Résumés
Résumé
Les études sur les génocides et la Shoah privilégient le témoignage, au détriment des mécanismes narratifs mis en oeuvre. Cet article propose une analyse de la mise en abyme du jugement dans Murambi, le livre des ossements de Boubacar Boris Diop, roman-reportage sur le génocide des Tutsi au Rwanda. Je suggère que sa dimension testimoniale relève non seulement de son champ sémantique, mais également de ses plans narratif et énonciatif. Des procédés narratifs y sont déployés, mettant en scène une situation de procès où bourreau, victime et juge se font face. Dans ce roman d’horreur, Siméon Habineza émerge, figure du juste opposé à toute forme d’extrémisme, comme le véritable héros du roman. Au contraire des autres membres de sa tribu, il refuse de participer au génocide, et, après la guerre, combat la vengeance. À la différence des autres romans de l’auteur, qui sont des tragédies dont aucun héros n’émerge, dans Murambi, héros et antihéros sont identifiés. Cette forme mélodramatique suggère qu’un roman sur un génocide ne saurait rester neutre sur le plan des valeurs.
Abstract
Genocide and Shoah studies give a great importance to the testimony, neglecting the narrative devices at work. This article proposes an analysis of the mise en abyme of judgement in Murambi, the Book of Bones by Boubacar Boris Diop, a novel and reportage about the genocide of the Tutsi in Rwanda. I suggest that its testimonial dimension arises not only from its semantic field, but also from its narrative and enunciative situations. Narrative devices are deployed to stage a trial situation where executioner, victim and judge face each other. In this horror novel, Simeon Habineza emerges, figure of the righteous opposed to all forms of extremism, as the true hero of the novel. Contrary to the other members of his tribe, he refuses to participate in the genocide, and, after the war, he fights against revenge. Unlike the author’s other novels, which are tragedies where no hero emerges, in Murambi, heroes and anti-heroes are identified. This melodramatic form suggests that a novel about genocide cannot remain neutral in terms of values.