Résumés
Résumé
Depuis une vingtaine d’années, le théâtre québécois apparaît marqué par l’affirmation d’un nouvel imaginaire linguistique : celui du plurilinguisme. Contrastant avec la norme antérieure de l’unilinguisme, l’usage de langues étrangères dans un texte dramatique et scénique a souvent été interprété par la critique comme un reflet mimétique ou symbolique de la réalité cosmopolite actuelle. Le présent article vise à dépasser cette lecture référentielle pour étudier les vectorisations poétiques du procédé dans deux pièces emblématiques : The Dragonfly of Chicoutimi de Larry Tremblay et La Trilogie des dragons, oeuvre collective coordonnée par Robert Lepage. Adaptée au théâtre, la notion de stratégie textuelle formulée par Lise Gauvin pour le plurilinguisme romanesque permet de dégager certaines des fictions identitaires construites par les rapports de conflit et de contact des langues dans la dramaturgie québécoise. Le paradigme identitaire se révèle toutefois insuffisant pour rendre compte de la dynamique dramaturgique du plurilinguisme dans les deux pièces étudiées. En effet, dans chacune des pièces, la communication interlinguistique s’inscrit dans des registres psychique et thématique qui soulignent la résonance intime plutôt que sociale des langues en présence. Tout en renouvelant l’imaginaire social de la langue, la stratégie textuelle du plurilinguisme constituerait ainsi un vecteur aussi inattendu que privilégié d’une poétique du théâtre de l’intime dans la dramaturgie québécoise contemporaine.
Abstract
For the past twenty years, Québec theatre has been characterized by a new linguistic imaginary, that of multilingualism. The striking contrast with the former unilingual norm persuades most critics to consider the use of foreign languages in Québec drama as a mimetic or symbolic reflection of today’s cosmopolitan reality. This paper seeks to go beyond such a referential reading by studying the poetic networks of multilingualism in two significant plays—Larry Tremblay’s The Dragonfly of Chicoutimi, and The Dragons’ Trilogy, a collective work under the direction of Robert Lepage. Although the concept of textual strategy developed by Lise Gauvin for the analysis of novelistic multilingualism is helpful in defining some of the identitary fictions generated by language conflict and contact in Québécois drama, such an identitary paradigm proves inadequate to express the multilingual dynamics of the two selected plays. Indeed, in each of these plays, interlingual communication takes place within psychological and thematic boundaries that underline the intimate rather than the social impact of the various languages used by the characters. Thus, while renewing the social imaginary of language, multilingualism as a textual strategy also appears to be an unexpected yet privileged way of connecting contemporary drama in Québec to what Jean-Pierre Sarrazac calls the “théâtre de l’intime” (“intimate theatre”).