Résumés
Résumé
À propos de La tentation de saint Antoine, Roger Caillois croyait reconnaître dans les toutes dernières pages du texte de Flaubert l’expression d’un mimétisme général, une généralisation et une tentation de l’espace. Il apparaît qu’en posant la question du mimétisme, comme il en serait d’un « trouble de la perception de l’espace », c’est-à-dire, en somme, en ramenant le regard au-devant de la question du mimétisme – y voir une pathologie du sensible hantée par la visualité même de l’espace –, revient non pas seulement à « anthropomorphiser » le phénomène, mais plutôt à construire, depuis la question du mimétisme, une certaine disposition subjective où la question du regard se pose en fonction d’un imaginaire de la prédation et de la dévoration. À la conception d’un saint Antoine lyrique devait s’ajouter, pour Caillois, la vision d’un saint Antoine psychasthénique, dont le drame se précise entre désir de disparition et identification à la matière, volonté d’assimilation par le dehors et tentation de faire corps avec l’espace. En même temps, c’est l’espace lui-même qui semble perçu comme une puissance dévorante, un « espace noir », capable de dévorer la personnalité même de celui qui ne se distingue plus du « noir », et dont il est lui-même la proie. Tel saint Antoine, l’animal mimétique, dont Caillois a pu rêver, s’abandonne à la tentation de n’être plus que semblable à la matière, bigarré sur fond bigarré, ou quelle que soit l’image qu’il cède, et qu’il abandonne, dans un espace prédateur où il n’est plus que la négation de lui-même.
Abstract
In the concluding pages of Flaubert’s La tentation de saint Antoine (The Temptation of Saint Anthony), Roger Caillois believed he saw a general and generalized mimicry, a temptation in space. Raising the question of mimicry would seem to suggest a space perception problem, that is, by again setting the gaze before mimicry – perceiving in it a pathology of sensibility haunted by the visibility of space itself – would not only again “anthropomorphize” the phenomenon, but would further construct, from the mimicry a certain subjective view where the question of the “gaze” appears in terms of an imaginary of predation and devouring. For Callois, to the conception of a lyrical Saint must be added the vision of a psychasthenic Saint Antoine where the drama congeals between the desire to disappear or the will to identify with the subject, between the will to assimilate by the outside or the temptation to merge body and space. At the same time, space itself is seemingly perceived as a devouring power, a “black space” capable of devouring the very personality of the one who no longer distinguishes the “black,” and is himself the prey. So Saint Antoine, the mimetic animal dreamt of by Caillois, succumbs to the temptation to be a likeness only, like patterns overlaying patterns, or regardless of the image he evokes or discards, in a predatory space where he is but his own negation.