Résumés
Résumé
Assia Djebar, qui est l’une des écrivaines les plus connues de la littérature maghrébine actuelle, a exploré de façon exemplaire les difficultés pour une femme algérienne musulmane et, qui plus est, issue de la colonisation française de s’abandonner à l’écriture de soi. Bien que L’amour, la fantasia soit son premier livre dit autobiographique, la lecture ici proposée tente de montrer qu’à l’instar de l’essai autobiographique de Jacques Derrida, Le monolinguisme de l’autre, ce « roman » expose davantage une réflexion sur l’impossible autobiographie qu’il n’expose la vie de son auteure. Cet article se penchera sur les différents procédés utilisés par Djebar dans ce récit au croisement de la « vérité » et de la fiction : l’inclusion du discours historique, l’intégration des récits oraux, la mise en scène d’un « Je » pluriel ; autant de procédés impersonnels qui transgressent l’autobiographie au sens restreint de sa définition. En outre, si écrire c’est déjà sortir de soi — « Je est un autre » selon la maxime rimbaldienne —, s’écrire en langue française, pour Djebar, c’est aussi prendre conscience que l’écriture autobiographique ne peut finalement qu’être une mise à nu voilée.
Abstract
Assia Djebar, one of the best-known and prolific female Magrebi writers of the moment, has explored, in an exemplary fashion, the difficulties for a Muslim Algerian woman to write about herself using the language of the former French colonizer. Although, L’amour, la fantasia is said to be her first autobiographical book, the following article proposes to read this “novel” as a literary work which, like Jacques Derrida’s autobiographical essay Le monolinguisme de l’autre, offers a reflection on the impossibility of writing an autobiography rather than exposing the life of its author. I shall examine how Djebar seeks to transgress the classical definition of an autobiography by intertwining “truth” and fiction (incorporating, in her narrative, the historical accounts of French soldiers and the oral testimonials of Algerian women), as well as using the first person singular as plural and collective. Furthermore, if writing is always a way of experimenting oneself as another — “Je est un autre” once wrote Rimbaud — for Djebar, writing an autobiography in the language of the Other also means that exposing herself can only occur through a sort of veiling.