Résumés
Résume
Parce que l’influence du symbolisme a conduit plusieurs membres de l’École littéraire de Montréal à envisager la poésie selon un paradigme musical (la musique, affirmait déjà Louis Dantin à propos de Nelligan, « est frère de son rythme et de sa mélancolie »), la critique ne s’est jamais véritablement penchée sur la manière dont les poètes canadiens-français des dernière décennies du xixe siècle ont emprunté à la peinture certains motifs. Or s’il fallait identifier la façon la plus répandue de concevoir l’ut pictura poesis à l’aube de la modernité québécoise, ce serait non pas en fonction du paysage, comme on pourrait s’y attendre, mais plutôt en fonction du portrait. En portant une attention particulière aux poésies de Charles Gill et d’Émile Nelligan, le présent travail vise à comprendre les enjeux littéraires, poétiques et esthétiques du portrait. Loin de correspondre à l’ekphrasis, le poème-portrait définit en creux une manière d’envisager la création artistique ; il amorce une réflexion sur la continuité entre l’image et la parole, le voir et le dire. Le portrait, plus précisément, conduit au silence ; parce que sa présence se manifeste in absentia, selon une formule de Jean-Luc Nancy, il est porteur d’une conception moderne de l’image.
Abstract
Since the influence of symbolism lead many members of the École littéraire de Montréal to consider poetry from a musical paradigm (music, asserted Louis Dantin about Nelligan, “is the brother of his rhythm and his melancholy”), critics have not paid much attention to the way French-Canadians poets of the late 1800’s borrowed some motifs from painting. Further, if we were to identify the most common way to conceive the old idea of the ut pictura poesis at the dawn of the Quebec modernity, it would not be as a function of the landscape, as we might expect, but rather as a function of the portrait. Paying attention to Eudore Évanturel, Charles Gill and Émile Nelligan’s poetry, this article wants to understand the literary, poetic and aesthetic stakes of the portrait. Far from being limited to the ekphrasis, artistic creation in the portrait-poem takes a distinct implicit form as it considers the continuity between images and words, between the seeing and the saying. The portrait, most precisely, leads to the silence ; because his presence appears in absentia, as Jean-Luc Nancy says, it brings a modern conception of image.