Résumés
Résumé
Notre article propose une lecture comparée des représentations de l’insurrection dans les sources coloniales et dans la poésie kabyle. Parmi les sources se détachent Histoire de l’insurrection de 1871 en Algérie de Louis Rinn (1891) et L’insurrection de la Grande Kabylie en 1871 de Joseph Nil Robin (1901). Ces deux ouvrages très documentés livrent une somme de faits : l’étendue territoriale de l’événement, son intensité, ses combats, l’ampleur de ses répercussions sur la société dominée en pertes humaines, séquestres, amendes collectives, exécutions sommaires, déportations, déclassement social, démantèlement des structures élitaires traditionnelles. Pourtant, le contexte particulièrement troublé de 1870, qui a vu le ressentiment des Européens d’Algérie à l’endroit des institutions militaires se muer en un torrent d’invectives laisse penser que les deux officiers de l’armée d’Afrique que sont Rinn et Robin ont pris la plume à des fins distinctes de la simple chronique ou de la compilation de faits. Leurs ouvrages révèlent, du point de vue colonial, des divergences inconciliables sur l’insurrection de 1871. Ils expriment moins un élan désireux de faire la lumière sur le plus grand soulèvement algérien du xixe siècle, qu’un enjeu de lutte entre le colonat et les élites militaires françaises. Bien différentes sont les représentations de la poésie kabyle de l’époque, transmise par voie orale. Certaines compositions ont été recueillies, traduites et publiées au xixe siècle par Jean-Dominique Luciani et Louis Rinn et, au xxe siècle, par Ammar ou Saïd Boulifa et Mouloud Mammeri. Ces compositions en disent plus sur les terribles conséquences d’une insurrection assimilée à la fin d’un monde que sur les responsables de celle-ci.
Abstract
Our article proposes a comparative reading of the representations of the uprising in colonial sources and in Kabyle poetry. Among the sources stand out Histoire de l’insurrection de 1871 en Algérie by Louis Rinn (1891) and L’insurrection de la Grande Kabylie en 1871 by Joseph Nil Robin (1901). These two well-documented works provide a summary of facts: the territorial extent of the event, its intensity, its struggles, the breadth of its impacts on the dominated society in human losses, spoliation, collective fines, summary executions, deportations, social downgrading, dismantling of traditional elite structures. Yet, the particularly troubled context of 1870, underlined by resentment of Europeans in Algeria towards the military institutions turning into a torrent of invective, suggests that the two officers, Rinn and Robin, took the pen for purposes distinct from the mere chronicle or compilation of facts. Their works reveal, from the colonial point of view, irreconcilable differences on the insurrection of 1871. They express, less an impulse eager to shed light on the greatest Algerian uprising of the 19th century, than a stake in the struggle between the colonists and the French military elites. Very different are the representations of the Kabyle poetry of the time, transmitted orally. Some compositions were collected, translated and published in the 19th century by Jean-Dominique Luciani and Louis Rinn and in the 20th century by Ammar ou Saïd Boulifa and Mouloud Mammeri. These works tell more about the terrible consequences of an insurrection shown as the end of a world than about those responsible for it.