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Heureux l’homme qui rencontre Louis-Edmond Hamelin dans son jeune âge, pas besoin de radar, il se dirigera vers le nord. Patrick a été de ceux-là. Patrick était un être fragile et fort, vif et nerveux comme un oiseau que la neige inquiète, mais voilà que sa direction est trouvée. C’était après la guerre de 1939-1945, il immigrait au Québec.
En 1969, l’Université du Québec à Montréal (UQÀM) est créée. En 1973, Patrick Plumet y est pour enseigner l’archéologie et moi, Yolande Simard, 45 ans, j’y suis aussi. C’était l’oeuvre de la «Révolution Tranquille». Qui est cette femme? Que fait-elle en archéologie? Une intruse? Une agente de la GRC (Gendermerie Royale du Canada)? Ou de l’université? La guerre n’était pas loin pour Patrick qui l’avait vécue en Afrique du Nord. Sa curiosité de chercheur le pousse à me le demander abruptement. Je lui réponds que je suis une femme de la Terre et que l’homme sur la Terre et en dessous m’intéresse. Pour appuyer ma réponse, je l’invite à venir chez moi pour y rencontrer mon époux et mes deux enfants. Par la suite, je ne semblais plus être une espionne… je pouvais donc avoir accès au code Borden. Par-delà les ans, nos contacts se sont répétés dans une harmonie normale et sereine.
Patrick, comme ceux qu’au XVIIe siècle en Nouvelle-France on appelait «les voyageurs», ira découvrir et décoder les particularités techniques et culturelles des peuples sans écriture du Grand Nord dans la zone arctique du temps et de l’espace des préhistoriques. Ayant fouillé un site présumé vieux de plus de deux mille ans en Arctique de l’Est, il est toujours resté coi devant la question du film D’où sont venus les Dorsétiens?, alors que moi, sans réputation à défendre, j’osais dire qu’avec mes recherches par tâtonnements, il m’apparaissait possible que le haut crâne caréné des Dorsétiens soit celui de l’homme de Chancelade du Paléolithique supérieur de Dordogne. L’Arctique de l’Ouest était là comme un mur à peine franchi par la science à l’époque et il n’y croyait pas trop. Cependant, quel plaisir on a pu avoir à chercher!
Au moment de son retrait de la vie universitaire comme enseignant à l’UQÀM, à son retour en France, avec sa réputation de sérieux scientifique, il se devait de se diriger vers les éditions «Errance». Ici, nous avons profité de son passage parmi nous avant et pendant l’élaboration des deux tomes de Peuples du Grand Nord: le premier, Des mythes à la préhistoire avec préface de Louis-Edmond Hamelin et le second, Vers « l’Esquimau ». Du mammouth à la baleine. Comme il me le disait dans sa dédicace de Peuples du Grand Nord: « C’est aussi l’un des fruits de mes dernières années de travaux au Québec et par la suite en France ». Patrick, pour une telle entreprise, a eu besoin de la discrète participation de Nicole, son épouse, pendant qu’il écrivait ses deux tomes jusqu’à leur édition en 2004.
Ma dernière rencontre avec lui a eu lieu à Paris en 2008. Pour souligner mon 80e anniversaire, Muriel Robert-Joffre avait invité pour un repas sa soeur Joëlle Robert-Lamblin, anthropologue en Arctique, Michel Madore, peintre québécois, avec sa compagne Cao Dan, chinoise et cinéaste, et Patrick Plumet, lequel était venu (avec deux bouquets de fleurs, un pour Muriel et un pour moi) sans Nicole; elle était en voyage et Patrick n’avait pas le temps de voyager. Quelle table cadeau! De bons voeux m’étaient présentés et par la suite le savoir de chacun servait d’entremets, puis-je dire. Patrick nous a entretenus du travail de sa vie fraîchement publié ou il faut supposer, disait-il, « qu’un flux génétique minimal se maintient, même irrégulièrement, à travers toute la nappe humaine moderne ». Avec les propos qui circulent à l’effet que la semence prélevée auprès de jeunes universitaires de maintenant semble être en dégradation constante, les inquiétudes sont plausibles pour la grand-mère que je suis.
Les derniers propos du professeur qu’il a été pour moi en tant que femme de la planète Terre, son élève depuis 35 ans, ayant fouillé avec lui sur deux sites différents, je lui sais gré d’avoir protégé mes chemins d’étoiles. Était-ce pour ne pas léser la poésie de ma démarche, qu’il ne m’a jamais détournée de l’interprétation que je faisais dans mes recherches? Comme par exemple, l’Homme-Lune trouvé en 1976 sur l’île Diana 4: artéfact de 2,5 cm, que j’associais volontiers à un mythe venu d’Asie, plus précisément du Kamchatka et de l’embouchure de l’Ienisseï, du Groenland, du détroit d’Hudson et de la côte du Labrador.
Pour Nicole, Yanaël et Cyrille, avec mes plus précieux amis de l’époque où je faisais de l’archéologie, nous reconnaissons le don que Patrick nous a fait de lui-même, et ce qu’il vous en a coûté d’absence à vous, sa famille, et de ce fait nous tous vous offrons nos plus sincères remerciements.