Volume 47, numéro 1, 2011 Les exceptions françaises (1958-1981) Sous la direction de Sylvain David et Pierre Popovic
Sommaire (11 articles)
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Présentation : il n’y a pas de fumée sans feu
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L’immunité de la France envers le fascisme : un demi-siècle de polémiques historiennes
Marc Angenot
p. 15–42
RésuméFR :
Les universitaires français, tout particulièrement l’historien René Rémond, ont longtemps nié la possibilité même de l’existence d’un fascisme français — et ce, en dépit de l’évidence que constitue le régime de Vichy — en arguant d’une « immunité » ou d’une « allergie » locale à cette idéologie d’importation. Des chercheurs étrangers, tout particulièrement l’Israélien Zeev Sternhell, ont au contraire démontré que, non seulement on trouve des idées « préfascistes » en France dès la fin du xixe siècle — et ce, émanant de grands noms comme Barrès, etc. —, mais encore ces idées seraient à la base même du fascisme italien et du nazisme allemand. Facteur aggravant : tous les anticonformistes des années 1930 (Emmanuel Mounier, notamment) auraient été « fascistes sans le savoir ». Une telle charge a bien évidemment suscité des réactions indignées en France. Cet article montre comment la polémique de longue durée est certes motivée par des questions d’honneur national et de dicible académique, mais relève surtout d’une incompréhension fondamentale entre histoire des faits et histoire des idées.
EN :
French academics, particularly historian René Rémond, have long denied the very possibility of the existence of French fascism—despite the obvious example of the Vichy regime—on the grounds of a local “immunity” or “allergy” to this foreign ideology. Researchers abroad, particularly the Israeli Zeev Sternhell, have on the contrary shown that not only are there “pre-fascist” ideas in France since the late nineteenth century—stemming from famous authors like Barrès, etc.—but that these ideas are in fact the very foundation of Italian fascism and German nazism. Aggravating factor : all of the anti-conformists of the 1930s (Emmanuel Mounier, notably) would have been “fascists without knowing it.” Such a claim has obviously provoked indignant reactions in France. This article shows how this long-term controversy is certainly motivated by considerations of national honor and academic taboo, but stems primarily from a fundamental misunderstanding between a history of facts and a history of ideas.
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Rapport sur une exception française : que peut le roman pour l’énarque ?
Sarah Sindaco
p. 43–58
RésuméFR :
L’École nationale d’administration fut créée en 1945 par le général de Gaulle et Maurice Thorez. À la suite de la défaite de 1940 et dans la fidélité à l’esprit de la Résistance, l’ENA doit incarner les valeurs républicaines et démocratiques françaises. Elle manifeste aussi le processus de modernisation qui est entamé à la Libération et qui est assuré par une nouvelle élite technocratique. Alors qu’immédiatement, l’ENA est devenue le symbole de « l’excellence à la française », il ressort des discours tenus à son sujet (discours médiatiques, rumeur sociale) que l’énarque est constamment tiré vers le stéréotype ou la caricature et est l’objet de polémiques et de critiques récurrentes. Omniprésente dans la vie publique française et l’imaginaire social national, la figure de l’énarque est cependant ectoplasmique dans le discours littéraire : dépourvue de consistance romanesque, elle est en effet peu présente dans la littérature légitime et généralement reléguée dans des productions marginales. Dans tous les cas, les représentations de l’énarque semblent cristalliser les ambivalences du rapport des Français au pouvoir à l’époque gaullienne.
EN :
The École nationale d’administration was created in 1945 by General de Gaulle and Maurice Thorez. With the defeat of 1940 and faithful to the spirit of the Resistance, the ENA had to embody French republican and democratic values. It also fostered the modernization instituted by the new technocratic elite at the time of the Liberation. While the ENA immediately became the symbol of excellence “à la française,” it is clear from the discourse about it (media discourse, social rumor) that the “énarque” is invariably stereotyped or caricatured and is a recurrent theme of controversy and criticism. Omnipresent in French public life and the national social imagination, the figure of the “énarque” is nonetheless ectoplasmic in literary discourse, having no romantic consistency and essentially absent in legitimate literature and generally relegated to marginal production. Representations of the “énarque” seem to crystallize the ambivalent relation of the French to power in the Gaullist era.
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Exceptions intellectuelles, ou comment Jean Borie et Henri Lefebvre ont évité le structuralisme
François Provenzano
p. 59–73
RésuméFR :
Le paradigme structuraliste peut être envisagé comme un mouvement d’opinion dominant dans la France des années 1960. À ce titre, il configure une normalité intellectuelle, à laquelle on peut opposer des exceptions. Cet article envisage deux de ces exceptions — Jean Borie et Henri Lefebvre — à travers le traitement qu’ils réservent au motif du couple. Quand ils évoquent les normes idéologiques et éthiques qui stigmatisent le « célibataire français » (chez Borie) ou sérialisent les « cybernanthropes » (chez Lefebvre), ces deux auteurs pointent des formes de terrorisme toujours bien d’actualité dans une société française des années 1960 très rétive à la déviance. L’exceptionnalité de ces auteurs est cependant également rhétorique : les discours de Borie et de Lefebvre recourent volontiers à un ethos fictionnalisant, qui développe une pensée utopique renvoyant dos à dos « progressistes » et « conservateurs ». C’est toute la charge politique de cette pensée qui sera refoulée par la génération successive, celle des « nouveaux philosophes » soucieux de liquider l’héritage structuraliste et, avec lui, toutes les formes de dissidence qu’il avait pu générer.
EN :
Structuralism can be considered a dominant trend in postwar France, shaping as it did an intellectual normalcy that lets us contrast exceptions. This paper focuses on two of these exceptions—Jean Borie and Henri Lefebvre—especially through the motif of the couple. Since they both stress ideological and ethical norms that condemn any “French bachelor” (Borie) or generate a mass-produced humanity (Lefebvre), these authors also stress a type of terrorism that existed in a sixties’ French society that still resisted any dissension. The exceptional nature of these authors is also rhetorical : Borie’s and Lefebvre’s discourses rely mainly on a fictional ethos and develop a Utopia that dismisses “progressives” and “conservatives” without explicitly favouring either. The next generation of philosophers will force back the political dimension of this thinking.
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Histoire et panache dans le cinéma de Michel Audiard au tournant des années 1960 (1958-1964)
Marion Froger
p. 75–91
RésuméFR :
Au tournant des années 1960, les films dialogués par Michel Audiard reposent sur une alliance détonante du panache et du trait d’esprit. Cette alliance relève-t-elle du modèle héroïque français, hérité de Rostand, mais accordé à celui de la Résistance qui fait un retour remarqué dans les films de guerre comiques et consensuels de cette époque ? L’objet de cet article est de montrer que le panache et le trait d’esprit qui caractérisent la verve dont Audiard gratifie tous ses personnages relèvent plutôt d’un souci de la sociabilité, à une époque où celle-ci a été considérablement fragilisée par les exactions et les hypocrisies de l’épuration, est menacée par l’impératif unanimiste entourant le retour du général de Gaulle au pouvoir en pleine crise algérienne, et transformée par le repli sur l’espace privé dû au mode de vie moderne qui s’impose à la fin des années 1950. Ce souci de la sociabilité place Audiard du côté des moralistes qu’il affectionne. Il faut rebâtir la sociabilité pour croire à nouveau aux liens possibles entre amis, voisins ou inconnus, tout en renonçant au modèle héroïque. L’alliance du panache et du mot d’esprit réintroduit la théâtralité perdue dans l’espace public dans les rapports privés tels qu’ils sont représentés dans les films, et permet de retrouver les plaisirs de la socialité. Les prouesses et les esbroufes verbales dramatisent les interactions et fabriquent une petite communauté de tiers qui inclut ou exclut le spectateur, témoin et juge du mot qui fait mouche. La communauté que créent ou projettent les films d’Audiard est associée au plaisir social du mot d’esprit (Freud) et surtout aux ridicules assumés collectivement. Parce qu’elle se forge dans l’échange, elle se limite à l’échange, sans considération d’un partage de valeurs qui fonde des communautés communiantes dont Audiard, Brassens et quelques autres de sa génération ont justement voulu que l’on se méfie.
EN :
In the early sixties, films featuring dialogue by Michel Audiard exploded with panache and wit. Was this exuberant combination a nod to the French heroic model, inherited from Rostand but tuned to that of the Resistance which made a comeback in comic and consensual war movies at the time ? This paper attempts to show that the snappy dialogue and wit that embue Audiard’s characters is more an appeal for sociability at a time when it had been much weakened by the abuses and hypocrisies of the “Épuration,” and was now threatened by the unanimous imperative of General de Gaulle’s return to power in the midst of the Algerian crisis, and the forceful changes in the private sphere of a modern lifestyle taking hold in the late fifties. This desire for sociability places Audiard alongside those moralists he admires. Sociability must be rebuilt to regain faith in the possible links between friends, neighbors and strangers, while abandoning the heroic model. The witty dialogue reintroduced a theatricality in the public space that had been lost, and in private relationships represented in films, thus revitalizing the pleasures of sociability. The verbal dexterity dramatizes interactions and produces a small community of others that includes or excludes the viewer, witness and judge of words that find their target. The community that Audiard’s films create or project is associated with the social pleasure of the joke (Freud) and especially the ridiculous borne collectively. Because it is forged through exchange, it is limited to exchange, regardless of the communities’ shared values which Audiard, Brassens and others of his generation viewed with suspicion.
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Une chic aventure électrique : la p(r)ose punk française
Sylvain David
p. 93–111
RésuméFR :
Si l’on en croit les historiens de la musique populaire, les vraies stars de la « punkitude » hexagonale ne seraient pas tant les groupes comme Métal Urbain, Asphalt Jungle ou Stinky Toys qui tentent — en s’inspirant de groupes britanniques comme Sex Pistols ou The Clash — d’implanter le mouvement en France, que les journalistes spécialisés qui oeuvrent à donner un sens à ce phénomène social et esthétique. Que retenir dès lors de cette étrange situation, où la prose devient l’élément le plus représentatif d’un courant essentiellement musical ? Dans le but de comprendre les tenants et aboutissants de cette « exception française », cet article se propose de relire des textes de trois des « théoriciens » de la punkitude hexagonale : « Je chante le rock électrique » (1973) d’Yves Adrien, L’aventure punk (1977) de Patrick Eudeline et Un jeune homme chic (1977) d’Alain Pacadis. L’exercice vise moins à situer le mouvement punk français en lui-même qu’à déterminer comment les auteurs en question le perçoivent, l’analysent à chaud et imaginent son destin. Un examen dynamique de la mise en forme de leurs textes permet ainsi de mettre en évidence le raisonnement qui les soutient, l’efficace de leur ton et, surtout, la façon dont ils renvoient les uns aux autres de manière à produire un micro-récit, plausible pour les années 1970, de l’histoire de l’émergence du punk en France.
EN :
According to historians of popular music, the real stars of French “punkitude” are not so much bands like Métal Urbain, Asphalt Jungle or Stinky Toys, who—inspired by British bands like Sex Pistols or The Clash—attempt to implement the movement in France, than the journalists who try to make sense of this social and aesthetic phenomenon. What can therefore be understood of this strange situation, where prose becomes the most significant aspect of an essentially musical trend ? In order to understand the ins and outs of this “French exception,” this article covers the texts of three “theorists” of hexagonal punkitude : “Je chante le rock électrique” (1973) by Yves Adrien, L’aventure punk (1977) by Patrick Eudeline and Un jeune homme chic (1977) by Alain Pacadis. This exercise seeks less to analyze the French punk movement in itself than to determine how the authors in question perceive it, analyze it in real time and imagine its fate. A review of the dynamics shaping their texts makes it possible to identify the logic that supports them, the effectiveness of their tone, and especially how they relate to one another to produce a micro-narrative, plausible for the seventies, of the history of the emergence of punk in France.
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Entre rébellion et convention : « l’exception » Albertine Sarrazin
Djemaa Maazouzi
p. 113–127
RésuméFR :
Albertine Sarrazin apparaît bel et bien comme une « exception française », un « hapax sociologique ». Engagée jusqu’au cou « dans une révolte individuelle que grâce à son talent, son intelligence, sa sensibilité, elle saura […] transmuer en littérature », cette reprise de justice a vendu des best-sellers : trois textes publiés chez Pauvert en 1965 et 1966 — deux écrits de prison, L’astragale et La cavale, puis La traversière. Dans les années 1960, cet écrivain ne s’est pas placé en dilettante entre le nouveau roman en pleine ascension et le roman réaliste ou psychologique dont la double tradition continue à s’imposer. Les moyens de son écriture sont d’abord ceux d’une motivation essentiellement venue de l’intérieur, contre un univers extérieur dont elle est bannie. La réclusion est d’abord constitutive de son écriture et c’est cet aspect, trop peu retenu par la critique de ses oeuvres ces dernières années, que cet article vise à examiner. Car cette écriture concerne avant tout un corps dont « l’âme » résiste en tentant d’échapper à l’autorité qui s’exerce sur lui par une punition qui en toute violence le prive de liberté.
EN :
Albertine Sarrazin indeed appears as a “French exception,” a “sociological hapax.” Fully committed “in an individual revolt that because of her talent, her intelligence, her sensitivity, will be […] transmuted into literature,” this recidivist has produced bestsellers : three texts published by Pauvert in 1965 and 1966—two prison writings, L’astragale and La cavale, then La traversière. In the 1960s, this writer did not position herself as a dilettante between the nouveau roman in full ascendancy, and the psychological realist novel whose dual tradition still prevails. Her writing draws primarily on a motivation that is principally from within, against an outside world that banned her. This confinement is primarily constitutive of her writing and it is this aspect, overlooked by recent critics of her work, that this article seeks to examine. Above all, this writing is that of a body whose “soul” resists by trying to escape the authority of a punishment whose tacit violence deprives it of freedom.
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Figures d’exception féminine dans les trois premiers romans d’Annie Ernaux
Nelly Wolf
p. 129–140
RésuméFR :
La modernisation de la France après la Seconde Guerre mondiale entraîne un mouvement de dissolution, réel ou souhaité, des classes populaires traditionnelles dans la nouvelle classe moyenne. Bien que la culture ouvrière demeure vivante dans les discours de la gauche marxiste et révolutionnaire, la notion et le mot même de peuple sont en déshérence. Les trois premiers romans d’Annie Ernaux — Les armoires vides (1974), Ce qu’ils disent ou rien (1977) et La femme gelée (1981) — reviennent de façon remarquable sur cette double fin corrélée du peuple et du mythe ouvrier, et son remplacement par d’autres modèles. Cet article a pour hypothèse principale que, sous l’influence des lectures de Pierre Bourdieu et de Simone de Beauvoir, dans les trois premiers romans ernaliens les modèles hérités de la valorisation de la vie populaire et ouvrière sont invalidés, tandis qu’ils évoquent un nouveau sujet de l’histoire potentiel et décrivent de nouvelles formes d’insertion, le premier lié à la condition féminine, les secondes à la réussite scolaire. Publiés entre 1974 et 1981, ces trois romans portent sur la société d’après-guerre et ses transformations en sorte que l’époque gaullienne y est comme prise en ciseaux, comme si la fin des Trente glorieuses se penchait sur ses commencements.
EN :
The modernization of France after the Second World War brought a dissolution, real or desired, of the traditional popular and working classes within the new Middle Class. Although working-class culture remained alive in the discourse of the Marxist and revolutionary left, the concept and even the term “the people” receded. Annie Ernaux’s first three novels—Les armoires vides (1974), Ce qu’ils disent ou rien (1977) and La femme gelée (1981)—express remarkably this dual demise of the people/worker mythology, and its replacement by other models. The main hypothesis of this article is that, under the influence of works by Pierre Bourdieu and Simone de Beauvoir, the first three novels by Ernaux serve to invalidate the inherited vaunting of the popular and working classes by evoking a new subject of history amid potential new forms of integration, the first relating to the Status of Women, the second to academic success. Published between 1974 and 1981, these three novels depict post-war society and its transformations, bracketing the Gaullist era, as if the end of the Glorious Thirty was considering its beginnings.
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Faire de sa vie une oeuvre d’art paralittéraire : quelques réflexions autour de la littérature-Mesrine
Benoît Denis
p. 141–155
RésuméFR :
Abattu le jour des Morts 1979 par la brigade anti-gang du commissaire Broussard, le truand Jacques Mesrine a longtemps défrayé la chronique médiatique et fait aujourd’hui figure de mythe. L’une des raisons de cette postérité tient sans doute à la capacité que le gangster a eue de se placer au centre d’une intense production textuelle, dont le noyau est sa propre autobiographie, significativement intitulée L’instinct de mort (1974). La trajectoire de Mesrine, conçue par le protagoniste comme un choix transformant sa vie en destin dont la fin est d’emblée connue, et la constante mise en scène de soi qui l’accompagne, se soumettent intégralement à un récit collectif préexistant, vaste intertexte paralittéraire que Foucault appelait la « saga monotone des grands criminels ». Le but de cette contribution est de montrer que, dans la conjoncture singulière des années pompidoliennes et giscardiennes, le « roman-Mesrine » mobilise successivement deux figures antithétiques : celle du « hors-la-loi », présentée comme ultime avatar de l’aventurier romantique ; et celle de « l’ennemi public », qui permet de transformer la révolte individuelle en cause politique.
EN :
Shot down on the Day of the Dead in 1979 by the anti-gang brigade of Commissioner Broussard, gangster Jacques Mesrine has long made headlines and is currently a mythic figure. One of the reason for this posterity is doubtless due to the gangster’s capacity to place himself in the center of an intense textual production, the core being his own autobiography, significantly titled L’instinct de mort (1974). Mesrine’s trajectory, devised by the protagonist as a choice turning his life into a destiny whose end is immediately known, and the constant staging of himself that accompanies it, submits fully to a pre-existing collective narrative, a vast paraliterary intertext that Foucault calls the “monotonous saga of major criminals.” The aim of this contribution is to show that in the specific circumstances of the Giscardian and Pompidolian years, the “Mesrine-novel” mobilizes two opposing figures : that of the “outlaw,” presented as the ultimate incarnation of the romantic adventurer, and that of the “public enemy,” which transforms individual revolt into a political cause.
Exercices de lecture
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Le mauvais sort d’André Beucler : amour et fatalité
Azucena Macho Vargas
p. 159–172
RésuméFR :
Dans Le mauvais sort, André Beucler nous raconte une histoire d’amour tragique. Deux jeunes gens qui ont une liaison compliquée découvrent la sincérité de leurs sentiments quand le bonheur est impossible pour eux. Dans l’article, on montre que si plusieurs éléments agissent contre les amants, c’est leur propre nature qui annonce leur perte. En effet, la fatalité agit contre un jeune homme velléitaire et immature et une jeune fille apparemment naïve, mais à la fois femme fatale.
EN :
In Le mauvais sort, André Beucler recounts a tragic love story. Two young people enmeshed in a complicated relationship discover their genuine feelings when happiness becomes impossible for them. In this article we show that while various factors act against the lovers, it is their own natures that seal their loss. Indeed, destiny deals its hand against an immature, irresolute young man and a girl at once innocent and femme fatale.
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Sur la dualité de Dedans d’Hélène Cixous
Akiko Ueda
p. 173–185
RésuméFR :
Ce premier roman de l’auteur comprend déjà un trait caractéristique de ses oeuvres. L’échange fréquent entre le sujet et l’objet, l’actif et le passif, la conséquence et la cause fait perdre à la narratrice ou à ce « je » sa place privilégiée. Dans ce roman dont le titre a déjà un double sens, quel rôle joue l’opposition ? La narratrice racontant la mort du père doute qu’il soit son image à elle ou le contraire. Que la narratrice invente l’objet, c’est l’objet qui l’incite à raconter. Le père et sa fille, ce qui est fini et ce qui réfléchit (relativise) ainsi ce dernier, sont interdépendants, unis dans leur séparation. Le mort peut toujours continuer à vivre grâce à la différenciation par le point de vue du dehors — la lecture qui différencie infiniment le même. Le pouvoir de la langue comme réflexion est celui de l’amour, le lieu de transit où s’opère le changement radical de point de vue, la fin est le commencement. L’ambiguïté du « dedans » ou l’unité de la narratrice avec son père dans la « prison » — unité qui maintient l’opposition dynamique — exprime l’écriture. L’insistance sur la relativité fait ressortir l’inattendu, l’instant dernier et décisif de l’alternative. Le style de Cixous est caractérisé par la réflexion, c’est-à-dire l’importance de l’opposition et du renversement, par la trace exposée, le dehors inappropriable dans le sens.
EN :
This author’s first novel already includes the characteristic touch of her work. Her frequent use of exchanges between subject and object, active and passive, and cause and consequence displaces the privileged place of the narrator or the “I.” In this novel whose title has a double meaning, what role does the opposition play ? The narrator, in recounting the death of her father, questions whether he is like her, or the opposite. The narrator invents the object, but the object sparks her narration. Father and daughter, the finality and the reflection, interdependent, relativity, united in their separation. The dead can continue to be, refracted by an external perspective that can be infinitely differentiated. The power of language as reflection is one of love, the place in transit where the radical change of perspective occurs, the end is the beginning. The writing expresses the ambiguity of the “inside” or the unity of the narrator with her father in the “prison”—unity that maintains the dynamic opposition. The insistence on relativity elicits the unexpected, the last and decisive instant of the alternative. Cixous’s style is characterized by reflection, in short, the importance of opposition and reversal, by the exposed trace, the outside inscrutable to the senses.