Résumés
Résumé
Le modeste et discret Hergé était en réalité, oserait-on dire, un créateur « médiatique », non pas au sens de « médiatisé », mais au sens où son oeuvre n’a cessé d’établir un dialogue foisonnant avec les médias (au sens le plus large qui soit). Artiste toujours de son temps, à l’image de son héros, Hergé faisait ainsi malgré lui, et sous la forme encore dénigrée de la bande dessinée, oeuvre de véritable reporter prompt à livrer, au sein des organes de presse pour lesquels il travaillait (Le Vingtième Siècle, ici, en l’occurrence), le climat authentique de l’actualité la plus brûlante — et la plus parlante pour les lecteurs. L’analyse génétique d’un seul album, L’Île Noire, historiquement capital car paru en 1938, dans la période trouble et tendue de l’avant-guerre, peut aisément illustrer par l’exemple les interférences nombreuses et prégnantes entre les mouvements de l’actualité socioculturelle (voire politique) et les Aventures de Tintin. Si l’intrigue peut rappeler certains épisodes de Zig et Puce, les célèbres héros du Français Alain Saint-Ogan, elle pioche en même temps dans les articles et les faits divers du Crapouillot ou du Vingtième Siècle pour susciter un personnage, un gag, une péripétie ou une ambiance. Hergé s’inspire pareillement du cinéma populaire, art alors en pleine expansion, et plus particulièrement des réalisations de Schoedsack et Cooper ou d’Alfred Hitchcock, sans jamais les plagier ni même les citer. Mieux qu’une suite de références précises et nommées à des faits ponctuels avérés et susceptibles (pour certains) de sombrer dans l’oubli, c’est bien la capacité de syncrétisme d’Hergé qui lui permet en effet, dès les années 1930, de restituer avec universalité le contexte socioculturel de son époque tout en inscrivant son oeuvre dans le temps.
Abstract
The modest and discreet Hergé arguably played to the media, not as “mediatized” but in the sense that his work continually sought a serious dialogue with all media. Attuned to his time, like his hero, the artist Hergé reported eloquently on the burning issues of the day, through the working press (Le Vingtième Siècle, referenced here), as well as the less esteemed comic strip. A general analysis of L’Île Noire (The Black Island), for instance, historically notable since it appeared in 1938 during the tense and troubled prewar period, is revelatory of allusions between socio-cultural incidents (i.e., political) and the The Aventures of Tintin. While intrigues surface in some episodes of Zig and Puce, the famous heroes of Français Alain Saint-Ogan, they are also referenced in articles and facts appearing in Crapouillot or Vingtième Siècle where characters, gags, events and ambiance are evoked. Hergé also drew on popular films, a growing art of the day, especially works by Schoedsack and Cooper or Alfred Hitchcock, without directly plagiarizing or even citing them. Going beyond specific references or topical names and facts, soon forgotten, it is Hergé’s skill at syncretism that enabled him from the 1930s, to depict the universality of the socio-cultural context of his era while writing within and of his time.