Volume 49, numéro 2, 2013 Jean-Paul Sartre, la littérature en partage Sous la direction de Yan Hamel
Sommaire (10 articles)
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Présentation
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Sartre et la mort : « Le mur » et après
Jean-François Louette
p. 17–34
RésuméFR :
Le jeune Poulou n’aimait pas se relire, à en croire Les mots. Mais Poulou devenu grand, c’est-à-dire Sartre ? Sans même avoir à les relire, un grand écrivain peut dialoguer avec ses propres textes. Ne cesser de les repenser, de les réécrire. C’est le cas pour Sartre — notamment pour ce qui est de la nouvelle qu’il a intitulée « Le mur » (1937). Il s’agit d’en rappeler quelques enjeux, autour de trois motifs (les lieux funèbres, la farce jouée aux franquistes et le rire final), avant de faire entendre les échos que Sartre, explorant la pré-mort et l’après-mort,lui a donnés dans la suite de son oeuvre — c’est-à-dire dans les Carnets de la drôle de guerre, Le sursis, L’être et le néant, Les jeux sont faits, Huis clos, les Cahiers pour une morale, Les séquestrés d’Altona, la Critique de la raison dialectique enfin. La nouvelle de 1937, que Gide tenait pour un chef-d’oeuvre, apparaît alors comme un texte matriciel pour tout un pan de l’oeuvre de Sartre. Matriciel dans la mesure où elle réunit un problème philosophique (que fait la mort, ou son approche, à l’existence ?), un mystère de la condition humaine (peut-on entrevoir l’autre côté du mur ?), qui sollicite une veine fantastique chère à Sartre, et l’un des plus vieux fantasmes de l’auteur (qu’est-ce que vivre pour un homme qui ne s’est fait écrivain qu’en devenant dès son jeune âge — selon Les mots, encore — « tout à fait posthume » ?).
EN :
If we can believe The Words, the young Poulou hated rereading his own work. But what about the adult Poulou, namely Sartre? Great writers can dialogue with their own texts, rethink and rewrite them without rereading them. Such is the case for Sartre, notably the short story called The Wall (1937). It revolves around three themes (death scenes, the joke played on Francoists, and the last laugh), presaging Sartre’s explorations of pre-death and after-life that inhabit his ensuing works (War Diaries: Notebooks from a Phony War, The Reprieve, Being and Nothingness, The Chips are Down, No Exit, Notebooks for an Ethics, The Condemned of Altona, Critique of Dialectical Reason). The 1937 short story that Gide considered a masterpiece is a template for much of Sartre’s work, uniting a philosophical problem (how does death, or its approach, affect existence?), a mystery of the human condition (can we glimpse the other side of the wall?), and one of Sartre’s dearest and most enduring fantasies (what is living for a man who became a writer only by becoming from his youth —once again from The Words — “totally posthumous”?).
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« L’enfance d’un chef » et les romanciers américains
Vanessa Besand
p. 35–45
RésuméFR :
Malgré toute l’ambiguïté qui a toujours uni Sartre à l’Amérique du Nord, son attirance pour la littérature romanesque américaine de l’entre-deux-guerres ne s’est jamais démentie. Dans la lignée de ces jeunes auteurs outre-Atlantique que furent Hemingway et Dos Passos, le philosophe et romancier a lui-même proposé une nouvelle manière d’écrire, loin du modèle introspectif français de l’époque, qu’il déplorait, et en vue de représenter, à travers la technique narrative et les jeux de focalisations mêmes, la situation de l’homme dans le monde telle qu’il la concevait en tant que penseur existentialiste. Avant même la trilogie des Chemins de la liberté, c’est la nouvelle « L’enfance d’un chef », parue dans le recueil Le mur en 1939, qui incarne le mieux cette tentative sartrienne. Tout particulièrement séduit par la technique de Dos Passos, auquel il a consacré quelques articles critiques, Sartre cherche ici, à travers son personnage de Lucien Fleurier, jeune homme incapable d’accéder à la liberté et de ce fait véritable contre-exemple dans l’univers sartrien, à énoncer les grands principes de son système de pensée (l’importance capitale de l’action, le refus de la mauvaise foi, l’humanisme existentialiste), non pas seulement à travers le parcours de son protagoniste, mais aussi et surtout à travers la technique narrative (multiplicité des focalisations et des types de discours intérieurs). C’est ainsi que, loin de se cantonner à l’imitation d’une technique américaine qu’il juge novatrice et admirable, il se la réapproprie pleinement en en faisant le permanent miroir de ses propres convictions sur l’homme et sur le monde.
EN :
Despite Sartre’s ambiguous feelings towards North America, he was clearly attracted to the American novelists of the 1920’s and 1930’s. In the wake of young American authors like Hemingway and Dos Passos, the French philosopher and novelist began writing in a new way, departing from the introspective French style of the day to instead promote an existentialist conception of Man in the world, employing narrative technique and shifting points of view. Even before writing the trilogy The Roads to Freeedom, his short story entitled The Childhood of a Leader, published in The Wall (1939), is the best example of such an attempt on his part. Especially fascinated by Dos Passos’s technique, to which he devoted several articles, Sartre sought to develop the main principles of his system of thought (the cardinal importance of action, the refusal of bad faith or self-deception, and existential humanism) not only through the figure of his protagonist — Lucien Fleurier, a young man unable to attain freedom and who is therefore a counter-example in Sartre’s philosophy — but also through narrative technique (the numerous points of view and kinds of interior discourse). Hence, rather than simply imitating an American technique which he found new and admirable, Sartre totally appropriated it to reflect his own convictions about Man and the world.
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Deux nouveaux mystiques : le sacré selon Bataille et Sartre
Serge Zenkine
p. 47–58
RésuméFR :
Les relations littéraires entre Jean-Paul Sartre et Georges Bataille, y compris l’article de Sartre sur L’expérience intérieure de Bataille (1943), montrent leurs convergences et divergences sur la question du sacré non-religieux. Sensibles aux expériences extatiques, ils interprètent différemment la connaissance, l’expérience et l’écriture du sacré. Sartre, en critiquant Bataille, cherche à distinguer deux attitudes intellectuelles devant le sacré, intérieure (existentialiste) et extérieure (scientiste) ; Bataille les tient pour inséparables. Sartre, dans ses oeuvres littéraires et philosophiques, isole deux aspects affectifs du sacré (le bonheur et l’angoisse), en les relatant dans différents textes ou dans différents passages d’un texte ; Bataille au contraire les réunit, montrant l’ambiguïté du sacré. Sartre parle du sacré dans des récits bien bâtis ou dans des traités systématiques, tandis que Bataille emploie une écriture fragmentaire, un « sacrifice des mots ». Si le premier traite le sacré théoriquement, à distance, le second le fait pratiquement, se plaçant au coeur de l’absolument autre.
EN :
The literary relations between Jean-Paul Sartre and Georges Bataille, including Sartre’s article about Bataille’s Inner Experience (1943), display their convergences and divergences on the question of the non-religious sacred. Both authors acknowledged but differently interpreted the experience, understanding and writing about ecstatic experiences. Sartre, criticizing Bataille, tries to distinguish two cognitive attitudes towards the sacred: the inner (existentialist) and the outer (scientific); Bataille claims they are inseparable. Sartre’s literary and philosophical works isolate two affective aspects of the sacred (delight and anxiety), referring to them in different texts or parts of texts, while Bataille attests to a oneness with ambiguous aspects. Sartre presents the sacred in well-structured narratives or systematic treaties while Bataille’s writing is fragmentary, a “sacrifice of words.” Sartre takes a theoretic, remote view of the sacred, Bataille goes to the core of the absolute otherness.
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Martyrs pacifistes dans une foule mystifiée : Jacques Thibault et Philippe Grésigne face à la mobilisation
Claudia Bouliane
p. 59–81
RésuméFR :
Le 1er août 1914, le gouvernement Poincaré décrète la mobilisation générale. Jacques Thibault, héros de L’été 1914, avant-dernier livre des Thibault de Martin du Gard, voit son pacifisme ébranlé par l’acquiescement subit de la foule parisienne à l’entrée en guerre de son pays. Convaincu qu’il suffirait d’un choc pour « réveiller la conscience des masses » endoctrinées par la propagande militariste, il décide de se sacrifier pour la cause de la paix universelle.
Le 24 septembre 1938, le gouvernement Daladier décrète la mobilisation partielle. Philippe Grésigne, dont la fugue occupe plusieurs segments du Sursis, deuxième tome des Chemins de la liberté de Sartre, se résout alors au destin de martyr pacifiste : il dénoncera la guerre sur les places de Paris jusqu’à ce qu’un « grondement de refus [roule] d’un bout à l’autre de la foule, comme un tonnerre ».
Malgré leur facture divergente et leur compréhension difficilement compatible de l’engagement, les deux oeuvres ont en commun leur représentation d’un adolescent en rupture de ban face à la population parisienne unifiée en foule par un même élan de panique. Jacques et Philippe prétendent saisir cette occasion unique de basculement social pour gagner la communauté internationaliste des pacifistes, mais cela ne se fait pas sans heurt. La présente étude propose d’interroger conjointement les scènes de mobilisation dans ces grands cycles romanesques de la première moitié du xxe siècle afin d’éclairer les mécanismes mis en oeuvre par les deux personnages pour défendre leur identité personnelle menacée par l’assimilation à un groupe, dont ils souhaitent l’appui mais non la contrainte.
EN :
On August 1st 1914, the Poincaré government decrees general mobilization. Jacques Thibault, the hero of Summer 1914 (Martin du Gard’s second to last volume of The Thibaults) sees his pacifism shaken by the sudden acquiescence of the Parisian crowd as France enters the war. Convinced that a shock is needed to “awaken the conscience of the masses” indoctrinated by militaristic propaganda, he determines to sacrifice himself to the cause of universal peace.
September 24, 1938, the Daladier government orders a partial mobilization. Philippe Grésigne, whose act of fleeing is narrated in several segments of The Reprieve (the second volume of Sartre’s The Roads to Freedom trilogy), chooses the fate of pacifist martyr, loudly denouncing the war in the streets of Paris until a “rumble of refusal [rolls] like thunder from one end of the crowd to the other.”
Despite their divergent styles and differing perspectives of the engagement, which are difficult to reconcile, both works depict a young man railing against a Parisian public united as a crowd in sudden panic. Jacques and Philippe claim to seize the opportunity offered by this social upheaval to join the internationalist community of pacifists. But things don’t go smoothly. This paper examines the mobilization scenes depicted in these two major novels of the first half of the 20th century, analyzing the mechanisms used by the protagonists, each of whom tries to preserve their personal identity from group assimilation, seeking support but not coercion.
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Numance, Bataille et les fins de la violence théâtrale chez Sartre
John Ireland
p. 83–101
RésuméFR :
La mise en scène de la tragédie de Miguel Cervantès, Le siège de Numance, en 1937, par Jean-Louis Barrault — reprise en 1965, l’année où Sartre signe sa dernière création théâtrale, Les Troyennes — et les réactions qu’elle suscita, notamment chez Georges Bataille, nous accorde une perspective inédite sur le problème inextricable et vexant de la violence chez Sartre. Alors qu’à l’instar du dramaturge de l’Occupation et de l’après-guerre, le militant s’acharne à soutenir la violence révolutionnaire et l’insurrection armée des opprimés dans leurs luttes pour la justice sociale, les dernières pièces de Sartre témoignent d’un pessimisme intellectuel grandissant quant au rôle salutaire de la violence pour assurer le succès des luttes révolutionnaires. Il rejoint ainsi — à sa manière — Bataille pour qui une révolution au pouvoir est une révolution trahie. Pourtant, à la différence de la mythologie religieuse de Bataille, le courant messianique dans la pensée théâtrale de Sartre révèle un optimisme inattendu qui nous aide à comprendre pourquoi l’activiste poursuit la lutte anticolonialiste pendant les années 1960 alors que l’aventure littéraire et théâtrale prend fin.
EN :
Jean-Louis Barrault’s staging of Miguel Cervantes’s tragedy, The Siege of Numancia, in 1937 — a production restaged in 1965, the year in which Sartre produced his final work for the stage, The Trojan Women — and the critical responses it elicited, particularly from Georges Bataille, offer us an original angle from which to consider the intractable problem of violence in Sartre’s thought. Whereas the militant activist — like the dramatist of the Occupation and Post-War years — firmly believes in revolutionary violence and armed insurrection in support of social justice, Sartre’s final plays betray a much more pessimistic assessment of violence as an effective element of revolutionary struggle. In his own way, Sartre arrives at Bataille’s conclusion that a victorious revolution is a betrayed revolution. But in contrast to Bataille’s idiosyncratic religious mythology, the messianic strain underlying much of Sartre’s theatrical thought harbors an unexpectedly optimistic kernel which helps us understand why the activist continued and even intensified his anti-colonialist activities in the 1960s even as the literary writer and dramatist fell silent.
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Sartre et la photographie : autour de la théorie de l’imaginaire
Nao Sawada
p. 103–121
RésuméFR :
Bien qu’il existe de nombreuses études consacrées au thème de Sartre et l’art, la photographie reste encore aujourd’hui un sujet quasi inconnu, voire ignoré. Il est vrai que les mentions de la photographie sont plutôt rares et succinctes dans les textes philosophiques de Sartre. Nous pouvons constater le même phénomène dans les oeuvres romanesques. Pourquoi cette absence ? Qu’est-ce qui explique cette haine de la photo ? Pour répondre à ces questions, nous nous proposons d’analyser le rapport de Sartre à la photographie. Dans un premier temps, nous passons très brièvement en revue la théorie de l’image développée dans L’imagination et L’imaginaire. Dans un deuxième temps, nous examinons les rares scènes où apparaissent les photos dans ses romans. Dans La nausée, Antoine Roquentin a apparemment pris beaucoup de photos pendant ses voyages autour du monde. Mais il parle de ses photos de souvenirs comme des faux passés ou comme un vestige de son véritable vécu. Dans Les chemins de la liberté également, les photos ne jouent qu’un rôle anecdotique et négatif. C’est surtout dans Les mots que nous pouvons trouver les passages les plus significatifs sur la photographie. En se souvenant de son grand-père « photogénique », Sartre brosse le portrait caricatural d’un homme prisonnier de sa propre image charismatique. Et, en contrepartie, il souligne la découverte de sa laideur physique, en se référant à ses photos d’enfance. Ainsi, les photos sont presque toujours convoquées comme des métaphores négatives dans ses textes littéraires. Dans un troisième temps, nous analysons « D’une Chine à l’autre », la préface à l’album de Henri Cartier-Bresson, qui est l’unique texte que Sartre ait consacré à la photographie. Même si l’on ne trouve pas de théorie explicite sur la photo dans ce texte, nous pouvons repérer ce que Sartre apprécie dans certaines photos. Ainsi, à travers cette démarche, nous tâchons, d’une part, de mettre en lumière quelques aspects mal connus du Sartre esthéticien et, d’autre part, de faire une psychanalyse existentielle de Sartre homme à travers sa réticence par rapport à la photographie.
EN :
While many studies have been devoted to Sartre and art, even today there is virtually no reference to photography. Sartre’s philosophical texts only rarely or briefly mention photography, and the same holds true for the novels. Why this absence? What explains this retreat or hatred of the photo? To answer these questions we examine Sartre’s relationship with photography, first briefly reviewing the theory of the image developed in The Imaginary. Secondly, we explore the rare instances where photos are mentioned in his novels. In Nausea, Antoine Roquentin apparently took many photos during his world travels, but he refers to these photo-souvenirs as false pasts or relics of the real experience. In The Roads to Freedom, photos play only an anecdotal and negative role. However, Sartre’s most meaningful passages on photography can be found in The Words. In recalling his “photogenic” grandfather, Sartre depicts a caricatural picture of a man imprisoned by his own charismatic image. By contrast, he references his own childhood photos to emphasize the discovery of his own physical ugliness. Photos are therefore almost always presented as negative metaphors in his literary texts. Thirdly, we analyze “From One China to Another,” namely, the preface to Henri Cartier-Bresson’s album which is the only text that Sartre devoted to photography. While this text gives no explicit theory about photography, we can discern what Sartre likes about certain photos. This helps us shed light on little known aspects of Sartre the aesthete while also providing some insight into an existential psychoanalysis of Sartre the man through his reticence towards photography.
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Entre Sartre et Flaubert : les fictions de Jacques Rancière
Solange Guénoun
p. 123–141
RésuméFR :
Après avoir brièvement évoqué le rôle considérable que joue Sartre dans la trame existentielle et la pensée du philosophe Jacques Rancière, cette étude s’appuie entre autres sur un article de Libération paru en 2000 pour mettre en évidence ses manières de faire, de penser et d’écrire avec Sartre lecteur de Flaubert. Cette intervention médiatique cherche d’abord à prendre ses distances avec le jeu consensuel qui divise Sartre contre lui-même et oppose l’écrivain génial au militant délirant. En revanche, il s’agit pour Rancière de marquer à la fois sa proximité et son éloignement irréductible de la conception sartrienne de la politique de la littérature. La « passivité » et la « pétrification » sont alors les deux signifiants majeurs de sa lecture de Sartre qui, d’une part, réduisent considérablement les milliers de pages et les années de labeur consacrées par Sartre à Flaubert, et occultent bien des convergences, des formulations. Mais qui, d’autre part, rendent hommage au philosophe de la liberté et « ami de l’égalité », par le retour inattendu qu’il opère à sa question inaugurale qu’est-ce que la littérature ?, discréditée par des décennies de théorie littéraire. Ainsi pétrification et passivité sont pour Sartre les traits de la volonté de ne rien dire, du nihilisme bourgeois, anti-démocratique, de l’art pour l’art. Rancière en fait des « homonymes », qui signifient exactement le contraire, puisque le « livre sur rien », l’indifférence au sujet, l’égalité radicale de tout, du point de vue du style, sont les marques mêmes de fabrique du roman démocratique illustré par Madame Bovary. Rancière serait-il alors l’un de ces petits-fils imaginés par Sartre dès 1946, « orphelin abusif » qui utilise ses écrits pour ses propres besoins ? Ou au contraire, construirait-il ainsi une résistance à l’oeuvre, qui, en la réactualisant de manière critique, la renforce et l’enrôle au service de ce qu’on pourrait appeler l’« immortalité d’étagère » des livres, rêve de l’enfant Sartre, et désir sur lequel le philosophe anti-bourgeois ne cède pas ?
EN :
After briefly acknowledging the major role that Sartre played in existentialism and the thought of the philosopher Jacques Rancière, this article references, among others, an article in Libération that appeared in 2000 to elucidate the practice, thinking and writing of Sartre as reader of Flaubert. It takes a distancing approach to Sartre’s divided self (the brilliant writer vs. committed militant). With Rancière, however, the proximity is highlighted, albeit with retreat from the Sartrian concept of the politics of literature. “Passivity” and “petrification” are thus the two major signifiers in Sartre’s reading, inordinately dismissing the thousands of pages and many years of work that Sartre devoted to Flaubert and also neglecting the convergences and formulations. Nonetheless, tribute is paid to the philosopher of freedom and “friend of equality” with an unexpected return to Sartre’s initial question What is literature?, a question discredited by decades of literary theory. For Sartre, petrification and passivity are characteristic traits of the will to say nothing, of bourgeois nihilism, of the anti-democratic, of art for art’s sake. Rancière formulates “homonyms” to this which signify the exact opposite, since, in terms of style, the “book on nothing,” indifference to the subject, radical equality of everything, are cut from the same cloth as the democratic novel exemplified by Madame Bovary. Would Rancière then be one of those offspring that Sartre envisioned from 1946, the “abusive orphan” whose writings serve his own needs? Or, on the contrary, would he thus create a resistance to the work by critically reactualizing it, instead reinforcing and enrolling it in the service of so-called bookshelf immortality (“immortalité d’étagère”), the dream of the child Sartre… and a desire the anti-bourgeois philosopher would never relinquish?