Résumés
Résumé
Entre 1944 et 1964, les éditions Police Journal ont publié près d’un millier d’aventures du Domino Noir, justicier masqué montréalais. Elles s’inscrivent résolument dans le genre policier, mais des éléments du récit sentimental y émergent fréquemment et structurent leur trame narrative. Nous cherchons donc le récit sentimental québécois à l’extérieur des romans qui lui sont explicitement associés. Nous démontrons sa présence dans les aventures du Domino Noir, dans la description du protagoniste ou dans le rôle central de l’amour et du désir dans certains épisodes. Nous montrons également que les conventions du roman policier permettent de subvertir certains éléments du récit sentimental. En témoignent l’archétype de la femme fatale et la façon dont la sexualité se manifeste dans certaines péripéties relatées dans la série.
Abstract
Between 1944 and 1964, the Éditions Police Journal published more than a thousand adventures of the Domino Noir, Montreal’s masked vigilante. They belong clearly to the detective genre, but elements of the sentimental novels do appear frequently and structure the narrative. We look for the Quebecois sentimental novel beyond the works usually associated with it. We demonstrate its presence in the Domino Noir’s adventures, whether in the character’s depiction, or in the agency of love and desire in some episodes. We also show that the conventions of the detective novel allow the undermining of certain tropes of the sentimental genre. This is evidenced by the archetype of the femme fatale and the way sexuality is used in some intrigues featured in the series.
Corps de l’article
« Du sang, de la terreur, de la mort » : voilà ce que promet l’auteur Pierre Varène aux lectrices et aux lecteurs du premier épisode des « aventures extraordinaires du Domino Noir » qui voudront se procurer le second numéro de la série, intitulé Le corbillard macabre[1]. Près d’un millier de ces aventures du justicier masqué[2] montréalais paraissent entre 1944 et le milieu des années 1960 qui marque la fin de la série. S’inscrivant résolument dans le genre policier, les aventures du Domino Noir semblent être à mille lieues de la littérature sentimentale. Pourtant, le phénomène amoureux est bien présent dans les pages de certains de ces romans à dix sous. Qu’il s’agisse du protagoniste, le Domino Noir, ou de certains des personnages qu’il croise au fil de ses aventures, tous sont confrontés au sentiment amoureux et au jeu de la séduction, aux passions qu’ils déchaînent et aux sacrifices qu’ils exigent.
Je tâcherai, à partir d’une sélection de ces aventures[3], de chercher le récit sentimental québécois à l’extérieur des romans qui lui sont explicitement associés et de mettre en relief les fonctions narratives du phénomène amoureux dans ces romans policiers. Les conventions du roman policier permettent-elles, en quelque sorte, d’élargir l’imaginaire sentimental, voire de le remettre en question ? Ces intrigues amoureuses servent-elles de prétexte aux auteurs pour tester les limites du bon goût de l’époque en explorant des avenues plus ou moins taboues ? Les auteurs des aventures du Domino Noir font flèche de tout bois. Dans les prochaines pages, je montrerai que l’amour est bel et bien présent dans l’univers du Domino Noir (même s’il a souvent une fin tragique) et que sa présence, dans un petit nombre de cas au moins, ancre ces fascicules au coeur même du genre sentimental, puisqu’on peut y lire des histoires d’amour « dont le déroulement tisse toute la chaîne narrative[4] ».
Situer les « aventures extraordinaires du Domino Noir »
Les « aventures extraordinaires du Domino Noir » sont une des nombreuses séries de littérature populaire en fascicules publiées au Québec à partir de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Ces oeuvres d’un peu plus d’une trentaine de pages connaissent une grande popularité dans la province jusqu’au début de la Révolution tranquille. Pendant cette période, plusieurs éditeurs se livrent une intense concurrence pour inciter lectrices et lecteurs à acheter régulièrement les numéros de séries qui s’inscrivent dans plusieurs genres populaires, allant du western au roman sentimental. Le joueur le plus important est sans contredit les éditions Police Journal, fondées en 1944 par Edgar Lespérance, et sa série la plus connue est certainement celle qui suit les aventures de l’espion canadien-français IXE-13[5]. Cela dit, les éditions Police Journal publient bien d’autres séries, et notamment des romans sentimentaux, durant le bref âge d’or de cette forme de littérature populaire. Car c’est bien de littérature populaire dont il s’agit, « dans le sens le plus large et le plus courant, qui mêle l’idée de littérature de consommation, de production de masse, et de littérature délégitimée[6] », une littérature produite à la chaîne, dans un temps très court (les publications sont, en règle générale, hebdomadaires) et dans un format limité (trente-deux pages). Les auteurs qui contribuent aux différentes séries se cachent généralement sous des pseudonymes, voire se les échangent, et comme dans d’autres cas similaires, c’est à l’éditeur de maintenir une certaine cohésion. D’un point de vue historique et littéraire, ces fascicules sont des sources problématiques, car ils n’ont pas été conçus pour durer et se sont retrouvés la plupart du temps à la poubelle. Heureusement, quelques collections ont été conservées et permettent aujourd’hui d’en explorer le contenu[7]. Le naufrage est toutefois total pour ce qui est de la dimension éditoriale de l’entreprise, au-delà de quelques témoignages individuels.
Délégitimée, rarement conservée et difficile à bien documenter, cette littérature populaire a été peu étudiée par les littéraires et est à peu près inconnue des historiens. Néanmoins, les études relatives aux aventures d’IXE-13 ont ouvert la voie à une réflexion plus large sur cette « littérature industrielle[8] ». Les collectionneurs de ces fascicules ont également contribué à leur étude, notamment en constituant des inventaires des éditeurs et des séries que ceux-ci ont publiées[9]. Les précieuses recherches menées par Sylvie Provost sur les lectrices et les lecteurs de ces ouvrages permettent de mettre en relief l’omniprésence de cette littérature populaire dont la portée a été nettement sous-estimée[10]. En s’appuyant sur une vaste enquête téléphonique, Provost a été en mesure de montrer que ces petits romans sont largement distribués à travers la province. Elle a pu légitimement « parler d’un phénomène culturel de masse[11] » puisque quinze pour cent des gens contactés au cours de son enquête en ont lu. Si Provost a trouvé des variations peu étonnantes en ce qui concerne les séries privilégiées selon le genre – les lecteurs préférant les récits d’aventures, les lectrices les récits sentimentaux –, son enquête révèle une certaine ouverture : certains lecteurs ne sont pas fermés à l’idée que l’amour surgisse entre deux fusillades et certaines lectrices aiment que les récits sentimentaux soient ponctués de quelques scènes d’action ou mésaventures dramatiques.
Publiées à partir de 1944, « les aventures extraordinaires du Domino Noir » se concluent en 1964 avec le dernier numéro de la série (le numéro 853). Durant leurs premières années surtout, plusieurs numéros ne sont pas signés, mais par la suite divers auteurs leur sont associés : Pierre Varène, Hercule Valjean, Paul Verchères, Ronald Vernes, Félicien Faubert et, finalement, Michel Darien qui les signe pratiquement tous à partir de 1956. Ce sont évidemment des pseudonymes derrière lesquels se cachent différents auteurs. On en connaît quelques-uns : le prolifique Pierre Daignault, « père » d’IXE-13, porte le masque de Pierre Saurel, mais aussi possiblement celui d’Hercule Valjean. Son mentor, Alexandre Huot, serait Pierre Varène[12]. Le rythme rapide de publication et cette variété des auteurs contribuent certainement à l’identité relativement floue de la série, éparpillée entre plusieurs sous-genres du roman policier, allant des histoires victoriennes de détective dans la veine du Sherlock Holmes d’Arthur Conan Doyle (créé en 1887) aux aventures plus mouvementées des justiciers urbains masqués comme celles du Shadow (créé en 1930-1931). D’ailleurs, compte tenu du nom de notre héros, il est difficile d’ignorer ses liens avec le « pulp magazine » The Black Mask qui paraît à partir de 1920 et publie un mélange de courts récits s’inscrivant dans des genres populaires qu’affectionnent également les éditions Police Journal ; on y croise certaines des plus célèbres plumes du roman noir, celles de Dashiell Hammett et Raymond Chandler[13]. On retrouve de puissants échos de ce sous-genre du roman policier dans les aventures du Domino.
Plusieurs des observations relatives à la place de la famille, des femmes et de l’amour dans les romans et les films noirs éclairent en effet le cas du Domino. Plusieurs chercheurs considèrent le genre comme une réaction au contexte de l’immédiat après-guerre et aux anxiétés relatives à un retour à l’idéal de la famille nucléaire et de l’hétéronormativité[14]. Plus généralement, on peut parler d’un genre qui présente un regard masculin sur le monde, un monde dont la famille est presque entièrement absente. Les rapports amoureux qui y sont dépeints sont généralement dysfonctionnels, caractérisés, par exemple, par un désir qui l’emporte sur l’amour. Les femmes y sont fréquemment réduites à leurs sentiments, ou elles tiennent le rôle de la femme fatale, dont la sexualité et la capacité à séduire leur donnent une certaine agentivité dans le récit. Le genre ouvre donc la porte à des figures féminines indépendantes, complexes, maîtresses de leurs désirs, même si ces personnages sont fréquemment anéantis d’une façon ou d’une autre au fil de l’intrigue, et remplacés par une figure féminine plus traditionnelle. Mais, comme le souligne Yvonne Tasker, « les films noirs mettent en scène – et parfois même en vedette – des personnages féminins frappants qui sont mystérieux, ambigus, souvent fascinants et parfois fourbes. La simple diversité des films mentionnés ici [Le faucon maltais (John Huston, 1941), Gilda (Charles Vidor, 1946), La griffe du passé (Jacques Tourneur, 1947), etc.] – ainsi que les actrices et les rôles qui leur sont associés – est salutaire, soulignant la nécessité d’éviter les généralisations réductrices lorsque vient le moment de traiter d’un sujet comme “les femmes dans les films noirs”[15]. »
Pour le dire autrement, malgré la distance tout de même importante qui les sépare des récits sentimentaux, les romans et les films noirs contribuent à miner la troisième des « vingt règles du roman policier » énoncées par S. S. Van Dine en 1928 qui stipule que « [l]e véritable roman policier doit être exempt de toute intrigue amoureuse. Y introduire de l’amour serait, en effet, déranger le mécanisme du problème purement intellectuel[16]. » Au contraire, et comme on va le voir, l’introduction du sentiment amoureux et de ses dérivés dans certaines des aventures du Domino Noir permet d’enrichir l’intrigue, donnant un peu plus d’épaisseur au protagoniste, de puissants motifs à celles et ceux qui commettent des crimes et des méfaits, et une certaine complexité aux rares figures féminines mises de l’avant.
Le Domino Noir, figure sentimentale ?
Commençons par examiner notre protagoniste et son rapport à l’amour et aux sentiments avant de voir quels rôles jouent ceux-ci dans ses aventures. En 1947, et sans véritable explication, les auteurs du Domino Noir modifient l’identité de celui qui se cache derrière le masque : Simon Antoine devient Alain de Guise. Certaines dimensions du personnage ne changent pas. Comme le résume un des premiers numéros de la série, le Domino Noir demeure
ce mystérieux personnage dont personne ne sait le vrai nom, et qui a consacré sa vie à combattre le crime.
Le Domino noir est un jeune homme.
Il est de toute évidence qu’il est riche.
Sa vie, ses vêtements de ville, les deux ou trois voitures qu’il emploie, tout dénote la richesse.
Pour des raisons qu’il ne donne jamais, le Domino noir combat le crime.
Il met au service de la police des qualités de flair, une mathématique de déductions formidables[17].
Mais des différences dans la caractérisation du personnage ont des répercussions importantes pour ce qui est de ses rapports au phénomène amoureux.
Première incarnation du Domino, Simon Antoine a l’apparence de l’antihéros sans aucune de ses caractéristiques. Au-delà du masque, des revolvers et de sa croisade clandestine contre le crime, il joue le rôle de héros sans peur et sans reproche, d’un personnage quasi infaillible et, par conséquent, sans épaisseur et dénué de vie sentimentale. Dans L’homme sans tête par exemple, bien déguisé, le Domino Noir s’insinue dans un manoir cossu où un drame familial se déroule : à l’aide d’un déguisement de revenant décapité, quelqu’un tente de faire mourir de peur la matriarche Rose-Aline Riendeau pour obtenir son héritage. S’il ne réussit pas à sauver la vieille femme, le Domino démasque les coupables : la jeune nièce de Rose-Aline, Béatrice, et le chauffeur avec lequel elle a une liaison. Les rapports qu’entretiennent le Domino et Béatrice au cours de l’enquête témoignent de la pudeur du protagoniste. Béatrice est décrite comme une « grande brune aux yeux vifs, aux cheveux noirs, à la peau foncée, vêtue d’une robe de bon ton, la moulant bien, et agrémentée d’un décolleté que le Domino noir ne put comprendre, devant l’austérité des demoiselles Riendeau[18] », mais lors d’un souper de famille auquel il participe, le Domino évite de la regarder, craignant « de faire naître des soupçons dangereux[19] ». Plus tard et pour les mêmes raisons, il écourte une entrevue intime avec elle dans les jardins du manoir. Se préparant, ce soir-là, à aller se coucher, il hésite à ouvrir une des nombreuses portes se trouvant à l’étage du manoir, « de peur de se trouver dans un endroit jugé taboo [sic] pour les hommes. / La chambre de Béatrice, par exemple[20]. »
Il est fort possible qu’une volonté de rompre avec cette pudeur peu excitante explique le remplacement de Simon Antoine par Alain de Guise en 1947. En effet, une des nouvelles dimensions de ce Domino Noir revu et amélioré est son intérêt pour les femmes. Cette décision résulte probablement d’une volonté de conquérir le lectorat féminin en créant un protagoniste qui se prête au jeu de la séduction, et de retenir un lectorat masculin qui s’identifiera à ce séducteur plus tonique sur le plan sentimental. Dans La diablesse rouge par exemple, l’une des premières aventures du nouveau Domino, le héros doit affronter Charmaine Bourdon – la diablesse annoncée par le titre – qui a compromis, à cause d’un mariage secret, ses chances d’hériter d’une importante fortune. Contrairement au chaste Simon Antoine, Alain de Guise se montre extrêmement entreprenant avec cette jeune femme, pourtant mariée. En plein coeur de l’intrigue, il « appliqu[e] sur la bouche [de Charmaine] un bec retentissant » et lui conseille, quelques lignes plus loin, de n’ouvrir sa « mignonne bouche que pour […] mordre[21] ». Après un finale qui se déroule en plein procès, le Domino Noir va ouvrir ses bras pour que Charmaine s’y réfugie, et lui déclarer : « Adorable petite diablesse rouge […]. Si tu n’étais pas mariée, je ne sais pas ce que je ferais[22]. » Néanmoins, il faut le souligner, ces amourettes ne conduisent jamais le Domino à s’engager dans une relation sérieuse ou stable. De manière peu étonnante, les auteurs de la série comprennent que le Domino, à l’instar d’un 007 ou d’un IXE-13, ne peut développer une telle vie sentimentale sans qu’elle sape les fondations mêmes du personnage et de la série[23]. Pour trouver le récit sentimental dans les aventures du Domino, il faut donc chercher au-delà du protagoniste.
Lorsqu’on observe les aventures du Domino sous le prisme du récit sentimental, une première distinction s’impose. La grande majorité des numéros de la série que j’ai analysés sont des récits d’aventures dominés par un ensemble de personnages masculins et où l’amour, le désir, la passion, le sexe ne jouent aucun rôle significatif. Dans ce contexte, les personnages féminins sont inexistants ou réduits à de la figuration. Heureusement, une importante minorité de numéros de la série (quatorze fascicules sur les quarante-six étudiés) s’écartent de ce modèle et sont caractérisés par la présence de personnages féminins dont le rôle est plus substantiel, et cette présence signale systématiquement l’intégration, dans l’intrigue, de différentes facettes du récit sentimental. À partir de mon échantillon, j’ai été en mesure d’identifier trois de ces facettes dans l’univers du Domino Noir : l’amour comme sentiment qui mène directement ou indirectement au crime ; le désir, la passion et la sexualité comme sources d’agentivité pour les personnages féminins ; la déviance sexuelle comme envers sordide de l’amour romantique et du récit sentimental.
Lorsque l’amour mène au crime
Les « aventures extraordinaires du Domino Noir » sont des romans policiers : l’amour y mène donc d’abord et avant tout au crime. Des éléments du récit sentimental sont plus spécifiquement utilisés dans ce contexte de deux manières. D’une part, l’amour y apparaît comme une source de vulnérabilité pour certains et, surtout, certaines des protagonistes. C’est une vulnérabilité qu’exploitent d’une façon ou d’une autre les antagonistes mis en scène dans le cadre du ou des crimes commis. D’autre part, et plus simplement, l’amour, la passion apparaissent comme mobile du crime, comme moteur du récit policier.
Le mort aux yeux de verre offre un bel exemple du premier cas. Un homme d’affaires montréalais en banqueroute meurt dans des circonstances suspectes à Miami. De retour à Montréal, sa veuve est l’objet des soupçons du Domino. Au terme d’une intrigue abracadabrante impliquant un sosie du financier et une lucrative police d’assurance-vie, le lecteur découvre que la veuve n’est qu’une victime dans toute cette affaire, une victime de l’amour. Séduite par le sosie, qui est l’auteur du meurtre de son mari, elle est tombée sous son emprise et a été réduite au silence : « Femme de peu de volonté, mal habituée aux drames de ce genre, madame Pelland se ferma le bec[24]. » De même, dans La diablesse rouge, Charmaine Bourdon perdra son important héritage si elle se marie avant l’âge de vingt-cinq ans. Par amour, elle épouse secrètement Benny Goodyear, devenant ainsi vulnérable aux manigances d’un maître chanteur. Mis au fait de la situation au tout début du récit, le Domino refuse initialement d’aider la « diablesse », lui expliquant : « Vous avez sacrifié un million à l’amour. Tout à fait romanesque ; mais maintenant vous devrez vous contenter d’eau et de caresses[25]. » C’est seulement lorsque les corps commencent à s’empiler autour de la « diablesse » qu’il accepte de l’aider. Dans ces numéros de la série, le phénomène amoureux structure une bonne partie du récit, mais apparaît d’abord et avant tout comme une source de vulnérabilité, une faiblesse qui sera exploitée par des individus sans scrupules.
Dans plusieurs autres aventures du Domino Noir, l’amour apparaît plutôt comme le mobile du crime. On l’a vu dans L’homme sans tête, c’est parce qu’elle ne leur permet pas de vivre ouvertement leur idylle que Béatrice et le chauffeur décident de faire mourir de peur Rose-Aline Riendeau, se débarrassant de son emprise et touchant une partie de son héritage. Béatrice est le cerveau de l’affaire et le couple est présenté de manière presque sympathique. Lorsque les tourtereaux demandent au Domino comment il a deviné l’existence de leur relation, il répond : « C’était normal. Une belle fille sévèrement retenue, un beau gars dans la même maison, des solitudes propices, des planchers qui ne craquent pas et permettent de petites excursions nocturnes, enfin tout !… Et je ne serais pas surpris que Laurent Lorrain ne soit pas de l’étoffe dont on fait des chauffeurs…[26] » Effectivement, Laurent Lorrain est un avocat tombé amoureux de Béatrice qui a accepté l’emploi de chauffeur pour se rapprocher d’elle. Dans Maison hantée, c’est le docteur Joseph Dionne, un vieux garçon qui enseigne la médecine, qui est le meurtrier. Amoureux de la jeune Marie, épouse d’Arthur Tanguay, il élabore un stratagème complexe pour se débarrasser du mari gênant dans la maison hantée annoncée par le titre[27]. Ici aussi, la perspective adoptée est plutôt sympathique au docteur. Parlant du meurtrier, le Domino explique :
— […] Que voulez-vous, il aimait trop madame Tanguay pour la laisser souffrir.
— Il l’aimait, dit Bob.
— Voyons, tu t’en étais certainement aperçu.
— J’avoue que…
— Eh bien, le docteur l’aimait et madame Tanguay l’aimait. Arthur, toujours gai, toujours insouciant, ne s’apercevait pas qu’on lui volait sa femme[28].
La majorité des figures que l’amour mène au crime dans les aventures du Domino ont néanmoins un visage plus inquiétant : celui de l’obsession amoureuse. Dans Est-ce un meurtre ?, Dorothée Franchon est assassinée[29]. Danseuse exotique, elle est retrouvée morte, le crâne percé par une aiguille cachée dans un chapeau utilisé lors de ses performances. Le coupable est le coiffeur Charles Renaud : « Le coiffeur aimait la jeune danseuse. Pour lui donner le change, il s’était montré indifférent avec elle, mais lorsqu’elle lui apprit qu’elle allait se marier, ce fut plus fort que lui[30]. » Renaud s’empoisonne dès que son crime est découvert. Dans Drame au fond des bois, Marie-Louise Lacoste, cuisinière et rare femme vivant dans un camp de bûcherons, est l’objet de toutes les convoitises. Elle aime et est aimée par Claude Savaria, qui se fera fendre le crâne à coups de hache. Les suspects sont nombreux mais le coupable est Joseph Fortin, meilleur ami de Savaria, qui le trahit pourtant pour lui ravir la femme qu’il convoite[31].
L’amour est donc bel et bien présent dans l’univers du Domino Noir. Dans plusieurs numéros de la série, des éléments architextuels du récit sentimental apparaissent et structurent en bonne partie l’intrigue, mettant certains personnages en position de vulnérabilité face aux auteurs de crimes, et en motivant d’autres à les commettre pour assurer la pérennité de leur idylle. La plupart du temps, dans des contextes de jalousie ou d’obsession, les personnages féminins apparaissent comme victimes plus ou moins passives de leurs sentiments, alors que les personnages masculins manipulent ce sentiment amoureux ou sont dévorés par lui. Mais est-ce toujours le cas ?
Des femmes fatales
Les aventures du Domino Noir mobilisent-elles la classique figure de la femme fatale, cette protagoniste du roman noir qui est en mesure d’utiliser l’amour, le désir et la sexualité pour parvenir à ses fins, et qui représente, à bien des égards, une subversion des personnages féminins que l’on retrouve généralement dans les récits sentimentaux ? Force est d’admettre que ce personnage est assez peu présent dans les numéros de la série. La plupart du temps, ce sont des esquisses de femmes fatales que l’on croise dans les aventures du Domino Noir, soit parce que le personnage est trop faiblement caractérisé, soit parce qu’il ne correspond que partiellement à cet archétype.
La première candidate rencontrée au fil de l’analyse apparaît dans Le trésor caché, une des premières aventures du Domino. Dans cette histoire opposant policiers honnêtes, policiers corrompus et membres du crime organisé à la recherche du même butin, on croise brièvement la figure de Betty, qui se fait passer pour la fiancée d’un policier dans le coma, détenteur de précieuses informations sur le trésor convoité. L’auteur la décrit comme « une grande jeune fille blonde, qui n’avait pas du tout l’apparence de la fiancée d’un détective. / Elle avait des couleurs trop voyantes aux joues et sa physionomie était dure et osée[32]. » Si son rôle dans l’intrigue est mineur, sa fonction narrative la rapproche de la femme fatale. Associée au crime organisé, elle ne ressemble pas à une fiancée, est trop voyante, trop aguichante. Elle prend l’identité d’une autre et manipule certains des protagonistes pour arriver à ses fins.
Un autre numéro de la série, intitulé L’empoisonneuse[33], suggère fortement que nous allons croiser la femme fatale que nous recherchons. Et pourtant… Il s’agit, encore une fois, d’une histoire complexe d’héritage à laquelle le Domino se trouve mêlé. Un complot pour empoisonner Sam Berri est accidentellement déjoué par son chien, nommé sans ironie apparente Louis-Joseph Papineau, qui en sera victime. Très rapidement, les soupçons pèsent sur deux suspectes : l’épouse de Berri, Hélène, dont la fidélité est mise en question par des lettres anonymes mettant au jour un passé marqué par une certaine légèreté morale, et sa fille, Berthe, qui entretient une relation particulièrement acrimonieuse avec sa belle-mère. Alors que la première est décrite dans le roman comme une « grande beauté capiteuse, bien conservée, [à la] démarche altière, loin d’être une vulgaire dondaine », la seconde est présentée comme « ravissante de beauté, de jeunesse et d’entrain[34] ». Chacune ferait une coupable intéressante d’un point de vue narratif, mais leurs disputes spectaculaires, ponctuées d’accusations d’être l’empoisonneuse, ne sont, comme le titre du numéro, qu’un leurre. Le Domino détermine que l’empoisonneur est Alcide, « jeune homme blond fade, aux yeux quelconques et au menton fuyant[35] », qui espère ainsi faire hériter sa fiancée, Berthe. Malheureusement pour lui, dans un développement qui semble avoir plus sa place dans un roman sentimental que dans un roman policier, Berthe décide qu’elle n’épousera pas Alcide, car, avant même d’apprendre qu’il est l’assassin, elle a, dit-elle, « décidé qu[’elle] ne l’aimai[t] pas assez pour le marier[36] ».
Il faut attendre l’année suivante pour découvrir dans Caïn n’est pas mort la seule véritable femme fatale croisée dans mon échantillon, témoignant de l’existence de cette figure dans l’univers du Domino Noir, malgré sa relative rareté. Il s’agit du personnage de Corinne Ducharme (Laflamme). Chanteuse dans une boîte de nuit de Sainte-Rose, mariée à René Laflamme, elle garde son nom de jeune fille dans le cadre de ses activités professionnelles. Évidemment, son partenaire de chant, Carl Doss, est secrètement amoureux d’elle. De manière plus surprenante peut-être, le tronc de Doss, séparé de sa tête et de ses membres, est retrouvé sur une plage. De l’avis des autorités : « C’était un meurtre. Brutal, sanglant, le meurtre d’un assassin des plus violents, sans aucune sensibilité[37]. » On peut assumer que, pour le lecteur ou la lectrice du Domino Noir, il est difficile d’imaginer que Corinne Ducharme soit l’autrice d’un meurtre aussi violent. D’ailleurs, c’est le co-chambreur de Doss qui demeure le principal suspect tout au long du récit, et, de toute évidence, l’auteur compte surprendre en révélant que c’est la chanteuse qui a commis le crime. Ce qui est peut-être encore plus intéressant est que le meurtre n’a rien de passionnel. Parlant des rapports de Doss et du mari de Corinne, des témoins interrogés par le Domino semblent nous conduire à la piste sentimentale :
— Ils s’accordaient plus ou moins.
— Des chicanes ?
— Oui. Surtout de la jalousie. Je crois que Carl aurait voulu avoir Corinne pour lui tout seul, mais Laflamme, le mari de Corinne, veillait à son bien.
— Et Corinne ?
— Elle jouait la coquette[38].
Si l’amour et la jalousie jouent leur rôle dans l’intrigue, le Domino souligne que « [l]’argent fut le principal mobile[39] ». En effet, la jeune femme souhaite, en éliminant son partenaire, recueillir l’entièreté des revenus de leur duo. Le dénouement de l’intrigue est tout aussi étonnant par rapport aux conventions de la série. Démasquée par le Domino, Corinne tente avec un sang-froid inattendu de se sortir de la situation à l’aide d’un pistolet caché dans sa jupe. Même si elle ne parvient pas à s’échapper, son intelligence et sa volonté, sans parler de son crime extrêmement violent, surprennent par rapport aux rôles habituellement réservés aux femmes dans la série.
Sexualité et déviance
S’il est une dimension de la vie amoureuse que les récits sentimentaux contemporains du Domino Noir doivent traiter avec prudence, c’est bien la sexualité. De fait, le sujet n’est à peu près pas abordé directement dans ces séries et y apparaît plus souvent au moyen d’allusions. Compte tenu du genre dans lequel elles s’inscrivent, les aventures du Domino Noir disposent d’une marge de manoeuvre visiblement un peu plus grande pour aborder la question. D’une part, on observe une érotisation assez fréquente, bien que mesurée, de jeunes femmes figurant dans les différents fascicules. D’autre part, un petit nombre de numéros évoque la sexualité de manière plus affirmée, mais sous la forme de la déviance meurtrière.
La presque totalité des personnages féminins qui interviennent de manière significative dans les aventures du Domino sont des jeunes femmes physiquement désirables. Les exemples abondent et je renvoie le lecteur aux descriptions déjà évoquées, de Hélène et Berthe Berri, Béatrice Riendeau et Charmaine Bourdon. Au contraire, les quelques femmes qui ne répondent pas à cette description sont très âgées et réduites à leur vieillesse. Dans L’homme sans tête par exemple, Anastasie, la bonne, est décrite comme « une espèce d’apparition, hâve, vieille, jaune, maigre, sèche, femme de nom, mais non d’apparence, tant la poitrine était plate et le corps impersonnel[40] ». L’érotisation des jeunes femmes mises en scène dans les aventures du Domino Noir atteint un niveau ridicule dans La morte dans la neige. Dans ce numéro, Mariette Dupont est une institutrice assassinée et retrouvée en plein hiver dans un fossé enneigé. Différentes pistes sont évoquées pour expliquer sa disparition initiale, dont celle du viol. Le lecteur apprendra plus loin qu’elle a été froidement tuée pour la réduire au silence dans une affaire de vente illégale d’alcool à des mineurs. Mais c’est la description de son cadavre, dans les dernières pages du roman, qui a quelque chose de déconcertant : « Elle n’avait rien perdu de sa beauté, et même dans la mort elle se révélait une magnifique femme. / Le Domino laissa échapper un sifflement d’admiration. / – Diable, c’est une vraie femme, ça ![41] » Même dans la mort, la jeune femme ne peut échapper à l’objectivation de son cadavre et aux sifflements des hommes qui l’observent.
Malgré les soupçons qui pèsent initialement sur le meurtrier de l’institutrice Dupont, les crimes de nature sexuelle sont assez rares dans les aventures du Domino Noir, ce qui témoigne certainement de la censure qui plane tout de même sur les publications des éditions Police Journal[42]. Un des premiers numéros de la série se risque sur ce territoire et permet de voir comment les auteurs de la série articulent désir, passion et sexualité à l’univers interlope dans lequel évolue le Domino. L’étrangleur aux beaux yeux introduit rapidement le personnage d’Edith Cormier, femme chaste et réservée qui, tout à coup, décide de sortir de chez sa soeur, de profiter de la vie urbaine. Le narrateur nous explique que « Edith était belle. / Pas de cette beauté artificielle [… m]ais de la vraie, fraîche, pure, aux joues roses sans fard, aux lèvres à peine caressées par le bâton de rouge. / Un corps petit et souple, mais extraordinairement bien proportionné. / [… A]utant une beauté de l’âme qu’une beauté du corps[43]. » Malheureusement pour elle, des amies l’entraînent du côté de l’Étoile Mauve,
un music-hall de deuxième ordre, où les clients étaient de ce monde hétéroclite où se coudoient les bandits et les employés d’usine, les jeunes filles trop innocentes pour connaître mieux, et les filles de mauvaise vie.
Edith, un peu décontenancée tout d’abord, se fit vite à l’atmosphère.
Petite campagnarde, restée naïve au fond, elle ne voyait dans cette ambiance qu’un résultat de la pauvreté des lumières, et ne s’attarda pas à remarquer les louches éléments qui parsemaient la grande salle, ici et là.
D’ailleurs, elle ne connaissait pas la différence[44].
Elle y est séduite par Laurent Perron (de son vrai nom Laurent Jasmin). Ayant de beaux yeux noirs qui enchantent tous ceux qui y plongent leur regard, Perron ne supporte pas que les femmes lui résistent. Même le Domino tombe sous son charme : « Grand et maigre, mais muni de bonnes épaules. / Des yeux magnifiques. / Le Domino les remarqua aussitôt. / Jamais il n’avait vu de si beaux yeux chez un homme. / Des yeux doux, tendres, noirs et profonds. / Des yeux qui n’annonçaient nullement le maniaque sadique que cet homme était[45]. » Il viole et tue Edith sur son perron plus tard ce soir-là : « Le cadavre d’Edith. / À demi vêtue, les cheveux dénoués, les sous-vêtements déchirés, la jeune fille git par terre. / Son visage bleu, le cou marqué de traces de doigts qui ont creusé un sillon, indique [sic] qu’elle a été étranglée. / Les vêtements déchirés… On sait ce qu’ils indiquent[46]. » L’intrigue et les rapports amoureux abordés dans ce numéro sont compliqués par le fait que Laurent Jasmin est marié à Simone, qui est au courant de ses crimes et le protège… par amour. Un associé du Domino est pris de court par la révélation : « Drôle de monde. Son mari viole une jeune fille, puis l’étrangle, et elle le cache[47]. » Mais c’est Simone, finalement, qui le trahira :
— Je suis contente, contente… Je ne pouvais plus, je ne pouvais plus vivre avec cet affreux secret… Laurent, livre-toi, admets ton crime… épargne-moi cette hypocrisie dont je ne suis plus capable.
Laurent Jasmin, en entendant sa femme parler ainsi, se leva d’un bond et courut sur elle…
— Garce ! Garce et chienne !… Ah, c’est ça ton amour ? Ta loyauté ? Mais tu vas me payer ça…
Ses beaux yeux étaient devenus étranges, forcenés. Les yeux d’un fou.
[…]
— Vous avouez avoir tué Edith Cormier ?
D’une voix qui n’était qu’un souffle, Laurent Jasmin murmura :
— Oui, je l’ai tuée…
— Pourquoi ?
— Elle me résistait.
— Ce n’est pas une raison…
— Pour moi c’en est une… Je suis comme ça, je ne puis endurer qu’on me résiste.
La femme de Jasmin, pâle et droite, faisait signe que oui[48].
Ainsi, alors qu’une sexualité saine peut difficilement être abordée dans les récits sentimentaux publiés au même moment par les éditions Police Journal, elle peut, jusqu’à un certain point, être mise en scène sous la forme d’une déviance violente et meurtrière dans les aventures du Domino Noir.
Y a-t-il une place pour l’amour dans l’univers du Domino Noir ? Comme on l’a vu, c’est nettement le cas et différents éléments des récits sentimentaux font leur chemin dans les pages de ses « aventures extraordinaires ». Le personnage principal est lui-même transformé pour intégrer cette dimension à sa personnalité. Plus largement, sans être omniprésent, le phénomène amoureux se produit dans un nombre significatif de numéros et en structure à différents degrés l’intrigue. Il est étroitement lié à l’importance accordée aux personnages féminins. On l’a vu, ces emprunts remplissent différentes fonctions dans la construction et le déroulement de l’intrigue. Dans certains cas, l’amour et le désir apparaissent comme sources de vulnérabilité ou comme motivation de certains personnages. Dans un petit nombre de numéros, ces mêmes sentiments sont utilisés ou manipulés par des personnages féminins qui ont alors l’occasion de s’éloigner, brièvement et parfois de manière assez superficielle, des stéréotypes dans lesquels les cantonne la littérature populaire de l’époque. Enfin, on voit surgir timidement le thème de la sexualité, mais seulement sous l’angle de la déviance meurtrière. On peut soupçonner que ces éléments tirés des récits sentimentaux remplissent aussi une importante fonction commerciale : conquérir un lectorat féminin qui s’intéresse d’abord aux romans d’amour à dix sous que publient les éditions Police Journal. On parlerait probablement aujourd’hui de synergie pour décrire cet effort pour élargir la clientèle de l’entreprise en hybridant les genres mis en vedette dans les différentes séries qu’elle produit. Une analyse plus large de ses différentes collections permettrait de bien documenter ces emprunts. Ajoutons qu’un survol de différents titres sentimentaux offre la possibilité de repérer des numéros qui font l’exercice inverse et intègrent des éléments du roman policier au récit sentimental dans l’espoir, on peut l’imaginer, d’attirer les lecteurs masculins. Pensons à des titres comme Fille de lupanar ou Fille de bandit, ou encore au roman Je veux être aimée[49] qui met en scène les mésaventures d’un Fernand qui, plongé dans l’univers équivoque des cabarets de danseuses exotiques, devra déjouer les manoeuvres d’un associé mal intentionné, et possiblement meurtrier, et reconquérir le coeur de son amoureuse, Hélène. On peut facilement imaginer qu’il n’aurait pas refusé l’aide du Domino Noir.
Parties annexes
Annexe
annexe i. Corpus étudié[50]
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Varène, Pierre, Le Domino Noir, Montréal, P-J[51], 1944.
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Varène, Pierre, Les bandits du marché noir, Montréal, P-J, 1944.
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Varène, Pierre, Le trésor caché, Montréal, P-J, 1944.
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Varène, Pierre, L’homme à la barbe, Montréal, P-J, 1944.
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Valjean, Hercule, Le scieur de têtes, Montréal, P-J, 1944.
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Varène, Pierre, L’empoisonneuse, Montréal, P-J, 1945.
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Valjean, Hercule, Le mort aux yeux de verre, Montréal, P-J, 1945.
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Valjean, Hercule, L’étrangleur aux beaux yeux, Montréal, P-J, 1945.
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Valjean, Hercule, L’homme sans tête suivi de Les diamants de l’amiral, Montréal, P-J, 1945.
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Valjean, Hercule, David et Goliath, Montréal, P-J, 1945.
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Valjean, Hercule, La morte dans la neige, Montréal, P-J, 1946.
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Valjean, Hercule, La bande Noboski suivi de La mort qui frappe, Montréal, P-J, 1946.
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Valjean, Hercule, Vengeance de forçat, Montréal, P-J, 1946.
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Valjean, Hercule, Caïn n’est pas mort, Montréal, P-J, 1946.
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Valjean, Hercule, Les frères de l’ombre, Montréal, P-J, 1946.
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Valjean, Hercule, La chasse aux loups suivi de L’erreur, Montréal, P-J, s.d.
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Non signé, L’esprit du mal, Montréal, P-J, 1947.
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Non signé, Le disparu, Montréal, P-J, 1947.
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Non signé, Le club des pirates, Montréal, P-J, 1947.
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Valjean, Hercule, La diablesse rouge, Montréal, P-J, 1947.
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Valjean, Hercule, Interview d’un mort, Montréal, P-J, 1947.
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Non signé, L’assassinat du Père Noël, Montréal, P-J, 1947.
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Non signé, La bande à Carmino, Montréal, P-J, 1947.
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Non signé, Maison hantée, Montréal, P-J, 1947.
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Non signé, Le bandit mystère, Montréal, P-J, 1947.
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Non signé, Énigme barbare, Montréal, P-J, 1947.
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Non signé, L’homme sans yeux, Montréal, P-J, 1947.
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Non signé, Cinq orteils, Montréal, P-J, 1947.
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Non signé, La marque rouge, Montréal, P-J, 1947.
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Non signé, Le big shot mystérieux, Montréal, P-J, 1947.
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Non signé, La deuxième mort, Montréal, P-J, 1947.
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Non signé, Est-ce un meurtre ?, Montréal, P-J, 1948.
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Non signé, Empoisonnée, Montréal, P-J, 1948.
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Non signé, Le wagon numéro 18, Montréal, P-J, 1948.
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Non signé, Explosions, Montréal, P-J, 1948.
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Non signé, Tueur d’enfants, Montréal, P-J, 1948.
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Non signé, L’assassin fantôme, Montréal, P-J, 1948.
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Non signé, Drame au fond des bois, Montréal, P-J, 1948.
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Non signé, Le fabricant d’esclaves, Montréal, P-J, 1948.
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Non signé, Le Domino dévalisé, Montréal, P-J, 1948.
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Non signé, Les vautours du redlight, Montréal, P-J, 1949.
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Valjean, Hercule, Le chapeau du meurtrier, Montréal, P-J, 1949.
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Verchères, Paul, L’apprenti fou, Montréal, P-J, 1949.
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Jérôme, La dôpée, Montréal, P-J, 1949.
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Verchères, Paul, Le « typewriter » révélateur, Montréal, P-J, 1949.
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Valjean, Hercule, Le meurtre du suicidé, Montréal, P-J, 1949.
Note biographique
Professeur titulaire au département d’Histoire de l’Université de Sherbrooke, Harold Bérubé a une formation en histoire et en études urbaines et s’intéresse à l’histoire politique et culturelle des villes et de leurs habitants. Il est membre du Laboratoire d’histoire et de patrimoine de Montréal (Université du Québec à Montréal), du Centre de recherche interdisciplinaire en études montréalaises (Université McGill) et du Groupe de recherches et d’études sur le livre au Québec (GRÉLQ, Université de Sherbrooke). Il est également codirecteur de la Revue d’histoire urbaine / Urban History Review. Ses recherches actuelles sont consacrées aux rôles de la presse à grand tirage dans l’écosystème urbain entre 1884 et 1929 et aux représentations de la ville dans la littérature populaire.
Notes
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[1]
Pierre Varène, Les aventures extraordinaires du Domino Noir, Montréal, Police Journal, 1944, 4e de couverture. – Je remercie Marie-Pier Luneau qui m’a fait découvrir l’univers de la littérature populaire en fascicules et tout particulièrement les aventures du Domino Noir. Je remercie également Laurie Ricard qui a contribué au dépouillement et à l’analyse des numéros de la série retenus pour la préparation de cet article.
-
[2]
Le terme « domino » fait référence à un petit masque couvrant le haut du visage et accompagnant généralement le costume de bal du même nom. – Le Domino noir est le titre d’un opéra-comique de Daniel-François-Esprit Auber, livret d’Eugène Scribe, créé le 2 décembre 1837, dans lequel une protagoniste utilise ce pseudonyme dans ses échanges avec l’homme dont elle s’est entichée lors d’un bal masqué.
-
[3]
Cet échantillon est constitué de quarante-six numéros de la série publiés entre 1944 et 1949. L’ensemble des numéros disponibles pour les années 1944, 1945 et 1946 a été lu et analysé. Un échantillon de vingt-quatre numéros a été choisi de manière aléatoire pour les années 1947 et 1948 (les publications étant plus nombreuses au cours de ces deux années). Enfin, six numéros ont été choisis au hasard pour l’année 1949. Voir la liste complète en annexe I, p. 115-116.
-
[4]
Ellen Constans, Parlez-moi d’amour. Le roman sentimental. Des romans grecs aux collections de l’an 2000, Limoges, Presses universitaires de Limoges, 1999, p. 18.
-
[5]
Si la grande majorité des séries publiées à l’époque sont tombées dans l’oubli, certaines des aventures d’IXE-13 ont récemment été rééditées, ce qui témoigne de l’endurante popularité du personnage (Pierre Daignault, Les aventures étranges de l’agent IXE-13. L’as des espions canadiens, Montréal, éditions de l’Homme, 2020, 2 vol.). Cette popularité est probablement en bonne partie liée au fait que ces aventures ont été portées au grand écran en 1971 par Jacques Godbout (onf.ca/film/ixe-13/). Ce sont les aventures d’IXE-13 qui ont monopolisé l’attention des premiers chercheurs qui se sont lancés dans l’étude de cette littérature (Guy Bouchard et al., Le phénomène IXE-13, Québec, Presses de l’Université Laval, « Vie des Lettres québécoises », 1984), et le personnage ne semble pas avoir perdu en popularité auprès des chercheurs (voir, par exemple, Jonathan Livernois et Rachel Nadon, « Un même ennemi ? IXE-13, l’as des espions canadiens et l’Oeuvre des tracts : analyse croisée des pratiques fasciculaires et des stéréotypes anticommunistes [1940-1950] », Mens. Revue d’histoire intellectuelle et culturelle, vol. 21, no 2 [« Prendre parti : figures, organes et enjeux de combat dans les périodiques au Québec »], printemps 2021, p. 39-62).
-
[6]
Matthieu Letourneux, Fictions à la chaîne. Littératures sérielles et culture médiatique, Paris, Seuil, « Poétique », 2017, p. 15 note 4.
-
[7]
Mentionnons la collection Richard Saint-Germain (P58) qui contient plus de quatre mille trois cents de ces fascicules et la collection François Hébert (P76) qui en contient plus de mille cent, toutes deux conservées dans les Archives de l’Université de Sherbrooke (usherbrooke.ca/biblio/documents-administratifs-et-archives/trouver-des-archives/archives-privees/p58-collection-richard-saint-germain et usherbrooke.ca/biblio/documents-administratifs-et-archives/trouver-des-archives/archives-privees/p76-collection-francois-hebert).
-
[8]
Vincent Nadeau et Michel René, « Histoire d’une littérature industrielle », dans Guy Bouchard et al., op. cit., p. 9-70.
-
[9]
Voir par exemple Richard Saint-Germain, « Le récit populaire au Québec de 1940 à 1960 : premier répertoire des maisons d’édition, des collections, des séries et des titres publiés », mémoire de maîtrise, Université du Québec à Montréal, 1989, ainsi que François Hébert, La littérature populaire en fascicules au Québec, Québec, GID, 2 vol., 2012 et 2015.
-
[10]
Sylvie Provost, « Avez-vous déjà lu IXE-13, Albert Brien, Guy Verchères… ? », Études littéraires, vol. 15, no 2 (« La consommation littéraire de masse au Québec », dir. Claude-Marie Gagnon et Sylvie Provost), août 1982, p. 133-164.
-
[11]
Ibid., p. 136.
-
[12]
Voir Jacques Michon, « Essor et déclin des collections populaires », dans Jacques Michon (dir.), Histoire de l’édition littéraire au Québec au xxe siècle, t. II : Le temps des éditeurs, 1940-1959, Montréal, Fides, 2004, p. 287-322.
-
[13]
Richard Bleiler, « Black Mask », dans Rosemary Herbert (dir.), The Oxford Companion to Crime and Mystery Writing, Oxford, Presses de l’Université d’Oxford, 1999, p. 38-39.
-
[14]
Sur ce contexte général, voir Mary Louise Adams, « Manipulating Innocence : Corruptibility, Youth, and the Case against Obscenity », dans The Trouble With Normal. Postwar Youth and the Making of Heterosexuality, Toronto, Presses de l’Université de Toronto, « Studies in Gender and History », 1997, p. 136-165.
-
[15]
Yvonne Tasker, « Women in Film Noir », dans Andrew Spicer et Helen Hanson (dir.), A Companion to Film Noir, Chichester, Blackwell Publishing, 2013, p. 353 (« [S]tudio-era noir features – and even at times foregrounds – striking female characters who are mysterious, ambiguous, often entrancing, and at times duplicitous. The very diversity of the titles cited here [The Maltese Falcon (John Huston, 1941), Gilda (Charles Vidor, 1946), Out of the Past (Jacques Tourneur, 1947), etc.] – and the female stars and roles associated with them – is salutary, underlining the necessity of avoiding reductive assumptions in any attempt to encapsulate as broad a topic as that of “women in film noir” » ; nous traduisons).
-
[16]
S. S. Van Dine, « Les vingt règles du roman policier ». Ces règles ont d’abord paru dans American Magazine (vol. 106, 3 septembre 1928) puis en version française dans Mystère-Magazine (no 38, mars 1951). Je cite leur republication dans Québec français (no 141, printemps 2006, p. 60).
-
[17]
Hercule Valjean, David et Goliath, Montréal, Police Journal, 1945, p. 4.
-
[18]
Non signé, L’homme sans tête, Montréal, Police Journal, 1945, p. 10.
-
[19]
Ibid., p. 12.
-
[20]
Ibid., p. 17.
-
[21]
Hercule Valjean, La diablesse rouge, Montréal, Police Journal, 1947, p. 21.
-
[22]
Ibid., p. 32. Plusieurs autres numéros permettent d’observer les frasques d’Alain de Guise, séducteur de ces dames. Ainsi, dans Est-ce un meurtre ?, croisant à plusieurs reprises l’infirmière Marguerite Lesage, de Guise l’admire longuement. Le narrateur décrit que « [s]ous sa longue jaquette blanche [celle de Marguerite], on pouvait distinguer les lignes plus qu’harmonieuses de son corps ! » (non signé, Montréal, Police Journal, 1948, p. 10) ; le Domino, lui, se « demande si elle est aussi sage que son nom le laisse supposer » (ibid., p. 13).
-
[23]
C’est une observation que fait Louise Milot à propos d’IXE-13 (« La défaite des femmes », dans Guy Bouchard et al., op. cit., p. 181).
-
[24]
Hercule Valjean, Le mort aux yeux de verre, Montréal, Police Journal, 1945, p. 31.
-
[25]
Hercule Valjean, La diablesse rouge, op. cit., p. 8.
-
[26]
Non signé, L’homme sans tête, op. cit., p. 24.
-
[27]
Voir l’illustration de la p. 97.
-
[28]
Non signé, Maison hantée, Montréal, Police Journal, 1947, p. 29.
-
[29]
Voir l’illustration de la p. 99.
-
[30]
Non signé, Est-ce un meurtre ?, op. cit., p. 32.
-
[31]
Non signé, Drame au fond des bois, Montréal, Police Journal, 1948.
-
[32]
Pierre Varène, Le trésor caché, Montréal, Police Journal, 1944, p. 11.
-
[33]
Pierre Varène, L’empoisonneuse, Montréal, Police Journal, 1945.
-
[34]
Ibid., p. 10.
-
[35]
Ibid.
-
[36]
Ibid., p. 20.
-
[37]
Hercule Valjean, Caïn n’est pas mort, Montréal, Police Journal, 1945, p. 5.
-
[38]
Ibid., p. 25.
-
[39]
Ibid., p. 27.
-
[40]
Non signé, L’homme sans tête, op. cit., p. 5.
-
[41]
Hercule Valjean, La morte dans la neige, Montréal, Police Journal, 1945, p. 22.
-
[42]
Sur cette censure et ses limites, voir Pierre Hébert, « “L’effet termites” : comment les crime comics ont mis fin à la censure cléricale au Québec », dans Véronique Liard (dir.), Histoires de crimes et société, Dijon, Éditions universitaires de Dijon, « Sociétés », 2011, p. 113-120.
-
[43]
Hercule Valjean, L’étrangleur aux beaux yeux, Montréal, Police Journal, 1945, p. 2.
-
[44]
Ibid., p. 4.
-
[45]
Ibid., p. 27.
-
[46]
Ibid., p. 7.
-
[47]
Ibid., p. 22.
-
[48]
Ibid., p. 28.
-
[49]
Pol Roger, Fille de lupanar, Montréal, Police Journal, s.d. ; Jeanne Zéphire, Fille de bandit, Montréal, Police Journal, 1953 ; Jeanne Zéphire, Je veux être aimée, Montréal, Police Journal, s.d.
-
[50]
Les titres des romans dans lesquels des éléments du récit sentimental jouent un rôle significatif dans l’intrigue sont en caractères gras.
-
[51]
Éditions Police Journal. Tous les fascicules font trente-deux pages.