Résumés
Résumé
Le reportage constitue, dans la France de l’entre-deux-guerres, une matrice poétique qui connaît diverses déclinaisons, au gré d’une diffusion très large supportée tant par la presse quotidienne et hebdomadaire que par l’édition en volume. Il est investi par les écrivains et constitue un lieu d’expérimentations formelles à la croisée du journalisme et de la littérature. Dès lors, il apparaît pertinent d’examiner quelques interactions du reportage et du roman à la première personne, deux types de récits contemporains, distincts par leur visée et leur contexte de production, mais marqués tous deux par la mise en avant d’une subjectivité. Dans un premier temps, une lecture du reportage sous l’angle peu emprunté de l’écriture de soi permet de mettre en évidence une forme d’autofiction journalistique qui fait écho aux romans du « réalisme subjectif » (Jacques Dubois) et à certains enjeux de l’entreprise proustienne. Chez les reporters Georges Le Fèvre et Maryse Choisy, un sujet en crise questionne ainsi la notion d’identité à partir d’une expérience vécue dans le cadre du reportage d’identification. Dans un second temps, le Voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand Céline est analysé comme subversion de la forme narrative et des motifs récurrents du grand reportage, en prolongeant une hypothèse formulée par Paul Aron. Le personnage de Bardamu dessine en creux la silhouette d’un « mauvais » reporter, refusant la geste héroïque de son double, comme le discours patriotique, pro-colonial ou la mise en scène pittoresque de l’exotisme géographique et social que le reportage propose au lectorat de la presse d’information.
Abstract
In France, during the interwar years, literary reporting was a poetic matrix taking many forms, from daily newspapers to weekly magazines and books, and reaching a very wide public. It involved writers and novelists and served as a crossroads between journalism and literature. Of interest is the interaction with first-person novels since both are contemporary narratives where reality is filtered through the voice and conscience of a subjectivity regardless of their differing production goals and contexts. First, reportage will be examined as self-writing that defines a form of journalistic autofiction echoing some issues of the novels that are part of what Jacques Dubois called “subjective realism” – the Proustian work. Reporters Georges Le Fèvre and Maryse Choisy both present a subject in crisis that questions identity from the autobiographic experience provided by undercover reportage. Second, Louis-Ferdinand Céline’s Voyage au bout de la nuit is analyzed as a subversion of the main themes and recurring motifs of reportage, as theorized by Paul Aron. The protagonist Bardamu strikes us as a “bad” reporter who refuses the heroic gesture of his media double as well as the patriotic, pro-colonial discourse and picturesque representation of geographic and social exotism that the reportage offers the press readership.