Résumés
Résumé
Qu’advient-il si l’on prend le paganisme de Machiavel au sérieux ? On considère ici la différence radicale que cela introduit dans la conception du temps. Le texte des Discorsi de Machiavel manifeste cet écart partout d’une façon diffuse et l’énonce explicitement en II.II. D’abord, il emprunte assez servilement à Polybe sa doctrine de l’anacyclose pour appeler les Florentins de la fin du xve siècle à restaurer leur virtù antica. Il donne ensuite un traitement dilemmatique à la comparaison historique entre anciens Romains et Florentins renaissants. Par définition, le temps cyclique accentue l’exemplarité des temps héroïques : la répétition enferme toute l’activité humaine dans la sphère terrestre où elle ne peut durer que dans la mémoire collective et civique. Au contraire, le temps linéaire chrétien génère un dédoublement temporel : la conscience privée doit se désinvestir du destin terrestre pour s’identifier au sort éternel de l’âme promise à un au-delà. Gloire civique contre salut éternel. Citoyen virtuoso contre homo viator. Le paganisme du Florentin est une nécessité de sa pensée politique.
Abstract
What is the consequence of taking Machiavel’s paganism seriously ? The present article studies the radical difference which the question creates in the conception of time, particularly in the Discorsi, in which Machiavel, following Polybius, tries to convince the Florentines of the late fifteenth century to go back to the virtù antica and compares the old Romans to the Florentines of the Renaissance. Cyclical time increases the exemplarity of heroic times : caught by repetition, human activity can only survive through civic and collective memory. On the contrary, the linear time of christianity produces a temporal split : private consciousness must disengage itself from its earthly destiny in order to identify with the eternal fate of the soul. In proposing civic glory and the figure of the virtuoso citizen against eternal salvation and the homo viator, Machiavel’s paganism seems to be a necessity of his political thought.