Résumés
Résumé
Réparti en deux volumes, que les éditeurs du xviie siècle intituleront respectivement « les dames illustres » et « les dames galantes », le Recueil des dames de Brantôme cherche à rejoindre des lectorats apparemment fort différents d’un volume à l’autre. Cette apparente disparité est à l’image du choix des dédicataires, le premier volume étant dédié à la soeur de Henri III, Marguerite de Valois (1553-1615), le second à son frère, François d’Alençon (1555-1584), héritier présomptif du trône jusqu’à sa mort prématurée. L’écart apparent entre les deux volets est si grand que la majorité des éditeurs modernes furent tentés de gommer cette différence, en ne retenant qu’une seule partie, celle des dames galantes. L’intérêt de l’oeuvre tient pourtant à ce qu’elle n’exclut pas que les dames illustres soient aussi galantes, le recueil nous donnant à voir les mêmes femmes, côté cour et côté alcôve. Ce qui expliquerait l’apparente disparité générique (au sens de gender) des publics lecteurs, les « dames illustres » s’adressant aux lectrices et étant destinées à leur servir de modèles, les « dames galantes » s’adressant à leurs amants dans une sorte d’Art d’aimer mis au goût du jour. Cet article s’attache d’abord à voir comment les éditions jusqu’à tout récemment ont rompu l’unité du Recueil des dames et passé sous silence les stratégies de construction du lectorat par la suppression partielle ou totale des dédicataires choisis par Brantôme. Il met ensuite en évidence la figure idéale de lecteur suggérée par les dédicataires respectifs des deux volumes et avance enfin que le meilleur lecteur, à l’image de la dame de l’escadron volant imaginé par l’auteur, est d’abord la personne qui, homme ou femme, lit successivement les deux parties du recueil et les met en relation.
Abstract
In two volumes designated by 17th-century publishers as “the illustrious ladies” and “the gallant ladies,” Brantôme’s Recueil des dames targeted a diverse readership with these two very different volumes, and their disparate dedicatees. The first volume is dedicated to the sister of Henri III, Marguerite de Valois (1553-1615), and the second to his brother, François d’Alençon (1555-1584), heir to the throne until his untimely death. The marked disparity between the two parts is such that most modern publishers are tempted to mute this difference by retaining one aspect only, that of the gallant ladies. The work’s interest, however, lies in depicting the illustrious ladies as gallant too, showing the same women at court and in the boudoir. This would explain the apparent gender disparity within the reading public, with the “illustrious ladies” geared to female readers and intended to serve as their models, and the “gallant ladies” intended for their lovers in a sort of modernized Art of Love. This article first explores how editions have, until very recently, betrayed the unity of the Recueil des dames and ignored readers’ construction strategies by either partially or totally suppressing Brantôme’s chosen dedicatees. It then highlights the ideal reader envisioned by the respective dedicatees of the two volumes, concluding that the best reader, personified by the author’s imagined “flying squadron” lady, is she or he who successively reads and relates the two parts of the recueil.