L’automne 2004 marque le centième anniversaire de naissance du poète français Jean Tortel. Auteur d’une oeuvre poétique et critique trop peu connue, Tortel est encore considéré aujourd’hui comme un poète marginal en comparaison, par exemple, des Ponge et Guillevic, avec lesquels il a entretenu des relations d’amitié et des échanges littéraires. Son oeuvre se compose d’une trentaine de recueils de poésie, de deux romans, de quelques ouvrages de prose sur le langage et l’écriture, ainsi que de plusieurs études sur des poètes (modernes et contemporains) et sur la littérature des xvie et xviie siècles. Membre actif de la revue Cahiers du Sud, Tortel a contribué à diffuser la création de jeunes poètes et à commenter l’actualité éditoriale. Ses intérêts diversifiés manifestent un désir constant d’approfondir la question du langage poétique dans ses multiples facettes historiques, critiques et formelles. Né à Saint-Saturnin-lès-Avignon (Vaucluse) en 1904 de parents instituteurs, Jean Tortel a vécu la presque totalité de sa vie dans cette région. Après avoir passé son baccalauréat en 1921 puis, l’année suivante, le concours de l’Enregistrement, il entre dans l’administration française. Il rencontre Jeanne-Marie Dupeuple, mieux connue sous le nom de Jeannette, et tous deux se marient en 1926. Cette même année, il fait la connaissance de Jean Royère, fondateur des revues La phalange et Le manuscrit autographe, qui lui donnera l’occasion de publier, en 1928, son premier poème. En 1931, il fait paraître chez Albert Messein un recueil de poésie, Cheveux bleus. Après avoir occupé un poste pendant quatre ans dans le nord-est de la France, Tortel est nommé en 1938 à Marseille où il rencontre Jean Ballard, l’un des membres fondateurs des Cahiers du Sud. De cette rencontre naît une longue collaboration — Tortel sera membre du comité de rédaction de cette revue de 1945 à 1966, année où elle cesse de paraître. En 1947, il publie un premier roman, Le mur du ciel (Robert Laffont). Il s’installe en 1964 aux Jardins neufs, résidence avignonnaise qui deviendra le lieu privilégié où il exerce son regard et se consacre à l’écriture. L’année suivante, il publie Villes ouvertes chez Gallimard, qui accueillera également Relations (1968), Limites du regard (1971), et Instants qualifiés (1973). Par la suite, ses travaux, de nature variée, paraîtront chez divers éditeurs. En 1979, il assiste au colloque « Clancier, Guillevic, Tortel » qui se déroule à Cerisy. Seghers lui consacre en 1984 un volume de sa collection « Poètes d’aujourd’hui », écrit par Raymond Jean. Le poète reçoit la même année le prix France-Culture pour son ouvrage Feuilles, tombées d’un discours (André Dimanche) puis, en 1986, le prix national de Poésie pour l’ensemble de son oeuvre. Il est décédé le 1er mars 1993. La démarche littéraire de Jean Tortel se fonde principalement sur trois champs d’investigation : l’espace, la perception et le vers. Depuis son premier recueil de poésie, Tortel n’a cessé d’observer, d’imaginer et de saisir les lieux qu’il habite et qui l’habitent — le jardin étant son lieu de prédilection. Quel que soit le genre qu’elle ait emprunté, son oeuvre est motivée par le désir d’écrire ce qui se présente au regard et ce qui anime l’espace. Le regard, véritable ligne de conduite chez cet écrivain, est ce par quoi les choses se manifestent et s’introduisent dans l’univers du sujet. Il est constamment associé à l’écriture — pensons seulement à certains autres titres comme Explications ou bien regard (1960) et Le discours des yeux (1982) — qui se présente comme …