Résumés
Résumé
Cet article porte sur l’« ethnologie diffuse » roumaine, définie, suivant Stocking, comme une nation building ethnology. Le discours ethnologique roumain s’inscrit ainsi, comme c’est le cas pour d’autres « jeunes nations », dans le projet global de construction de la nation. Suivant plutôt le « modèle allemand », la nation roumaine se présente plutôt comme sujet de l’indépendance (du peuple) que comme sujet de la liberté (des citoyens), étant constitutivement « traditionnelle » et « moderne ». Dans ce contexte, le discours ethnologique répond à la nécessité de légitimer cette indépendance du peuple par la valorisation de sa spécificité, ancrée dans la double invention de sa traditionalité et de sa modernité. Le folklore, la philosophie, l’anthropogéographie et la sociologie de la première moitié du XXe siècle sont présentés comme parties de cette ethnologie diffuse. Les transformations subies pendant l’époque communiste sont analysées dans le contexte de la volonté politique de passer du peuple-paysan au peuple-prolétaire, le grand festival national de la « chanson de la Roumanie » servant d’exemple de rupture idéologique, mais aussi de continuité occultée d’habitude par les critiques du communisme. L’analyse s’ouvre sur la période postcommuniste quand, prenant ses distances par rapport au « folklorisme », une anthropologie naissante se met à « dévoiler » ce que les couches successives d’une nation building ethnology ont plutôt caché ou simplement oublié.
Abstract
This article studies Romanian “diffuse” ethnology, defined, after Stocking, as a “nation building ethnology”. As in other “young” nations, Romanian ethnological discourse is circumscribed by the larger project of constructing the nation. Following the German model, the Romanian nation is presented as based on the independence of a people rather than on the liberty of citizens, being both traditional and modem. In this context, ethnological discourse must be seen to legitimate the independence of the people by validating its specificity. This dynamic is anchored in the double invention of tradition and modernity. The author presents folklore, philosophy, anthropogeography and sociology from the first half of the twentieth century as elements of this “diffuse” ethnology. He analyses the changes undergone during the communist period, in the context of the political will to transform the people from peasantry to proletariat. The great national festival “Songs of Romania” serves as an example of ideological rupture but also of continuity, which is usually eclipsed/masked by criticisms of communism. The analysis takes us into the post-communist period when a nascent anthropology, distancing itself from “folklorism”, began to unveil what the successive layers of a “nation building ethnology” had tended to hide or simply forget.