Résumés
Résumé
Les recherches de Nicole Deschamps sur Louis Hémon ont largement contribué, dès la fin les années 1960, au regain d’intérêt de la critique pour l’écrivain et son oeuvre. Depuis la publication dans Études françaises, en février 1967, de la lettre que Louis Hémon adressa à son père, en passant par Le mythe de Maria Chapdelaine, essai cosigné avec Raymonde Héroux et Normand Villeneuve paru en 1980 aux Presses de l’Université de Montréal, et la publication, cette même année, chez Boréal Express, des Lettres à sa famille de Louis Hémon, les recherches de Nicole Deschamps n’ont en effet cessé d’éclairer de l’intérieur le destin de celui qu’elle désigne comme « le fils rebelle ». Dans le contexte de la relecture du « portrait du colonisé québécois » dont le roman Maria Chapdelaine devint un enjeu dans les années 1970, Nicole Deschamps a engagé un important travail d’analyse de l’oeuvre de Hémon. Abordant les phénomènes d’aliénation culturelle, de mimétisme, de dépossession et de précarité culturelle, l’auteure décrit le roman de Hémon comme un texte « terrorisé par le discours du pouvoir ». Les travaux de Nicole Deschamps et ceux du groupe de jeunes chercheurs qu’elle réunit au cours de la décennie suivante trouvent à s’inscrire à l’intérieur de l’ouverture pluridisciplinaire plus large des postcolonial studies qui émergent à la fin des années 1970 et qui trouvent leur fondement dans l’anthropologie culturelle et les sciences sociales. Remettant en question l’usage qui a été fait du récit de Louis Hémon, la chercheuse, dont la réflexion s’inspire des Mythologies de Barthes, des travaux de Frantz Fanon et d’Albert Memmi ainsi que de la revue Parti pris, met en évidence le colonialisme culturel qui marque l’histoire de l’interprétation et de la diffusion de Maria Chapdelaine. La découverte d’un important fonds Louis Hémon à Quimper et le relevé précis que Nicole Deschamps établira des différentes fortunes littéraires du roman à l’étranger l’amèneront à considérer Maria Chapdelaine « comme un phénomène probablement unique d’anthropologie culturelle » et à l’aborder comme « un symptôme universel de la condition de colonisé ». Cette étude s’engage donc sur les traces du travail de la chercheuse et en interroge les avancées critiques et théoriques. Anticipant plusieurs travaux qui tenteront de définir une poétique postcoloniale, Nicole Deschamps livre, avec Le mythe de Maria Chapdelaine, la première étude d’envergure portant sur l’un des canons de la littérature québécoise, à une époque où les postcolonial studies restent un champ d’étude encore largement ignoré par la critique universitaire française et québécoise.
Abstract
Nicole Deschamps’s research on Louis Hémon contributed greatly, in the late sixties, to the renewed interest in literary criticism of the latter. Since the publication of Hémon’s letter to his father in Études françaises in February 1967, and the simultaneous publication of two major essays in 1980, Le mythe de Maria Chapdelaine, co-authored by Raymonde Héroux and Normand Villeneuve (Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal) and the writer’s correspondence, Lettres à sa famille (Montréal, Boréal Express), Nicole Deschamps’s research has focused on the destiny of he whom she designates as “the rebel son.” In revisiting the “portrait of the colonized Québécois,” which became a main issue in Hémon’s mythical novel Maria Chadelaine in the seventies, Nicole Deschamps undertook an important analysis of the writer’s work. Addressing the phenomena of cultural precariousness, mimicry, dispossession, and alienation, the author describes Hémon’s novel as a text “terrorized by the discourse of power.” The work accomplished by Deschamps, including the group of researchers she led during the following decade, finds its setting within postcolonial studies that were emerging near the end of the 1970s and grounded in cultural anthropology and social sciences. Deschamps, whose reflection was inspired by Barthes’s Mythologies, the essays of Frantz Fanon and Albert Memmi, as well as the journal Parti pris, highlights the history of cultural colonialism that marks the interpretation and wide-spread circulation of Maria Chapdelaine. Furthermore, the discovery of an important archive on Hémon in Quimper, his native town, and a detailed statement by Deschamps regarding the different literary fortunes of the novel abroad led her to consider Maria Chapdelaine “as maybe a unique phenomenon of cultural anthropology” and to approach it as “a universal symptom of the colonised condition.” This paper will not only retrace the researcher’s main developments, but will also question her critical and theoretical standpoints. Anticipating several studies that will attempt to define postcolonial poetics, Nicole Deschamps’s Le mythe de Maria Chapdelaine is the first major study concerning one of the canons of Québécois literature, at a time when postcolonial studies remained a field largely ignored by French and Québécois academics.