Résumés
Résumé
L’article propose une réflexion sur la notion médiévale de « fabliau », sur la physionomie ambiguë et complexe des recueils médiévaux et sur les critères que la critique moderne utilise pour interpréter la littérature du Moyen Âge. On se concentre sur le ms. Paris, BNF, fr. 2168 : un recueil médiéval issu d’un projet éditorial unitaire, où l’on envisage néanmoins la présence de plusieurs manipulations ; on essaye de les analyser et de reconstruire, dans la mesure du possible, son assemblage original. Cette reconstruction permet tout d’abord de réfléchir sur l’agencement original des textes et sur les dynamiques intertextuelles que le recueil présente. Le croisement entre les données codicologiques et celles qui concernent les contenus permet quelques considérations à propos des destinataires du volume : le format et la mise en page du manuscrit, sa typologie, les textes qu’il contient, ainsi que le rapport étroit qu’il entretient avec le Nord-Est, amènent à supposer qu’il était adressé principalement à un public de laïcs désireux de s’instruire, voire aux milieux urbains qui étaient en train de se développer à l’époque. La réflexion portant sur les dynamiques intertextuelles permet de mieux comprendre comment ce public pensait et lisait la tradition littéraire de son époque. L’analyse des étiquettes génériques appliquées aux textes dans les rubriques du manuscrit permet enfin de formuler quelques considérations sur la question, toujours assez discutée, de la notion de « genre littéraire » au Moyen Âge et notamment sur la catégorie « fabliau ». Ensuite, on prend en compte la copie partielle du recueil faite au xviiie siècle par La Curne de Sainte-Palaye, conservée dans le ms. Paris, Arsenal, 2770. L’analyse de cette copie donne la possibilité de retourner à l’origine d’une tradition critique qui a contribué à la formulation des catégories que l’on utilise encore aujourd’hui pour interpréter le Moyen Âge et sa littérature.
Abstract
This article examines the medieval notion of “fabliau,” the complex and ambiguous structure of the recueils, and the categories used by modern scholarship to explain medieval literature. Particular attention is focused on MS Paris, BNF, fr. 2168 : this medieval recueil is the result of a joint editorial project which evidences the reordering that alters its original physionomy. Analyzing these alterations may signal a way to restore its original arrangement, insofar as possible. It also lets us consider the ordering of the original texts and the intertextual relationships that characterize the recueil. Aspects that point to the intended readership include the manuscript’s format size and layout (mise en page), the script, the textual contents and references to the north-eastern region, and suggest that this volume was made for a lay public, probably for the new urban milieus emerging at that time in northern France. An analysis of the manuscript rubrics containing the indications of title and literary genre for some of the texts included in the anthology raises some interesting possibilities about the medieval notion of “literary genre,” and in particular about what medieval readers might signify by the word fabliau. Finally, the article examines the partial copy of MS fr. 2168, made in the 18th century by Lacurne de Sainte-Palaye (MS Paris, Arsenal, 2770) : the comparison between the medieval manuscript and the modern copy lets us consider the origins of some categories often used by modern scholars to interpret and understand the Middle Ages and its literature.