Volume 41, numéro 1-2, 2017 Bestiaire inuit Inuit Bestiary Sous la direction de Frédéric Benjamin Laugrand et Francis Lévesque
Sommaire (14 articles)
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L’animal arctique au-devant de la scène : Introduction au bestiaire inuit / Spotlight on Arctic Animals: Introduction to the Inuit Bestiary
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Inuit Symbolism of the Bearded Seal
Birgitte Sonne
p. 29–50
RésuméEN :
The skins of the bearded seal—both dress and interior skins—were indispensable in Inuit/Yupiit technology. Converted into straps, thongs, covers, pokes, rain clothing, and underwear, the skins served to make transport possible, facilitate hunting activities, and protect people against wet and stormy weather. Similarly, the same skin objects permitted contact and exchanges with the beings of the Other Worlds, on which the earthly life of humans depended. Symbolic analysis of the characteristics of bearded seal as reflected in ritual, myth, and sayings reveals that bearded seal turns out to bear both frightening and beneficial meanings. Feared in the figure of a bogey at the height of winter, welcomed as the first seal to arrive from a great distance in early spring, inspiring reproduction and protecting Raven in renewing the earth at equinoxes, bearded seal made the Inuit/Yupiit world cohere.
FR :
Les peaux du phoque barbu étaient indispensables dans la technologie Inuit/Yupiit. Converties en lanières, sangles, housses, vêtements de pluie et sous-vêtements, les peaux servaient à rendre le transport possible, à faciliter les activités de chasse et à protéger les personnes contre les intempéries. Ces mêmes objets de peaux permettaient le contact et les échanges avec les êtres des Autres Mondes, dont dépendait la vie terrestre de l’homme. L’analyse symbolique des caractéristiques du phoque barbu, telle que reflétée dans les rituels, les mythes et les dictons, révèle que le phoque barbu s’avère avoir des significations à la fois effrayantes et bénéfiques. Craint sous la forme d’un spectre au plus fort de l’hiver, accueilli comme le premier phoque arrivé de très loin au début du printemps, inspirant la reproduction et protégeant Corbeau en renouvelant la terre aux équinoxes, le phoque barbu assure la cohérence du monde Inuit/Yupiit.
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Cornus versus dentus et autres modalités d’association des animaux dans l’imaginaire inuit
Vladimir Randa
p. 51–71
RésuméFR :
Jusqu’à nos jours, les animaux constituent, pour les Inuit, non seulement une source de subsistance irremplaçable, mais également une matière à penser inépuisable, dans leurs aspects naturaliste, cynégétique, symbolique, cosmogonique, écologique, esthétique et rituel. Les animaux ne sont pas perçus comme des entités isolées mais sont au contraire systématiquement pensés les uns par rapport aux autres, selon plusieurs modalités. Certains sont perçus comme des équivalents autour de l’axe qui sépare la terre et la mer, des espaces conçus comme opposés mais néanmoins complémentaires. D’autres forment, au sein des mêmes catégories vernaculaires, des doubles dont les participants ont pour vocation, sur la base de quelques caractéristiques partagées, de se substituer les uns aux autres. Enfin, certains sont associés dans des séries récurrentes, constituées selon les mêmes logiques dans différents registres de la culture. Débridé à souhait lorsqu’il s’agit de fabriquer des entités non-humaines, l’imaginaire inuit, en matière d’animaux, colle scrupuleusement à l’identité zoologique de chacun telle que les savoirs empiriques permettent de l’appréhender.
EN :
For the Inuit, animals have always been not only an irreplaceable source of food but also a limitless source of inspiration in all domains: natural history, hunting, symbolism, cosmology, ecology, aesthetics, and rituals. Animals are not considered distinct entities but are instead perceived systematically in relation to one another, following several modalities. Some are seen as equivalents on the earth/sea axis, these spaces being considered distinct but nonetheless complementary. Others constitute doubles: on the basis of various shared characteristics, one animal can substitute for another. Lastly, in a diversity of cultural registers, certain animals are paired in recurrent series following the same logic. The Inuit imagination is incredibly fruitful when creating nonhuman entities, but, as far as animals are concerned, adheres very scrupulously to their zoological identity as established by empirical knowledge.
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The Archaeology and Ethnohistory of Walrus Ritual around Bering Strait
Erica Hill
p. 73–99
RésuméEN :
Nineteenth-century ethnohistoric sources describe rituals and beliefs related to the exploitation of walrus (Odobenus rosmarus) on the islands of the Bering Sea and the coast of Chukotka. These small-scale rites practiced by St. Lawrence Islanders, Siberian Yupiget, and Chukchi were intended to thank walrus and ensure future hunting success. Rituals conducted by walrus boat captains also facilitated integration of walrus hunting crews and their families. Archaeological evidence for the antiquity of walrus-related ritual is provided by concentrations of walrus skulls in structures and deposition of walrus bones in cemeteries. The centrality of walrus to subsistence, material culture, and ritual life of coastal peoples deserves more scholarly attention in both archaeological and historical reconstructions of Yupik and Chukchi multispecies pasts.
FR :
Les sources ethnohistoriques du XIXe siècle décrivent les rituels et les croyances liés à l’exploitation du morse (Odobenus rosmarus) dans les îles de la mer de Béring et de la côte de la Tchoukotka. Ces rites à petite échelle pratiqués par les habitants du l’île Saint-Laurent, les Yupiget de Sibérie et les Tchouktches avaient pour but de remercier les morses et d’assurer le succès de la chasse à l’avenir. Les rituels menés par les capitaines de bateaux de morses ont également facilité l’intégration des équipes de chasseurs de morses et de leurs familles. Les preuves archéologiques de l’antiquité du rituel du morse sont fournies par des concentrations de crânes de morse dans des structures et par le dépôt d’os de morse dans des cimetières. La centralité du morse pour la subsistance, la culture matérielle et la vie rituelle des peuples côtiers mérite une plus grande attention de la part des érudits dans les reconstructions archéologiques et historiques des « passés multispécifiques » des Yupiget et des Tchouktches.
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A Change of Subject: Perspectivism and Multinaturalism in Inuit Depictions of Interspecies Transformation
Sean P.A. Desjardins
p. 101–124
RésuméEN :
A recurring theme within the complex cosmopolitics of pre-Christian Inuit is the transformation of persons—typically, but not exclusively, shamans (both human and nonhuman animal) and spirit beings—from one physical form, or “species,” to another. The motif is common in contemporary Inuit visual art and recent historic oral tradition, and less frequent (or less apparent) in precontact material culture. In this paper, I examine how interspecies relationships among Inuit may have been influenced by an ancient cosmology rooted in multinaturalism, which can be informed upon in an heuristic sense by Amerindian perspectivism, as described and developed by Eduardo Viveiros de Castro (1998, 2004). Within this framework, I suggest a multinatural worldview is reflected in rare depictions of interspecies transformation on two precontact Inuit artifacts recovered from the large winter village site Pingiqqalik (NgHd-1), located near Igloolik, Nunavut.
FR :
Un thème récurrent dans la cosmopolitique complexe des Inuit préchrétiens est la transformation des personnes - généralement, mais pas exclusivement, des chamanes (animaux humains et non-humains) et des êtres spirituels – d’une forme physique, ou « espèce », à une autre. Le motif est courant dans les arts visuels inuit contemporains et dans la tradition orale historique récente, et moins fréquent (ou moins apparent) dans la culture matérielle pré-contact. Dans cet article, j’examine comment les relations interespèces entre Inuit ont pu être influencées par une ancienne cosmologie enracinée dans le multinaturalisme, et informées de manière heuristique par le perspectivisme amérindien, décrit et développé par Eduardo Viveiros de Castro (1998, 2004). Dans ce cadre, je suggère que la vision multinaturelle du monde soit reflétée dans de rares représentations de la transformation interespèces de deux artefacts précontacts inuit récupérés sur le site du grand village d’hiver Pingiqqalik (NgHd-1), situé près d’Igloolik, au Nunavut.
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Labrador Inuit on the Hunt: Seasonal Patterns, Techniques, and Animals as They Appear in the Early Moravian Diaries
Thea Olsthoorn
p. 125–149
RésuméEN :
In 1769 an Order in Council from the British government enabled the Moravians to settle in Labrador. The missionaries laid the boundary stones for their land (ca. 405 km2) in the next year, and established their first mission station (Nain) on the Labrador coast in 1771. The brethren’s accounts of their experiences with the Inuit in the Nain diaries include, besides religious issues, weather and travel reports and descriptions of Inuit hunting grounds and hunting techniques for the fauna of the region. This article focuses on their diary depictions of the two main prey species: the seal and the caribou. Consideration is also given to seasonal variation and availability of these animals during the early years of the mission; data were collected for the years 1771 through 1778. Several clues in the Moravian diaries, which went unrecognized by the missionaries, point to interactions and transformations between human and nonhuman beings (animals, spirits). These indications corroborate the spiritual transgression of category boundaries as an essential feature of traditional hunting methods.
FR :
En 1769, un décret du gouvernement britannique permit aux frères Moraves de s’installer au Labrador. Les missionnaires posèrent des bornes de pierre autour de leur terre l’année suivante (environ 405 km2), et établirent leur première station missionnaire (Nain) sur la côte du Labrador, en 1771. Les récits de ces frères concernant leurs expériences avec les Inuit dans les carnets de Nain incluent, outre les questions religieuses, les bulletins météorologiques et de voyage, ainsi que les descriptions des terrains de chasse des Inuit et des techniques de chasse de la faune régionale. Cet article porte sur les descriptions que l’on retrouve dans leurs carnets, des deux principales espèces de proies : le phoque et le caribou. Il rend compte également des variations saisonnières et de la disponibilité de ces animaux au cours des premières années de la mission ; les données ont été recueillies pour les années 1771 à 1778. Plusieurs indices contenus dans les carnets moraves, bien qu’ils n’aient pas étés reconnus comme tels par les missionnaires, indiquent des interactions et des transformations entre êtres humains et non-humains (animaux, esprits). Ces indications corroborent la transgression spirituelle des limites de catégories en tant que caractéristique essentielle des méthodes de chasse traditionnelles.
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Covering Bones: The Archaeology of Respect on the Kazan River, Nunavut
T. Max Friesen et Andrew M. Stewart
p. 151–178
RésuméEN :
Complex relationships between people and animals define life in the northern past. For Inuit these relationships are manifested in many ways, particularly in practices that are often described as showing respect for animals, thus promoting stable relations between animal and human societies. Frustratingly, many of these activities, which are so prominent in the ethnographic record, have few archaeological correlates. Here, we examine one important practice with a relatively high level of archaeological visibility: the concealment of caribou bones under stones and in other inaccessible areas, which thereby protect them from dogs and other disturbances that could offend the caribou’s inua (spirit, soul). We examine this phenomenon at several important caribou crossings and elsewhere at inland Inuit archaeological sites on the Kazan River, southern Nunavut, where we have conducted extensive surveys. This research was performed in collaboration with Baker Lake community members who have direct knowledge of these localities, including aspects of bone disposal. Together, these studies reveal a cultural landscape in which the human–caribou relationship is omnipresent, not just in terms of features relating to hunting and storage, but also with regard to the spiritual connection between these two interdependent categories of being.
FR :
Des relations complexes entre les hommes et les animaux définissent la vie dans le passé nordique. Pour les Inuit, ces relations se manifestent de nombreuses manières, notamment dans des pratiques souvent décrites comme des démonstrations du respect envers les animaux, favorisant la stabilité des relations entre les sociétés animales et humaines. Il est exaspérant de constater que beaucoup de ces activités, qui sont tellement proéminentes dans les archives ethnographiques, ont peu de corrélations archéologiques. Nous examinons ici une pratique importante présentant un niveau relativement élevé de visibilité archéologique : la dissimulation des os de caribou sous les pierres et dans d’autres zones inaccessibles, qui les protégent ainsi des chiens et autres perturbations susceptibles de heurter l’inua (l’esprit, l’âme) du caribou. Nous examinons ce phénomène à plusieurs traverses de caribou et sur des sites archéologiques inuit à l’intérieur des terres sur la rivière Kazan, dans le sud du Nunavut, où nous avons sondé de manière extensive. Cette recherche a été réalisée en collaboration avec les membres de la communauté de Baker Lake qui ont une connaissance directe de ces lieux, incluant l’aspect de la déposition des os. Ensemble, ces études révèlent un paysage culturel dans lequel les relations humain-caribou sont omniprésentes, non seulement en termes de structures liées à la chasse et à l’entreposage, mais également en ce qui a trait à la connexion spirituelle entre ces deux êtres interdépendants.
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Siberian Yupik Names for Birds: What Can Bird Names Tell Us about Language and Knowledge Transitions?
Igor Krupnik
p. 179–213
RésuméEN :
This article analyzes the list of Siberian Yupik names for birds from Chukotka, Russia, from the unpublished “Dictionary of Traditional Subsistence Terminology of the Asiatic Yupik Eskimo” (n.d., [2010]), produced by the late Russian biologist Lyudmila Bogoslovskaya and Yupik language expert Lyudmila Ainana. It compares Bogoslovskaya and Ainana’s list against other lists of Indigenous bird names compiled in Chukotka and among the nearby Native Alaskan groups in the Bering Strait area, and biological (Linnaean) bird nomenclatures for the same region. The sequence of collected Yupik bird name lists from the 1930s to the early 2000s reveals a strong correlation to the advancing language and knowledge shift, as the Chukotka Yupik were increasingly driven to bilingualism by the Russian-dominated speech environment, media, and school system. By the time ornithologists and linguists compiled the first Native lists of bird names, the Yupik in Chukotka had already lost certain layers of their traditional bird taxonomy, but some of its elements may be construed. As the loss of traditional names for birds continues, the Yupik actively borrow Russian terms (or English, in Alaska) to describe many bird species they encounter in their environment.
FR :
Cet article analyse la liste des noms yupik sibériens d’oiseaux de la Tchoukotka (Russie), à partir du Dictionnaire de terminologie de subsistance traditionnelle du yupik eskimo asiatique (Dictionary of Traditional Subsistence Terminology of the Asiatic Yupik Eskimo, n.d., [2010]), réalisé la biologiste russe Lyudmila Bogoslovskaya et l’experte de langue yupik Lyudmila Ainana. Il compare la liste d’Ainana et Bogoslovskaya avec d’autres listes de noms vernaculaires d’oiseaux compilées en Tchoukotka et parmi les groupes autochtones voisins de la partie alaskienne du détroit de Béring, ainsi qu’avec les nomenclatures linnéennes des biologistes pour la même région. La séquence des listes yupiit de noms d’oiseaux collectées entre les années 1930 et le début des années 2000 révèle une forte corrélation avec les changements linguistiques et cognitifs, les Yupiiit de la Tchoukotka ayant été poussés au bilinguisme dans un environnement dominé par le russe, que ce soit dans le domaine du langage, des médias ou du système scolaire. À l’époque où les ornithologistes et les linguistes ont compilé les premières listes de désignations vernaculaires des oiseaux, les Yupiit de Tchoukotka avaient à l’évidence perdu certaines couches de leur taxonomie traditionnelle pour les oiseaux, mais des éléments de celle-ci peuvent être reconstruits. Alors que l’abandon des désignations traditionnelles des oiseaux se poursuit, les Yupiit empruntent activement des termes russes (ou en Alaska, anglais) pour décrire les nombreuses espèces d’oiseaux qu’ils rencontrent dans leur environnement.
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How Raven Marked the Land When the Earth Was New
Ann Fienup-Riordan
p. 215–241
RésuméEN :
In Alaska, Raven is paradoxically both a lazy scavenger, relying on others to hunt for it and not adverse to eating human flesh, and the creator of light and life. Raven in southwest Alaska is also known as the creator of many landforms seen to this day, including mountains, rivers, and islands. Although Raven stories are told throughout the eastern Arctic as well as interior Alaska, specific places are rarely named in these tales. In contrast, Yup’ik narrators continue to refer to particular places, all across southwest Alaska, where Raven and his daughter left marks on the landscape, while recalling their activities in the distant past.
FR :
En Alaska, Corbeau est paradoxalement à la fois : un charognard paresseux, comptant sur les autres pour chasser à sa place, n’étant pas contre la consommation de chair humaine ; et un créateur de la lumière et de la vie. Dans le sud-ouest de l’Alaska, Corbeau est également connu pour avoir créé de nombreuses formes de reliefs, tels que les montagnes, les rivières et les îles. Bien que des histoires de Corbeau soient racontées dans tout l’Arctique oriental et à l’intérieur de l’Alaska, les lieux spécifiques sont rarement indiqués dans ces récits. Or, les narrateurs yupiit continuent de faire référence à des endroits particuliers, partout dans le sud-ouest de l’Alaska, où Corbeau et sa fille ont laissé des marques sur le paysage, tout en rappelant leurs activités dans un passé lointain.
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La perception du carcajou/glouton par les Inuit du Nord canadien : Du passé au présent
Frédéric Laugrand
p. 243–263
RésuméFR :
Le carcajou ou glouton est un animal que les Inuit du Nord canadien perçoivent comme un être vorace et puissant. Souvent associé au loup, il occupe une place singulière dans le bestiaire de ces peuples. Prédateur, nomade, il est aussi charognard mais surtout voleur, capable de mettre en péril les humains qu’il suit et dont il détruit les caches à viande. Fourbe à l’image des « tricksters », sa ruse et sa détermination en font un adversaire redoutable pour les animaux comme pour les humains. Toutes ces caractéristiques lui donnent mauvaise réputation dans la vie quotidienne mais le prédestinent à devenir un puissant tuurngaq, un esprit auxiliaire, dans le domaine chamanique. Le carcajou est ainsi un être ambivalent qui suscite la crainte et la hantise des chasseurs.
EN :
The wolverine is an animal perceived by the Inuit in northern Canada as a voracious and powerful creature. Often associated with the wolf, it occupies a singular place in the bestiary of these peoples. The wolverine is a predator, a nomad, a scavenger; but it is also a thief, capable of endangering the humans it follows by destroying their meat caches. A sly trickster, the animal’s cunning and determination make it a formidable adversary for other animals and humans alike. While these characteristics have earned the wolverine a bad name in everyday life, they have also contributed to its status as a powerful tuurngaq, an auxiliary spirit, in the shamanic world. The wolverine is an ambivalent being that arouses fear and dread among hunters.
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Dynamiques culturelles et représentations sociales du chien dans la communauté inuit de Kuujjuaq (Nunavik)
Patricia Brunet et Francis Lévesque
p. 265–283
RésuméFR :
Cet article présente les faits saillants d’une recherche de terrain effectuée à Kuujjuaq (Nunavik) en septembre 2016. Son principal objectif est de dresser un portrait général de la place du chien dans cette communauté, tant auprès des Inuit que des non-Inuit. Si la place du chien dans la culture inuit traditionnelle est bien connue et documentée, celle que le chien d’aujourd’hui occupe depuis que les Inuit se sont sédentarisés, qu’ils utilisent la motoneige et qu’ils partagent leur milieu de vie avec des non-Inuit demeure mal comprise. En questionnant la place culturelle et sociale du chien dans une communauté où les populations Inuit et non-Inuit cohabitent, cette recherche tente de faire ressortir les différentes dynamiques reliées aux chiens et vise à acquérir une meilleure compréhension de ce que sont les chiens pour les habitants de Kuujjuaq actuellement. Cet article conclut que les ressources destinées aux chiens et à leur gestion sont limitées et toujours axées sur une perspective de santé et de sécurité humaines, et que les chiens de la communauté occupent une place oscillant entre appréciation et répulsion qui se définit selon le contexte dans lequel on les retrouve et les fonctions qu’ils occupent.
EN :
This article presents the highlights of field research carried out in Kuujjuaq (Nunavik) in September 2016. Its main objective is to create a general portrait of the place that dogs occupy in this community, among both Inuit and non-Inuit. Although the dog’s place in traditional Inuit culture is well known and documented, the place he has occupied since Inuit have settled and began using snowmobiles and sharing their living environment with non-Inuit remains poorly understood. By questioning the cultural and social place of the dog in a community where Inuit and non-Inuit live together, this research attempts to highlight the different dynamics related to dogs and gain a better understanding of what dogs are for the locals of Kuujjuaq. This article concludes that resources for dogs and their management are limited and still focused on health and human security, and that dogs in the community occupy a position that oscillates between appreciation and repulsion—a position shaped by cultural and community contexts.
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Des loups dans l’Arctique yukonnais : Rencontre avec des personnes singulières
Aiko Cappe
p. 285–306
RésuméFR :
À Old Crow, une petite communauté de Vuntut Gwich’in située aux confins du Yukon, s’étend un vaste territoire à la population variée. Parmi eux, se trouve un impitoyable stratège : le loup. Il est aussi difficile de suivre ses traces que celles qu’il laisse chez les humains qui le côtoient. Le loup se révèle alors de multiples manières, à condition que le chercheur s’éloigne de ses idées préconçues et qu’il adopte une certaine flexibilité. Cette flexibilité est d’autant plus nécessaire que les loups ne se montrent pas. Il s’agit alors de faire l’ethnographie d’individus à l’altérité radicale et qui demeurent invisibles. Ce terrain de recherche se situe donc à la croisée des chemins, de l’humain à l’animal, du tangible à l’intangible. Ces loups n’usent pas de mots et pourtant, cette expérience ethnographique nous plonge dans un univers sensible, riche de sens et d’informations.
EN :
Old Crow, a small Vuntut Gwich’in community in the Yukon’s far north, is situated on a vast territory shared by a diverse population. Among its inhabitants is the wolf, a ruthless strategist. Hard to track in the bush, wolves are equally elusive in the stories humans tell of them. And yet they appear in many guises, provided the researcher lets go of preconceived ideas. A flexible and open approach matters all the more since wolves, as very careful animals, do not show themselves. What is at stake, then, is an ethnography of individuals with a radical alterity and inclined to remain invisible. Working with feeling becomes necessary here, at the crossroads of the human and the animal, the tangible and the intangible. This ethnographic experience takes us into a world without words, yet rich in meaning and information.
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Une approche de recherche en écosanté peut-elle aider à résoudre les problématiques liées aux chiens à Kuujjuaq ?
Audrey Simon, Johanne Saint-Charles, Francis Lévesque et André Ravel
p. 307–325
RésuméFR :
Au Nunavik, les politiques publiques relatives aux chiens sont calquées sur celles du sud du Québec et ne tiennent pas compte des normes ni des pratiques culturelles des Inuit. Ces politiques appellent des pratiques génératrices de tension et les interventions relatives aux chiens qui s’y appuient obtiennent, au mieux, un succès mitigé. Prenant en considération ces résultats, de même que la complexité des problématiques liées aux chiens, rapportées tant par des habitants du Nunavik que par les autorités locales et provinciales, une équipe de recherche interdisciplinaire a développé un projet utilisant l’approche écosanté en collaboration avec plusieurs partenaires locaux. Après avoir présenté le contexte entourant la gestion des chiens à Kuujjuaq, l’article propose une analyse des facteurs favorisant ou nuisant à la résolution des problématiques liées aux chiens. L’article montre ensuite la manière dont le projet écosanté interagit avec ces facteurs pour le développement de solutions efficaces et durables à ces problématiques, menant ultimement à des changements de pratiques et de politiques publiques entourant la gestion des chiens à Kuujjuaq.
EN :
In Nunavik, public policies on dogs are based on those used in southern Quebec and do not consider Inuit cultural norms and practices. These policies lead to tensions, and the resulting interventions have, at best, had limited success. Taking this into consideration, as well as the complexity of the issues related to dogs reported by both Nunavik residents and local and provincial authorities, an interdisciplinary research team developed a project using an ecohealth approach in collaboration with several local partners. After describing the context of dog management in Kuujjuaq, the article proposes an analysis of factors that favour or hinder the resolution of dog-related issues. The paper then shows how the ecohealth project interacts with these factors to develop effective and sustainable solutions, which will ultimately lead to changes in practices and public policy on dog management in Kuujjuaq.
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In Memoriam: Jean L. Briggs (1929–2016)