Résumés
Résumé
Sociologues et historiens de la famille décrivent la modernité comme la perte des communautés traditionnelles qui soudaient l’un à l’autre l’héritier et ses ancêtres. Pour s’inventer librement, l’individu moderne rompt les entraves du passé, mais cette libération est aussi vécue chez les écrivains contemporains avec culpabilité. Afin d’y remédier, ils font une place à la fois inquiétante et fondatrice aux spectres et aux revenants de la généalogie, qui étayent et disloquent la parole de l’héritier. C’est ainsi que Sylvie Germain et Jean Rouaud, Gérard Macé, Pierre Michon et Pierre Bergounioux sont des écrivains hantés. Ce sont autant d’héritiers dont les gestes reconduisent des vies antérieures, et dont les mots sont comme magnétisés par les parlures ou les inflexions des parents. Ces héritiers sont donc en quelque sorte à la fois dépossédés d’un passé familial qui n’est pour eux que ruines et deuil et possédés par ces êtres absents qui obsèdent leur conscience et parasitent leur parole. L’héritier est alors déchiré par la mélancolie, au point de se faire tombeau de ses ascendants. À travers la thématique spectrale, la littérature contemporaine analyse toute la situation ambivalente de l’individu contemporain, à la fois orphelin et parricide d’un passé familial, et les secousses inconscientes et linguistiques de cette perte.
Abstract
Sociologists and historians of family describe modernity as the loss of traditional communities that tacitly bound descendants with ancestors. In order to freely invent oneself, the modern individual breaks with the constraints of the past, but contemporary writers sense a certain guilt in this liberation. They act to resolve this by creating a space, at once disturbing yet inviting to the ghosts and spectres of genealogy, a space that both supports and distorts the words of the heir. In this way, Sylvie Germain and Jean Rouaud, Gérard Macé, Pierre Michon and Pierre Bergounioux are haunted writers. As heirs their gestures recall past lives and their words replicate their parents’ inflections and way of talking. They are dispossessed of a family past that to them represents ruin and grief, yet possessed by those absent beings who intrude obsessively on their consciousness and speech. They are heirs torn apart by a melancholy that extends to the grave of their ancestors. Contemporary literature vies with this spectral theme to analyze the ambivalent situation of the contemporary individual, both orphan and parricide of a family past, and the unconscious and linguistic upheavals that accompany this loss.