Résumés
Résumé
Créé en partie pour rendre Rutebeuf (et sa poésie) plus conforme à l’image d’« ancêtre des poètes maudits » que lui ont façonnée les lecteurs modernes, le corpus qu’Edmond Faral et Julia Bastin, puis Jean Dufournet ont édité sous le titre de Poèmes de l’Infortune constitue un regroupement aussi problématique qu’anachronique. En effet, aucune preuve matérielle ne vient appuyer l’idée selon laquelle cet ensemble textuel aurait circulé au Moyen Âge sous la forme et le titre qu’on leur connaît aujourd’hui. L’étude des manuscrits ayant conservé les pièces de Rutebeuf fait plutôt ressortir un ensemble mouvant de réseaux textuels liant, d’un codex à l’autre, les textes aujourd’hui réunis sous le titre de Poèmes de l’Infortune à diverses pièces littéraires (qu’elles soient de Rutebeuf ou d’autres poètes), ainsi qu’à une variété de programmes éditoriaux. Le présent article propose d’étudier ces différents réseaux afin de restituer autant que faire se peut l’expérience que les premiers lecteurs de Rutebeuf ont pu avoir de ces poèmes. Il s’agira ainsi d’offrir une perspective de l’œuvre du poète distincte de celle, désormais bien connue, qui reconduit la filiation trop évidente entre Rutebeuf et ses homologues romantiques.
Abstract
Created partly in order to make Rutebeuf (and his poetry) conform to the image of the “poètes maudits’ ancestor” shaped by the author’s modern readers, the corpus which Edmond Faral and Julia Bastin, and later Jean Dufournet edited under the title Les Poèmes de l’Infortune (Poems of Misfortune) constitutes both a problematic and anachronic grouping. There is no material evidence to support the idea that this textual grouping circulated in the Middle Ages under the form and title we know today. Rather, a study of the manuscripts that have transmitted Rutebeuf’s works points to the existence of a series of textual networks in which the texts we now know as Les Poèmes de l’Infortune are connected in each codex to different literary works (by Rutebeuf or other poets), as well as to various editing projects. This article examines these textual networks in order to recreate, insofar as possible, the experience of Rutebeuf’s first readers of these poems. The aim is to discern a different perspective as alternative to the readings that assert a rather too obvious parallel between Rutebeuf and his romantic counterparts.