Résumés
Résumé
Cet article étudie le développement de la représentation qui place la cour des Miracles au xviie siècle. Il analyse la consolidation de cette représentation dans des ouvrages à visée historique de la première moitié du xxe siècle, et sa diffusion dans la littérature populaire des décennies suivantes. Il aborde les interactions entre la littérature et le discours historique, et s’intéresse particulièrement à la fonction de la représentation situant la cour au xviie siècle dans l’ensemble du mythe de la cour des Miracles, de même qu’à son investissement symbolique et idéologique.
Abstract
This article studies the development of the representation which situates the Court of Miracles in the 17th century. It analyzes the consolidation of this representation in works written with historical intent from the first half of the 20th century, and its diffusion in the popular literature of the following decades. It addresses the interactions between literature and historical discourse, and is particularly interested in the function of the representation which situates the Court in the 17th century in the totality of the myth of the Court of Miracles, as well as its symbolic and ideological investment.
Corps de l’article
Comme le remarque Jean-Marie Goulemot dans un ouvrage consacré à l’« imaginaire du xviiie siècle[2] » dans la culture contemporaine, la représentation que nous avons d’une période historique découle souvent moins du travail d’érudition ou d’avant-garde des historiens que de sa construction dans les fictions et la culture médiatique, dont les représentations s’ajoutent à l’héritage scolaire[3]. S’il est vrai que le classicisme, contrairement aux Lumières, est essentiellement une notion de la « mémoire scolaire[4] », le « Grand Siècle[5] » fait l’objet, de son côté, d’une représentation qui s’ancre davantage dans la culture populaire ou médiatique[6]. Cette représentation, qui se développe parallèlement à une réception plus érudite[7], a en grande partie pris forme au xixe siècle, à travers les romans historiques et sous la plume d’Edmond Rostand[8]. L’« imaginaire populaire[9] » du Grand Siècle a poursuivi son expansion tout au long du xxe siècle et des deux premières décennies du siècle suivant dans les romans et les films historiques, les bandes dessinées, les documentaires et la littérature pour la jeunesse[10]. C’est d’ailleurs à la production appartenant à cette culture médiatique que Guy Spielmann fait référence en 2011 au début de la présentation d’un numéro consacré aux « Échos du Grand Siècle » afin de démontrer son actualité dans l’imaginaire contemporain : « Rarement le “Grand Siècle” aura été à l’honneur autant qu’en ce début de troisième millénaire. Ne parlons même pas du domaine académique et universitaire […] : c’est dans la sphère publique au sens large qu’on trouve les signes manifestes d’un intérêt, voire d’un réel engouement[11]. » On peut ajouter aux exemples cités par Guy Spielmann – le documentaire Versailles secret, le documentaire-fiction Versailles, le rêve d’un roi et la comédie musicale Le Roi-Soleil[12] – des productions plus récentes, comme la série télévisée Versailles, diffusée de 2015 à 2018[13].
L’« imaginaire populaire » du Grand Siècle est marqué par un ensemble d’événements, de motifs ou de « mythes[14] » que reprennent des oeuvres fictionnelles en dialogue avec des ouvrages historiques visant un large public. À la légende du Masque de fer et à l’affaire des poisons[15], s’ajoute le mythe de la cour des Miracles[16], lequel affirme qu’il existait, à Paris, une communauté de « faux mendiants » et de voleurs possédant ses propres règles et sa propre hiérarchie[17]. Ce mythe permettant aux auteurs d’explorer « l’envers du Grand Siècle[18] » est encore bien actif au xxie siècle. Il est notamment évoqué par des romans policiers historiques[19]. La cour des Miracles est présente dans le roman Les croix de paille de Philippe Bouin, où les habitants de cette cour aident un assistant de Gabriel Nicolas de La Reynie dans son enquête, laquelle vise à éviter un second massacre de la Saint-Barthélemy[20]. Le lieu apparaît dans l’un des épisodes de L’homme aux rubans noirs de Jean d’Aillon, dans lequel le héros se rend à la cour des Miracles pour retrouver un enfant abandonné[21]. Le motif est également évoqué dans La marquise des poisons d’Olivier Seigneur, qui s’intéresse à l’enquête menée, au moment de l’affaire des poisons, par le célèbre lieutenant général de police de Louis XIV[22]. Dans l’univers de la bande dessinée, une série intitulée La cour des Miracles, dont la publication a débuté en 2018, reprend le mythe en représentant la cour du xviie siècle[23] et le deuxième tome de la série Un pour tous. La jeunesse des mousquetaires a pour titre Saison froide à la cour des Miracles[24].
Cette représentation qui situe la cour des Miracles au xviie siècle constitue une sorte de retour aux sources, car avant d’avoir été reprise par Victor Hugo, qui la déplace au xve siècle, la légende de cette cour a été développée par Henri Sauval[25]. On retrouve chez Sauval les différents motifs liés à la cour : de l’organisation hiérarchique dominée par le grand Coësre[26] à l’emploi de l’argot, en passant par la figure du « faux mendiant ». La cour est alors associée au xvie et au xviie siècle, époque à laquelle la plus importante cour des Miracles aurait été, selon le prolongement du mythe, détruite par La Reynie[27]. Comme l’a montré Dominique Kalifa, le motif de la cour des Miracles sera intégré au xixe siècle dans l’« imaginaire des bas-fonds » qui associe « la misère, le vice et le crime[28] ». D’autres auteurs contribuèrent au développement de la représentation de cette cour en l’inscrivant dans l’imaginaire de l’Ancien Régime, comme Michel Zévaco dans Triboulet (1900-1901), dont l’action prend place au xvie siècle[29]. Des travaux à visée historique tenteront, de leur côté, de « reconstituer » avec plus de détails la cour des Miracles du xviie siècle. Dans la suite de cet article, je m’intéresserai au mythe qui associe la cour des Miracles au Grand Siècle en cherchant à mieux comprendre les enjeux idéologiques qui marquent cette représentation. Je m’attacherai plus particulièrement à la période qui va du début du xxe siècle aux années 1970, pendant laquelle on assiste à la consolidation « savante » du mythe et à sa transmission dans la culture populaire.
La construction savante du mythe
Le mythe de la cour des Miracles du Grand Siècle a été développé par une littérature savante qui s’appuie sur une documentation pour l’inscrire à un moment précis de l’histoire, et cherche ainsi à attester sa véracité. Car il faut d’emblée préciser que, si le texte de Sauval est un document « non fictionnel », contrairement à la construction romanesque de Hugo, le témoignage qu’il propose est loin d’être une simple description de la réalité. Comme l’a montré Roger Chartier, Sauval reprend « des éléments empruntés à la littérature de la gueuserie[30] » et les superpose à une réalité de la ville de Paris au xviie siècle : la présence de différents secteurs touchés par une forte pauvreté que le discours de l’époque qualifie de « cours des Miracles ». « La cour des Miracles qu’a vue Sauval », remarque Roger Chartier, « est comme une “zone” rassemblant des misérables mais ne semble pas être une province du royaume d’Argot. C’est seulement lorsque le récit passe à l’imparfait qu’il s’anime pour décrire une communauté refusant les règles civiles, l’impôt comme les sergents, et vivant dans le blasphème et la licence […][31]. » La description que Sauval propose alors est en grande partie, pour reprendre encore une fois une expression de Roger Chartier, le produit d’une lecture « littérale » d’un texte parodique et facétieux[32], le Jargon ou Langage de l’Argot réformé, qui sera par ailleurs fréquemment réédité dans la littérature de colportage jusqu’au xixe siècle[33]. Bronislaw Geremek a lui aussi souligné le caractère légendaire de la représentation de la cour des Miracles développée par Sauval : « La grande cour des Miracles […] a pris, dans l’imaginaire bourgeois alimenté par des rumeurs et des légendes, une dimension qui dépassait de loin ce que ce terme couvrait réellement [34]. » Bronislaw Geremek remet en question l’idée selon laquelle il s’agissait d’un territoire refusant l’autorité de l’État[35] et souligne, tout comme Roger Chartier, le fait que la description du « royaume d’Argot » proposée par Sauval est reprise de la « littérature de la gueuserie[36] ».
Le « mythe » développé par Sauval sera repris par le discours qui s’intéresse à l’histoire de la ville de Paris, mais aussi par des travaux s’attachant à l’histoire de la mendicité, de la police et de la criminalité. Si Christian Paultre consacre un chapitre aux cours des Miracles (en les associant avant tout aux xve et xvie siècles) dans son ouvrage De la répression de la mendicité et du vagabondage en France sous l’Ancien Régime, qui paraît pour la première fois en 1906[37], Maurice Vloberg publie, en 1928, un livre consacré à l’univers de la cour des Miracles, qui a pour titre De la cour des Miracles au gibet de Montfaucon[38]. À la suite de Sauval, ces deux auteurs développent le mythe en s’appuyant sur la « littérature de la gueuserie » des xvie et xviie siècles[39]. Cette littérature est alors abordée comme un ensemble de documents. Ainsi, lorsqu’il constate que les auteurs de différents pays partagent une même topique, Paultre conclut non pas à l’existence d’une tradition littéraire, mais au caractère « international » des moeurs des mendiants[40]. Vloberg adopte une lecture du même ordre et développe ce mythe en intégrant une riche iconographie qui s’appuie sur la série « Les gueux » de Callot, mais aussi sur le recueil intitulé La Vie des Gueux[41]. Vloberg décrit à son tour l’organisation « politique » dominée par le grand Coësre, les différents types de « faux mendiants », l’argot employé par les habitants des « cours ». Il ajoute une description détaillée de l’univers des voleurs et des criminels qui circulent et trouvent refuge à la cour des Miracles.
À l’instar de Paul Bru dans son Histoire de Bicêtre, qui évoque les cours des Miracles dans un chapitre consacré aux mendiants et à l’Hôpital général[42], Vloberg cherche à ancrer sa description de la cour dans l’imaginaire commun en faisant appel à la représentation de Hugo[43]. Il cite un long extrait du chapitre de Notre-Dame de Paris intitulé « La cruche cassée »[44] dans lequel se trouve la célèbre formule faisant de la cour un « cercle magique où les officiers du Châtelet et les sergents de la prévôté qui s’y aventuraient disparaissaient en miettes[45] ». La représentation hugolienne sert en quelque sorte de fondement à partir duquel s’élaborent d’autres représentations de la cour des Miracles[46]. Il s’agit de la variante « imaginaire » de la cour, institutionnalisée par la réception de Notre-Dame de Paris. La présence de cette variante nourrit les actualisations ou les réinvestissements de la variante « historique » de la cour qui l’associent au xvie ou au xviie siècle. De Sauval à Vloberg, la littérature (de la « littérature de la gueuserie » à Notre-Dame de Paris) est ainsi transformée en réalité du passé. Le mythe de la cour des Miracles du Grand Siècle est également entretenu par les travaux qui s’intéressent aux « sources » de Victor Hugo, comme l’ouvrage Le gueux chez Victor Hugo de Maria Ley-Deutsch[47]. Si l’autrice de cette étude s’éloigne de la variante littéraire que présente la littérature picaresque[48], c’est pour lui opposer une vérité qui s’appuie à nouveau sur la « littérature de la gueuserie »[49] de même que sur le texte de Sauval[50]. Bien que l’auteur de l’Histoire et recherches des antiquités de la ville de Paris soit qualifié de « conteur plus pittoresque qu’historique[51] », son texte, abondamment cité, constitue le document à partir duquel l’autrice reconstitue la cour des Miracles[52], en présentant les différents types de « faux mendiants », mais aussi l’organisation hiérarchique et l’idée selon laquelle cette cour est une « véritable ville dans la ville[53] ».
La description de la cour des Miracles du Grand Siècle participe ainsi, dans un premier temps, à l’élaboration d’une assise « historique » du mythe. Si la description de Hugo informe la reconstitution de la cour du Grand Siècle, l’affirmation du caractère historique de la cour du xviie siècle confère une sorte de supplément d’authenticité à la représentation hugolienne qui, même si elle situe la cour à une autre époque, s’appuie sur la description de Sauval. Paradoxalement, le mythe semble encore plus « vraisemblable » lorsqu’il est associé au xviie siècle, car la cour y apparaît déjà comme une légende en devenir, en raison de sa « destruction » par La Reynie. La description de la cour des Miracles du Grand Siècle vient alors attester la véracité de la « réalité » plus générale que le mythe prétend décrire, c’est-à-dire l’existence d’une « fausse » mendicité[54]. La dimension idéologique de cette représentation de la cour des Miracles apparaît clairement lorsque Paultre et Vloberg font des parallèles avec le présent pour évoquer l’existence des « faux mendiants ». Paultre écrit par exemple au début de son chapitre consacré à la cour : « Si parfois le vagabondage a été l’expression d’une oppression sociale obligeant le travailleur à mener une vie vagabonde, la mendicité a toujours été caractérisée d’une part par la ruse et les fourberies de ceux qui mendient et d’autre part par la crédulité de ceux qui donnent[55]. » Après avoir affirmé que « [l]’enseignement dans l’art de tromper est aussi grand au xxe siècle qu’aux xve et xvie siècles[56] », l’auteur cite, en note, un ouvrage intitulé Paris qui mendie, qui « décrit les artifices employés de nos jours par les mendiants[57] ». Vloberg effectue lui aussi un parallèle de ce genre. Avant de conclure son avant-propos par un appel philanthropique invitant la société à trouver un moyen de remédier à la misère[58], il écrit : « Le Grand Coësre et ses cagous ont disparu, mais leur esprit subsiste, de même que survit la postérité de Villon dans la bohême de Montmartre et de “Montparno”. Les trucs des vieux argotiers et leurs bonnes formules font toujours recette[59]. »
Le passage par le Grand Siècle permet enfin d’amplifier un autre aspect du mythe, en le conjuguant à ce que l’on peut déjà qualifier de discours sur « l’insécurité[60] ». En s’intéressant au destin de la cour des Miracles au xviie siècle, Vloberg ajoute à la question plus générale de la mendicité le motif de l’insécurité urbaine, qui a pour emblème l’assassinat, en 1665, du « lieutenant criminel Jacques Tardieu[61] » et de son épouse dans leur propre demeure[62]. La description de cette insécurité s’inscrit dans la topique de l’« envers du Grand Siècle », au moins depuis la parution de l’ouvrage de Félix Gaiffe en 1924[63]. Cet autre aspect du mythe passe lui aussi par l’intégration « savante » d’une source littéraire. Afin de mieux inscrire cette représentation de l’insécurité dans la mémoire des lecteurs, Vloberg, à l’instar de Gaiffe[64], cite les vers de la satire VI de Boileau (« Le bois le plus funeste et le moins fréquenté / Est, au prix de Paris, un lieu de sûreté[65] »), qui sont alors présentés comme une référence scolaire partagée[66] : « Le dernier des potaches connaît, par les vers de Boileau, le merveilleux coupe-gorge qu’était la capitale vers 1660[67]. » Dans un ouvrage paru en 1962, Jacques Saint-Germain pourra encore, en s’intéressant cette fois à l’insécurité qui marque Paris au xviie siècle, présenter cette satire comme une référence commune : « Tous les témoins de la période antérieure à la nomination de La Reynie, dont Boileau, de qui chacun connaît la fameuse satire de 166[6] (le bois le plus funeste est, au prix de Paris, un lieu de sûreté, etc.) sont d’accord pour dénoncer l’effrayante insécurité qui règne, la nuit tombée, dans la capitale du royaume[68]. » Le mythe qui associe la cour des Miracles au Grand Siècle peut d’autant plus facilement être investi par un discours sur l’insécurité (ou par certaines peurs diffuses dont se nourrit ce discours) qu’il met en scène non seulement le crime[69], mais aussi sa répression par le pouvoir au moyen de l’action de La Reynie. En se concluant par la « destruction » de ce lieu de résistance, le mythe de la cour des Miracles du Grand Siècle vient d’une certaine façon juguler le potentiel subversif de cette représentation, que développe pleinement Zévaco dans Triboulet alors que les habitants de la cour des Miracles envahissent le Louvre pour venir en aide à l’un de leurs camarades, qui s’y est rendu pour défier François Ier [70].
Du discours érudit à la représentation romanesque
Le mythe de la cour des Miracles du Grand Siècle connaît une diffusion plus grande encore lorsqu’il passe du discours érudit à la représentation romanesque. Il a été développé dans un cadre fictionnel à la fin des années 1950 par la série Angélique, dont un volume, la première partie du Chemin de Versailles, est consacré aux mésaventures de l’héroïne dans l’univers de la « gueuserie ». Amplifiant la trame picaresque de la série[71], cette exploration de la cour des Miracles permet de décrire dans une perspective « populaire » l’« envers du Grand Siècle ». Le roman de Golon[72] reprend la topique de la cour des Miracles en mettant en scène l’univers des « faux mendiants » qui, comme l’indique le texte, donne son nom à la cour[73]. Il complète cette description en évoquant l’usage de l’argot et le rituel d’initiation des voleurs (ACV, 131-132), mais aussi la société parallèle sur laquelle règne le grand Coësre. La cour des Miracles est alors appariée à l’univers des « bas-fonds[74] » et l’argot que le roman intègre avec parcimonie se rapproche davantage de celui des Mystères de Paris que de celui du Jargon ou Langage de l’Argot réformé. La description de la cour est à son tour marquée par les échos de Notre-Dame de Paris. La progression d’Angélique vers la cour alors que des « gueux » de toutes sortes se joignent à elle et à son guide, n’est pas sans rappeler l’épisode dans lequel le Gringoire de Hugo gagne ce lieu[75]. Le roman de Golon est également traversé par l’héritage de la représentation négative du mendiant qui s’est développée au xixe siècle[76]. La dimension burlesque[77] que le xviie siècle liait à l’univers de la « gueuserie » cède la place à un autre type de représentation. La description de la cour des Miracles acquiert une dimension horrible lorsque le texte évoque le trafic des enfants (ACV, 97-98). Le roman de Golon convoque différents stéréotypes de l’imaginaire de la mendicité, dont celui du « Bohémien[78] » (ACV, 22-23). Angélique devra même lutter contre un groupe de « Bohémiens », auxquels un de ses enfants a été vendu (ACV, 194-206).
La question de la mendicité, au coeur de la définition de la cour des Miracles, fait écho à des enjeux auxquels les lecteurs du xxie siècle sont peut-être encore plus sensibles, mais ces enjeux étaient également présents dans l’imaginaire de la fin des années 1950. Le célèbre discours de l’abbé Pierre du 1er février 1954 hantait sans doute encore bien des mémoires au moment de la publication du roman de Golon[79]. Le motif de la cour des Miracles met à distance cette misère en l’assimilant en partie à une « fausse » mendicité[80]. Cette mise à distance apparaît explicitement dans le texte, qui présente les habitants de la cour comme des êtres « habitués » à la misère : « La misère n’est insoutenable que lorsqu’elle n’est pas totale et pour ceux qui peuvent comparer. Les gens de la cour des Miracles n’ont ni passé ni avenir » (ACV, 69). La représentation conservatrice de la cour des Miracles présente dans ce roman peut également apparaître comme une réponse aux représentations plus « progressistes »[81] qui, à la manière de L’opéra de quat’sous[82], intègrent la représentation de l’univers de la marginalité dans une satire de l’ensemble de la société[83]. Comme le remarque André Gueslin, après avoir évoqué la représentation « romantique » du vagabond que reprennent encore des chansons des années 1940 et 1950 : « À partir de cette époque, et pour transposer au plan historique le raisonnement du sociologue Laurent Mucchielli, s’affronteraient deux cultes caractérisant la société française : celui du travail générant l’hostilité à l’oisiveté, et celui de la liberté[84]. » S’il fait écho aux fantasmes qui marient l’« itinérance » et la liberté, ou du moins à la sortie des contraintes de l’ordre social, le roman de Golon prend rapidement le parti du « culte du travail ». La vision bourgeoise de la pauvreté se manifeste clairement lorsque Angélique, écoutant son instinct de mère qui la pousse à protéger ses enfants, décide de quitter sa vie de « gueuse » pour devenir commerçante. L’héroïne énonce de la façon suivante le principe guidant sa nouvelle existence, dans lequel le lecteur peut facilement reconnaître l’héritage scolaire de la fable[85] : « Ce qu’il fallait surtout, c’était amasser, amasser, comme une fourmi. La richesse, c’est la clé de la liberté, le droit de ne pas mourir, de ne pas voir mourir ses enfants, le droit de les voir sourire » (ACV, 274). À l’inverse, la pauvreté de la cour des Miracles est inscrite par le roman dans une vision du monde réfractaire aux notions d’économie et de prévoyance[86]. Il s’agit d’un autre motif du mythe, déjà présent chez Sauval, qui affirme que « c’étoit l’une des loix fondamentales de la cour de[s] Miracles, de ne rien garder pour le lendemain[87] ». La description de la cour des Miracles est ainsi informée par le discours conservateur faisant de la pauvreté la conséquence d’un refus du travail et de l’épargne[88], qui circule encore au moment de la parution du roman de Golon.
Les nombreuses rééditions de ce roman, auxquelles s’ajoutent les adaptations cinématographiques de la série Angélique[89], ont inscrit cette représentation de la cour des Miracles dans l’imaginaire des années 1960 et 1970. Les effets de cette série dans l’« imaginaire populaire » du Grand Siècle apparaissent, par ailleurs, jusque dans des travaux historiques des années 1990. Ainsi, pour illustrer un autre motif de « l’envers du Grand Siècle », la question de la sorcellerie au coeur de l’affaire des poisons, Éric Le Nabour fait référence, dans l’« Avant-propos » de sa biographie de La Reynie, à l’adaptation cinématographique d’un des volumes de cette série. Après avoir commencé par la formule « Souvenez-vous… Nous sommes en 1670[90] », l’auteur décrit une scène de rituel satanique, puis il ajoute : « Sans doute avez-vous encore à l’esprit ces images du film tiré du roman d’Anne et Serge Golon : Angélique et le roi. »[91] Certes, cette référence peut ici vouloir répondre au programme de la collection intitulée « Présence de l’histoire » dans laquelle paraît cet ouvrage. Elle ne témoigne pas moins des effets de cette série et, de façon plus générale, de la prégnance de l’« imaginaire populaire » du Grand Siècle. Ayant évoqué ces « souvenirs partagés » du xviie siècle, le biographe enchaîne en proposant une critique élogieuse du film, qui « nous fai[t] pénétrer de plain-pied dans ces bas-fonds mystérieux de Paris au siècle de Louis XIV[92] ».
Si, comme l’a montré Dominique Kalifa, « [l]’imaginaire des bas-fonds tend […] à se résorber durant la première moitié du xxe siècle[93] », il semble avoir été repris en partie par un imaginaire historique qui projette dans le Grand Siècle certaines de ses composantes[94]. Contrairement aux représentations dont le caractère « fictionnel » ou « imaginaire » est nettement affiché (science-fiction, fantasy[95]) et qui accueillent également des projections de ce genre, les représentations historiques engagent une forte relation aux discours de vérité[96]. La construction de la représentation situant la cour au xviie siècle participe d’une façon importante non seulement à la description de l’« envers du Grand Siècle » mais aussi au développement du mythe de la cour des Miracles en général, lequel inscrit dans la représentation d’autres époques des motifs qui lui sont associés. Trois « apports » semblent se dégager de la variante qui pose cette cour au xviie siècle : 1. un ancrage « historique » du mythe (ou l’affirmation de l’authenticité du « modèle » ayant inspiré Hugo) ; 2. son inscription dans un discours sur l’insécurité (qui passe notamment par la référence à la satire de Boileau) ; 3. l’encadrement du potentiel subversif de la figure (qui passe par l’épisode de la destruction de la cour).
L’étude de la constitution ou de la consolidation de ce mythe dans la première moitié du xxe siècle appelle à son tour trois remarques. Premièrement, la construction de cette représentation découle de l’intégration d’une série de motifs littéraires dans le discours « historique », qui s’appuie, pour décrire différents aspects de la cour des Miracles ou de l’« insécurité » à laquelle elle est liée, sur la « littérature de la gueuserie », la représentation hugolienne de la cour et la satire de Boileau. La deuxième remarque concerne l’interaction entre la culture « savante » et la culture « populaire » qui contribuent toutes les deux au développement et à la transmission de ce mythe. Enfin, l’étude du mythe de la cour des Miracles met en relief l’investissement idéologique des représentations du passé. La représentation « historique » de la cour des Miracles est, comme nous l’avons vu, investie d’une charge affective et symbolique[97] qui peut être projetée sur des réalités présentes lorsque des auteurs comme Paultre et Vloberg effectuent ce parallèle, ou qui subsiste dans les connotations associées à la seule expression « cour des Miracles[98] ».
L’interaction entre la littérature et l’histoire prendra une autre forme à partir du moment où le discours historique, dans les années 1970, s’attachera à démystifier cette représentation de la cour des Miracles[99]. C’est peut-être en partie la visibilité que lui a donnée sa représentation « populaire », notamment chez Golon, qui a incité le discours historique à réagir. Tout en reconduisant le mythe, certains textes s’appliqueront pour leur part à transformer la charge idéologique de cette représentation[100]. Cette remise en question sera cependant loin de conduire à la disparition du mythe dans l’« imaginaire populaire » du Grand Siècle, comme en témoignent les productions récentes mentionnées dans l’introduction de cet article, de même que différents contenus sur Internet[101].
Parties annexes
Note biographique
Professeur agrégé au département de Français de l’Université d’Ottawa, Michel Fournier est l’auteur de Généalogie du roman. Émergence d’une formation culturelle au xviie siècle en France (Presses de l’Université Laval, 2006 ; rééd. Hermann, « Les collections de la République des Lettres », 2013) et de Les fables du Nouveau Monde (xviiie-xxe siècle). Jean de La Fontaine, l’héritage classique et la transmission de la culture littéraire (Hermann, « Les collections de la République des Lettres », 2015). Ses recherches portent principalement sur la littérature française d’Ancien Régime et sur des questions de réception.
Notes
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[1]
J’emprunte cette formule à Arlette Lebigre qui en fait le titre d’un des chapitres de son ouvrage L’affaire des poisons, 1679-1682 (Paris, Complexe, « La mémoire des siècles », 1989, p. 55-74). Éric Le Nabour l’emploie lui aussi dans sa biographie de Gabriel Nicolas de La Reynie (La Reynie. Le policier de Louis XIV, Paris, Perrin, « Présence de l’histoire », 1991, p. 12). Sur « l’imaginaire des bas-fonds », voir Dominique Kalifa, Les bas-fonds. Histoire d’un imaginaire, Paris, Seuil, « L’univers historique », 2013. – Je remercie Pascal Bastien pour sa lecture d’une première version de cet article.
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[2]
Jean-Marie Goulemot, Adieu les philosophes. Que reste-t-il des Lumières ?, Paris, Seuil, « L’avenir du passé », 2001, p. 10.
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[3]
Ibid., p. 18. Sur la construction des périodes de l’histoire, voir Dominique Kalifa, « Dénommer l’Histoire », dans Dominique Kalifa (dir.), Les noms d’époque. De « Restauration » à « années de plomb », Paris, Gallimard, « Bibliothèque des histoires », 2020, p. 7-24, et « Introduction. Dénommer le siècle : “chrononymes” du xixe siècle », Revue d’histoire du xixe siècle, no 52, 2016, p. 9-17.
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[4]
Jean-Marie Goulemot, op. cit. [note 2], p. 12.
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[5]
Sur la représentation du Grand Siècle et la transmission de son histoire, voir notamment Christian Jouhaud, Sauver le Grand Siècle ? Présence et transmission du passé, Paris, Seuil, 2007.
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[6]
Sur la notion de « culture médiatique » et son rapport à la notion de « culture de masse », voir Marc Lits, Le genre policier dans tous ses états. D’Arsène Lupin à Navarro, Limoges, Presses universitaires de Limoges, « Médiatextes », 2011, p. 10-11.
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[7]
Voir, en plus de l’ouvrage de Christian Jouhaud cité note 5, Yves-Marie Bercé, Norbert Dufourcq, Nicole Ferrier-Caverivière, Jean-Luc Gautier et Philippe Sellier (dir.), Destins et enjeux du xviie siècle, Paris, Presses universitaires de France, 1985 ; Littératures classiques, no 19 (« Qu’est-ce qu’un classique ? », dir. Alain Viala), 1993 ; Georges Forestier et Jean-Pierre Néraudau (dir.), Un classicisme ou des classicismes ?, Pau, Presses universitaires de Pau, 1995 ; Elseneur, nos 15-16, février 2000 (« Postérités du Grand Siècle », dir. Suzanne Guellouz et Claudine Poulouin) ; Les cahiers du Centre de recherches historiques, nos 28-29, 2002 (« Quelques “xviie siècle”. Fabrications, usages et réemplois », dir. Christian Jouhaud et Alain Viala) ; Revue d’histoire littéraire de la France, 107e année, no 2 (« Le classicisme des modernes. Représentations de l’âge classique au xxe siècle », dir. Jean-Charles Darmon et Pierre Force), avril-juin 2007 ; Hélène Merlin-Kajman (dir.), La littérature, le xviie siècle et nous. Dialogue transatlantique, Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, 2008 ; Littératures classiques, no 76 (« Échos du Grand Siècle [1638-2011] », dir. Guy Spielmann), 2011 ; Stéphane Zékian, L’invention des classiques. Le « siècle de Louis XIV » existe-t-il ?, Paris, CNRS, 2012 ; Mathieu Da Vinha, Alexandre Maral et Nicolas Milovanovic (dir.), Louis XIV. L’image et le mythe, Rennes, Presses universitaires de Rennes, « Histoire. Aulica. L’univers de la cour », 2014 ; Littératures classiques, no 91 (« Littératures d’hier, publics d’aujourd’hui », dir.Véronique Lochert et Anne Réach-Ngô), 2016.
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[8]
Voir Claudie Bernard, Le passé recomposé. Le roman historique français du xixe siècle, Paris, Hachette, 1996 [rééd. Classiques Garnier, 2021] ; Brigitte Krulic, Fascination du roman historique. Intrigues, héros et femmes fatales, Paris, Autrement, 2007 ; Isabelle Durand- Le Guern, Le roman historique, Paris, Armand Colin, « 128 », 2008 ; Sarah Mombert, « L’aventure de la culture. Représentation de l’art classique dans le roman de cape et d’épée », et Alain Niderst, « Le xviie siècle d’Edmond Ladoucette », Elseneur, nos 15-16, février 2000 (« Postérités du Grand Siècle », dir. Suzanne Guellouz et Claudine Poulouin), p. 105-118 et p. 273-282 ; de même que Jean-Marie Apostolidès, Cyrano. Qui fut tout et qui ne fut rien, Bruxelles / Paris, les Impressions Nouvelles, 2006, et Raphaëlle Moine, « Cyrano, c’est nous ! », dans Pierre Beylot et Raphaëlle Moine (dir.), Fictions patrimoniales sur grand et petit écran. Contours et enjeux d’un genre intermédiatique, Pessac, Presses universitaires de Bordeaux, « Cinéma(s) », 2009, p. 49-63.
-
[9]
Je reprends cette notion de Martial Poirson, « Introduction générale. Il était une fois la Révolution… », dans Martial Poirson (dir.), La Révolution française et le monde d’aujourd’hui. Mythologies contemporaines, Paris, Classiques Garnier, « Rencontres », 2014, p. 61 et 62.
-
[10]
Voir les textes sur la représentation du xviie siècle au cinéma contenus dans Roswitha Böhm, Andrea Grewe et Margarete Zimmermann (dir.), Siècle classique et cinéma contemporain, Tübingen, Gunter Narr Verlag, « Biblio 17 », 2009 ; Pierre Beylot et Raphaëlle Moine (dir.), op. cit. [note 8] ; Mathieu Da Vinha, Alexandre Maral et Nicolas Milovanovic (dir.), op. cit. [note 7] ; de même que Andrea Grewe, « Le “Grand Siècle” dans le cinéma français contemporain. Déconstruction ou continuation d’un mythe ? », Cahiers d’études germaniques, vol. 65, 2013, p. 115-127 (disponible en ligne, doi : 10.4000/ceg.5916). Sur la littérature pour la jeunesse, voir le numéro dirigé par Edwige Keller-Rahbé et Marie Pérouse-Battello, « Les représentations du xviie siècle dans la littérature pour la jeunesse contemporaine : patrimoine, symbolique, imaginaire », Papers on French Seventeenth Century Literature, vol. XXXIX, no 77, 2012, et Adeline Caute, « À quoi l’on fait rêver les jeunes filles : étude des héroïnes de la fiction contemporaine au féminin pour la jeunesse située à l’époque de Louis XIV », dans Brigitte Louichon et Sylvain Brehm (dir.), Fictions historiques pour la jeunesse en France et au Québec, Pessac, Presses universitaires de Bordeaux, « Études sur le livre de jeunesse », 2016, p. 187-201. Sur la représentation du xviie siècle dans les romans contemporains, voir les contributions sur ce sujet dans Gianfranco Rubino et Dominique Viart (dir.), Le roman français contemporain face à l’Histoire. Thèmes et formes, Macerata, Quodlibet, 2014 (nouv. édition en ligne, 2017 : books.openedition.org/quodlibet/115) et Myriam Tsimbidy, Élise Pavy, Françoise Poulet et Arnaud Welfringer (dir.), L’âge classique dans les fictions du xxie siècle, Fabula / Les colloques (disponible en ligne : fabula.org/colloques/sommaire6162.php ; page consultée le 31 mai 2022). Sur les enjeux de la représentation fictionnelle du passé, voir, en plus des ouvrages mentionnés note 8, Anne Coudreuse, La conscience du présent. Représentations des Lumières dans la littérature contemporaine, Paris, Classiques Garnier, « Études de littérature des xxe et xxie siècles », 2015 ; Martial Poirson (dir.), op. cit. [note 9] ; Jean Yves-Tadié et Blanche Cerquiglini, Le roman d’hier à demain, Paris, Gallimard, 2012 ; de même que le numéro « L’histoire saisie par la fiction », Le Débat, no 165, mai-août 2011.
-
[11]
Guy Spielmann, « L’éternel retour », Littératures classiques, no 76 (« Échos du Grand Siècle [1638-2011] »), 2011, p. 5. Guy Spielmann montre que ces représentations s’inscrivaient dans un discours de célébration mettant en valeur une « grande époque » de la culture française, tandis que celle-ci traversait des moments de remise en question.
-
[12]
Ibid.
-
[13]
Simon Mirren et David Wolstencroft, Versailles, trois saisons, 2015-2018 (voir allocine.fr/series/ficheserie_gen_cserie=9245.html).
-
[14]
Sur la question des « mythes historiques » et des légendes, voir Dominique Kalifa (dir.), Les historiens croient-ils aux mythes ?, Paris, Publications de la Sorbonne, 2016 ; Nathalie Grande et Chantal Pierre (dir.), Légendes noires, légendes dorées ou comment la littérature fabrique l’histoire (xviie-xixe siècle), Rennes, Presses universitaires de Rennes, « Interférences », 2018 ; Mathieu Da Vinha, Alexandre Maral et Nicolas Milovanovic (dir.), op. cit. [note 7] ; de même que Brigitte Krulic, op. cit. [note 8].
-
[15]
Sur la représentation de l’affaire des poisons dans les romans historiques et les romans historiques pour la jeunesse, voir Philippe Jaussaud, « L’affaire des poisons : entre science et littérature, une ressource pour l’enseignement », HAL sciences humaines et sociales, 2013 (disponible en ligne : halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00868682/document, page consultée le 31 mai 2022), et Anne-Marie Mercier-Faivre, « Les deux visages de la sorcière : l’affaire des poisons (1679-1681) dans le roman historique pour la jeunesse », Papers on French Seventeenth Century Literature, vol. XXXIX, no 77, 2012, p. 415-431. Sur la représentation de la légende du Masque de fer dans les romans et au cinéma, voir Gabrielle Chamarat, « La légende du Masque de fer dans la littérature du xixe siècle », dans Nathalie Grande et Chantal Pierre (dir.), op. cit. [note 14], p. 311-322, et Tristan Grünberg, « Louis XIV et le Masque de fer : figures littéraires et cinématographiques du double », dans Mathieu Da Vinha, Alexandre Maral et Nicolas Milovanovic (dir.), op. cit. [note 7], p. 313-324.
-
[16]
J’uniformise le terme « cour des Miracles » qui donne lieu à différents usages selon les autrices et les auteurs (« cour des Miracles », « Cour des Miracles », « Cour des miracles » et « cour des miracles »).
-
[17]
Sur la problématique de la cour des Miracles, voir notamment Roger Chartier, « La “monarchie d’Argot”. Entre le mythe et l’histoire », dans « Cahiers Jussieu / Université Paris 7 », Les marginaux et les exclus dans l’histoire, Paris, U.G.É., « 10/18 », 1979, p. 275-311 ; Bronislaw Geremek, « Un territoire, “tout comme dans un autre monde” », dans Les fils de Caïn. L’image des pauvres et des vagabonds dans la littérature européenne du xve au xviie siècle (1980), trad. du polonais par Joanna Arnold-Moricet et al., « Avant-propos » par Francesco M. Cataluccio, Paris, Flammarion, 1991, p. 191-200 ; Dominique Kalifa, « Le Royaume des gueux » dans Les bas-fonds, op. cit. [note 1], p. 88-95 ; Lise Andries, « Cours des Miracles et brigands au temps du Roi Soleil », dans Bandits, pirates et hors-la-loi au temps des Lumières, Paris, Classiques Garnier, « L’Europe des Lumières », 2021, p. 17-28, et Marie-Pascale Leclerc, Les cours des Miracles de Paris (1667-1791). Imaginaires, spatialisation et contrôle de la mendicité parisienne, thèse de doctorat, Université du Québec à Montréal et Sorbonne Université, 2022, 411 p.
-
[18]
Sur le motif de « l’envers du Grand Siècle », qui a été notamment développé par Félix Gaiffe dans L’envers du Grand Siècle. Étude historique et anecdotique (Paris, Albin Michel, 1924), voir Christian Jouhaud, « Envers », dans op. cit. [note 5], p. 133-166, et Jean-Pierre Cavaillé, « Les libertins. L’envers du grand siècle », Les cahiers du Centre de recherches historiques, nos 28-29, 2002, p. 11-37 (disponible en ligne, doi : 10.4000/ccrh.842). Robert Chesnais a proposé, plus récemment, une description de certains aspects de cet « envers du Grand Siècle » (sans employer cette expression), et notamment de la cour des Miracles et de l’affaire des poisons, dans Crimes, fastes et misères dans le Paris du Roi-Soleil, Paris, Nautilus, 2008.
-
[19]
Sur ce genre, voir Jean-Christophe Sarrot et Laurent Broche, Le roman policier historique. Histoire et polar : autour d’une rencontre, Paris, Nouveau Monde, 2009, et Michèle Witta « Le roman policier historique : une anomalie ? », dans Maryse Petit et Gilles Menegaldo (dir.), Manières de noir. La fiction policière contemporaine, Rennes, Presses universitaires de Rennes, « Interférences », 2010, p. 43-50.
-
[20]
Philippe Bouin, Les croix de paille, Paris, J’ai lu, 2002 [Viviane Hamy, 2000].
-
[21]
Jean d’Aillon, « L’enfançon de Saint Landry », dans L’homme aux rubans noirs, Paris, éd. du Masque, « Labyrinthes », 2012, p. 345-496.
-
[22]
Olivier Seigneur, La marquise des poisons, Paris, 10/18, « Grands détectives », 2019 [Plon, 2018].
-
[23]
Stéphane Piatzszek (scénario), Julien Maffre (dessin) et Laure Durandelle (couleur), La cour des Miracles, t. I : Anacréon, roi des gueux, t. II : Vive la reine !, Toulon / Paris, Soleil, « Quadrants », 2018 et 2020.
-
[24]
Fabien Dalmasso. Un pour tous ! La jeunesse des mousquetaires, t. II : Saison froide à la cour des Miracles, Paris, Delcourt, 2017.
-
[25]
Henri Sauval, « Cours des Miracles », dans Histoire et recherches des antiquités de la ville de Paris, Paris, Charles Moette et Jacques Chardon, t. I, 1724, p. 510-516 [disponible sur le site Gallica de la Bibliothèque nationale de France]. Comme le remarque Bronislaw Geremek, cet ouvrage « circulait en manuscrit dès les années soixante du xviie siècle » (op. cit. [note 17], p. 191).
-
[26]
J’uniformise le terme « grand Coësre » qui donne lieu à différents usages selon les autrices et les auteurs (« grand Coësre », « Grand Coësre » et « Grand Coesre »).
-
[27]
Comme le remarque Roger Chartier en s’intéressant à cette « destruction » : « Le fait est moins connu qu’il ne semble puisque le récit “canonique” de la scène, copié d’historien en historien, remonte à une description donnée malheureusement sans référence par H[orace] Raisson en 1844 » (« La “monarchie d’Argot”. Entre le mythe et l’histoire », loc. cit. [note 17], p. 302).
-
[28]
Dominique Kalifa, Les bas-fonds, op. cit. [note 1], p. 11 ; sur le développement de l’imaginaire des cours des Miracles, voir le chapitre II de cet ouvrage, « “Cours des Miracles” », p. 69-106. Sur le développement de ce motif dans les romans de la première moitié du xixe siècle, voir également Marie-Agathe Tilliette, « La représentation de la cour des Miracles dans le roman historique : un contre-pouvoir judiciaire ? », dans Laurent Angard, Guillaume Cousin et Blandine Poirier (dir.), Le lys recomposé. La représentation des pouvoirs sous l’Ancien Régime dans la littérature fictionnelle du xixe siècle (1800-1850), Publications numériques du CÉRÉdI, « Actes de colloques » no 22, 2019 (disponible en ligne : ceredi.labos.univ-rouen.fr/public/?la-representation-de-la-cour-des.html, page consultée le 31 mai 2022), et « “Ô tour de Babel !” : le multilinguisme des communautés marginales dans le roman historique du premier xixe siècle », Revue de littérature comparée, no 372, octobre-décembre 2019, p. 399-407.
-
[29]
Michel Zévaco, Triboulet. Grand roman de cape et d’épée, Paris, Arthème Fayard, « Le livre populaire », 1910. Le roman a paru en feuilleton dans La Petite République en 1900 et 1901. Le deuxième tome a pour titre La cour des Miracles (même éditeur, 1910). Voir René Guise et Catherine Noiriel, « Michel Zévaco : éléments pour une bibliographie », Revue d’histoire littéraire de la France, 75e année, nos 2-3, mars-juin 1975, p. 416-417, de même que la « Bibliographie de Michel Zévaco » du Centre international Michel Zévaco, disponible en ligne : michelzevaco.com/index.php/bibliographie-de-michel-zevaco/ (page consultée le 31 mai 2022).
-
[30]
Roger Chartier, « La “monarchie d’Argot”. Entre le mythe et l’histoire », loc. cit. [note 17], p. 297. Sur cette littérature, voir également, en plus des travaux de Bronislaw Geremek et de Dominique Kalifa cités notes 17 et 1, Roger Chartier, « Les élites et les gueux. Quelques représentations (xvie-xviie siècles) », Revue d’histoire moderne et contemporaine, t. 21, no 3 (« Marginalité et criminalité à l’époque moderne »), juillet-septembre 1974, p. 376-388, et « Figures de la gueuserie : picaresque et burlesque dans la Bibliothèque bleue », dans Figures de la gueuserie, Paris, Montalba, « Bibliothèque bleue », 1982, p. 11-106.
-
[31]
Roger Chartier, « La “monarchie d’Argot”. Entre le mythe et l’histoire », loc. cit. [note 17], p. 297.
-
[32]
Roger Chartier, « Figures de la gueuserie : picaresque et burlesque dans la Bibliothèque bleue », dans op. cit. [note 30], p. 99-101.
-
[33]
Roger Chartier, « La “monarchie d’Argot”. Entre le mythe et l’histoire », loc. cit. [note 17], p. 293. Voir également Craig Moyes, « La voix coquine : gueuserie, mercerie et écriture dans le Jargon de l’argot de 1628 », dans Michel Biron et Pierre Popovic (dir.), Écrire la pauvreté, Toronto, Gref, 1996, p. 55-71. Sur le motif dans le ballet de cour au xviie siècle, voir Marie-Claude Canova-Green, « La cour des Miracles dans le ballet de cour : du motif pittoresque à la leçon morale », dans Jan Clarke, Pierre Pasquier et Henry Phillips (dir.), La ville en scène en France et en Europe (1552-1709), New York, Peter Lang, « Medieval and Early Modern French Studies », 2012, p. 109-119. Sur d’autres sources possibles de certains éléments de cette représentation, voir Valérie Toureille, « Une contribution à la mythologie des monarchies du crime : le procès des Coquillards à Dijon en 1455 », Revue du Nord, no 371, juillet-septembre 2007, p. 495-506, et « Les royautés du crime. Entre mythe et réalité », dans Torsten Hiltmann (dir.), Les « autres » rois. Études sur la royauté comme notion hiérarchique dans la société au bas Moyen Âge et au début de l’époque moderne, Munich, R. Oldenbourg Verlag, « Ateliers des Deutschen Historischen Instituts Paris », 2010, p. 146-154 (ouvrage en libre accès, De Gruyter, doi : 10.1524/9783486989304).
-
[34]
Bronislaw Geremek, op. cit. [note 17], p. 195.
-
[35]
Ibid., p. 196.
-
[36]
Voir ibid., p. 200-202. Pour une critique de différents éléments du mythe, voir également Lise Andries, op. cit. [note 17]. Sur les limites et le caractère problématique des sources entourant la représentation de la pauvreté, voir, en plus des travaux de Roger Chartier précédemment cités, Dominique Kalifa, « Rendre compte des réalités sociales », dans Les bas-fonds, op. cit. [note 1], p. 336-345, et Vincent Milliot, compte rendu de Bronislaw Geremek, Les fils de Caïn. L’image des pauvres et des vagabonds dans la littérature européenne du xve au xviie siècle, Revue d’histoire moderne et contemporaine, t. 42, no 1, janvier-mars 1995, p. 158-161. Sur l’enjeu de l’interprétation des représentations textuelles et iconographiques du peuple sous l’Ancien Régime, voir Vincent Milliot, Les cris de Paris ou le peuple travesti. Les représentations des petits métiers parisiens (xvie-xviiie siècles), Paris, Publications de la Sorbonne, 1995. Sur les représentations du peuple au xviie siècle, voir Pierre Ronzeaud, Peuple et représentations sous le règne de Louis XIV. Les représentations du peuple dans la littérature politique en France sous le règne de Louis XIV, Aix-en-Provence, Université de Provence, 1988. Sur la représentation de la pauvreté à l’époque moderne, voir, en plus des travaux de Roger Chartier et Bronislaw Geremek cités note 17, Hélène Rabaey et Luc Torres (dir.), Pauvres et pauvreté en Europe à l’époque moderne (xvie-xviiie siècle), Paris, Classiques Garnier, « Rencontres », 2016 ; Denise Turrel, « Les pauvres dans l’imaginaire social sous Louis XIV. La vie des gueux de J. Lagniet », L’Image, no 2, mai 1996, p. 25-43 ; Véronique Meyer, « La représentation de la souffrance sociale dans la gravure parisienne (1635-1660) », dans Frédéric Chauvaud (dir.), Histoires de la souffrance sociale. xviie-xxe siècles, Rennes, Presses universitaires de Rennes, « Histoire », 2007, p. 19-31 (disponible en ligne : books.openedition.org/pur/6691, page consultée le 31 mai 2022).
-
[37]
Christian Paultre, « Les moeurs et les fourberies des mendiants aux xve et xvie siècles. Les cours des Miracles », dans De la répression de la mendicité et du vagabondage en France sous l’Ancien Régime (1906), Genève, Slatkine-Megariotis Reprints, 1975, p. 28-54.
-
[38]
Maurice Vloberg, De la cour des Miracles au gibet de Montfaucon, Paris, Jean Naest, 1928.
-
[39]
Sur cette littérature, voir Roger Chartier, « Figures de la gueuserie : picaresque et burlesque dans la Bibliothèque bleue », dans op. cit. [note 30], et Bronislaw Geremek, op. cit. [note 17].
-
[40]
Christian Paultre, op. cit. [note 37], p. 53-54.
-
[41]
Il s’agit d’un recueil édité par Jacques Lagniet, qui « présente dans une suite de 31 pièces gravées sur cuivre la galerie la plus vivante de l’Argot au xviie siècle » (Maurice Vloberg, op. cit. [note 38], p. 74 bis). Sur le recueil de Lagniet, voir Yann Lignereux, « Le pauvre chez Lagniet. Menace sociale, devoir charitable et dis-simulation artistique », dans Hélène Rabaey et Luc Torres (dir.), op. cit. [note 36], p. 335-355.
-
[42]
Paul Bru, Histoire de Bicêtre (hospice, prison, asile) d’après des documents historiques, Paris, Lecrosnier et Babé, 1890, p. 15-20 (la citation de Victor Hugo est p. 15-16).
-
[43]
Voir Maurice Vloberg, op. cit. [note 38], p. 51.
-
[44]
Ibid., p. 52-53.
-
[45]
Victor Hugo, Notre-Dame de Paris, Paris, Gosselin, 1831, t. I, p. 153 (ou Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2021 [1975], p. 82). Cette formule apparaît notamment dans une épigraphe de l’ouvrage de Chantal Dupille, Histoire de la cour des Miracles, Paris, Hachette, 1971, p. 77.
-
[46]
Comme le souligne Dominique Kalifa, « les représentations de la cour des Miracles connaissent un boom extraordinaire après la parution de Notre-Dame de Paris » (Les bas-fonds, op. cit. [note 1], p. 101). Sur ces représentations, voir ibid., p. 101-104 et Marie-Agathe Tilliette, « La représentation de la cour des Miracles dans le roman historique : un contre-pouvoir judiciaire ? », loc. cit. [note 28].
-
[47]
Maria Ley-Deutsch, Le gueux chez Victor Hugo, Paris, Droz, 1936.
-
[48]
Voir ibid., p. 26-27.
-
[49]
Voir ibid., p. 46.
-
[50]
Cette description de la cour des Miracles s’appuie sur les travaux de Paultre et de Vloberg qui apparaissent dans la bibliographie du chapitre II (ibid., p. 455).
-
[51]
Ibid., p. 48.
-
[52]
Ibid.
-
[53]
Ibid., p. 50.
-
[54]
Sur les enjeux de la représentation de la pauvreté, voir Dominique Kalifa, section « L’invention du mauvais pauvre », dans Les bas-fonds, op. cit. [note 1], p. 75-87 ; Pierre Popovic, « Le grand discours sur la misère du 9 juillet 1849 », dans La mélancolie des « Misérables ». Essai de sociocritique, Montréal, Le Quartanier, « Erres Essais », 2013, p. 55-95 ; André Gueslin, « Des représentations repoussantes des errants pauvres : du stigmate à la diabolisation », dans D’ailleurs et de nulle part. Mendiants vagabonds, clochards, SDF en France depuis le Moyen Âge, Paris, Fayard, 2013, p. 193-228 ; Jacques Dubois, « L’Assommoir » de Zola. Société, discours et idéologie, Paris, Larousse, 1973 [rééd. Belin, « Belin sup », 1993] ; Michel Biron et Pierre Popovic (dir.), op. cit. [note 33].
-
[55]
Christian Paultre, op. cit. [note 37], p. 28.
-
[56]
Ibid.
-
[57]
Ibid., note 1. L’ouvrage cité est Paris qui mendie. Mal et remède, par Louis Paulian (Paris, Ollendorff, 1893).
-
[58]
Maurice Vloberg, op. cit. [note 38], p. IV.
-
[59]
Ibid., p. III.
-
[60]
Sur le développement de ce discours dans les dernières décennies du xxe siècle, voir Laurent Mucchielli, L’invention de la violence. Des peurs, des chiffres, des faits, Paris, Fayard, 2011, et Laurent Bonelli, La France a peur. Une histoire sociale de « l’insécurité », Paris, la Découverte, 2008.
-
[61]
Maurice Vloberg, op. cit. [note 38], p. 216.
-
[62]
Sur cet assassinat, voir notamment Arlette Lebigre, Les dangers de Paris au xviie siècle. L’assassinat de Jacques Tardieu, lieutenant criminel au Châtelet, et de sa femme, 24 août 1665, Paris, Albin Michel, 1991. Sur l’univers du crime sous l’Ancien Régime, voir Pascal Bastien, Histoire de la peine de mort. Bourreaux et supplices, Paris-Londres, 1500-1800, Paris, Seuil, « L’univers historique », 2011.
-
[63]
Félix Gaiffe, op. cit. [note 18], p. 318-321.
-
[64]
Ibid., p. 319.
-
[65]
Maurice Vloberg, op. cit. [note 38], p. 216.
-
[66]
Les vers de Boileau sont déjà convoqués par Horace Raisson, dans son Histoire de la police de Paris. 1667-1844, pour décrire l’insécurité régnant à Paris au xviie siècle (Paris, A. Levavasseur, 1844, p. 32).
-
[67]
Maurice Vloberg, op. cit. [note 38], p. 216. Maria Ley-Deutsch s’appuie également sur la satire de Boileau (op. cit. [note 47], p. 57).
-
[68]
Jacques Saint-Germain, La Reynie et la police au Grand Siècle, Paris, Hachette, 1962, p. 52. Robert Chesnais fait toujours appel, en 2008, aux vers de Boileau, qui lui servent d’épigraphe à un chapitre intitulé « Paris coupe-gorge », afin d’évoquer cette insécurité, mais sans les présenter comme une référence commune et partagée (op. cit. [note 18], p. 127).
-
[69]
Sur la représentation de la criminalité en général, voir Dominique Kalifa, Les bas-fonds, op. cit. [note 1] et Alex Gagnon, La communauté du dehors. Imaginaire social et crimes célèbres au Québec (xixe-xxe siècle), Montréal, Presses de l’Université de Montréal, « Socius », 2016.
-
[70]
Michel Zévaco, Triboulet. Grand roman de cape et d’épée, Paris, A. Fayard, « Le livre populaire », 1935 [1910], p. 108-109. Un certain potentiel subversif apparaît également dans les romans de la première moitié du xixe siècle qui présentent cette cour comme un « contre-pouvoir judiciaire » (Marie-Agathe Tilliette, « La représentation de la cour des Miracles dans le roman historique : un contre-pouvoir judiciaire ? », loc. cit. [note 28]).
-
[71]
Voir Diana Holmes, « Picaresque Plots and Improper Heroines : Popular Historical Sagas in 20th Century France », dans Diana Holmes, David Platten, Loïc Artiaga et Jacques Migozzi (dir.), Finding the Plot. Storytelling in Popular Fictions, Newcastle upon Tyne, Cambridge Scholars Publishing, 2013, p. 152-164.
-
[72]
J’emploie l’expression « le roman de Golon » en suivant, à l’instar d’Aurore Renaut et de la réédition de la série Angélique aux éditions de l’Archipel, la pratique éditoriale qui attribue maintenant cette série à Anne Golon et non plus à cette dernière et à son mari. Voir Aurore Renaut, « Angélique, une série de “corsage et d’épée” », Sociétés & Représentations, no 49, printemps 2020, p. 223-231.
-
[73]
Anne et Serge Golon, Angélique, le chemin de Versailles (1958), Paris, J’ai lu, t. I, 1976, p. 22. Désormais abrégé ACV suivi du numéro de la page.
-
[74]
Le terme est employé dans ce texte : « Plus tard, quand Angélique songea à ce temps qu’elle avait passé dans les bas-fonds, elle murmura souvent en secouant la tête rêveusement : “J’étais folle !” » (ACV, 63) Dominique Kalifa évoque d’ailleurs l’adaptation cinématographique de la série Angélique lorsqu’il s’intéresse à la « persistance » de « l’imaginaire des bas-fonds » dans la seconde moitié du xxe siècle (Les bas-fonds, op. cit. [note 1], p. 322) ; sur ces survivances dans la culture médiatique, voir « Les bas-fonds de l’antimonde », dans ibid., p. 322-333.
-
[75]
Victor Hugo, op. cit. [note 45], p. 148-152 (ou p. 79-82).
-
[76]
Sur les survivances de la figure du « faux » ou du « mauvais » pauvre dans la deuxième moitié du xxe siècle, voir, en plus de l’ouvrage d’André Gueslin cité note 54, Dominique Kalifa, « “Salauds de pauvres !” », dans Les bas-fonds, op. cit. [note 1], p. 314-322.
-
[77]
Sur le rapport entre l’imaginaire de la « gueuserie » et le burlesque, voir les travaux de Roger Chartier précédemment cités, Dominique Kalifa, Les bas-fonds, op. cit. [note 1], p. 91-98 et Yann Lignereux, loc. cit. [note 41]. Sur les enjeux du burlesque au xviie siècle, voir Claudine Nédelec, Les États et Empires du burlesque, Paris, Champion, « Lumière classique », 2004, et Jean Leclerc, L’Antiquité travestie et la vogue du burlesque en France (1643-1661), Paris, Hermann, « Les collections de la République des Lettres », 2014 [Québec, Presses de l’Université Laval, 2008].
-
[78]
Sur la représentation des « Bohémiens », voir, en plus de l’ouvrage d’André Gueslin cité note 54, Sarga Moussa (dir.), Le mythe des Bohémiens dans la littérature et les arts en Europe, Paris, l’Harmattan, « Histoire des sciences humaines », 2008, et Marie-Agathe Tilliette, « “Ô tour de Babel !” : le multilinguisme des communautés marginales dans le roman historique du premier xixe siècle », loc. cit. [note 28]. Sur les stéréotypes associés au peuple rom et la discrimination qui en découle, voir Ian Hancock, « Les Roms dans l’Europe contemporaine : les exclus de l’intérieur », Tumultes, nos 21-22 (« Le paria : une figure de la modernité »), novembre 2003, p. 69-85.
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[79]
Sur ce discours, voir André Gueslin, op. cit. [note 54], p. 296-297.
-
[80]
Sur ce phénomène, voir notamment ibid., p. 196-197.
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[81]
Sur ces représentations, ibid., p. 345.
-
[82]
Voir ibid., p. 327-329.
-
[83]
Ibid., p. 327.
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[84]
Ibid., p. 326. André Gueslin fait référence, quelques pages auparavant, à la « Présentation » de Laurent Mucchielli de l’ouvrage d’Alexandre Vexliard, Le clochard (1957), « Préface » de Xavier Emmanuelli, Paris, Desclée de Brouwer, « Sociologie clinique », 1998.
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[85]
Sur cet héritage, voir notamment Ralph Albanese, La Fontaine à l’école républicaine. Du poète universel au classique scolaire, Charlottesville, Rookwood Press, 2003.
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[86]
Un des enfants de la cour des Miracles, qui a été sauvé et recueilli par Angélique, exprime ainsi cette vision du monde : « Comme mendigot et coupe-bourse, on mène la vie des gens de la haute. Un jour, on a plein d’argent : on mange à en crever et on boit à se noyer. Un autre jour, il y a plus rien » (ACV, 255).
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[87]
Henri Sauval, op. cit. [note 25], p. 512. Ce passage est cité par Christian Paultre (op. cit. [note 37], p. 41). Sur le « rejet de l’éthique du travail » et l’hédonisme imprévoyant associés à la cour des Miracles par Sauval, voir Bronislaw Geremek, op. cit. [note 17], p. 236. Sur la reprise de cet aspect de la représentation de la cour dans les romans de la première moitié du xixe siècle, voir Marie-Agathe Tilliette, « La représentation de la cour des Miracles dans le roman historique : un contre-pouvoir judiciaire ? », loc. cit. [note 28].
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[88]
Sur le développement de ce discours, voir les ouvrages d’André Gueslin, Pierre Popovic, Jacques Dubois (cités note 54), Michel Biron et Pierre Popovic (dir.) (cité note 33) et Dominique Kalifa (cité note 1).
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[89]
Voir Pierre Sivan, « Caroline and Angélique : Seductress of the French Screen », dans Jennifer Forest (dir.), The Legend Returns and Dies Harder Another Day. Essays on Film Series, Jefferson (NC), McFarland, 2008, p. 197-209, et Aurore Renaut, loc. cit. [note 72].
-
[90]
Éric Le Nabour, op. cit. [note 1], p. 11.
-
[91]
Ibid., p. 12.
-
[92]
Ibid.
-
[93]
Dominique Kalifa, Les bas-fonds, op. cit. [note 1], p. 302.
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[94]
Dominique Kalifa souligne d’ailleurs cette « capacité à resurgir dans des contextes favorables ou à donner naissance à des formes héritées » (ibid., p. 305) que possèdent certaines composantes d’un imaginaire social.
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[95]
Sur la reprise de « l’imaginaire des bas-fonds » dans des productions de ce genre, voir ibid., p. 322-333.
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[96]
Voir Michel Foucault, L’ordre du discours, Paris, Gallimard, 1971. Sur la fonction de ces représentations dans l’imaginaire social, voir notamment Pierre Popovic, op. cit. [note 54], p. 40-41.
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[97]
Sur cet investissement des représentations, voir Cornelius Castoriadis, L’institution imaginaire de la société, Paris, Seuil, « Esprit », 1975.
-
[98]
Sur les enjeux de ces connotations, voir Roland Barthes, Mythologies, Paris, Seuil, 1957. Sur la présence de ce motif dans le discours médiatique du tournant des xxe et xxie siècles sur les urgences psychiatriques, voir Jérôme Thomas, « La cour des Miracles de l’hôpital. Les urgences médicales et psychiatriques vues à travers la presse locale lyonnaise », dans Hélène Romeyer (dir.), La santé dans l’espace public, Rennes, Presses de l’École des hautes études en santé publique, « Communication, santé, social », 2010, p. 117-131.
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[99]
Voir, en plus des travaux de Roger Chartier et de Bronislaw Geremek cités note 17, André Rigaud, « La vraie cour des Miracles », dans Paris, ses rues et ses fantômes. La vraie cour des Miracles, Paris, Berger-Levrault, 1972, p. 231-326.
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[100]
On retrouve, par exemple, une représentation plus « subversive » de la cour dans le roman Les croix de paille de Philippe Bouin (op. cit., note 20). Robert Chesnais, de son côté, inscrit ce mythe dans une critique du discours contemporain sur l’insécurité, et plus particulièrement de la vision idéalisée du passé que ce discours propose, dans SDF, truands et assassins dans le Paris du Roi-Soleil (Paris, l’Esprit frappeur, 1998). L’auteur décrit à nouveau la cour des Miracles et les actions de La Reynie, sans mettre en relief cette dimension « politique », dans Crimes, fastes et misères dans le Paris du Roi-Soleil, op. cit. [note 18] (voir en particulier p. 137-141 et 157-167). Sur l’intégration du motif dans Le parfum de Patrick Süskind, qui inscrit des éléments de cette cour dans une représentation du xviiie siècle, voir Anna Kaczmarek, « Entre l’histoire et le mythe : la cour des Miracles dans Notre-Dame de Paris de Victor Hugo et Le parfum de Patrick Süskind », Romanica Wratislaviensia, vol. 61, 2014, p. 45-60.
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[101]
On peut citer en exemple un article de BFMTV qui s’inscrit dans une série sur « les mythes et légendes urbaines » au sujet de Paris et répond par l’affirmative à la question « La cour des Miracles a-t-elle vraiment existé ? ». Sa description reprend les éléments du mythe comme la figure du « faux mendiant » et l’organisation hiérarchique de la cour. Le texte évoque, en plus de la représentation hugolienne, l’existence de la cour (ou des cours) des Miracles au xviie siècle (Hervine Mahaud, « La cour des Miracles a-t-elle vraiment existé ? », mis en ligne le 20 août 2017 : bfmtv.com/culture/la-cour-des-miracles-a-t-elle-vraiment-existe-1237612.html ; page consultée le 31 mai 2022). La notice de la populaire encyclopédie Wikipédia, qui offre une riche bibliographie, propose une représentation plus nuancée dans la mesure où elle souligne le caractère « carnavalesque » des représentations qui ont été intégrées dans la description de la cour chez Sauval (« Cour des Miracles », disponible en ligne : fr.wikipedia.org/wiki/Cour_des_Miracles ; page consultée le 31 mai 2022).