. À partir de quelques exemples tirés de l'oeuvre de Georges Brassens, on analyse la façon dont le sens se construit dans la chanson, par la convergence de l'ordre linguistique (le texte), médolique, rythmique et orchestral, afin de poser les bases d'une sémiologie de la chanson.
EN :
Critical discussions of the song frequently focus exclusively on the lyrical text, thereby placing an unjustifiable limitation on the object under study. Drawing on a number of instances from the work of Georges Brassens, this article examines how meaning is constructed in the song through the convergence of linguistic (textual), melodic, rhythmic and orchestral elements, te lay the foundations for a semiology of the song.
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La Mémoire en chantant : subversion des frontières de mots et de phrases dans les textes de chansons
Michel Collot
p. 29–40
RésuméFR :
Partant d'une réflexion sur les modes particuliers de réception et de mémorisation des textes de chanson, l'auteur s'interroge sur leur aptitude à être découpés selon d'autres articulations que celles qu'imposent la syntaxe, la logique, et même la langue. Une des raisons de ces découpages singuliers tient à l'interférence entre phrase verbale et phrase musicale, aux multiples distorsions que le rythme et la mélodiei ntroduisent dans la scansion et dans l'intonation de l'énoncé. L'auteur analyse ensuite la façon dont Georges Brassens exploite systématiquement ces distorsions dans une de ses chansons. « le Vin ». Il suggère en conclusion un rapprochement entre cette pratique et certains caractéristiques du message poétique et du discours de l'Inconscient.
EN :
After reflecting on the particular modes of reception and memorization of song lyrics, this article poses the question : can lyrics be analysed in terms other than those dictated by logic, syntax and language ? One approach that suggests itself has to do with the interference between verbal phrase and musical phrase : the manifold distortions that rhythm and melody introduce into the scansion and intonation of the utterance. The author then proceeds to examine Georges Brassens's systematic exploitation of these distortions in one of his songs, « le Vin ». The article concludes with the description of certain parallels between this practice and certain characteristics of the poetical message and unconscious discourse.
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« Tu m’aimes-tu » : le Récit en creux d’une passion
Roger Chamberland
p. 41–50
RésuméFR :
Dans cet article, l'auteur s'intéresse aux rapports existants entre la littérature et la chanson. Plus spécifiquement, il aborde la chanson « Tu m'aimes-tu » de Richard Desjardins selon la sémiotique de la réception, prenant en compte le rapport musique et texte. Cette chanson, qui a fait connaître son auteur, forme en creux un récit qui s'intègre à la narration plus générale que suggère les neuf autres pièces de l'album d'où elle est extraite. À partir d'un certain nombre d'unités discrètes relatif à l'espace, au temps et à la diégèse, il est possible de reconstituer le schéma général que soustend la pièce. En suivant le déroulement de la chanson, telle qu'elle se présente à un auditeur lors de la première écoute, l'auteur démonte les mécanismes de construction du sens qui prend forme à partir d'une information minimale contenue dans une chanson.
EN :
This article examines the relations between literature and the song. More specifically, it analyzes Richard DesJardins's « Tu m'aimes-tu » from the vantage point of the semiotics of reception, with special attention to the relation between music and text. This song, which brought its author into the public eye, constitutes at its core a recital that draws together the narrative strands implied in the nine other pieces in the album of which it is part. Starting from a number of discrete givens relative to space, time and diegesis, the general schema underlying the piece can be reconstructed. Following the unfolding of the song as it impresses the hearer at its first hearing, the author examines the means whereby the sense of the song; is constructed out of the minimal information that it provides.
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Les Entrailles de la voix
Jacques Julien
p. 51–60
RésuméFR :
Édith Piaf et Diane Dufresne font partie d'une longue série de performeurs à la voix vibrante. Ces deux chanteuses ont en commun l'émoi qui affleure comme l'aspect le plus sensible de leur voix, l'énergie première, primitive qui module le souffle à l'endroit où se soude la jointure entre le dit et le nondit. Une passion palpite dans leur voix et fait corps avec l'air. Elle se donne à reconnaître dans le froid de la plaque gravée. Plus qu'un tympan de l'auditeur, c'est à son ventre, à ses viscères que s'agrippe le chant arraché à la matière du corps. La geste vocale comprend des paroles, une narration où la chanteuse apparaîÎt souvent aussi comme actrice du drame. Sur ces scénarios, l'intégration musicale s'organise vers la construction d'un support émotif reposant sur un crescendo mélodique, intensif et rythmique. Toutes ces structures du texte, paroles et musique, ont bâti une architecture acoustique dans laquelle la voix pourra se déployer. Ce dont l'auditeur jouit comme d'une immédiateté vibre en fait depuis des profondeurs d'autant plus utiles qu'elles sont imperceptibles.
EN :
Édith Piaf and Diane Dufresne belong to a larger group of highly emotional performers. They share the same voice where a vibrating emotion is the primal energy, at the juncture of utterance and silence. The passion is such that it makes its way even through the cold black vinyl plate. Such a voice appeals to the listener's flesh more than to his hearing. The song is carried through the words and the music. The lyrics appear very often to be repetitive scripts where the singer is at the same time narrator and actor. Upon these fabulae, the music will build an emotional crescendo. The voice sounds and resonates through this complex literary and musical architecture. The listener will enjoy a spontaneous warm vibration that is the more useful for not being perceptible.
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Espace et Rythme du chanté au Québec
Bruno Roy
p. 61–73
RésuméFR :
L'oralité constitue le format de la chanson. Son historicité est ici examinée dans le contexte de la chanson québécoise (1960-1980), à travers les chansonniers, le spectacle de l'Osstidcho, les groupes québécois et la parole chantée des femmes. De fait, ce qui se produit particulièrement avec les chansonniers, c'est une espèce d'appropriation du langage parlé par le langage littéraire. Or, depuis le spectacle de l'Osstidcho, ce qui caractérise la chanson québécoise, c'est l'abandon d'une langue littéraire au profit d'une langue populaire. Les groupes, par exemple, ont renoncé à la métrique amplifiant plutôt le caractère accentuel de la langue française dont le mouvement pulsionnel exprime une rythmicité nord-américaine mieux affirmée. Quant aux femmes, elles ont questionné, accédant à la création intégrale, le lien entre le corps et l'oralité. Ce qui n'a pas été sans conséquence pour l'exploitation de la langue française. Depuis 1960, c'est donc par un effet de voix particulier que beaucoup de chansons ont trouvé leur « personnalité sonore ».
EN :
Orality defines the format of the song. This article examines lis historical character within the context of Québec (1960-1980) and with special reference to the singers, the Osstidcho show, Québec performing groups and the lyrics sung by female singers. In song, spoken language is as it were appropriated by literary expression. Since Osstidcho, however, the characteristic earmark of the Québec song has been to give up literary language in favour of popular idiom. Performing groups, for example, have relinquished their use of meter in order to emphasize the accentual nature of French, whose pulsating movement expresses a more explicit North American sense of rhythm.
In their bid for complete creation, female singers for their part have questioned the link between the body and orality. This fact has not been without consequences for the use of the French language. Since 1980, it is thus through the individual voice that many songs have found their «musical personality».
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Le Terrain socio-musical populaire au Québec : « Et dire qu’on ne comprend pas toujours les paroles… »
Line Grenier et Val Morrison
p. 75–98
RésuméFR :
Depuis environ cinq ans, le duo Kashtin connaît un succès remarquable au Québec tout en chantant presqu'exclusivement dans leur langue maternelle. Le phénomène Kashtin constitue un terrain privilégié pour observer les modalités et les enjeux du développement contemporain de la musique populaire au Québec, dont il révèle la complexité comme la mouvance. La popularité de Kashtin et les particularités de son insertion dans le champ québécois sont-ils l'indice de nouveaux canons musicaux et cultures en émergence ? Cette question est à l'origine du présent article dont la visée consiste à présenter quelques outils conceptuels permettant une analyse critique des discours et des lieux de pouvoir changeants au sein desquels s'opère, à la croisée d'articulations globales et locales de l'activité musicale, une redéfinition de la musique populaire au Québec et, dès lors de la musique québécoise.
EN :
In the last five years, the Kashtin duo bas enjoyed remarkable success in Québec performing almost exclusively in their mother tongue.TheKashtin phenomenon affords a prime vantage point for surveying the progress of contemporary developments in popular music in Québec, whose complexity and impetus are thus revealed. Are Kashtin's popularity and special place in the Québec context an indication ofnew musical canons and emerging cultures? Posing this question at the outset, this article proceeds to delme some conceptual tools for the critical analysis of changing modes of discourse and changes in the power establishments, within which a redefinition of popular music, and of music in general, is taking shape in Québec.
Analyses
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L’Altérité subjective d’Emmanuel Bove – le Cas du Piège
François Ouellet
p. 101–109
RésuméFR :
La réception de l'oeuvre d'Emmanuel Bove, celle des années vingt et trente comme celle de la réédition dans les années quatre-vingt, méconnaît foncièrement la modernité esthétique de l'écriture des romans. L'analyse microscopique que je propose du roman le Piège vise à montrer un aspect de cette esthétique, que je nomme « l'altérité subjective ».
EN :
The reception of Emmanuel Bove's works, including those of the 1920's and 30s as well as those in the1980s reissue, fundamentally ministerprets the modern aesthetics of novel writing. The highly detailed analysis of his novel le Piège(The Trap) put forward in this article is intended to comment on one aspect of this aesthetic, which I term « subjective otherness ».
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« Re-connaître » et « Connaître » par les signes
Claude Albert et Françoise Beaulieu
p. 111–129
RésuméFR :
Appliquées au domaine de la communication de masse, les théories du sémioticien américain Charles Sanders Peirce peuventelles rendre compte de l'interprétation des périodiques culturels? Il semble bien que oui, puisque conformément à l'une des définitions triadiques du signe, ce genre de textes commande avant tout la recherche d'une information connue a priori. À cette étape de la «reconnaissance» de l'objet d'une conception succède un apprentissage du réel par l'entremise d'un protocole contrôlé simultanément par l'auteur et le lecteur. Le mode d'inférence abductive, seul responsable de l'acquisition de « connaissances » nouvelles, n'est pas le favori des éditeurs de périodiques; il arrive néanmoins qu'il devienne dominant comme dans le cas du numéro 28 de la revue québécoise Vice -versa.
EN :
When applied te the realm, of mass communication, can the theories of the American semiotician Charles Sanders Peirce account for the interpretation of cultural periodicals? The answers seems te be affirmative, since according te one of the triadic definitions fo the sign this species of text presupposes above all the search for information known a priori. This phase, of the « recognition » of the conceptual object, is followed by an apprehension of the real mediated by a protocol controlled at the same time by author and reader. The abductive mode of inference which alone can lead te the acquisition of new knowledge is not one favoured particularly by periodical editors, although it can occasionally predominate, as in the case of number 28 of the Québec review Vice-versa.