Au vu de l’importance des biens de traite européens dans l’économie et la société des Inuit, les chercheurs ont longtemps débattu pour savoir si c’était la traite avec les Européens qui avait attiré les Inuit au Labrador méridional, et si cette région était devenue pour les Inuit un lieu d’habitat et d’utilisation du territoire ou une simple zone de transit pour des interactions commerciales de courte durée. En 1980, un volume double d’Études/Inuit/Studies avait discuté de ces problèmes et présenté l’état des connaissances sur les plans archéologique et historique. L’archéologie pouvait alors laisser croire que la baie Groswater, au centre de la côte du Labrador, constituait le point le plus méridional de l’occupation du territoire par les Inuit et que ces derniers ne se rendaient que ponctuellement au sud du Labrador afin de commercer avec les Européens. Mais les données factuelles provenant en grande partie de la cartographie et des documents historiques laissaient penser que tel n’était pas le cas. Des reconnaissances archéologiques effectuées par la suite au sud du Labrador au début des années 1990 ont permis d’attester une présence inuit, et ces résultats, associés aux documents d’archives, ont conforté l’hypothèse que les Inuit s’étaient installés au Labrador méridional au début de la période historique, et qu’il restait encore beaucoup à apprendre de la nature de cette présence et des interactions entre Inuit et Européens. En 2007 fut lancé un important projet de recherche impliquant huit chercheurs en histoire, anthropologie et archéologie, en partenariat avec le Conseil communautaire du NunatuKavut (anciennement connu sous le nom de Labrador Métis Nation). Son objectif était d’examiner en détail l’histoire inuit, de ses débuts jusqu’au présent, depuis le sud de la baie Groswater jusqu’à la Côte-Nord du Québec. Cette recherche multidisciplinaire fut financée par une subvention ARUC (Alliance de recherche universités-communautés) du CRSH entre 2009 et 2014. Parvenus au point d’achèvement de notre projet, nous souhaitions publier un volume qui servirait de complément à celui de 1980, soulignant les résultats de recherche significatifs et actualisant l’état des connaissances 35 ans plus tard. Nous soulignons ici plusieurs des éléments fondamentaux de nos travaux, qui comprennent des recherches archéologiques, historiques et en archives, ainsi qu’une recherche ethnographique en cours. Les articles de ce numéro brossent le tableau d’une présence inuit prolongée et d’interactions durables, quoique changeantes, entre les Inuit et les nouveaux-venus européens. Ce volume marque la fin de la première étude à grande échelle de cette région et de la première investigation exhaustive et multidisciplinaire de son histoire inuit. Les résumés des articles qui suivent feront apparaître clairement que l’histoire des Inuit au Labrador méridional se présente comme un écheveau emmêlé; elle est représentée sous la forme d’un éventail de données et fait entrer en jeu de nombreux acteurs. Comprendre cette histoire exige des analyses complexes et les auteurs présentent des interprétations réfléchies, aux multiples facettes, de l’archéologie et des documents d’archives. Les relations entre Inuit et Européens sont examinées par Pope à partir de documents d’archives remontant au XVIIe siècle et au début du XVIIIe siècle qui mentionnent des altercations entre les Inuit et les pêcheurs et traiteurs basques, normands, bretons puis français qui se sont succédé. En effectuant un balayage géographique des documents relatifs au golfe du Saint-Laurent, de la partie la plus méridionale du détroit de Belle-Isle et du Petit-Nord au nord-ouest de Terre-Neuve, Pope se concentre sur l’agentivité des Inuit vis-à-vis des politiques européennes, en expliquant l’interruption de la pêche européenne dans ces eaux durant une soixantaine d’années au milieu du XVIIe siècle. Bien qu’il n’ait pas été associé au projet de recherche ARUC, le Projet …
Introduction: les Inuit au Labrador méridionalIntroduction: The Inuit in southern Labrador[Notice]
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Lisa K. Rankin
Department of Archaeology, Memorial University of Newfoundland, Saint-Jean, Terre-Neuve-et- Labrador A1C 5S7, Canada
lrankin@mun.caMarianne P. Stopp
Direction de l’archéologie et de l’histoire, Direction générale de la conservation et commémoration du patrimoine, Parcs Canada, 30 rue Victoria (PC-03-L), Gatineau, Québec J8X 0B3, Canada
marianne.stopp@pc.gc.caAmanda Crompton
Department of Archaeology, Memorial University of Newfoundland, Saint-Jean, Terre-Neuve-et- Labrador A1C 5S7, Canada
ajcrompt@mun.ca