Résumés
Résumé
Les contrats de transfert de gestion des ressources naturelles et les protocoles bioculturels communautaires (PBC) sont deux outils communautaires (community-based) actuellement expérimentés à Madagascar. Ils s’inscrivent dans le cadre de la ratification de la Convention sur la Diversité Biologique (CDB) et du Protocole de Nagoya. Les seconds sont plus récents et relèvent du cadre juridique sur l’Accès et le Partage des Avantages (APA). Sortes de chartes écrites par lesquelles les communautés codifient ou précisent les conditions d’accès à leurs ressources et savoirs associés, les PBC sont aussi des répertoires de traditions et de règles coutumières de gestion de leur patrimoine matériel et immatériel. Selon leurs promoteurs, les PBC permettraient de renforcer le dispositif de décentralisation de la gestion des ressources, notamment en consolidant le droit à l’autodétermination des communautés. Toutefois, des questions se posent quant à l’impact des dispositifs sur l’organisation institutionnelle et le fonctionnement interne des communautés. Centré sur l’étude du cas des communautés de Mariarano et de Betsako, dans la partie nord-ouest de l’île, l’article montre que, en dépit de leur dimension bottom-up et participative, ces dispositifs ont profondément modifié les structures locales et coutumières de gestion de l’espace et des ressources comme en témoigne la « personnification » qui s’exerce sur les institutions communautaires et que l’on explique par la volonté de l’État et des financeurs de rendre « lisible ».
Abstract
Natural resource management transfer contracts and community biocultural protocols (PBC) are two community-based tools currently being tested in Madagascar. They are part of the ratification of the Convention on Biological Diversity (CBD) and the Nagoya Protocol. The latter are more recent and come under the legal framework on Access and Benefit Sharing (ABS). As types of written charters by which the communities codify or specify the conditions of access to their resources and associated knowledge, the PBCs are also directories of traditions and customary rules for the management of their tangible and intangible heritage. According to their promoters, PBCs would make it possible to strengthen the mechanism of decentralization of resource management, in particular by consolidating the right to self-determination of communities. However, questions arise as to the impact of the mechanisms on the institutional organization and the internal functioning of the communities. Focused on the study of the case of the communities of Mariarano and Betsako, in the northwestern part of the island, the article shows that, despite their bottom-up and participatory dimension, these devices have profoundly modified the structures local and customary management of space and resources as evidenced by the “personification” exerted on community institutions and which is explained by the desire of the State and funders to make “legible”.
Corps de l’article
Introduction
Terrain d’expérimentation d’outils de conservation de la nature en vogue depuis les années 1990 (Chaboud, Froger et Méral 2009; Méral et Requier-Desjardins 2006), Madagascar est désormais qualifiée de « véritable cas d’école », voire décrite comme « un acteur courtisé du processus de marchandisation de la nature, aux enjeux économiques désormais mondialisés » (Blanc-Pamard, Pinton et Ramiarantsoa 2013)[5]. Les réflexions qui suivent en fournissent une nouvelle illustration, en prenant comme objet d’analyse deux outils de conservation expérimentés dans le pays depuis la ratification de la Convention sur la diversité biologique (CDB) en 1993[6] : le Transfert de gestion des ressources naturelles (TGRN) et le Protocole bioculturel communautaire (PBC).
Le TGRN avait fait son entrée dans l’arsenal juridique malgache en 1996 à travers la Loi Gelose[7]. Qualifiée d’« innovation institutionnelle importante » (Sarrasin 2009), « pionnière en Afrique » (Chaboud et al. 2009), cette loi avait le mérite de reconnaître la place des communautés locales dans la protection des ressources naturelles, dont notamment leurs droits coutumiers sur les terres et les ressources, en permettant ce que Maldidier appelle « une réconciliation du légal et du légitime » (Maldidier 2001). Sa logique est celle de la gestion des ressources naturelles par les communautés (community-based natural resources management, CBNRM), comprise comme « un transfert de la gestion de jure de l’État sur certaines ressources naturelles renouvelables aux communautés locales qui exerçaient auparavant une gestion de facto sur ces ressources en fonctions de règles coutumières » (Antona et al. 2004 : 827, traduction libre). Elle se base sur un contrat tripartite[8], signé entre : i) l’administration forestière, ii) les « Communautés de base (Coba) » ou Vondron’olona ifotony (VOI), une nouvelle institution créée pour gérer les ressources naturelles et qui est censée représenter l’ensemble de la communauté locale, et iii) les Communes, qui constituent les collectivités territoriales décentralisées où les autorités administratives sont élues par les communautés (Pollini et al. 2014 : 174). Seuls les droits de jouissance et (une partie) des droits de gestion des ressources naturelles sont transférés aux communautés locales, en contrepartie d’obligations liées à l’aménagement durable des ressources (Chaboud et al. 2009 : 53). Les VOI peuvent, en plus des objectifs de conservation de la biodiversité, « tirer avantage des ressources en procédant à leur commercialisation et valorisation »[9] sous réserve du suivi du Plan d’aménagement et de gestion (PAG) et des cahiers des charges qui accompagnent chaque contrat de transfert de gestion. Toutefois, bien que le TGRN fasse miroiter une dimension participative et inclusive des communautés locales, les évaluations conduites sur l’outil s’accordent à dénoncer la marginalisation du fokonolona (l’ensemble de la communauté) au profit des VOI, réalisant ce qui s’apparente à une forme d’accaparement par les élites (elite capture) (Bérard 2009; Pollini et al. 2014). Les autorités locales coutumières, ainsi que les Dina ou conventions sociales endogènes aux communautés locales, ont été transformés par des mécanismes institutionnels et des dispositifs normatifs étrangers aux communautés locales, apportés par des acteurs extérieurs, dont les ONG internationales qui ont financé la mise en place des TGRN – même si l’intention initiale était de renforcer les capacités institutionnelles des communautés locales dans la gestion des ressources naturelles.
Beaucoup plus récents, les Protocoles bioculturels communautaires (PBC) entrent assurément eux aussi dans la catégorie des outils de « conservation au niveau communautaire » (community level conservation), c’est-à-dire des instruments qui sont censés être produits par et pour les communautés elles-mêmes (Bannister 2009 : 295). Ils partagent notamment avec les TGRN l’idée que les communautés locales ont un rôle à jouer dans la conservation de la biodiversité. Ils s’en distinguent cependant en mettant singulièrement en avant la nécessité de protéger non seulement les connaissances, innovations et pratiques « traditionnelles » des peuples autochtones et communautés locales (PACL) qui sont « incarnées » dans leurs modes de vie, mais aussi et surtout les rapports complexes à la terre et aux territoires[10]. Sans pouvoir revenir sur l’émergence de cet outil au niveau international[11], il faut au moins souligner que les PBC s’inscrivent dans un contexte de montée en puissance du concept de diversité bioculturelle[12] et d’« intendance » (stewardship)[13] (Maffi 1999), et qu’ils reconnaissent « le lien d’interdépendance holistique entre l’humanité et les écosystèmes, ainsi que les obligations et les responsabilités des communautés autochtones et locales de protéger et de conserver leur rôle traditionnel d’intendants et de gardiens de ces écosystèmes par le maintien de leur culture, de leurs croyances spirituelles et de leurs pratiques coutumières »[14]. Les PBC sont décrits comme des chartes qui explicitent ou codifient les règles et procédures par lesquelles une communauté assure ordinairement la gestion de ses ressources et savoirs associés, et en régule l’accès. À Madagascar (et comme dans beaucoup d’autres endroits du Sud global), ils ont fait leur entrée à travers le Protocole de Nagoya, ratifié par le pays en 2014[15], et qui vise principalement la réalisation du troisième objectif[16] de la CDB sur le partage juste et équitable des avantages découlant de l’exploitation des ressources génétiques. Ils sont ainsi très étroitement liés à la réglementation d’Accès et partage des avantages (APA)[17], que le Protocole de Nagoya renforce considérablement. Les États doivent désormais s’assurer que, lorsqu’un bioprospecteur souhaite accéder à des savoirs détenus par des PACL ou des ressources génétiques sur lesquels le droit d’accorder l’accès à ces ressources leur est reconnu, il y a bien eu obtention du consentement préalable en connaissance de cause (CPCC) ou l’accord et la participation des peuples et communautés concernées[18]. Les « conditions convenues d’un commun accord » (CCCA) doivent ensuite garantir un partage juste et équitable des avantages[19] (Morgera, Tsioumani et Buck 2014). En mettant en oeuvre ces obligations, les États parties doivent tenir compte « […] du droit coutumier des communautés autochtones et locales ainsi que de leurs protocoles et procédures [...] »[20] – « protocoles communautaires » dont ils sont d’ailleurs invités à « appuyer » le développement[21]. Comme le Protocole de Nagoya l’énonce, ces protocoles doivent permettre aux PACL de préciser les conditions d’accès à leurs connaissances traditionnelles associées aux ressources génétiques, ainsi que les règles de partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation.
À Madagascar, le Programme PAGE/GIZ[22], a initié, entre 2015 et 2019, la mise en place du premier PBC pilote[23] dans les communes de Mariarano et de Betsako (région Boeny), au nord-ouest de l’île. Sept sites étaient concernés par le PBC, dont six disposaient déjà d’un VOI. Le PBC a été construit autour de la valorisation de la chaîne de valeur forestière Motrobe ou Mandravasarotra(Cinnamosma fragrans)[24], une plante endémique locale disposant de vertus médicinales importantes. Cette étude s’interroge d’abord sur les raisons de la mise en place de ces deux outils au même endroit. Nous avançons ici comme hypothèse de recherche que la superposition de ces deux outils révèle à la fois i) une forme d’opportunisme institutionnel, le PBC servant à remédier aux faiblesses identifiées de la gestion contractualisée des ressources, et ii) une concurrence entre le PBC et les transferts de gestion qui suscite la méfiance de l’administration forestière – méfiance compréhensible dans la mesure où les transferts de gestion sont encore insuffisamment encadrés par l’État et qu’ils sont toujours mal acceptés par les communautés locales (Fokonolona).
Cette série de questionnements prend un relief particulier si on prend la peine d’analyser de près les modèles théoriques de gestion collective des ressources qui animent chacun des deux outils. En se basant sur les catégories de modèles de conservation identifiés par David Mosse (1997 : 468‑469)[25] on peut dire que, schématiquement, le TGRN s’inspire largement du cadre néo-institutionnaliste et économiste, celui de l’ingénierie institutionnelle que l’on trouve chez Ostrom et une grande partie des représentants de l’École de Bloomington; quant au PBC, il relève bien plus de la tradition, de la valorisation des valeurs morales des communautés locales comme « ciment » de la gestion collective des ressources. Ainsi, au regard de cette typologie, cet article s’interroge sur l’effet de l’insertion du PBC dans le cadre néo-institutionnaliste de la Gelose sur le PBC lui-même. Par ailleurs, nous nous interrogeons sur l’impact du PBC sur la Gelose, pour en étudier ensuite les conséquences sur le fonctionnement interne de la communauté. Notre hypothèse est que le modèle néo-institutionnaliste et économiste sur lequel se base la gestion contractualisée a fini par influencer le PBC en le réduisant à n’être qu’un outil de pilotage institutionnel de la gestion contractualisée et un outil incitatif à la conservation des ressources. Pris dans les questions de coordination de l’action collective des sept communautés, le PBC de Mariarano et de Betsako est donc loin de remplir les fonctions que lui assignent ses promoteurs : être un outil de renforcement des droits bioculturels des communautés locales[26] basé sur une approche d’intendance (stewardship) qui défend le rôle de « gardien » de la biodiversité des populations locales et s’efforce d’élaborer un cadre de protection intégrée de leurs modes de vie, terres, territoires, ressources, culture, institutions et coutumes (Andersen 2016 : 131; 2017). Il parvient néanmoins à répondre efficacement à certaines faiblesses de la gestion contractualisée, mais non sans brouiller le cadre institutionnel existant (VOI, Fokontany et Fokonolona)[27].
Cet article débute par une brève description du contexte et du matériau, et des méthodes mobilisées pour la réalisation de l’étude, puis enchaîne sur une analyse des raisons pour lesquelles les deux outils se retrouvent au même endroit. Enfin, la dernière section s’interroge sur les effets de la superposition de ces deux outils, notamment du point de vue des communautés locales.
Méthodologies
L’objet de notre étude est focalisé sur le processus de développement du PBC de Mariarano et de Betsako[28] (Région Boeny) et son insertion dans la gestion contractualisée des ressources naturelles dans les sept communautés locales concernées (voir Carte 1). La Région Boeny au nord-ouest de l’île abrite principalement des forêts denses sèches, des savanes et des mangroves, ainsi que de nombreuses espèces de faune et de flore endémiques, malheureusement très menacées par des pressions anthropiques diverses. Parmi ces dernières, on note l’agriculture sur brûlis et les exploitations illicites de ressources ligneuses (bois énergie, bois d’oeuvre, surexploitation des mangroves) et non ligneuses (raphias et plantes médicinales dont le Motrobe) (Rives 2012).
En ratifiant le Protocole de Nagoya en 2014, Madagascar s’est engagée à mettre en place un cadre juridique national d’Accès et partage des avantages (APA). C’est ce qui a déclenché le processus de mise en oeuvre du PBC dans la mesure où ce dernier est considéré comme un outil idoine pour les procédures d’obtention du consentement préalable en connaissance de cause (CPCC) des communautés locales. Il a fallu alors sonder la pertinence de ce nouvel outil à l’échelle communautaire (GIZ 2020 : 33) à travers un cas concret – en l’occurrence le renforcement d’une chaîne de valeur pouvant répondre aux exigences APA – en vue d’alimenter les réflexions sur le cadre juridique national. Des études préliminaires ont été menées pour le choix de la chaîne de valeur à traiter et des communautés locales concernées, ce qui a conduit à l’identification des sept communautés locales, un choix notamment basé sur l’abondance en Motrobe dans ces sites. Cette plante est employée traditionnellement contre les infections respiratoires, gastro-intestinales (Schulte, Rücker et Lewe 1972), et contre la malaria (Randrianarivelojosia et al. 2003). Quant à l’huile essentielle, elle est connue pour ses propriétés antivirales, antibactériennes et antiangiogéniques; des propriétés qui la rendent intéressante non pas seulement pour l’industrie pharmaceutique mais aussi pour l’industrie cosmétique. Quelques entreprises privées s’approvisionnaient déjà en feuilles et en huiles essentielles dans les communes de Mariarano et de Betsako, dont Homeopharma et Aroma Forest[29], ce qui faisait de ces sites de bons candidats pour l’application concrète du mécanisme APA[30].
En 2012, la quantité d’huile essentielle brute de saro produite s’élevait à 490 kg, et à 1840 kg en 2016 (Schneemann, Kappers et Randriambololona 2019). Le rendement, mais aussi les propriétés chimiques des huiles essentielles, peuvent varier en fonction de la localisation géographique de la plante (Randrianarivelo et al. 2009). Celles de Tanandava et de Komany (commune de Mariarano) sont les plus prisées en raison du taux de substances actives réputé beaucoup plus important[31]. Cette grande potentialité de valorisation-exploitation est néanmoins contrebalancée par la menace sérieuse de perte de biodiversité causée par la mauvaise gestion des ressources auxquelles le PBC entend s’attaquer.
Les données qui alimentent le présent article ont été obtenues dans le cadre d’un dispositif de recherche-action qui a accompagné le processus de développement du PBC de 2015 à 2019 (voir Tableau 1).
Outre les observations menées durant l’ensemble du processus englobant à la fois des ateliers et réunions communautaires, ainsi que les ateliers de réflexions impliquant les acteurs du secteur public et du secteur privé, notre démarche se base également sur une revue systématique et critique des travaux et écrits portant sur les outils de transfert de gestion à Madagascar et les PBC développés dans d’autres pays. S’ajoutent des entretiens semi-directifs menés auprès des parties prenantes[32] impliquées de manière générale dans l’élaboration des PBC à Madagascar.
Genèse du PBC de Mariarano et de Betsako
Notre analyse débute par une cartographie des différents acteurs impliqués dans les deux outils, ce qui nous permettra par la suite de comprendre de quelles manières et pour quelles raisons il y a eu superposition des TGRN et du PBC au même endroit.
Derrière le développement du PBC de Mariarano et de Betsako se trouve d’abord la Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ)[42], par le biais de son programme environnemental : le Programme d’Appui à la gestion de l’environnement (PAGE/GIZ). Financée par le Ministère allemand de la coopération économique et du développement, la GIZ intervient à Madagascar dans quatre domaines spécifiques, dont la gestion communautaire des ressources naturelles et les mécanismes APA[43]. Pour la mise en oeuvre technique et opérationnelle du PBC dans les deux Communes, le PAGE/GIZ a noué un partenariat avec Natural Justice, une ONG internationale dont le siège se trouve en Afrique du Sud et qui fait partie de ce qu’on pourrait appeler les « élites globalisées de la bioculturalité » (Demeulenaere 2016 : 13). Cette ONG a joué un rôle majeur dans la diffusion des PBC à travers le monde (Bavikatte et Robinson 2011) et poursuit un agenda précis en matière d’APA et de défense des droits des communautés autochtones et locales. Natural Justice a également été associée au projet financé par The Darwin Initiative qui, porté par Bioversity International, a abouti au développement des deux autres PBC à Madagascar (à Analavory et Ampangalantsary) (Halewood et al. 2021). Soulignons enfin qu’au niveau international et en matière d’APA, la GIZ gère trois grands projets ayant comme objectif commun le développement de « chaîne de valeur de bio-commerce conformes à l’APA »[44] : l’ABS Capacity Development Initiative, BioInnovation Africa et les chaînes de valeur conformes à l’ABS en Afrique australe (ABioSA). Madagascar fait partie des zones d’intervention des deux premiers projets[45].
Si la GIZ a voulu initier un PBC pilote à Madagascar, c’est d’abord parce qu’elle a été entraînée par l’effet de mode autour de ce nouvel outil et la foi en sa capacité à concilier « biocommerce, mécanisme APA et consentement préalable en connaissance de cause » des communautés locales[46].
Moins d’un an après la ratification par Madagascar du Protocole de Nagoya (soit en 2015), la GIZ avait lancé des études préliminaires pour identifier quelques chaînes de valeur potentielles[47] et son choix s’est porté sur le Motrobe (GIZ 2015; Razanakolona 2015). En l’occurrence, la Région Boeny[48], et en particulier quelques communautés ayant déjà bénéficié de l’appui de la GIZ auparavant[49], regorgeaient de cette plante. Le Motrobe a notamment été choisi pour la raison qu’il était possible d’identifier une grande partie des acteurs pour chaque maillon de la chaîne et que cela pouvait faciliter l’approche expérimentale et la « boucle de rétroaction » (feed-back loop) que la GIZ et Natural Justice souhaitaient mettre en place. En effet, il s’agissait de développer un projet pilote destiné à alimenter les réflexions en cours du cadre juridique national APA, tout en ajustant et validant à l’échelle locale les choix faits au niveau législatif et réglementaire. Il s’agissait encore de pouvoir mesurer comment les communautés locales (les Fokonolona dans leur ensemble) réagissaient au nouvel instrument mis en oeuvre concrètement dans le cadre d’une chaîne de valeur qui concernait leur quotidien. Enfin, la situation sur place offrait l’opportunité unique de pouvoir mesurer l’impact du PBC sur les questions de consentement préalable et de partage des avantages dans les rapports intracommunautaires, mais aussi dans les relations avec les opérateurs économiques.
Parmi les sept sites pilotes choisis pour la mise en place du PBC, six disposaient de contrats de transfert de gestion. Seule la communauté de Tsakombezo ne dispose pas encore de VOI, quoique le processus soit en cours.
Le PBC a manifestement pris comme point d’ancrage les VOI. Une forme d’opportunisme institutionnel l’explique d’abord, dans la mesure où les VOI ont les faveurs de l’administration forestière[50]. Ils offrent un outil déjà opérationnel et bien connu et disposent surtout de la personnalité juridique (Bérard 2009 : 79). Ils regroupent, selon les cas, les habitants d’un hameau, d’un village ou d’un groupe de villages. Ils sont dotés de la personnalité morale de droit privé, à base associative (Bérard 2009 : 79). À la différence d’une association, toutefois, les VOI peuvent avoir un but lucratif et se livrer à des activités rémunératrices (Randrianarison et Karpe 2010 : 85). Ces activités doivent répondre à un double objectif de valorisation durable et de conservation des ressources naturelles, lequel est formalisé à travers le Plan d’aménagement et de gestion (PAG) des VOI et les Schémas d’aménagement communaux des communes[51]. Les PAG de ces VOI stipulent une possibilité de valorisation du Motrobe, suivant des systèmes de quotas de prélèvement et conditions de parafiscalité y afférentes[52].
Il y a aussi un dénominateur commun possible entre les deux outils, qui est la chaîne de valeur Motrobe. Mais il mérite d’être questionné. Si avec le TGRN, la plante constitue une ressource forestière objet de conservation et de valorisation gérée par les VOI dans le cadre de leur PAG, elle s’insère en revanche malaisément dans le périmètre du Protocole de Nagoya. En réalité, il est douteux que la chaîne de valeur en question relève vraiment des règles de l’APA telles que fixées par le nouveau cadre juridique établi suivant le Décret 2017-066 du 31 janvier 2017 portant réglementation de l’accès et du partage des avantages découlant de l’utilisation des ressources génétiques[53]. La raison en est qu’il ne s’agit pas (semble-t-il), pour les bioprospecteurs, d’utiliser la plante pour ses « ressources génétiques » dans le cadre d’activités de recherche et développement, mais de produire des huiles essentielles[54]. Toujours est-il que « par mesure de prudence » – selon les mots du Point focal national APA actuel[55] – dès qu’une ressource est pressentie comme pouvant être utilisée et valorisée en industrie pharmaceutique et cosmétique, l’État la traite comme faisant partie des « ressources génétiques »[56] et la considère comme relevant des dispositions de ce Décret.
Les VOI existants avaient déjà déployé une activité économique autour du Motrobe et noué des partenariats économiques avec des entreprises privées. À titre d’exemple, mentionnons Aroma Forest qui travaille depuis plus de quinze ans à Madagascar, et en particulier à Tsianinkira autour de l’exploitation des huiles essentielles de Motrobe.
En définitive, si le PBC a facilement trouvé sa place dans la zone, c’est qu’il a su répondre aux lacunes de la gestion contractualisée dont la principale a été décrite comme l’« absence de structuration des filières de produits forestiers » (Aubert et al. 2015 : 229). En l’occurrence, c’était surtout le flou et les confusions autour des procédures de délivrance d’autorisation de collecte (Rakotonanahary 2017; Rasoloarijaona 2015) qui figuraient parmi les griefs couramment dénoncés par tous les acteurs de la filière, donc à la fois communautés locales et opérateurs privés. Ce flou et ces confusions étaient décrits comme à l’origine de tensions, parfois anciennes :
(i) dans les rapports intra-communautaires, des tensions existaient entre les membres des VOI et les non-membres (le reste du Fokonolona), ces derniers accusant les VOI de s’approprier tous les bénéfices de l’exploitation en écartant du processus de délivrance des autorisations les responsables administratifs compétents à l’échelle du territoire. À Mariarano, par exemple, certains acteurs ont pu dire que « la forêt semblait n’appartenir qu’aux VOI » (tsy hoe lasa fananan’ny VOI ny ala). Les Sojabe, qui continuent d’exercer leurs pouvoirs coutumiers dans la vie sociale du Fokonolona, déploraient également leur marginalisation;
(ii) les communautés locales reprochaient aussi aux opérateurs privés de profiter de leur faiblesse et de leur illettrisme, en imposant des pratiques déloyales comme l’utilisation d’autorisations de collectes dont le délai avait expiré ou en utilisant des autorisations obtenues auprès du Ministère central[57] et donc au mépris des compétences de l’administration régionale et des autorités locales;
(iii) les autorisations de collecte ont enfin toujours réveillé les rapports de défiance des communautés locales à l’égard de l’État dont l’origine remonte à la période coloniale et en particulier à la pratique des hetra ou « taxes » diverses prélevées par l’administration coloniale[58].
Par ailleurs, les communautés locales se plaignaient du prix des feuilles collectées qui étaient fixés unilatéralement par les opérateurs privés. Ils étaient très bas (0,045 EUR/kg) comparativement aux longues heures de marche nécessaires pour les collecter. Une personne n’arrive à collecter en moyenne que 10 kg/jour[59], alors qu’il s’agit d’une activité d’appoint indispensable pour faire face à la période de soudure[60]. C’est d’abord à ces défis de la gestion contractualisée que le PBC entendait répondre.
L’insertion du PBC dans la gestion contractualisée
Il convient maintenant d’analyser sous deux angles l’effet de la superposition du PBC à la gestion contractualisée, d’abord en observant ce que les transferts de gestion font au PBC, ensuite en montrant ce que le PBC fait aux transferts de gestion.
Ce que le TGRN fait au PBC
Le TGRN constitue l’outil privilégié de l’administration forestière. Le PBC, quant à lui, n’est guère perçu par l’administration que comme un outil incitatif à la conservation de la biodiversité. En d’autres termes, c’est surtout l’aspect économique du PBC qui intéresse l’administration forestière : le mécanisme d’accès et partage des avantages laisse entrevoir une amélioration du niveau de vie des communautés – et c’est l’assurance à plus long terme, selon un récit qui persiste encore au sein de l’administration malgache[61], d’une réduction de la pression anthropique sur les forêts.
En revanche, d’un point de vue institutionnel, l’administration forestière le voit comme une menace à l’encontre du TGRN. Il ne faut pas oublier à cet égard dans quelles conditions le TGRN est apparu à Madagascar. C’est bien aussi parce que l’État n’a plus de ressources pour maintenir une gestion centralisée de ses forêts qu’un paradigme nouveau s’installe sous l’impulsion de la Banque Mondiale et des ONG internationales qui se font les nouveaux chantres de la participation (Peet et Watts 1996) : la décentralisation de la gestion forestière, lancée à partir des années 1990, au grand dam dans un premier temps de l’administration forestière. Très rapidement, le discours change, et le TGRN devient une « tentative de l’administration forestière d’internaliser les coûts de contrôle sur les ressources et les espaces » (Muttenzer 2006 : 34; Sarrasin 2009). On se rend compte, en effet, que, à défaut de ressources pour tout contrôler, le TGRN constitue alors un outil potentiellement efficace pour « faire adhérer les populations locales à un modèle d’organisation politico-administrative permettant un contrôle effectif de l’État sur les ressources naturelles et sur leur mise en valeur » (Sarrasin 2006). Ce mécanisme de contrôle est d’autant plus évident si on analyse de près les premiers débats qui ont animé les ateliers de mise en place de la Loi Gelose. Les premières versions de ladite loi avaient souligné l’importance de « s’appuyer sur les Fokonolona pour le transfert de la gestion des ressources naturelles, organes suprêmes des pouvoirs traditionnels locaux, qui ont démontré qu’ils étaient incontournables et que les Fokonolona constituent le point d’ancrage le plus évident et le moins conflictuel en matière de gestion locale des ressources naturelles renouvelables ». Mais un changement de « dernière minute » avait donné naissance à la transformation du Fokonolona en Vondron’olona ifotony (communautés locales de base) (Bérard 2009 : 79‑80). Outre la crainte des agents des services techniques de perdre une partie de leur pouvoir au bénéfice du Fokonolona, c’est l’essence même du Fokonolona – de nature mouvante et difficilement saisissable, et donc peu « lisible » – qui avait constitué la principale pierre d’achoppement (Bérard 2009 : 81)[62].
Dans ce contexte qui a permis à l’administration forestière de reprendre la main, il appartenait aux développeurs du PBC de faire preuve de prudence, autant dans les discours de présentation du PBC que dans son déploiement au niveau national et local, de manière à ne pas froisser l’administration forestière qui naturellement souhaitait privilégier le TGRN. Les discours se sont portés sur les intérêts économiques du PBC pour les communautés locales à travers la valorisation de la chaîne de valeur et ses potentialités en termes de renforcement institutionnel pour le TGRN. Présenté comme outil d’organisation de la communauté locale pour le dialogue et la négociation avec les entités extérieures (Lassen et al. 2018 : 59) – ce qu’il peut être aussi –, le PBC devient ainsi un outil pour répondre aux problèmes de coordination auxquels les VOI (et plus largement le Fokonolona) sont confrontés quotidiennement, qu’il s’agisse des relations intracommunautaires ou des rapports avec les opérateurs privés et l’administration forestière. Outre les problèmes d’autorisation de collecte entre membres d’une même communauté, c’est surtout le fait qu’un membre d’un VOI donné aille collecter dans les forêts gérées par d’autres VOI voisins qui pose problème. Le PBC s’est alors assigné comme objectif immédiat d’instaurer un dialogue entre les différents acteurs impliqués dans la chaîne de valeur. Il s’attarde d’ailleurs beaucoup sur la redéfinition et la redistribution des rôles de chaque entité communautaire dans la conduite de la valorisation des ressources naturelles renouvelables, au point d’aboutir à un nouveau montage institutionnel qui prend la forme du Kômity TVI. Ce comité est « garant de l’esprit du PBC et du respect des règles et procédures de prise de décision communautaire établi par le PBC » (PAGE/GIZ et Natural Justice 2018).
Le PBC reste ainsi prisonnier de la question du Motrobe (paradoxalement presque invisible dans le protocole, si ce n’est à travers quelques photos d’illustration) et du transfert de gestion. La quasi-totalité du document peut être lue comme un petit guide de renforcement des capacités locales et d’amélioration de la gestion collective des ressources. Outre le paragraphe V – « Engagement de la communauté locale pour la pérennisation et l’utilisation de la biodiversité », qui fixe les règles de choix collectif sur la période, les quantités de récoltes et les modes de récolte, et ébauche un dispositif de surveillance –, et le paragraphe VIII – « Règlement des conflits » –, l’essentiel du protocole tourne autour de la coordination du processus de décision entre Fokontany, VOI et communautés locales et le partage des avantages issus des activités de collecte (respectivement paragraphes II – « Mode d’octroi du consentement préalable pour la délivrance du permis » et VII « Mode de partage des avantages », qui sont les plus développés (Communautés locales de Mariarano et Betsako 2017).
L’effet le plus immédiat de l’attraction de la chaîne de valeur et des préoccupations liées aux susceptibilités de l’administration forestière, c’est que le PBC de Mariarano et de Betsako n’a pas pu investir la question de la bioculturalité, pourtant bien soulignée par les Lignes directrices Mo’otz Kuxtal dans son paragraphe 19 : « les protocoles communautaires donnent l’occasion aux communautés de mettre l’accent sur leurs aspirations en matière de développement à la lumière de leurs droits, et de définir pour elles-mêmes et pour les utilisateurs l’interprétation de leur patrimoine bio-culturel et, en conséquence, les bases d’une négociation avec différentes parties prenantes. En prenant en considération les liens existants entre leurs droits fonciers, la situation socio-économique actuelle, les préoccupations environnementales, le droit coutumier et les connaissances traditionnelles, les communautés sont ainsi mieux placées pour décider elles-mêmes comment elles entendent négocier avec différents acteurs »[63]. Résultat, tous ces aspects n’ont pas eu l’occasion d’émerger et de trouver réellement leur place dans le document. Le PBC est largement silencieux sur le renforcement des droits bioculturels des communautés locales, leur rôle de gardiennes ou d’intendantes de la nature[64]. Les enjeux liés à la tradition, au territoire et au patrimoine culturel n’affleurent que dans le titre du PBC[65] et à travers la référence au « territoire de vie »[66].
Même dans le cadre étroit du Protocole de Nagoya[67], qui reste imprégné du récit du Grand Bargain[68], la plupart des PBC développés ailleurs qu’à Madagascar s’intéressent généralement de manière accessoire à l’APA. En effet, la plupart du temps, l’enjeu principal reste la défense du patrimoine bioculturel de la communauté, d’où de nombreuses références à la terre, au territoire, à la tradition, aux coutumes, aux cosmovisions et au rôle des PACL dans la préservation de l’environnement (Rakotondrabe et Girard 2021). En cela, le PBC de Mariarano et de Betsako détone.
Ce que le PBC fait au TGRN
Le PBC a produit des effets positifs sur le transfert de gestion en renforçant le cadre institutionnel local et la coordination entre les différentes communautés.
Le ton est donné par la traduction en malgache de l’outil « Protocole bioculturel communautaire » par les communautés elles-mêmes. Elles l’ont baptisé Taridalana sy Vina Iombonana – littéralement, « Guide et vision commune », destiné à l’ensemble de la « communauté locale (Fokonolona) gardienne de la biodiversité et détentrice des connaissances traditionnelles ». Les premiers mots de la préface du PBC dans sa version malgache, empruntés à un proverbe malgache – « Comme un trépied brisé, une marmite inclinée; remettons d’aplomb ce qui ne l’est pas! [69]» – sont assez évocateurs. Elle marque bien que le PBC est développé pour améliorer ce que le TGRN seul n’a pas pu faire, notamment dans l’implication de l’ensemble de la communauté (le Fokonolona).
En effet, d’abord, le Fokonolona, laissé de côté par la Gelose (Bérard 2009 : 79‑80), retrouve dans le PBC de la vigueur. Il demande à être entendu et réclame son rôle originel de « régulateur de conflit », de « gestionnaire coutumier des ressources naturelles » et de « garant de la sécurité sociale » (TAFO MIHAAVO 2012, 2015, 2018). L’intégration du Fokonolona, rendue possible grâce aux dialogues enclenchés dans le cadre du processus de mise en place du PBC, a permis de remédier aux difficultés des VOI dans l’application du contrat de transfert de gestion[70] et notamment de faire respecter les conventions sociales ou les Dina traditionnels[71]. L’application du Dina (Gelose)[72] est parmi les points critiques les plus largement évoqués concernant les TGRN dans les sept sites du PBC (Rakotonanahary 2017 : 45). Hormis les questions de transparence économique du VOI[73] et les questions sociales, dont principalement les contraintes du fihavanana[74] et les questions de légitimité du VOI par rapport au reste du Fokonolona (Ratsirarson, Ranaivonasy et Raharinjanahary 2007 : 204), ce sont les carences dans l’approche et dans la mise en place des TGRN, notamment l’ignorance ou la méconnaissance des contextes sociologiques et historiques des communautés villageoises (Cooke et Montagne 2007 : 76), qui empêchent son acceptation par les usagers et donc remettent en cause son efficacité (Montagne et Rakotondrainibe 2007).
Ensuite, porteur d’une approche beaucoup plus inclusive intégrant les différentes catégories sociales[75] de la communauté, le PBC remédie à la fragilité liée au manque de légitimité du VOI causée par une faible représentativité des différentes catégories de population en son sein[76]. On le voit bien là où PBC appelle à une « union » pour sa mise oeuvre, « car l’union fait la force […] par conséquent, pour toute gestion des ressources naturelles […] nous encourageons les différents acteurs à se joindre à nous dans la mise en oeuvre de ce PBC […] ». Ceci a vite porté ses fruits, faisant du PBC l’un des rares outils qui a eu le soutien de toutes les forces vives des communautés locales et les autorités régionales et locales[77].
Dès lors, Fokontany[78], VOI et Fokonolona sont impliqués ensemble dans la prise de décision en matière de gestion des ressources, par le biais des assemblées générales villageoises qui permettent à chaque membre âgé de plus de 18 ans de s’exprimer. Avant le déploiement du PBC, de telles assemblées étaient réservées aux affaires politiques (par exemple lors des campagnes électorales) ou aux questions sociales et fiscales en rapport avec le Fanjakana ambony (État d’en haut) (par exemple, informations sur les impôts et taxes, campagnes de vaccination, etc.). Elles constituent désormais des pratiques suivies pour toutes les activités en lien avec la gestion des ressources naturelles et des connaissances traditionnelles associées, ce qui est assurément un bénéfice du point de vue de la gestion à plus long terme des ressources.
Le Kômity TVI, constitué en grande partie par des membres très actifs de la communauté[79], continue aussi de jouer un rôle important. Il sert de relais d’information entre les différentes catégories d’acteurs, ce qui a beaucoup facilité l’appropriation de l’outil PBC par les communautés locales, notamment dans un contexte où chacun des sept sites est éloigné géographiquement. Une des grandes particularités de ce comité réside dans le fait que ses membres ne viennent pas forcément d’une entité et ne représentent les intérêts d’aucune entité sauf ceux des communautés auxquels ils appartiennent (PAGE/GIZ et Natural Justice 2018).
Le PBC a aussi permis de clarifier pour chaque acteur les procédures d’octroi d’autorisation de collecte de produits forestiers. Il y a apparemment beaucoup plus de transparence, de partage d’informations et de dialogue entre les communautés locales, les opérateurs privés et la direction régionale de l’environnement et du développement durable (DREDD). Sur le plan procédural, l’avis préalable des communautés locales est dorénavant systématiquement requis par la DREDD pour la collecte de Motrobe, et ce avant toute poursuite des démarches pour l’obtention des conventions de collecte (PAGE/GIZ et Natural Justice 2018). Les opérateurs, afin d’entamer la procédure de demande de conventions de collecte auprès de l’administration forestière régionale, sont obligés de conclure un accord avec le ou les sites de collecte. Cet accord est obligatoirement annexé au « formulaire de demande de collecte » auprès de la DREDD, dont l’article 16 stipule que « l’exploitant est tenu de respecter le contrat passé avec les communautés locales à travers le Comité APA (Kômity TVI) et celui avec les VOI gestionnaires des ressources concernées », et l’article 17 ajoute : « l’exploitant doit s’engager à respecter les textes de réglementation sur l’APA une fois les textes promulgués »[80] (Figure 1). Ces dispositions n’étaient pas présentes dans la version du formulaire en 2014.
Le mécanisme d’octroi de l’autorisation de collecte permet dorénavant de garantir une meilleure traçabilité des demandes, ce qui n’était pas le cas avant. Désormais, les VOI et le fokonolona[81] contractent directement avec les entreprises voulant exploiter les ressources afin qu’il y ait un meilleur suivi du mécanisme APA. Ce nouveau système permet également de réduire l’emprise des intermédiaires économiques qui rallongent la chaîne au détriment des bénéfices accordés aux communautés locales (Figure 2).
Comme, pour l’heure, l’ensemble des sept communautés ne possède pas de VOI, la communauté locale – le fokonolona – reste le pivot du PBC. Peut-on pour autant parler du primat de la communauté locale sur le VOI en matière de prise de décision dans la mesure où le PBC prend expressément appui sur la structure du VOI? C’est dans une certaine mesure ce qui peut s’observer. Le fait que le PBC fasse ouvertement référence aux communautés locales en tant que gardiennes des ressources naturelles et détentrices des connaissances traditionnelles déborde le cadre normatif du transfert de gestion. À la réflexion, le PBC s’efforce de trouver un moyen terme en énonçant que : « la communauté dépend du VOI en ce qui concerne les ressources naturelles au niveau des régions où existe le transfert de gestion ». Puis, il vient préciser qu’« […] il y a aussi des ressources naturelles en dehors de la région du transfert de gestion, qui incombe à l’ensemble de la communauté[,] ainsi que les connaissances traditionnelles souvent connues par la communauté locale » (Communautés locales de Mariarano et de Betsako 2017 : Section I).
Néanmoins, au-delà de ces aspects assurément positifs, l’immixtion du PBC dans la gestion communautaire nous paraît présenter un certain nombre de risques et de limites qu’on peut ainsi résumer :
(i) Le premier est le risque de brouillage institutionnel qui résulte de la superposition du Fokonolona, du Fokontany et du VOI. Le VOI, doté de la personnalité morale, est une source évidente de « lisibilité » pour l’État[82], et elle risque d’être perdue avec la réactivation du Fokonolona.
(ii) Le second est lié à l’impact possible de la création du comité local d’élaboration du PBC (kômity TVI) sur le TGRN. Son succès est incontestable, et le dernier rapport d’évaluation du PBC souligne que le « comité TVI est plus connu par les communautés locales que l’outil [le PBC] en soi » (PAGE/GIZ et Natural Justice 2018). On peut dire que le PBC a, sur ce point, radicalement modifié les règles de gestion locale, puisque le VOI perd une partie évidente de son pouvoir – ce qui ne peut aller sans susciter la réticence de l’administration forestière qui perd le seul interlocuteur que reconnaît normalement la loi. Comme l’exprime le témoignage du Président du VOI Tanteraka à Mariarano dans l’un des rapports de Natural Justice: « L’objectif du protocole communautaire est d’assurer qu’il existe un processus qui évite les décisions imposées d’en haut, mais plutôt que c’est la communauté qui délibère à travers ses assemblées générales et donne son consentement préalable avant de prendre une décision. Cela veut dire que maintenant c’est toute la communauté qui est consultée et non seulement le chef de secteur ou moi en tant que président des VOI (rire) » (Lassen et al. 2018 : 31). Le cercle des décideurs s’en trouve élargi, avec une entité centrale qui « fait office de portier » (gate-keeping function) (Bannister 2004)[83].
(iii) Le troisième risque est indirect, mais bien réel pour les communautés locales : la fuite des opérateurs économiques, du fait des contraintes imposées par la mise en place de PBC dans les sept sites. On peut en effet s’attendre à ce qu’ils changent de zone de collecte, limitant ainsi leurs activités aux sites voisins qui ne sont pas soumis au PBC. Ce risque est d’autant plus présent qu’il y a une augmentation internationale de la demande en huile essentielle de Motrobe[84].
(iv) Enfin, mais c’est assurément une opportunité considérable pour les communautés, le PBC remet en question le principe de la souveraineté permanente de l’État sur ses ressources naturelles[85]. Il vient, en effet, consolider, en en offrant une première application concrète, le pouvoir de donner le consentement « préalable donné en connaissance de cause » qui est reconnu aux « gestionnaires locaux des ressources naturelles » et « détenteurs des connaissances traditionnelles associées à la ressource génétique » par le Décret n°2017-066 du 31 janvier 2017 (art. 12 et 14)[86]. Couplé aux règles en matière de partage des avantages (Morgera 2019), le dispositif de CPCC local (qui inclut normalement un « droit de veto » puisqu’il ne s’agit pas d’une simple participation ou d’une consultation) contribue ainsi à faire avancer le « droit à la souveraineté sur les ressources naturelles » au profit des communautés locales[87], comparable à celui qui tend à être reconnu aux peuples autochtones (Gilbert 2018). Cela correspond d’ailleurs à une revendication forte des communautés paysannes exprimée lors du premier atelier multi-acteurs sur le lancement de l’élaboration du PBC : « avant de penser à entrer dans le processus, nous devons d’abord sentir que nous sommes les détenteurs des ressources et en être protecteurs. Cette appropriation est une des conditions sine qua non pour faire face aux accès et exploitations anarchiques au détriment des ressources[88] ». C’est évidemment une évolution qui est en partie indépendante du PBC de Mariarano et de Betsako, mais dont il montre, à travers un accord librement négocié par plusieurs communautés sans intervention de l’administration centrale, toutes les potentialités subversives du pouvoir de souveraineté permanente de l’État sur ses ressources naturelles.
Conclusion
Haut lieu de la biodiversité, Madagascar est aussi l’un des pays les plus pauvres au monde. Rien d’étonnant alors à ce que l’administration forestière cherche plus que jamais à concilier conservation et valorisation économique de la biodiversité. Les deux outils TGRN et PBC sont analysés comme permettant une telle conciliation. Toutefois, à Mariarano et Betsako, le PBC aurait pu offrir encore plus en permettant la reconnaissance du mode de vie holiste des communautés locales ainsi que la mise en avant de tous leurs droits (dont le droit au territoire et le droit à l’autonomie normative) jugés nécessaires au maintien de leurs « pratiques d’intendance » (stewardship practices) de la biodiversité (Bavikatte 2014). Le fait que le PBC ait été encastré dans le TGRN et la chaîne de valeur Motrobe ne lui a pas permis de s’épanouir en tant qu’outil de protection de « l’intendance traditionnelle ». Réduit à n’être qu’un outil institutionnaliste et économiste dans le cadre de la gestion contractualisée, il s’est d’abord attelé à combler les failles institutionnelles du TGRN, dont en particulier les problèmes de dialogues entre les acteurs autour de la chaîne de valeur.
Malgré les effets positifs apportés par le PBC au TGRN, il a modifié le fonctionnement interne de la communauté locale. Il a ajouté une nouvelle structure (le Kômity TVI) qui a certes servi de pont indéniable pour inclure l’ensemble de la communauté (le Fokonolona) dans le processus décisionnel sur la gestion des ressources, mais au risque d’une fragilisation de la seule structure reconnue légalement par l’administration forestière qu’est le VOI.
D’un autre côté, la mise en place du PBC a apporté un changement de paradigme important : si avec le TGRN, les communautés locales ne sont que des agents sous le contrôle de l’État, le PBC leur permet de revendiquer la souveraineté sur leurs ressources et les savoirs associés. Avec la souveraineté vient nécessairement l’autonomie[89], dont celle, pour les communautés, de s’organiser en toute liberté, c’est-à-dire possiblement hors de toute forme légalement reconnue (commune, coopérative, association, VOI) – une liberté de trop[90] que l’État n’est pas encore prêt à accorder. On le voit bien à travers les discussions menées au sein des ministères compétents sur le choix d’une entité (Fokontany, commune?) aux contours précis et dotée de la personnalité juridique qui aurait compétence, à l’exclusion de toute autre, pour développer des PBC[91]. Manière de garder le contrôle, mais aussi de maintenir un minimum de « lisibilité » pour un État qui, il y a quelques décennies encore, prétendait exercer une forme exclusive de contrôle sur les ressources de son territoire.
Parties annexes
Notes
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[1]
Formule tirée de la préface au Protocole bioculturel communautaire des communautés gardiennes de la biodiversité et détentrices de connaissances traditionnelles de Mariarano, Antanandava, Komany, Ankilahila, Marosakoa, Tsakoambezo, Tsianinkira : « Alors, prenons courage car l’union fait la force; évitons de vivre comme des rats qui engloutissent seuls ce qu’ils voient, mais unissons-nous comme les perdrix, qui boivent ensemble ce qu’il y a à boire, mâchent ensemble ce qu’il y a à manger, se partagent les bénéfices, et remboursent ensemble les dettes à payer ».
- [2]
- [3]
- [4]
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[5]
Les recherches de Manohisoa Rakotondrabe et Fabien Girard ont été effectuées dans le cadre du projet « BioCulturalis », financé par l’Agence Nationale de la Recherche (n° ANR-18-CE03-0003-01 – France) et dirigé par F. Girard. La collecte des données de terrain a été rendue possible grâce à la Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ) GmbH dont Miezaka Razafindralamabo reconnaît ici le soutien. Les auteurs ont contribué à parts égales à la présente recherche. Ma.R a rédigé une première version du texte. Ma.R et Mi.R ont réalisé la collecte des données et les trois auteurs ont réalisé l’analyse des données. Ma.R et F.G. ont réalisé le travail de conceptualisation et de validation des analyses. F.G. a édité le texte.
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[6]
Loi n°095-013 du 9 août 1995 autorisant la ratification de la CDB (J.O. n°2317 du 21 août 1995, p. 1909) et Décret n°95-695 du 3 novembre 1995 portant ratification de la CDB.
-
[7]
Loi n°1996-025 du 30 septembre 1996 relative à la gestion locale des ressources naturelles renouvelables; Gelose est l’abréviation de gestion locale sécurisée.
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[8]
La durée du contrat est d’abord de trois ans, après quoi une évaluation renouvellera ou non le transfert pour une durée de dix ans, elle aussi renouvelable (Pollini et al. 2014; Ramamonjisoa, Rakoto Ramiarantsoa et Casse 2012).
-
[9]
Art. 54 de la Loi Gelose.
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[10]
C’est Posey et Dutfield qui ont les premiers montré le double modèle qui parcourt la Convention sur la diversité biologique (Posey et Dutfield 1996) : i) un modèle néo-libéral, dans lequel les ressources génétiques et les connaissances traditionnelles sont appréhendées dans leur valeur marchande, et que les PACL peuvent échanger sur le marché en contrepartie d’avantages monétaires et non monétaires : ici, les ressources et savoirs transférés aux bioprospecteurs servent à développer de nouvelles technologies pour le bien de l’humanité, tandis que les avantages qui reviennent aux communautés sont censés jouer comme leviers incitatifs à la préservation de la biodiversité, tout en contribuant à leur développement (Bavikatte, Jonas et von Braun 2010; Girard 2019); et ii) un modèle plus holiste plaçant les PACL au centre du projet de préservation et d’usage durable des ressources génétiques et savoirs associés : « Indigenous and traditional peoples frequently view themselves as guardians and stewards of nature. Harmony and equilibrium among components of the cosmos are central concepts in most cosmologies » (Posey 1999 : 4‑5).
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[11]
Pour cela, voir Bannister 2009; Bavikatte 2014; Bavikatte et Bennett 2015; Bavikatte et al. 2010; Brunet 2021; Girard 2019; Girard et Frison 2018; Jonas, Bavikatte et Shrumm 2010.
-
[12]
Sans prétendre à l’exhaustivité, on peut mentionner, au début des années 1990, la consécration de la notion de « paysage culturel » dans la Convention pour la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel (Paris, 1972) (« Révision des Orientations devant guider la mise en oeuvre de la Convention du patrimoine mondial », UNESCO, 14 décembre 1992); le préambule et les articles 8(j) et 10(c) de la CDB; le Caracas Action Plan 1992, adopté lors de la 4e édition du Congrès mondial des parcs de l’UICN (Caracas, 10-21 février 1992) qui aboutit à la modification de la catégorie V des aires protégées de l’UICN (World Congress on National Parks and Protected Areas et al. 1993).
-
[13]
Adopté lors de la COP 10 qui a conduit au Protocole de Nagoya, le Code de conduite éthique Tkarihwaié:ri définit le concept de stewardship ou « d’intendance ou garde traditionnelle » et met en avant la nécessité de garantir le « droit des communautés autochtones et locales de jouir de leur patrimoine culturel et intellectuel, notamment les connaissances, les innovations et les pratiques traditionnelles » (Code de conduite éthique Tkarihwaié:ri propre à assurer le respect du patrimoine culturel et intellectuel des communautés autochtones et locales, UNEP/CBD/COP/DEC/X/42, 27 octobre 2010, para. 5.
-
[14]
Code de conduite éthique Tkarihwaié:ri propre à assurer le respect du patrimoine culturel et intellectuel des communautés autochtones et locales, UNEP/CBD/COP/DEC/X/42, 27 octobre 2010, parag. 20.
-
[15]
Loi n°2013-010 autorisant la ratification du Protocole de Nagoya sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation relative à la CDB.
-
[16]
Les deux premiers objectifs de la CDB étant la conservation et l’utilisation durable des ressources.
-
[17]
Le projet de loi sur l’accès et le partage des avantages (APA) n’ayant toujours pu aboutir, c’est un cadre intérimaire qui a été mis en place avec le Décret n°2017-066 du 31 janvier 2017 portant réglementation de l’accès et du partage des avantages découlant de l’utilisation des ressources génétiques.
-
[18]
Protocole de Nagoya, art. 6, para. 3(f) et art. 7.
-
[19]
Protocole de Nagoya, art. 5, para. 2, art. 6, para. 3(g), et art. 7.
-
[20]
Protocole de Nagoya, art. 12, para. 1.
-
[21]
Protocole de Nagoya, art. 9.3(a).
-
[22]
Programme d’Appui à la gestion de l’environnement (PAGE) (https://www.giz.de/en/downloads/giz2020_fr_page_madagascar.pdf).
-
[23]
Deux autres PBC existent actuellement en plus de ce premier PBC pilote : le PBC des paysans d’Analavory (Région Itasy) et celui d’Ampangalantsary (Région Alaotra Mangoro), tous deux établis dans le cadre d’un projet financé par The Darwin Initiative s’intitulant « Projet de mise en oeuvre mutuelle du Protocole de Nagoya et du Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture » (2015-2018).
-
[24]
L’huile essentielle que l’on produit à partir de cette plante est connue sous le nom commercial « d’huile essentielle de saro » (« saro » étant le diminutif de « mandrava-saro-tra »).
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[25]
Il y a plus de vingt ans, David Mosse avait déjà bien remarqué les deux modèles différents et largement inconciliables qui parcourent la gestion communautaire des ressources naturelles. Le premier, notait-il, « draws on an institutional-economic analysis of local forms of co-operative action (successful and unsuccessful) to derive generalizable principles [...]. Focusing on costs and benefits to individual actors, incentives and penalties, institutional analysis demonstrates the economic rationality of co-operation and the possibility of co-operative equilibrium outcomes from competitive games ». Quant au second, il « emphasizes the force of tradition, social rights, value systems and moral codes in generating and preserving co-operative resources management to ensure, among other things, a minimum food security for community members. Co-operative solutions to common property use derive not so much from individual rationalism as from Scott’s (1976) “moral economy”, or from a “moral conscience” arising from the small community’s need to cope with risk and its collective dependence on local resources, which is often institutionalized in religion, folklore and tradition » (Mosse 1997 : 468‑469).
-
[26]
Les PBC sont inséparables des droits bioculturels, « faisceau » de droits reconnus ou en voie de reconnaissance, proposés par le juriste d’origine indienne Kabir Bavikatte (2014; Bavikatte et Bennett 2015; Girard 2019) pour assurer la défense du rôle des PACL dans la protection de la biodiversité. Le « faisceau » (bundle) ou « panier » (basket) de droits se compose : i) du droit à la terre, au territoire et aux ressources naturelles; ii) du droit à l’autodétermination, entendu principalement ici dans sa dimension « interne », à savoir le droit des communautés à l’autonomie et à s’administrer elles-mêmes; iii) des droits culturels. De manière originale, le faisceau comporte aussi iv) un « devoir d’intendance » qui découle de l’éthique d’intendance (ethic of stewardship) associée aux pratiques, valeurs et modes de vie des populations locales.
-
[27]
Originellement de type patrilinéaire et patriarcal, le Fokonolona unissait, sur un même territoire (Fokontany), « les descendants d’un même ancêtre dont la tombe constitue le pôle mystique où le groupe vient retrouver sa cohésion » (Condominas 1961 : 25). La dimension familiale du Fokonolona s’est ensuite estompée. C’est désormais le rattachement territorial qui est déterminant et qui permet de tenir pour liées les personnes qui obéissent à des règles de vie communes (Delteil 1931 : v‑vi). Le Fokonolona, un temps unité administrative autonome, a perdu la plupart de ses prérogatives en 1994 avec l’avènement de la troisième République. Le nouveau décret n°2004-299 du 3 mars 2004 sur les Fokontany ne reconnaît plus dans le Fokonolona que l’ensemble des habitants du Fokontany. C’est le Fokontany qui, seul, possède la personnalité juridique et est considéré comme « une subdivision administrative de base au niveau de la commune ». Enfin, les VOI sont formés de « tout groupement volontaire d’individus, unis par les mêmes intérêts et obéissant à des règles de vie commune. Ils regroupent, selon le cas, les habitants d’un hameau, d’un village ou d’un groupe de villages » (art. 3 de la Loi Gelose). Il s’agit alors d’une structure locale créée à partir de la Loi Gelose et basée sur le principe du volontariat de la communauté locale. Selon la disposition des ressources naturelles par rapport au terroir et selon le niveau de conscientisation de la population, un VOI peut être constitué par des Fokonolona, par un Fokonolona ou par une partie des Fokonolona. Dans la majeure partie des cas, le VOI est une partie des Fokonolona – car il est rare que tous les membres de la communauté intègrent de plein gré le VOI, d’où les problèmes de légitimité (Pollini et al. 2014) – et recoupe parfois deux ou plusieurs Fokontany. Signalons au passage que la limite du terroir du Fokonolona ne coïncide en général pas avec la limite administrative du Fokontany reconnue selon la législation en vigueur (Andriamananoro et Raheliarivelo 2014 : 5).
-
[28]
Intitulé « Protocole bioculturel communautaire des communautés locales gardiennes de la biodiversité et détentrices de connaissances traditionnelles de Mariarano, Tanandava, Komamy, Ankilahila, Marosakoa, Tsakoambezo et Tsianinkira ».
-
[29]
Il travaille étroitement avec Yves Rocher qui exploite les propriétés de cette plante (http://aromaforest.earth/).
-
[30]
Concrètement, l’utilisation de la ressource (les feuilles et l’huile essentielle produite), ainsi que les savoirs traditionnels associés pour l’industrie pharmaceutique et cosmétique.
-
[31]
À en croire les communautés locales, dans ces deux sites-là, il faut 80 kg de feuilles de Motrobe pour produire un litre d’huile essentielle, contre 100 à 120 kg de feuilles dans les autres sites.
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[32]
Ces personnes ressources concernent le Point Focal National APA à Madagascar ainsi que celui du Traité sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture, d’autres responsables étatiques de l’administration forestière, les équipes techniques de la GIZ, le facilitateur de Natural Justice Madagascar chargé du développement du PBC de Mariarano et de Betsako, ainsi que des deux autres PBC malgaches, les organisations de la société civile dont Tafo Mihaavo (réseau de Fokonolona (communautés locales) gestionnaires des ressources naturelles à Madagascar) et le secteur privé, en particulier Homéopharma et Aroma Forest.
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[33]
Les études préliminaires portaient sur trois filières candidates : le Motrobe, dans la Région Boeny, le Katrafay, présent essentiellement dans la Région Atsimo Andrefana, et l’Aloe macroclada qui est réparti un peu partout dans l’île (GIZ 2015).
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[34]
Regroupement des sept communautés locales concernées ou de leurs représentants pour discuter de sujets déterminés. Il peut avoir lieu soit dans un site au niveau d’une communauté, soit à Majunga (Mahajanga) qui est le chef-lieu de région.
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[35]
Les sept sites du PBC sont concernés.
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[36]
À Mahajanga, chef-lieu de région.
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[37]
Tenue d’une assemblée générale communautaire dans chaque site.
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[38]
Ce comité rassemble deux représentants de chacun des sept sites où le PBC a été établi. Originellement, il a été établi pour faciliter la rédaction du contenu du PBC, puis son rôle s’est étendu à celui de « catalyseur pour amener les communautés à s’approprier des connaissances et des pratiques adéquates pour faire prévaloir leurs droits et promouvoir des avantages plus considérables au profit de la collectivité » (PAGE/GIZ et Natural Justice 2018).
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[39]
Enquête effectuée au niveau de chacun des sites en collaboration avec le comité PBC.
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[40]
Collecte de données sur les grandes lignes du contenu du PBC.
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[41]
Il s’agit en effet d’une première étape car il faudrait que le document soit aussi validé par les responsables régionaux et le Ministère central pour être réellement officiel.
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[42]
Société allemande pour la coopération internationale (il s’agit d’une agence de développement qui a le statut juridique d’une société à responsabilité limitée).
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[43]
Les trois autres domaines d’intervention de la GIZ à Madagascar sont : énergie renouvelable, adaptation aux conséquences du changement climatique sur l’agriculture et décentralisation (https://www.giz.de/en/worldwide/23971.html).
-
[44]
« Access and benefit-sharing (ABS) helps to ensure that value chains contribute to conservation and sustainable use of biodiversity, and ultimately trigger socio-economic development » (voir Biodiversity based value chains, https://www.abs-biotrade.info/).
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[45]
Pour les détails de chaque projet qui touche Madagascar, voir le site Biodiversity Based Value Chains (https://www.abs-biotrade.info/projects/abs-capacity-development/general-information/).
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[46]
En dehors de Madagascar, d’autres pays ont également bénéficié de l’appui de la GIZ à partir de ce triptyque : au Brésil, par exemple, il y a eu le Projet BERACA en partenariat avec L’Oréal (https://cosmeticobs.com/fr/articles/lactualite-des-cosmetiques-7/partenariat-beracalorealgiz-en-foret-amazonienne-1480?page=5); au Mexique, un autre projet en partenariat avec la National Commission for the Knowledge and Use of Biodiversity (CONABIO) (https://www.giz.de/en/worldwide/25701.html).
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[47]
Voir note 28.
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[48]
Il fallait que ce soit dans l’une des quatre régions où la GIZ intervient à Madagascar (GIZ 2020) : Boeny, Atsimo Andrefana, Analamanga et Diana.
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[49]
Komamy, Mariarano, Tanandava et Marosakoa, notamment dans le cadre du Programme germano-malgache de soutien à l’environnement (PGME) (2008-2014) qui précédait le PAGE/GIZ (2015-2020).
-
[50]
En l’occurrence, toutefois, le Ministère ne reconnaît pas encore officiellement le PBC de Mariarano et de Betsako, bien que la direction régionale ait suivi l’ensemble du processus de développement. Le Ministère estime n’avoir pas été suffisamment associé et informé à chaque étape du processus. Cette question est abordée infra.
-
[51]
Les Schémas d’aménagement communaux (SAC) constituent des instruments institutionnels de gestion de l’accès aux ressources en vue d’une planification territoriale du développement. Il s’agit d’« un cadre de référence pour les grandes orientations présentes et futures de développement, d’aménagement et de valorisation du potentiel économique du territoire d’une commune […] dont la finalité est la satisfaction équitable des besoins sociaux et collectifs de la population, la valorisation durable des ressources naturelles, la préservation de la qualité de l’environnement, la réduction au minimum des déséquilibres nuisibles à un développement harmonieux » (MATD 2010 : 1).
-
[52]
Par exemple, la section 3.4 du PAG de Mariarano consacre les différentes zones à gérer et mentionne spécifiquement une zone d’exploitation du Motrobe (VOI Tanteraka 2010 : 23‑24).
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[53]
Ce Décret, certes encore intérimaire puisque dans l’attente d’une Loi-cadre sur l’APA, constitue le cadre juridique établi ayant bénéficié de l’appui technique et financier de la PAGE/GIZ. Les discussions avec le Point focal APA nous ont informé que l’arrêté interministériel d’application vient d’être promulgué (vers le début de l’année 2021) mais le texte n’a pu être consulté.
-
[54]
Comme le Protocole de Nagoya lui-même (art. 2b), le décret couvre « l’utilisation des ressources génétiques », c’est-à-dire les « activités de recherche et de développement sur la composition génétique et/ou biochimique de ressources génétiques, notamment par l’application de la biotechnologie ». La vraie question est de savoir s’il s’agit seulement de produire des huiles essentielles ou si le composé biochimique fait l’objet d’un processus de recherche et de développement (R&D) (Morgera, Tsioumani et Buck 2014 : 65 seq.). La question est hautement politique : pour les utilisateurs de ressources (notamment les firmes internationales), les propriétés et principes actifs du Motrobe ont tous déjà été découverts, et la plante ne fait plus l’objet d’aucune activité de R&D, ce qui l’exclut du champ du Protocole de Nagoya. Pour Madagascar, qui suit ici la position de l’Union africaine, rien ne permet d’exclure que le Motrobe ne permettra pas, à l’avenir, de découvrir de nouvelles propriétés à l’origine de nouvelles applications dans le domaine pharmaceutique, cosmétique et alimentaire. On serait alors toujours dans le périmètre du Protocole de Nagoya. Un modèle de législation très large est fourni par l’Afrique du Sud (voir le chapitre 6 de The National Environmental Management: Biodiversity Act 10 of 2004, tel qu’amendé par le National Environmental Management Laws Amendment Act 14 of 2013). Bien entendu, le PBC a plus largement vocation à s’appliquer à toute demande d’accès portant sur des ressources génétiques et savoirs traditionnels, puisqu’il n’est pas limité au Motrobe.
-
[55]
Entretien avec le Point focal national APA, 13 janvier 2021.
-
[56]
Explication évoquée durant l’entretien : l’État ainsi que les CAL n’ont malheureusement pas les moyens de vérifier et d’assurer la traçabilité des ressources une fois exportées du pays. Mais il faut dire que ce point de vue n’est par exemple pas partagé par l’ex-PFN.
-
[57]
On peut citer en exemple le cas d’une ONG américaine qui travaille depuis 2009 dans les forêts gérées par les VOI de Mariarano. Son autorisation de recherche dans le village vient directement du Ministère central, sans être passée par la direction régionale à Majunga.
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[58]
Voir les travaux de Fremigacci (2014; 2018).
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[59]
La journée de travail d’un salarié agricole est rémunérée 3000 aryarys par jour, ce qui est nettement plus rentable qu’une journée de collecte de motrobe (2000 aryarys).
-
[60]
Généralement de janvier à mai dans la Région Boeny, période coïncidant avec la baisse des précipitations et l’attente des premières récoltes de riz (Rakotondrabe 2014 : 23).
-
[61]
Récit principalement axé sur un lien étroit entre la pauvreté des communautés locales et la dégradation des ressources naturelles. À titre d’exemple, ce récit apparaît bien dans les « Stratégies et plans d’actions nationaux pour la biodiversité 2015-2025 » définies par le Décret n°2016-128 du 23 février 2016 portant adoption de la Stratégie et plans d’actions nationaux pour la biodiversité de Madagascar de 2015-2025.
-
[62]
Un autre facteur de résistance était lié au risque de consolider les pouvoirs de leaders traditionnels (Bérard 2009 : 81).
-
[63]
Lignes directrices facultatives Mo’otz Kuxtal, UNEP/CBD/COP/DEC/XIII/18.
-
[64]
Pourtant, celui-ci est bien visible dans d’autres initiatives au niveau international comme : les « Aires et Territoires du patrimoine et Territoires du patrimoine autochtone et communautaire » (APAC) développés par ICCA Consortium (Kothari et al. 2012; Stevens 2014 : 71); les « Systèmes du Patrimoine agricole d’importance mondiale » (SIPAM) (Harrop 2009; Santilli 2016 : 289‑294); les récentes « Autres mesures efficaces de conservation par zone » discutées à la CDB (Jonas et al. 2014) (https://portals.iucn.org/library/sites/library/files/documents/PATRS-003-Fr.pdf); « The labelling system for biocultural heritage-based products » (Swiderska et al. 2016); « The Traditional Knowledge and Biocultural Labels to address issues of indigenous data sovereignty » (Anderson et Hudson 2020; Liggins et al. 2021).
-
[65]
« PBC des communautés locales gardiennes de la biodiversité et détentrices de connaissances traditionnelles des communautés ».
-
[66]
Une référence clairement empruntée au Consortium APAC « Aires et territoires du patrimoine autochtone et communautaire » (ICCA Consortium), l’un des consortia les plus actifs sur la question de la bioculturalité dont Natural Justice fait partie (https://www.iccaconsortium.org/index.php/fr/mouvement/). À Madagascar, une quinzaine d’APAC ont été identifiés suite au financement de GEF/FGP du réseau national de protection des ressources naturelles Tafo Mihaavo.
-
[67]
Un certain nombre de protocoles communautaires ont été établis hors du cadre du Protocole de Nagoya, par exemple pour la gestion des ressources minières (voir Parks 2017).
-
[68]
Ce récit, très économiste et néo-institutionnaliste, voit dans les règles APA des incitatifs économiques pour amener les communautés à mieux gérer leur environnement naturel. La bioprospection y est vue comme une opération « gagnant-gagnant » (Wynberg et Laird 2009) dans la mesure où les bioprospecteurs maintiennent leur accès aux ressources génétiques du Sud, les communautés locales disposent d’autres sources de revenus et l’État assure à moindre coût la protection de l’environnement.
-
[69]
En malgache : Toko tapaka, vilany mitongilana, izay tsy mety harenina !
-
[70]
Le contrat de transfert de gestion consacre les règles pour assurer une gestion durable des ressources naturelles en régulant leur accès et leur utilisation.
-
[71]
Existant depuis longtemps à Madagascar, le Dina traditionnel, tel qu’il a été perpétué au niveau des communautés locales, a été « instrumentalisé » par l’État dans sa stratégie visant à décentraliser la gestion des ressources naturelles. Dans sa thèse, Bérard a montré les différences entre le Dina traditionnel, qui est un Dina endogène, et le Dina Gelose, influencé par l’État pour servir les objectifs de la décentralisation, et donc en fort décalage avec les modes de régulation locale et coutumière (Bérard 2009). Le Dina comporte des sanctions appelées Vonodina en cas de non-respect.
-
[72]
Le Dina de la Gelose n’est plus un « accord sacré » comme dit Weber (1994), puisqu’il s’agit dès le début de n’en conserver que la dimension « rituelle » pour accroître l’efficacité de la gestion des ressources en régulant l’accès et le prélèvement des ressources (Bérard 2009 : 134).
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[73]
Mauvaise gestion des ressources financières des VOI, détournées à d’autres fins en dehors des activités de l’association.
-
[74]
Le Fihavanana est un lien social à la base de la culture malgache. C’est « un ensemble de règles et de normes qui définissent un code de bonne conduite en société » (Sandron 2008). Il est décrit par Henkels comme « la source traditionnelle primaire de la confiance, caractéristique nécessaire à l’échange réussi. Le fihavanana existe entre les individus liés par le sang. Pour les gens qui n’ont aucun lien de parenté, la confiance naît du fihavanana et renferme une idée de proximité, de solidarité et de cohésion qui crée une parenté fictive entre deux ou plusieurs personnes. La fiabilité des contrats à Madagascar dépend de cette confiance » (Henkels 1999). Il a pour principe la priorité de la paix et de l’union et l’effacement de l’individu au profit du collectif. Il peut alors créer des problèmes pour l’application du Dina car même si chaque membre est censé être responsable égalitairement dans le processus d’application, personne ne souhaite « trahir » un proche ou lui faire encourir des sanctions, même en cas d’infraction aux règles (Andriamalala et Gardner 2010 : 456).
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[75]
Notamment, les jeunes, les femmes, les Sojabe ou aînés du village.
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[76]
Généralement, les membres actifs du VOI appartiennent à une même famille ou lignage, dont le leadership a été le plus souvent accordé à des nouveaux venus, des migrants lettrés, disposant d’un certain niveau d’éducation par rapport au reste de la communauté (Feltz et Andriamandimby 2007 : 94‑95). Cela a conduit à une inversion des rôles au niveau du groupe parce que les représentants des communautés autochtones, dont notamment les autorités locales coutumières (les Sojabe), n’ont pas été impliqués (Feltz et Andriamandimby 2007 : 95).
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[77]
Le PBC a été signé par le chef de région, le chef de district, les maires des communes rurales de Betsako et de Mariarano, la Direction régionale en charge des Forêts, le Cantonnement forestier de Majunga II, les présidents des VOI et les présidents des Fokontany de Mariarano, Marosakoa, Komamy et Tsianinkira.
-
[78]
Notamment en impliquant les autorités administratives locales dont les « chefs de Fokontany ».
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[79]
Dans la plupart des cas, il s’agit de responsables soit de VOI, soit de Fokontany, c’est-à-dire des leaders locaux.
-
[80]
Il faut signaler que cette clause est peu claire. En effet, le texte de réglementation auquel elle fait référence n’existait pas encore au moment de l’établissement de la convention de collecte, notamment les dispositions spécifiques sur les processus d’obtention du consentement ainsi que les modalités de conclusion des conditions convenues d’un commun accord des communautés locales sur l’accès aux ressources génétiques et/ou connaissances traditionnelles associées, permettant aux exploitants de se conformer à la réglementation en matière d’APA. Cela démontre l’architecture juridique de l’APA qui était encore en cours de construction et confirme tous les questionnements de l’application du mécanisme APA à la chaîne de valeur Motrobe, amenant l’administration forestière régionale à renvoyer l’exploitant à un texte hypothétique – une situation pour le moins inconfortable pour les opérateurs privés.
-
[81]
Au cas où le site de collecte ne fait pas l’objet de transfert de gestion, c’est le Fokonolona seul qui contracte avec les entreprises voulant exploiter les ressources.
-
[82]
Sur l’importance de la « textualisation » et de la « lisibilité », notamment dans le contexte des transferts de gestion, voir Brosius, Tsing et Zerner (1998).
-
[83]
Qui peut d’ailleurs s’avérer problématique s’il y a un divorce entre l’entité politique et les autorités qui ont la légitimité sociale pour se prononcer au nom du groupe.
-
[84]
D’après l’un des exportateurs, « la demande est passée de une tonne en 2017 à vingt tonnes en 2018 ».
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[85]
Résolution 1803 (XVII) de l’Assemblée générale des Nations unies le 14 décembre 1962.
-
[86]
Selon l’article 1er du décret, les « gestionnaires locaux des ressources naturelles » s’entendent du « groupement d’habitants qui gère légalement et/ou traditionnellement les ressources objet de demande d’accès et dont le mode de vie présente un intérêt pour la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité ».
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[87]
Il avait été proposé d’introduire un tel droit dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales (Résolution adoptée par le Conseil des Droits de l’homme le 28 septembre 2018, A/HRC/RES/39/12; voir aussi Claeys 2015). La version finale de l’article 5 est d’une portée beaucoup plus limitée : « 1. Les paysans et les autres personnes travaillant dans les zones rurales ont le droit d’avoir accès aux ressources naturelles présentes dans leur communauté dont ils ont besoin pour s’assurer un niveau de vie convenable et de les utiliser d’une manière durable, conformément à l’article 28 de la présente Déclaration. Ils ont également le droit de participer à la gestion de ces ressources ».
-
[88]
C’est ce qu’ont affirmé les représentants des communautés locales des sept sites pilotes (GIZ 2015).
-
[89]
Pour les peuples autochtones, voir la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones (Nations unies, Assemblée générale, Résolution adoptée par l’Assemblée générale le 13 septembre 2007, Soixante et unième session, Point 68 de l’ordre du jour, 2 octobre 2007, A/RES/61/295, art. 4). Pour les communautés locales, la reconnaissance du droit à la « souveraineté alimentaire » (art. 15.4) et du « droit aux semences » (art. 19) dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales constituent des avancées notables dans cette direction (Gilbert 2018; Golay 2016).
-
[90]
Bien qu’elle ne paraisse pas exclue du Décret n°2017-066 du 31 janvier 2017, qui vise, au titre des « gestionnaires locaux des ressources naturelles », les « groupements d’habitants qui gèrent légalement et/ou traditionnellement les ressources objet de demande d’accès », c’est-à-dire à la fois les entités légales comme les VOI (légalement) et les communautés qui ne sont pas organisées en personne morale (traditionnellement).
-
[91]
Communication personnelle, facilitateur Natural Justice, 5 mars 2020.
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