Présentation

Éthique et numérique[Notice]

  • Lionel Alvarez et
  • Samuel Heinzen

La dimension éthique inhérente aux technologies numériques en éducation est rapportée par de nombreux auteurs (Choi, 2016; Downes, 2017; Jandrić et al., 2018). En effet, le numérique est éthique au sens où il peut être compris comme le prolongement de l’action humaine dans le temps et l’espace. Il l’est également en tant que formalisation des activités dans des environnements structurants. Enfin, en tant que médiation incontournable, le numérique modifie l’action humaine ordinaire. Ainsi, l’introduction des technologies en éducation se retrouve sous une charge morale particulièrement intense, qui vient accroître la complexité de sa mise en oeuvre sur le terrain et invite à un pas de recul pour penser et questionner les enjeux à court comme à long terme. Or, comme se questionnait Guay dès 2013, il importe de nous demander si l’école est en mesure d’assumer le bouleversement important qu’impliquent les technologies numériques en éducation. Les études oscillent actuellement entre des perspectives favorables (Karsenti, 2018) et des considérations plus modestes (Wilmer, Sherman et Chein, 2017). Mais qu’en est-il de l’enjeu proprement éthique du numérique en éducation? Pour s’engager dans l’exploration de cette problématique, le présent numéro propose d’approfondir la réflexion autour d’enjeux clefs, tels que l’autonomie autant déontique que numérique, la tension entre la distance et la présence dans la relation pédagogique et, enfin, le rôle déterminant joué par les conditions socioéconomiques. Renaud Hétier, dans son article intitulé « Vulnérabilité et éthique de la présence à l’ère numérique » met en évidence l’importance de la présence interpersonnelle et du lieu d’apprentissage dans un contexte universitaire, en opposition avec l’isolationnisme accru de l’hypercommunication néolibérale. Dans une enquête réalisée auprès de 315 étudiantes et étudiants, répartis sur deux filières, à propos de leur vécu académique durant deux phases de confinement, il démontre l’importance d’une éthique du care, telle que définie par Tronto, dans les conditions générales d’apprentissage. Il en ressort que, bien que la sollicitude soit possible dans la distance, les répondantes et répondants ne parviennent à la vivre pleinement que dans une présence concrète. Jean‑Marc Nolla, dans son article intitulé « Perte de résonance dans l’évaluation des apprentissages en formation à distance : l’apport de l’éthique de la bienveillance et de la responsabilité », s’intéresse plus spécifiquement aux impacts du numérique dans l’enseignement à distance sur le plan des enjeux éthiques de l’évaluation. Si les moyens numériques proposent assurément de nombreux avantages techniques, leur application dans l’évaluation à distance pose l’enjeu de la présence et de la possibilité conséquente d’entrer encore en résonnance – telle que définie par Rosa – dans la relation pédagogique. En interrogeant une dizaine de professeures et professeurs du tertiaire, l’auteur constate qu’il est possible de compenser quelque peu la distance par un investissement bienveillant et conséquent, mais qu’il n’est pas envisageable de restaurer une pleine éthique de la présence dans de telles conditions. Mangawindin Guy Romuald Ouedragogo, dans son article « TIC et inégalités scolaires en lycée et en collège au Burkina Faso », met en évidence la fracture socioéconomique massive qui détermine les conditions d’accès aux technologies et qui, par conséquent, place l’école devant le défi de parvenir à assurer l’égalité de traitement de tous les élèves en matière d’éducation numérique. En s’appuyant sur une expérience de terrain, l’auteur montre que le revenu des parents est décisif dans l’accès au savoir par le numérique. Il aboutit au constat que la technologie comme facilitateur d’accès au savoir devient une barrière, dès lors que l’équité sociale dépend en grande partie de l’égalité scolaire. Lionel Alvarez et Mathieu Payn, dans leur article intitulé « La numérisation de l’école au prisme de la citoyenneté », s’interrogent sur …

Parties annexes