Résumés
Résumé
De quelle(s) langue(s) naît-on, et comment ? Il y a la langue-Mère, celle qui arrive comme un don, puis la seconde langue, celle dont on s’éprend et qui bouleverse les affects et les souvenirs. Chez Hélène Cixous, et plus particulièrement dans Une autobiographie allemande et Gare d’Osnabrück à Jérusalem, les langues apprises et rêvées se superposent dans l’écriture autobiographique : Allemagne et Algérie se fondent, la ville d’Oran ressurgit dans celle d’Osnabrück (ou Jérusalem), les syllabes de l’allemand, de l’anglais et du français miroitent et se réfléchissent dans la parole. La question de l’appartenance, pour l’écrivaine, ne relève jamais de l’ordre du territoire fixe, mais creuse plutôt les fluidités temporelles et l’hybridité mémorielle. Cet article propose une analyse des « zones-frontières » du récit de soi cixousien à travers l’image de la torsade, qui se trouve au fondement même de la pratique d’écriture autobiographique de l’écrivaine. Par le chemin de « l’inventer vrai » où se côtoient jeux temporels et non-savoirs, Cixous entreprend une traversée identitaire et qui interroge la figure de la langue-Mère, de la mort en revenance, ainsi que l’idée de « vérité vécue » prise comme voyage fantasmé. Cet essai se consacre aux modalités de l’écriture de Cixous, écriture capable de s’infiltrer subrepticement dans les lézardes et les fissures d’une mémoire personnelle dont il faut textuellement lier et délier, tresser et détresser les fils afin de saisir toute sa complexité.
Abstract
From which languages are we born, and how? There is the Mother Tongue, the one that arrives as a gift, then the second language, the one we come to love, that stirs our emotions and memories. With Hélène Cixous, and more specifically in Une autobiographie allemande and Gare d’Osnabrück à Jérusalem, the languages learned and dreamt of overlap in autobiographical writing: Germany and Algeria merge, the city of Oran resurfaces in that of Osnabrück (or Jerusalem), the syllables of German, English and French are reflected in the word. For the writer, the question of belonging is never a question of fixed territory, but rather one of temporal fluidity and hybridity of memory. This article provides an analysis of the “border zones” of the Cixousian self-narrative through the image of intertwining that underpins the writer’s autobiographical writing practice. Throughout the notion of “true invention” where temporal games and non-knowledge meet, Cixous undertakes a journey of identity that questions the figure of the Mother Language, of recurrent death, as well as the idea of “lived truth” taken as a fantasized journey. This essay focuses on the modalities of Cixous’ writing, a writing capable of surreptitiously infiltrating the cracks and fissures of a personal memory whose threads must be textually bound and loosened, braided and destroyed in order to grasp all its complexity.