Résumés
Résumé
Refusant de voir dans les Odes funambulesques de Théodore de Banville une poésie préoccupée avant tout de la forme et cherchant à divertir le lecteur, cet article montre la force corrosive du projet banvillien : composer un « pamphlet » en vers contre une société bourgeoise dont les maîtres mots sont Argent, Réalisme et Prose, et faire de la poésie l’instrument d’une communion fraternelle rassemblant les hommes autour de valeurs spirituelles. Pour se faire écouter de ses contemporains autant que pour échapper à la platitude de son temps, Banville s’inspire de l’art des caricaturistes. Il leur emprunte des types qui tirent leur puissance de leur dimension synthétique ; il ridiculise les figures de l’autorité littéraire, sociale et politique au moyen de la charge ; il soulève masques et faux nez pour dévoiler le vrai visage d’une société se livrant à tous les excès en un carnaval débridé. La parodie discrédite les clichés et poncifs par lesquels cette société idéalise des réalités médiocres et prosaïques. La folie apparente de l’ode funambulesque cache ainsi une protestation contre l’époque. Comme chez Gavarni ou Daumier, la peinture des travers de la société contemporaine s’élève au-dessus de la banalité. La métamorphose féerique et comique des êtres grâce aux images, aux rimes, à l’intertexte, transporte le lecteur dans un monde où le rêve l’emporte sur la trivialité. L’ivresse des rythmes et des rimes « sauvages », libérés des règles étroites, dote l’univers quotidien d’une magie hyperbolique. Surtout, en créant une harmonie neuve et allègre, aisée à mémoriser, l’ivresse lyrique se propage aux lecteurs et les invite à communier dans une nouvelle manière de voir et de sentir.
Abstract
Often seen as merely a poetical work that priorizes the reader’s entertainment, Odes funambulesques by Théodore de Banville is much more a corrosive project. In this article I argue that the author aims to compose a “pamphlet” in verse which targets the core values of the bourgeois society (from money to realism and prose) and to make of poems a way to bound people together in a spirit of universal brotherhood. As much in order to be heard by his contemporaries as to escape from the mundane, Banville takes his inspiration from the art of caricature. He borrows from its social types whose success lies in their power to capture the essence of different classes of people. He ridicules figures of literary, social and political authority by exaggerating their salient features. He takes off pantomime masks in order to reveal the true face of a society. The parody brings to light the commonplaces and stereotypes used by that society to idealize mediocre and humdrum realities. The apparent madness of the ode funambulesque leads thus to a protest against times. As with Gavarni or Daumier, the representation of the faults of contemporary society goes beyond the banal. The comic metamorphosis of beings through image, rhyme, and intertext transports the reader into a world where dream prevails over triviality. The drug-like effect of the rhythms and the “rimes sauvages,” freed from strict rules, clothes the everyday universe in a hyperbolic magic by creating a new and joyful harmony, which is easy to commit to memory. The lyric intoxication extends to the reader and invites him to experience a new way of seeing and feeling.