FR :
Dans la province du Fujian (en Chine), les femmes médiums, proches de la tradition taoïste du Lüshan, sont dotées de capacités hors du commun, plus ou moins ineffables. C’est justement ce « plus ou moins ineffable » que l’auteure interroge à plusieurs niveaux : à travers leur « apprentissage » qui est plutôt une ascèse, à travers leur « destin », reconnu par la société, et à propos de la divinité qui les « possède », mot qu’elle remet en cause car elles ont au contraire, selon son observation, à « façonner » cette divinité. En centrant particulièrement cette analyse sur le temps de l’ascèse pendant lequel la divinité est façonnée, au cours duquel le processus de transe — c’est-à-dire de prise de langage — se met en place, l’auteure en vient à poser les questions suivantes : dans ce processus particulier, qui parle et de quel lieu ? Qui est cette divinité présente en soi ? Comment, dans cette période d’énoncé du destin de médium et dans l’ascèse qui le suit, s’opère-il une mise en récit du locuteur à travers certains épisodes de sa vie ? L’ascèse vers la transe apparaît comme l’élaboration de cette limite ténue entre la personne du médium et la folie, c’est-à-dire ces débordements hors du vouloir qui mèneraient vers l’égarement et non pas vers la transe telle qu’elle est reconnue par la coutume. D’autre part, si un modèle de la personne est toujours le corollaire d’un modèle de relations sociales, cette manière d’élaborer une divinité en soi l’est aussi. Dès lors la transe peut apparaître comme une forme de discours métonymique extrême d’expression de la tradition se faisant jour directement à travers la personne.
EN :
In Fujian province (China), women mediums, tied to the Taoist tradition of Lüshan, are gifted with uncommon skills that are more or less indescribable. I examine this “more or less indescribable” element on several levels: through their “apprenticeship”, which is ascetic; through their “destiny”, which is recognized by the society and through the divinity which “possesses” them, a word that the author questions, for, on the contrary, according to her observation, they must “fashion” this divinity themselves. By emphasizing the ascetic period in which the divinity is fashioned, during which the trance process — the choice of language — is set in place, the author arrives at the following questions: in this particular process, who is speaking and from what place? Who is this inner divinity ? How, in this period of stating one’s destiny as a medium, and the asceticism which follows, does there come about a narrativization of the speaker through certain episodes of her life? The asceticism through trance appears as the elaboration of this boundary maintained between the person of the medium and madness, i.e. the uncontrolled behaviour which would lead to distractedness and not to trance, as it is recognized by custom. On the other hand, if the model of the person is always the corollary of the model of social relations, so is this manner of elaborating a divinity within. It follows that trance may appear to be an extreme form of metonymic discourse, an expression of the tradition giving birth to itself directly through the person.