In Memoriam

Ivan Omruv’e (1940-2021)[Notice]

  • Zoia Weinstein-Tagrina et
  • Charles Weinstein

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Né dans une famille d’éleveur de rennes dans la toundra de Xatyrka et de Vaïegui, Ivan Vassilievitch Omruv’e (ʔOmruwje) est un écrivain tchouktche, connu non seulement en Tchoukotka, mais aussi en France où ses oeuvres ont paru notamment dans des revues littéraires. Omruv’e a fait ses études à l’Institut Herzen de Leningrad, d’où il est sorti diplômé dans la spécialité « enseignant de langue et littérature russe et tchouktche » en 1968. Il a travaillé un temps comme instituteur itinérant dans la toundra de Vaïegui, mais son activité principale a été le journalisme qui l’occupa jusqu’à la fin de ses jours. Il écrivait dans la presse locale de Tchoukotka : tout d’abord SovètkènČukotka, publié en tchouktche et SovetskajaČukotka, en russe (‘La Tchoukotka soviétique’), Magadanskij Komsomolec (‘Le komsomol de Magadan’), Murgin Nutènut (« Notre terre », en tchouktche, publié dans les langues autochtones de la région) et enfin Krajnij Sever (« Grand Nord »). Dès les années soixante, Omruv’e publiait de la poésie. En 1983, a été publié en langue tchouktche son premier roman Les descendants d’un éleveur (Sawsәwen Jaatlʔat). L’ouvrage est paru en traduction française sous le titre « Eleveurs de rennes », traduit directement du tchouktche par Charles Weinstein (éd. Autrement. Paris 2000). Cette publication sera suivie par beaucoup d’autres : « Le couteau du passé » (Melɣәnwәken Walә) 1984 (paru en français sous le titre « Le Couteau sur le Bûcher Mortuaire » ; éd. Librio 2001), « Maralqot » (Maralqot) (publié dans le recueil Récits et Nouvelles du Grand Nord, L’Harmattan. Paris 2010) ; « Rulwet de Walqaran » (Walqaralʔәn Rulwet) traduit dans Europe N° 1024-1025 en 2014 ; « Elwas » (ʔElwas) (publié également dans Europe N° 1106-1107-1108, en 2021, et republié ci-dessous). Une suite du roman Eleveurs de rennes est parue partiellement en langue tchouktche dans le recueil Prose Contemporaine de Tchoukotka (Moscou, 2006) sous le titre Rèmkyl’yn (Remkәlʔәn) ; la traduction complète en français demeure non publiée. En 2001, au Festival International du Livre de Saint Malo, seuls dix récits de différents auteurs, sur 200, ont été retenus pour figurer dans l’anthologie du festival ; le récit « Le couteau sur le bûcher mortuaire » d’Omruv’e figurait parmi ces dix textes. En 2014, Omruv’e a reçu le grand prix du concours littéraire Rytkhéou en Tchoukotka pour son roman Eleveurs de rennes. Signalons qu’Omruv’e a prêté sa voix, avec M. Belichenko et Z. Tagrina-Weinstein, lors de l’enregistrement de contes tchouktches recueillis voici plus de 100 ans par Vladimir Bogoraz. Cet enregistrement figure dans la réédition commentée et retranscrites de ces textes, publiée dans le cadre du projet « Endangered Languages of the Pacific Rim » dirigé par Tokusu Kurebito, dont un exemplaire a été remis à la bibliothèque du Musée du Quai Branly, à Paris. Quand on lit les oeuvres d’Omruv’e, on comprend qu’il est possible de traduire par des mots non seulement la beauté et l’originalité de la langue tchouktche, mais aussi la richesse du monde intérieur de l’homme du Grand Nord, un homme courageux et endurant. À mesure que le soleil montait dans le ciel la nature se réchauffait. Elle se réchauffait insensiblement car la montagne et le sol respiraient encore un air chargé de neige. On apercevait la yarangue (Jaraŋә) d’Elwas (ʔElwas). Mais nul ne savait pourquoi Elwas l’avait plantée à cet endroit, au bord de la Nykepeglan (Nәkepeɣlan), où peu de ses amis et même sa parenté ne venaient le voir que de loin en loin. On disait qu’une nuit, dans un passé lointain, la terre avait tremblé, grondé …

Parties annexes