Volume 47, numéro 2, 2011 Le rire et le roman Sous la direction de Mathieu Bélisle
Sommaire (12 articles)
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Présentation : en quête du rire romanesque
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Meraugis de Portlesguez ou l’art de railler et de faire dérailler la mécanique du roman
Isabelle Arseneau
p. 21–37
RésuméFR :
On hésite encore à reconnaître que le roman médiéval (romance) est animé d’une volonté de contestation qui l’apparente aux romans plus tardifs (novel) qu’on a retenus comme signant l’acte de naissance du genre. Le roman en vers des xiie et xiiie siècles n’a pourtant pas toujours été dupe du « mensonge idéalisateur » (Thomas Pavel) : dès la fin du xiie siècle, on voit en effet apparaître plusieurs oeuvres dans lesquelles les motifs merveilleux font l’objet d’un traitement parodique, seule voie de renouvellement pour les vieilles merveilles de ces romans déjà vieux. Cet article se propose de voir comment les romanciers médiévaux qui s’amusent à ruser avec la merveille viennent en fait nous rappeler que depuis ses enfances le roman possède l’intéressante faculté de procéder, par le rire, à son propre examen critique.
EN :
We are sometimes slow to acknowledge that the medieval romance is infused with a contending spirit which is more clearly apparent in the later prose romance (novel) where it has been interpreted as signifying the birth of a new genre. For even the verse romances of the 12th and 13th centuries are not always taken in by the “idealizing fiction” (Thomas Pavel): starting from the 12th century we can see many examples in which the fabulous elements appear to be treated in a parodic fashion, as the only way to breathe new life into the old marvels of these already old stories. This paper will attempt to show how the medieval romances, by cleverly poking fun at these marvels, lead us to appreciate that from its infancy the romance embodies the interesting ability of using laughter as a tool to encourage a critical reexamination of itself.
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Parce que le rire est le propre… du roman ? La profanation romanesque de l’écriture à la Renaissance
Mawy Bouchard
p. 39–53
RésuméFR :
À partir de deux énoncés marquants de la théorie du roman, celui d’abord de Bakhtine, qui, dans L’esthétique et théorie du roman, fait du roman le genre de « la parole et de la pensée non officielles », celui ensuite de Pavel, qui, dans La pensée du roman, le proclame plutôt genre du grand nombre, l’auteure propose d’envisager le sens originel du terme, celui de « translation », qui ne dément pas le caractère à la fois rebelle et rassembleur du roman. Elle s’interroge sur le rôle du rire dans cette stratégie romancière qui vise, par une profanation comique de l’écriture, à susciter l’adhésion d’un lectorat néophyte à la cause du français conçu comme la langue naturelle de l’humaine condition, et ce, tout particulièrement dans les deux premières chroniques de François Rabelais, Pantagruel et Gargantua.
EN :
Taking two statements that stand out in the theory of the novel, first that of Bakhtin whose Esthétique et théorie du roman depicts the novel as the genre of “non-official speech and thought,” then Pavel whose La pensée du roman takes the popular collective view, the author focuses on the original sense of the term, that of “translation,” which maintains both the rebellious and rallying qualities of the novel. She explores the role of laughter in this novelistic strategy that uses a disparaging kind of humour to seduce a neophyte readership to the cause of French as the natural language of the human condition, particularly in François Rabelais’s first two Chronicles Pantagruel and Gargantua.
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« Humour cervantique » et « roman parodique » : réflexions sur le rire et le roman au xviiie siècle, à partir du cas de Tristram Shandy
Yen-Maï Tran-Gervat
p. 55–70
RésuméFR :
Cet article étudie les rapports entre rire et roman au xviiie siècle tels qu’ils se jouent dans la parodie, à la lumière de Tristram Shandy. Le chef-d’oeuvre humoristique de Sterne est ici envisagé comme un roman éminemment représentatif de son temps, malgré son indiscutable singularité, et sans doute par le biais de son usage original de la parodie sous tous ses aspects. On souhaite montrer que la parodie, dans son rapport avec l’écriture romanesque, repose moins sur un rire lié à l’exclusion satirique que sur un rire d’inclusion humoristique, où se joue notamment le sens de l’intertextualité cervantine, si importante pour le roman du xviiie siècle ; ce faisant, on fait aussi le point sur la distinction parfois trop schématique entre les notions anglaises de « romance » et « novel » : le rire d’inclusion lié à la parodie est en effet un des éléments contribuant à une vision du roman du xviiie siècle comme intégrant toujours à des degrés divers ces deux tendances apparemment antithétiques.
EN :
This paper looks at the relationships between laughter and the novel in the 18th century, their interplay in parody, as exemplified by Tristram Shandy. Sterne’s unique and humourous masterpiece, so original in its use of parody, is seen here as eminently typical of his era. The attempt is to show that parody in romance or novel writing relies less on satiric laughter than on comic laughter, that of a generalized Cervantesque intertextuality in the 18th century novel. A certain distinction is made between the English notions of the romance and the novel: the inclusive laugh linked to parody is indeed one of the elements of the 18th century novel that allows the merging of two seemingly antithetical tendencies, if in varying degrees.
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Le rire comme volonté et comme représentation : Hugo, L’homme qui rit et le « lecteur pensif »
Maxime Prévost
p. 71–82
RésuméFR :
On sait que le rire fait l’objet de représentations dépréciatives tant chez Victor Hugo que chez la plupart des romanciers romantiques. Cet article qui s’intéresse au roman L’homme qui rit (1869) explore le paradoxe suivant : si Hugo considère le rire comme un phénomène essentiellement négatif, manifestation soit de cruauté, soit de souffrance, il cherche néanmoins à susciter le rire du lecteur. Il y a bien volonté humoristique chez Hugo, même si sa représentation de l’homme qui rit est toujours critique. Le personnage d’Ursus, sorte d’autoportrait en savant vieillissant, est emblématique de cet écart entre la théorie et la pratique, qui se joue très souvent autour de ces « effets de savoirs » dont Hugo est prodigue, c’est-à-dire de cette fausse érudition confinant à une forme de voyance humoristique.
EN :
Like most Romantic novelists, Victor Hugo scorns laughter and levity. This paper concerning the 1869 novel L’homme qui rit scrutinizes the following paradox: while Hugo considers laughter as an essentially negative phenomenon, a manifestation of either cruelty or suffering, he nevertheless strives to make his readers laugh. Victor Hugo is indeed a humoristic writer, even though his representation of laughter is invariably critical. The character of Ursus, a portrait of the artist as an aging erudite, is emblematic of this contradiction between theory and practice, a contradiction that often stems from Hugo’s mock-knowledge of things past and humoristic visions.
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Le rire théologique de Franz Kafka
Philippe Zard
p. 83–99
RésuméFR :
Peut-on rire en lisant Kafka et, si c’est le cas, de quoi rit-on ? Qu’est-ce qui rit en nous alors même que La métamorphose, La colonie pénitentiaire, Le procès ou Le château se sont acquis la réputation de fictions cauchemardesques ? Par réaction contre l’esprit de sérieux qui ramène ses romans à des allégories, certains critiques choisissent de mettre en lumière la force comique de Kafka. On se tromperait cependant en opposant les deux dimensions de l’oeuvre, car l’humour omniprésent n’y est aucunement dissociable de sa portée métaphysique. Le rire de Kafka est, entre autres, le surgeon inattendu — mais radicalement irrévérencieux et hétérodoxe — de la tradition talmudique, de sa conception d’une divinité en quelque sorte à la retraite, déléguant aux hommes l’administration du monde, pour le meilleur et pour le pire (et pour le rire), ou les laissant se dépêtrer dans de vertigineux ergotages exégétiques. C’est sans doute ce que pressentait Walter Benjamin lorsqu’il écrivait à Gershom Scholem : « j’imagine que celui qui verrait les côtés comiques de la théologie juive aurait d’un coup en main la clé de Kafka ».
EN :
Can we laugh reading Kafka and, if so, what are we laughing about? What in us laughs whilst The Metamorphosis, In the Penal Colony, The Trial and The Castle are so widely reputed as nightmarish? Setting aside the serious mindset that allegorizes Kafka’s novels, some critics also extoll a comic force in Kafka that still contains the metaphysical intent. This laughter arises unexpectedly, like a radical, heterodox offshoot, derived from the Talmudic tradition and the notion of an arms-length God, delegating to mankind the administration of the world, for better or for worse (and just for laughs too), to fend for themselves in their human quibbling. Walter Benjamin surely meant this when he wrote to Gershom Scholem: “I think the key to Kafka’s work is likely to fall into the hands of the person who is able to extract the comic aspects from Jewish theology.”
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Le rire perplexe : à propos de Belle du Seigneur d’Albert Cohen
Mathieu Bélisle
p. 101–108
RésuméFR :
L’étude de l’histoire du roman montre que, au contraire de la plupart des propositions théoriques formulées par les philosophes, le rieur n’est jamais séparé de son objet. Le personnage romanesque qui rit ou prend conscience de la nature risible de sa vie se trouve toujours engagé par le fait que cela même qui fait l’objet de son rire ne lui est pas indifférent, qu’il le concerne toujours de quelque manière, et qu’il ne peut donc pas jouir pleinement de la distance comme le ferait un spectateur devant une représentation comique. Il est lui-même partie prenante de ce théâtre, de cette vie qui se veut théâtre. C’est pourquoi le rire que le personnage fait entendre, qui d’ailleurs est peut-être le rire découvert par le roman, ou le mieux représenté par lui, n’est jamais un rire « plein », univoque — comme le rire de la farce ou le rire de l’extase —, mais un rire hésitant, double, qui ne manque jamais de souligner l’écart entre la pensée et l’agir, entre le désir de se détacher du monde pour se mieux comprendre et le besoin irrémédiable d’y vivre. C’est à cette découverte que nous convie, de manière exemplaire, Belle du Seigneur d’Albert Cohen.
EN :
A study of the history of the novel reveals that, contrary to most theories expounded by philosophers, laughter is never distinct from its subject. The character in the novel who laughs or senses the laughable nature of his life is implicitly aware of the personal nature of his laughter. Being part of it, he cannot wholly take pleasure in the same way as the spectator viewing the comedy from a distance. Instead he is cast and kin of this theatre of life unfolding. So the laughter that the character helps provoke, which may also be the laughter discovered or represented by the romance or novel, is never the outright laugh of the farce or of ecstasy, but rather a hesitant, even lukewarm laugh, caught in the divide between thinking and acting, between the desire to detach from the world so as to better understand it, and the irremediable need to live in it. Albert Cohen’s Belle du Seigneur invites us into this discovery in exemplary fashion.
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Il est permis de rire : note sur le roman québécois des années 1960
Michel Biron
p. 109–120
RésuméFR :
Dans Le roman à l’imparfait (1976), Gilles Marcotte conclut l’analyse d’Une saison dans la vie d’Emmanuel de Marie-Claire Blais par ces mots : « On peut rire, c’est permis. » Que signifie ce rire ? Comment se fait-il que ce rire soit si peu évident qu’il faille le faire apparaître, le révéler au lecteur, comme s’il n’était pas immédiatement perceptible ? Cet article pose cette question à partir du roman de Marie-Claire Blais, mais aussi du Libraire de Gérard Bessette et du Ciel de Québec de Jacques Ferron. Il postule que le rire qui sous-tend le roman québécois de la Révolution tranquille ne saurait se ramener à la définition du rire « carnavalesque » proposée par Mikhaïl Bakhtine et reprise par André Belleau et plusieurs autres critiques québécois. À l’instar de Pierre Popovic qui remet en cause la transposition de la notion de « carnavalesque » dans le contexte de la littérature contemporaine, la lecture développée ici rappelle à quel point le rire, dans les romans analysés, repose sur une distanciation ironique peu compatible avec l’idée de renversement carnavalesque. Il s’agit d’un « rire de tête » plus que d’un « rire de fête ». Un tel humour est aussi difficilement indexable sur l’idéologie nationaliste, car il renvoie l’individu à sa singularité et marque tout ce qui le sépare de sa collectivité. En cela, il permet de mesurer la liberté que se donne le roman québécois à l’égard des mots d’ordre de la Révolution tranquille.
EN :
In Le roman à l’imparfait (1976), Gilles Marcotte sums up his analysis of Une saison dans la vie d’Emmanuel by Marie-Claire Blais with these words, “We can laugh, it’s okay.” But what does this laughter mean? Why is it so rare that it must be coaxed out, as if not directly perceptible to the reader? This paper raises this question based on Marie-Claire Blais’s novel, as well as Gérard Bessette’s Le libraire and Jacques Ferron’s Le ciel de Québec. It postulates that the laughter underpinning the Québec novels of the Quiet Revolution is unlike the “carnavalesque” laughter proposed by Mikhaïl Bakhtin and echoed by André Belleau and several other Québec critics. Rather, like Pierre Popovic who questions whether the notion of “carnavalesque” reversal applies to contemporary literature, the above novels are analyzed to see if their ironic distancing is incompatible with the tumultuous notion of the carnavalesque. Their humour is more a “head laugh” than a “fun laugh,” based more on individual than collective sentiment, and hard to fit into the nationalist ideology. Herein a measure of the liberty enjoyed by the Québec novel with watchwords of the Quiet Revolution.
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L’usure du rire chez Réjean Ducharme
Élisabeth Nardout-Lafarge
p. 121–129
RésuméFR :
Le rire est l’une des stratégies anti-littéraires de l’oeuvre romanesque de Réjean Ducharme. Mais l’humour des narrateurs, plus ridicule que drôle, se caractérise par le recyclage des plaisanteries les plus banales, par le soulignement de mots d’esprit laborieux souvent désamorcés par leur explication, et la mise en scène d’une obligation de rire qui frise l’absurde. Dans le dérèglement de la langue, les romans produisent une usure du rire et exacerbent le dispositif pragmatique de l’humour dans une relation paradoxale avec le lecteur, à la fois invité à rire et empêché de le faire. Ce traitement du rire est analysé à partir d’exemples tirés de L’avalée des avalés, Le nez qui voque, La fille de Christophe Colomb, L’hiver de force et Les enfantômes.
EN :
Laughter is one of the anti-literary devices in Réjean Ducharme’s romanesque work. But the humour of the narrators, more ridiculous than funny, is characterized by a recycled outpouring of the most banal jokes, with laborious witticisms deflated by undue explanation, not to mention the obligatory laugh that tends to the absurd. In disrupting the language, the novels wear down the laughter and waylay the pragmatic device of humour in a paradoxical relationship with the reader, who is at once invited to laugh yet constrained to respond. This treatment of laughter is analyzed using examples from L’avalée des avalés, Le nez qui voque, La fille de Christophe Colomb, L’hiver de force and Les enfantômes.
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L’ironie romanesque entre l’involontaire et l’échec : une lecture de L’art du roman de Milan Kundera
Thomas Pavel
p. 131–137
RésuméFR :
L’art du roman de Milan Kundera considère Cervantès, Richardson, Diderot, Balzac et plusieurs romanciers du xxe siècle comme de grands novateurs qui ont donné au roman sa forme moderne. En suivant l’argument de Kundera, l’article examine deux genres d’ironie romanesque. Un d’entre eux, visible dans Jacques le fataliste de Diderot, souligne l’impossibilité des personnages de contrôler leur destin. L’autre examine les idéaux poursuivis par les protagonistes et insiste sur leur incapacité de les atteindre. Le destin de Lucien Rubempré dans Illusions perdues de Balzac en fournit un exemple. Le deuxième type d’ironie domine l’oeuvre de Flaubert et, au xxe siècle, acquiert une importance particulière chez Proust, Joyce et Thomas Mann.
EN :
Milan Kundera’s L’art du roman considers Cervantes, Richardson, Diderot, Balzac and various 20th century novelists as great innovators who helped define the novel in its modern form. Taking Kundera’s argument, this article examines two types of novelistic irony. One of these, apparent in Diderot’s Jacques le fataliste, stresses the impossibility of the characters to control their destiny. The other examines the ideals pursued by the protagonists and emphasizes their inability to achieve them. The destiny of Lucien Rubempré in Balzac’s Illusions perdues provides an example. The second type of irony dominates Flaubert’s work and becomes particularly important in the 20th century with Proust, Joyce, and Thomas Mann.
Exercices de lecture
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« Tous les livres du monde, excepté un » : L’influence d’un livre (1837), roman de la lecture
Claude La Charité
p. 141–163
RésuméFR :
Cet article propose de relire L’influence d’un livre (1837) de Philippe Aubert de Gaspé fils en tant que roman de la lecture qui problématise le rapport à l’écrit de la culture québécoise naissante. Tout le roman est en effet sous-tendu par deux pratiques de lecture concurrentes : la lecture intensive et la lecture extensive. Le protagoniste Charles Amand est le représentant par excellence de la lecture intensive, dévoyée, puisqu’il lit sans cesse Le Petit Albert. M. B***, prototype de l’homme des Lumières, est, quant à lui, l’incarnation de la lecture extensive, puisqu’il possède « tous les livres du monde, excepté un », allusion transparente à son adhésion à la libre-pensée qui n’a que faire de la Bible. Le futur gendre du protagoniste, Saint-Céran, est, lui, un lecteur mixte qui permettra à l’alchimiste raté de s’émanciper de la lecture servile et littérale de son grimoire grâce aux cadeaux qu’il lui offre à l’occasion de son mariage avec sa fille : le Dictionnaire des merveilles de la nature et une vingtaine de manuels des différents arts et métiers. Or, c’est dans ce don que réside l’explication de la conversion de Charles Amand à la lecture critique.
EN :
This paper proposes a rereading of L’influence d’un livre (1837) by Philippe Aubert de Gaspé fils as a novel serving to problematize the relation to books in the nascent Québec culture. The entire novel revolves around two concurrent modes of reading: intensive and extensive reading. The protagonist, Charles Amand, represents intensive reading par excellence, perpetually distracted, perpetually reading Le Petit Albert. Then there is M. B***, prototype of the Enlightened man, seen by de Gaspé as extensive reading incarnate, possessing “all the books in the world, except one,” an allusion to his adherence to free-thinking which clearly exempts the Bible. As for the future type of protagonist, Saint-Céran, he is a mixed reader who will help Charles Amand, the failed alchemist, to break free from a servile literal reading of abstruse books thanks to a gift of books, namely: the Dictionnaire des merveilles de la nature and some twenty manuals on arts and crafts, a truly liberating gift that explains how Charles Amand converted to critical reading.
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Les plaisirs des Dames (1641) de François de Grenaille : du Cours à la promenade
Laurent Turcot
p. 165–181
RésuméFR :
Le présent article a pour but de révéler comment la promenade a fait l’objet de discours normatifs visant à codifier son usage. L’exemple de François de Grenaille, auteur de l’ouvrage Les plaisirs des Dames, publié en 1641, permet de comprendre comment se mettent en place les discours visant à régler les sociabilités parisiennes et comment la promenade est de plus en plus considérée comme une pratique qui doit se réaliser conformément à l’honnêteté. Grenaille cible deux types de pratiques, soit la promenade qui se réalise au Cours-la-Reine et celle qui doit se pratiquer dans la nature. Il oppose ainsi deux types de divertissements, celui qui est conforme à la nécessité de « voir et être vu » et l’autre à la simple recherche d’introspection et de réflexion. L’oeuvre de Grenaille pourrait ainsi constituer les prémisses de cette tendance qui va se renforcer dans la seconde moitié du xviie siècle.
EN :
The aim of this paper is to explore how the promenade, or walk, served as a subject in normative discourse towards codifying its use. The example of François de Grenaille, author of the Les plaisirs des Dames published in 1641, shows how the discourse aligned with Parisian sociabilities and how the promenade became an increasingly genuine activity. Grenaille looks at two types of walk, the promenade at the Cours-la-Reine, and the nature walk. He contrasts the two types of leisurely practice, one involving the need to “see and be seen,” and the other as one that simply seeks introspection and reflection. Grenaille’s work may have set the stage for this trend that would become more definitive in the second half of the 17th century.