Relais II. « Nous sommes gens de revue »[Notice]

  • Stéphane Vachon

La revue Études françaises fêtera dans quelques mois son cinquante-cinquième anniversaire. Peut-elle, pour autant, se croire à l’abri des tourbillons qui entraînent les créations les moins éphémères ? Pour la dixième fois depuis sa fondation en février 1965, elle change de directeur. Afin d’éclairer ce long parcours, le rappel de quelques dates n’est sans doute pas inutile. Le premier numéro de notre revue a paru en février 1965 sous l’égide du département d’Études françaises de l’Université de Montréal fondé en 1962. Si ce département a cru devoir changer de nom en 2003 et devenir le département des Littératures de langue française, la revue, elle, n’a pas souhaité renoncer au titre sous lequel elle croit avoir acquis une certaine autorité scientifique, ni déconcerter ses lecteurs, ni les bibliographes ni les bibliothécaires… Elle a été, dès l’origine, publiée par les Presses de l’Université de Montréal, elles-mêmes créées en décembre 1962, et se réjouit de l’être encore aujourd’hui, d’autant que c’est en collaboration avec cet éditeur que la revue décerne, depuis 1968, le prix de la revue Études françaises qui a été remis, pour la dix-huitième fois, au printemps 2019, à Marie-Claire Blais pour À l’intérieur de la menace. En ne publiant que des oeuvres inédites, ce prix a permis de faire connaître – et reconnaître – des écrivains majeurs comme Ahmadou Kourouma (1968) et Gaston Miron (1970), aussi importants qu’Édouard Glissant (1995) et Assia Djebar (1999), des voix originales comme celles de Normand Chaurette (2011) et Louis Hamelin (2014), et celles de onze autres écrivains qui nous pardonneront de paraître les oublier. On pourrait penser que l’adoption, dès 1974, de la publication d’articles sous forme de dossiers thématiques, a figé la revue en fixant sa formule éditoriale et entraîné la fin de la publication des textes de création aux côtés des textes critiques. Nous ne le croyons pas. D’une part, fidèle sans nostalgie au projet de ses fondateurs qui valorisait les liens, qui ont certes évolué au fil du temps, entre « critique, création et recherche », Études françaises n’a jamais cessé de publier, quoique de manière irrégulière, des inédits d’écrivains québécois, français et de la francophonie, comme nous le faisons dans ce numéro en nous honorant d’offrir à la lecture un texte de Boubacar Boris Diop, « La Bibliothèque de mon père ». Nous sommes d’ailleurs heureux de publier un numéro consacré à cet écrivain sénégalais, qui permet de suivre le renouvellement des perspectives à partir desquelles les littératures francophones, dont on sait la place qu’elles ont occupée très tôt dans l’histoire et le développement de notre revue et de son prix, sont étudiées. D’autre part, chaque numéro fabrique une communauté d’auteurs qui doit s’identifier, qui doit marquer l’appartenance de chaque signature et de chaque article à son dossier, le voisinage et le dialogue de celui-ci avec les propositions qui l’entourent, le confortent ou l’infirment (qui l’ignorent parfois…). Obligatoirement fragmentaire – mais il n’y a de totalité que fragmentaire –, chaque dossier obéit donc à un double phénomène de concentration et de dispersion. Moteur de recherches, il propose un état de la réflexion et du savoir, et tente de joindre – voire de créer – une communauté de lecteurs qui se recompose à chaque numéro, plus large que celle des abonnés qui ont choisi d’exprimer en acte leur fidélité à la revue. Telle est la marque d’une revue en mouvement, qui sait se renouveler, innover, attentive à l’évolution des méthodes et des instruments de recherche, à l’apparition de nouvelles problématiques, notamment dans le domaine des sciences humaines. En 1987, Robert Melançon pérennisait la rubrique des articles libres, nos actuels « …

Parties annexes