Résumés
Résumé
Si la lettre constitue une conversation entre absents, ceux-ci sont toutefois généralement vivants. Linda Lê, elle, écrit des lettres à des familiers morts (son père, décédé seul au Vietnam – Lettre morte, Paris, Christian Bourgois, 1999) ou à jamais confinés dans le non-être (son fils – À l’enfant que je n’aurai pas, Paris, NiL, 2011). En 1999 elle publie aussi Tu écriras sur le bonheur (Paris, Presses universitaires de France), trente-huit textes dédiés à des écrivains de renommée et d’origines diverses, sortes de « pères spirituels » ou littéraires et réitère son geste d’adresse en 2015, avec Par ailleurs (exils) (Paris, Christian Bourgois), lettres d’hommage à des écrivains par-delà le trépas. La tâche incombe alors au lecteur d’établir des correspondances entre eux et Linda Lê, entre les oeuvres achevées, passées à la postérité des uns et l’oeuvre en devenir, à la postérité encore incertaine de l’autre. Cet article identifie les continuités et discontinuités entre Tu écriras sur le bonheur et Par ailleurs (exils) et examine les cinq « figures tutélaires » qu’ils ont en commun, avant de relever quels sont les grands absents de Par ailleurs (exils) et quels écrivains y ont fait leur entrée. Alors que Tu écriras sur le bonheur était une compilation alphabétique, Par ailleurs (exils) est une suite d’hommages présentés pêle-mêle ; entre les deux se dessine le cheminement de l’oeuvre de Lê de la « littérature déplacée » vers une « littérature du dépaysement ». J’argue qu’il revient aux lecteurs et critiques, destinataires ultimes de ces lettres d’hommage, de les recevoir et d’assurer la postérité de leur auteure.
Abstract
If a letter is a conversation between absentees, they are usually living. Linda Lê, however, writes letters to members of her family who are deceased (her father, who died alone in Vietnam – Lettre morte, Paris, Christian Bourgois, 1999) or who are forever confined to non-existence (her son – À l’enfant que je n’aurai pas, Paris, NiL, 2011). In 1999, she also published Tu écriras sur le Bonheur (Paris, Presses universitaires de France), thirty-eight texts dedicated to celebrated authors of various origins, sorts of “spiritual,” or literary, fathers. She repeats this manner of address in 2015 with Par ailleurs (exils) (Paris, Christian Bourgois), letters of homage to writers beyond the grave. It falls then to the reader to build connections between these writers and Linda Lê, between their finished works, passed down through generations, and her works in the making. This article identifies and examines the five “tutelary figures” they have in common, before pointing out which authors were missing and which were present in Par ailleurs (exils). While Tu écriras sur le bonheur was an alphabetical compilation, Par ailleurs (exils) is a suite of homages presented in no particular order; between the two the trace of Lê’s work is discernable from “displaced literature” to a “literature of evasion.” I argue that it is the role of readers and critics, the ultimate recipients of her letters of homage, to receive them and to insure their author will be remembered for posterity.