Résumés
Résumé
Quoique la critique ait unanimement enregistré une évolution essentielle du genre fantastique au xxe siècle, elle peine à s’entendre sur la nature de cette évolution plurielle. Postulant que le fantastique moderne tel qu’il a été circonscrit par Sartre puis Todorov constitue bien un nouvel avatar du genre, l’article se propose de revenir sur leurs analyses pour interroger tout à la fois la singularité positive de cet avatar et le rapport de dépendance et de continuité qu’il entretient malgré tout avec la tradition. Caractérisé par l’absence d’action et l’absence de réaction du protagoniste dans un monde devenu « tout entier bizarre », ce fantastique multiplie les signes précurseurs et les indicateurs génériques déceptifs, déjouant les attentes du lecteur. Devenu seul témoin de l’étrange, ce dernier est ainsi conduit à réduire ces incohérences par l’interprétation, cependant que le texte, par l’activité symbolique déficiente qu’il déploie, tend à lui refuser le statut d’interprète pour rendre l’étrange à sa littéralité singulière. Le fantastique moderne, qui livre son lecteur à l’indéterminé à travers la mise en déroute successive de ses compétences pragmatique, générique et herméneutique, apparaît finalement le moyen pour le texte de synthétiser l’insignifiant dans sa banalité.
Abstract
Although critics unanimously signaled the essential evolution of the fantastic genre during the twentieth century, there was no consensus as to the real nature of this evolution. Assuming that the “modern fantastic” as exemplified by Sartre and Todorov, is truly a new avatar of the genre, this article resumes their analyses and questions both the positive uniqueness of the modern fantastic, and its dependence on and continuity with tradition. The modern fantastic, identified by the protagonist’s absence of action and reaction in a world that becomes “essentially bizarre,” jolts the reader by upsetting his expectations, with innumerable foreboding deceptions and false generic indices. The reader alone witnesses the strangeness of the story and ultimately retreats from these narrative issues. Yet the story continues relentlessly, deploying an inchoate mass of symbols that tend to baffle the reader-interpreter, compounding the strangeness through its idiosyncratic literalness. The modern fantastic condemns the reader to a kind of vagueness, by successively disabling his pragmatic, generic and interpreting skills. This finally appears to be the meaning in which the story synthesizes insignificance through its very monotony.