Introduction: reconstructions du passé inuit Introduction: Reconstructions of the Inuit past[Notice]

  • Sean P. A. Desjardins,
  • Sarah Merina Hazell et
  • Marie-Pierre Gadoua

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  • Sean P. A. Desjardins
    Département d’anthropologie, Université McGill, 855 rue Sherbrooke Ouest, Pavillon Leacock, salle 718, Montréal, Québec H3A 2T7, Canada
    sean.desjardins@mail.mcgill.ca

  • Sarah Merina Hazell
    Alaska Department of Fish and Game, Division of Subsistence, 333 Raspberry Rd., Anchorage, AK 99518-1599, USA
    sarah.hazell@alaska.gov

  • Marie-Pierre Gadoua
    Département d’anthropologie, Université McGill, 855 rue Sherbrooke Ouest, Pavillon Leacock, salle 718, Montréal, Québec H3A 2T7, Canada
    marie-pierre.gadoua2@mail.mcgill.ca

En tant qu’exemple de continuité culturelle sur le long terme, il se peut que l’Arctique nord-américain soit unique au monde sur le plan des liens incontestables entre ses peuples contemporains et leurs ancêtres d’il y a plusieurs siècles. Ces liens sont avérés par l’archéologie, l’ethnohistoire, l’histoire orale et l’ethnographie actuelle. Les peuples du Nord, les archéologues, les anthropologues et d’autres observateurs tiennent à proposer des analyses des artefacts, des pratiques quotidiennes et du savoir traditionnel tout en interprétant les informations qui en ressortent à partir de points de vue différents. Parfois ces différentes perspectives se contredisent; un groupe, de son point de vue, peut considérer que les autres groupes observent le passé à travers un prisme déformant. À l’inverse, deux conceptions divergentes du passé, voire plus, peuvent converger sur le plan pratique. Dans l’Arctique canadien d’aujourd’hui, les Inuit prennent part aux interprétations que font les «gens du Sud» des modes de vie de leurs ancêtres, ainsi qu’au savoir traditionnel partagé au sujet du passé, pour renforcer leur identité culturelle et politique. Ce faisant, ils travaillent à l’instauration d’une autonomie politique et à l’avancement du bien-être socioéconomique de leurs communautés. Ce numéro thématique d’Études/Inuit/Studies a été inspiré par une session intitulée Inuit Memories and Archaeological Reconstructions: Contemporary Reifications of the Inuit Past («Mémoires inuit et reconstructions archéologiques: réifications contemporaines du passé inuit») lors de l’Assemblée annuelle de l’American Anthropological Association, qui s’est tenue à Montréal en 2011. Au cours de cette session, les rédacteurs de ce numéro avaient tenté de présenter des exemples nouveaux et dynamiques de la variation, d’un observateur à l’autre, de l’interprétation des vestiges culturels du passé de l’Arctique. Les articles présentés ici prolongent ce thème en présentant des études de cas réalisées en Alaska, dans l’Arctique canadien et au Labrador. Les auteurs présentent non seulement une diversité de perspectives sur le passé, mais aussi des réflexions approfondies au sujet des problèmes inhérents à la conciliation de points de vue opposés. Deux articles abordent directement la façon dont les perspectives sur le passé archéologique peuvent recouper celles des Inuit contemporains. Gadoua examine, dans le cadre d’un musée, des ateliers qui visaient à promouvoir le partage des connaissances entre les Inuit eux-mêmes, et entre Inuit et chercheurs. Griebel montre comment la reconstruction d’une structure archéologique — une maison communautaire ou qalgiq, des Inuit du Thuléen — à Cambridge Bay, au Nunavut, a suscité une grande diversité d’interprétations de sa fonction, à la fois dans le passé et dans le présent. Dans une veine similaire, Howse utilise des exemples ethnographiques provenant de tout l’Arctique pour porter un nouvel éclairage sur certains des vestiges les plus ostensiblement objectifs du passé ancien — les restes zooarchéologiques. Les articles de ce numéro abordent aussi un autre thème essentiel: la remise en question des récits communément admis au sujet des évènements du passé. Contrairement aux interprétations courantes de la dévastation culturelle provoquée par les épidémies et les changements dramatiques des environnements locaux, Pratt et al., au moyen d’une riche documentation, démontrent que les sociétés autochtones de l’Alaska se sont adaptées, à une époque récente, à ces dangers menaçant leur existence. De même, au moyen d’une analyse attentive de récits ethnohistoriques du XVIIIe siècle, Stopp montre quel serait le danger d’accorder trop de crédit aux interprétations et aux descriptions canoniques des anciennes maisons des Inuit, sur lesquelles pourraient se fonder des recherches ultérieures. Enfin, Pullar et al. relatent l’histoire des efforts consacrés à la création d’un musée destiné à la sauvegarde du patrimoine culturel sugpiaq sur l’île Kodiak, en Alaska. Ce faisant, les Sugpiat ont cherché non seulement à reprendre le contrôle …