Volume 22, numéro 1, été 1989 Mallarmé : Inscription, Marges, Foisonnement Sous la direction de Marcel Voisin
Sommaire (11 articles)
Études
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L’idée d’Idée : une eidétique mallarméenne
Pierre Ouellet
p. 11–26
RésuméFR :
La conception mallarméenne de l'Idée est généralement rattachée à une forme d'hégélianisme: on la fait volontiers découler de l'idéalisme allemand, auquel Mallarmé aurait été sensibilisé par son ami Villiers. Des propositions comme « Le Verbe, à travers l'Idée et le Temps qui sont "la négation identique à l'essence" du devenir, devient le Langage » laissent croire, en effet, que l'auteur d' Igitur n'était pas insensible à la négativité productive de l'Idée, propre à la conception dialectique de Hegel. On ne peut cependant ramener complètement l'eidétique mallarméenne à un tel principe abstrait. Plongeant en fait ses racines dans la pensée présocratique - avec laquelle l'idéalisme platonicien est en dialogue constant, à travers, notamment, sa théorie du langage ( Cratyle ) et de la nature ( Timée )- l'Idée mallarméenne ne peut être considérée comme un « incorporel». Mallarmé parle, en effet, de « la figure, que demeure l'Idée », ou encore des « gestes de l'Idée », et affirme que c'est « par la seule sensation » qu'il est « arrivé à l'Idée de l'Univers », montrant par là que l'idéalité, comparable à un « théâtre mental » ou à une « scène spirituelle », peut être vue comme le lieu où se manifestent, dans leur « forme » ou leur « type », les « qualités sensibles » communes aux Mots et aux Choses. L'article explore, dans l'oeuvre de Mallarmé, cette conception de l'Idée comme lieu des « formes » de la sensation, de même que le lien qu'elle entretient avec le Réalisme de Platon, tel qu'on peut l'interpréter à la lumière de sa philosophie de la Nature.
EN :
We usualy think of Mallarmé's view of « Ideas » as a kind of Hegelianism, which was familiar to his friend Villiers de l'Isle-Adam. As a matter of fact, some statements like « Le Verbe, à travers l'Idée et le Temps qui sont "la négation identique à l'essence" du devenir, devient le Langage » seem to belong to German idealism, namely to Hegel's theory of « negativity ». But we cannot reduce Mallarmé's eidetics to this general abstract principle. The Idea, according to the author of Igitur, is not an abstract entity; it is a kind of « figure » or «gesture » - « la figure que demeure l'Idée », « les gestes de l'Idée » about which he asserts that we can reach it only by our senses : « par la seule sensation ». He also compares Ideas with « mental plays », « spiritual scenes », regarded as the locus where the Forms (in a Platonic sense) of words and things meet together. This paper discusses, according to several excerpts of his work,the way Mallarmé thinks about the eidos (Ideas as Forms) not only in the frame of the classical interpretation of Plato's philosophy, mostly based on the Republicor Cratylus, but from the viewpoint of the Platonic philosophy of Nature, exposed in Timaeus, where we can observe that Forms are closely linked with perception and sensation. Thus, Mallarmé's philosophy of Ideas is not typically an idealism, but a kind of neo-realism based on believing in a perceptible and sensible existence of Forms, embodied, for instance, in the forms of language and mostly of poetry.
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La langue dans la langue. Ce que c’est que l’Anglais de Stéphane Mallarmé
Jacques Michon
p. 27–35
RésuméFR :
Après sa nomination au lycée Fontanes (Condorcet), Mallarmé commence une carrière d'écrivain pédagogique qui couvrira une dizaine d'années. De 1875 à 1885, il rédige, prépare ou présente à son éditeur Truchy-Leroy plus de huit manuscrits, sans compter les manuels qu'il aura la charge de réviser et de corriger. Deux de ces ouvrages seulement paraîtront du vivant de l'auteur ( les Mots anglais , les Dieux antiques ). Nous commentons ici l'un des inédits: Ce que c'est que lAnglais . Abrégé des Mots anglais, ce manuel fait partie d'un ensemble qui constitue un cours complet. Le poète donne ici des aperçus sur l'histoire et la structure du langage qui trouveront place plus tard dans les grands articles de1892-95, ultimement réécrits et publiés dans Divagations (1897).
EN :
After receiving a teaching position at the Lycée Fontanes, Mallarmé embarked on a career as an educational writer for a period of about ten years. From 1875 to 1885, he submitted more than eight of his own manuscripts to his publisher Truchy-Leroy, as well as all the other manuals he had to read and revise. Only two of those works les Mots anglais and les Dieux antiques were published in his lifetime. One of the unpublished manuscripts, entitled Ce que c'est que l'Anglais, is an abridged version of les Mots anglaisand forms one part of a larger complete course of English. In it, the author makes a brief survey of the history and structure of the English language.
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L’enveloppe et le quatrain
Jacques B. Bouchard
p. 37–43
RésuméFR :
Parce qu'ils prennent en compte leur support, leur typographie, les Vers de circonstance ont sans doute joué un rôle à certains points de vue important dans l'évolution de l'oeuvre de Mallarmé vers le Coup de dés et dans l'abandon du vers au profit de la page.
EN :
The « Occasionnal Verses » seern, to have some importance in the evolution of Mallarmé's works to the Coup de dés and to the « forsaking » of the verse for the page because these verses take into considerationtheir medium (paper size and texture) and their typography as textual elements for their production.
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De l’œuvre à l’œuvre : les Noces d’Hérodiade
Monic Robillard
p. 45–62
RésuméFR :
Le projet d'Hérodiade avec lequel Mallarmé a inauguré et clôturé son ceuvre poétique repose sur une puissante force d'identification au féminin, qui devient chez le poète le lieu d'une interrogation de l'origine poursuivie sur tous les plans. La présente étude esquisse dans un premier temps les enjeux de cette identification dans l'élaboration de la première Hérodiade (1864-1866), en examinant la réverbération mutuelle de la lettre et du corps, jusqu'au noeud biographique où se profère le destin du sujet. Par la suite, dans une double lecture des métaphores poétique et génésique, nous tentons de dégager la résonance du concept d'Oeuvre chez Mallarmé par le biais du personnage trop négligé de la nourrice, afin de lier, par delà leur hétéroclite apparent, les motions de transformation sémantiques et narratives qui permettent la lecture des Noces d'Hérodiade de 1898.
EN :
Mallarmé's poetical career began and ended with work on Hérodiade, a project deriving from a powerful feminine identification which became a focus for a multifarious questioning of origin. In order to describe what was at stake in that identification when Mallarmé wrote the first Hérodiade (1864-1866), we follow the mutual echoes of the letter and the body down to the biographical knot where in the fate of the subject is uttered. Then, in a double reading of the poetic and sexual metaphors, with particular emphasis on the often overlooked Nourrice, we attempt to gather the reverberation of the Mallarmean concept oeuvre, in order to connect the seemingly unrelated semantic and narrative transformative impulses which make reading the 1898 Noces d'Hérodiade possible.
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Une lecteur par le démon secouée
Ghislain Bourque
p. 63–75
RésuméFR :
Convoquer Mallarmé, lui répondre selon les bons soins d'une gestion intertextuelle, voilà ce dont le présent article fait la promotion. Avec cette singularité toutefois que, plutôt que d'exhiber une prise en charge initiée théoriquement, le parcours adopté dévoile une aventure lectorale initialée dans les plis de la fiction. C'est là un parti pris qui, visant à toucher Mallarmé, traverse d'abord Roussel.
EN :
Summoning Mallarmé, seeking answers to the questions he raises by means of intertextuality, such is the aim of the present article. Instead of relying on a theoretical approach, however, the author chooses to fictionalize his adventure in reading; his deliberate purpose being the exploration of Mallarmé's texts, he, nonetheless, meanders through Roussel first.
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L’intertete Mallarmé/Duchamp (exemples)
André Gervais
p. 77–90
RésuméFR :
Il s'agit d'indiquer, à partir de la notion d'intertextualité (selon Jean Ricardou et Michael Riffaterre), sept ou huit points d'ancrage précis entre tels poèmes et proses de Stéphane Mallarmé et telles oeuvres picturales (ready-mades) et littéraires (notes, aphorismes) de Marcel Duchamp, artiste et anartiste français et américain du XXe siècle. Comme quoi cela déborde nécessairement, au-delà de l'amitié de Mallarmé et de Manet, par exemple, et le siècle et l'enclos littéraire.
EN :
It is a question of indicating, from the point of view of intertextuality (according to Jean Ricardou and Michael Riffaterre), seven or eight precise and chorage points between some poems and proses of Stéphane Mallarmé and some pictorial (readymades) and literary (notes, aphorisms) works of Marcel Duchamp, French and American artist and anartist of the twentieth century. Which goes to show that, exceeding the friendship between Mallarmé and Manet for example, it necessarily extends beyond both the century and the literary enclosure.
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« Mais sans or soupirer que cette vive nue… » Anamorphose intertextuelle et métastase référentielle : d’un sonnet enchâssé
Jean-Pierre Vidal
p. 91–105
RésuméFR :
Par l'analyse d'un poème en prose (« la Déclaration foraine ») et du sonnet qui y est enchâssé (« La chevelure »), il s'agit de montrer que le texte mallarméen travaille la fonction déictique de telle façon qu'une radicale anamorphose à la fois ordonne et perturbe le champ référentiel. Ici, comme dans bien d'autres oeuvres de Mallarmé, la figure seconde de l'anamorphose, que l'on peut assimiler au « négatif » hegelien, prend, au niveau du discours, la forme du féminin et ouvre un site intertextuel paradoxal: celui où toute l'envergure du Livre ne se déploie que l'espace et le temps de la lettre.
EN :
Through an analysis of a prose poem (« la Déclaration foraine ») and the sonnet it comprises (« La chevelure »), the author intends to show that Mallarmé deals with the deictic function in such a way that the referential field is there by both determinated and undone by some kind of anamorphosis. In this poem, as in many others from Mallarmé, the referential anamorphosis embodies a feminine discourse which opens a paradoxical intertext: the Mallarmean «Livre» is there spread in all its expanse by the minute twinkle of the letter.
Document
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Je me disais quelques fois : « Normand d’Bellefeuille… »
Normand de Bellefeuille
p. 109–119
RésuméFR :
Une lecture de Mallarmé, une autre lecture de Mallarmé. Cinquante fragments à propos du sens, du rythme, de la répétition, de la forme, de la syntaxe, mais aussi de l'émotion, du désir et de la passion: l'indisciplinable modernité de Stéphane Mallarmé.
EN :
A reading of Mallarmé, anotherreading of Mallarmé. Fifty fragments about sense, rhythm, repetition, form, syntax, but also concerning emotion, desire and passion: Stéphane Mallarmé's intractable modernity.